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lundi, 01 septembre 2014

Rêver, tel l'eau-forte

Drôle de rêve, dont la présence irréelle se prolonge au-delà du réveil, troublant l’esprit. Tous ceux que le vieillissement a déjà vaincus, rendus visibles, palpables, presque, dans l’image de deux vieillards malicieux qui murmuraient en contemplant le sol : « vieillir, c’est survivre à tout, tout ce qui nous arrive, jusqu’à un certain point.  Et ce point où la résistance se défait, se désorganise, nous ne savons pas, nous ne savons ni où ni quand il commence, nous ne savons rien,  sinon qu’il nous sera un jour fatal. ».

Et autour de ces hommes assis sur un banc se déployait un paysage connu, mais d’où ? mais quand ? Ce qui me reste de ce paysage n’est qu’une impression mêlée de permanence et d’irréalité, telle la morsure de l’acide sur le métal, puis le dépôt de l’encre sur la feuille, le souvenir d’un coin de rues davantage qu’un coin de rues véritable, pour tout dire, aussi  trafiqué qu’une eau-forte encadrée au salon par l'alerte mémoire.

Résister, s’éloigner, dans un même geste irrésistible, et plus l’on résiste plus l’éloignement se fait vif, et plus l’on s’éloigne, plus la résistance devient têtue : c’était cela, vieillir, dans ce rêve, une contagion des deux mouvements opposés, donnant vie à quelques reliefs linéaires peu à peu figés pour former corps, vigilants et déteints dans le souvenir dont je gardais encore quelques bribes au matin.

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Kurt Peiser, Trimardeurs  Gravure eau-forte, 1932

08:13 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : vieillir, littérature, rêve | | |

vendredi, 29 août 2014

A la forêt de Białowieża

La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles 

(Baudelaire) 

 

Les  voici pour de vif, ces géants, ces piliers,

Soutenant sur nos fronts le toit vide de tuiles

D’un chœur immense et vert, que nous n’aurons pillé

Que d’un regard furtif, quand nous passions en file !

 

Une lueur fragile vaque en ses replis sombres :

C’est le mystère tu d’un opéra perdu

Que la forêt recueille et célèbre dans l’ombre,

A perte de nos pas, sur un tapis moussu.

 

Initié séculaire au mal que sont les hommes,

Devant nous le galop du bison s’est figé,

Craintif et courroucé par l’intrus que nous sommes.

 

Hirsute et rescapé, ce lointain frère hésite 

Devant  le songe hagard de notre humanité

Et doute, l’œil inquiet,  du temple qui l'abrite.

 

Roland Thévenet, août 2014

 

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00:12 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : białowieża, poèmes, littérature, bisons | | |

jeudi, 07 août 2014

Elizabeth

Ceux qui liront à présent ces lettres ne sauront rien d’Elizabeth. Comment le pourraient-ils ? Depuis des siècles, les survivants murmurent qu’elle dort dans la forêt. On murmure qu’elle dort, mais chacun sait bien que depuis longtemps elle n’est plus là. Ni son âme, ni son esprit, ni même son corps fondu à même l’humus. Elizabeth s’est éclipsée dans l’humidité des lieux, devenue à l'évocation chuchotée même de son nom (« Elizabeth, Elizabeth… ») l’absente de tous bouquets, si méthodiquement chère à Mallarmé.

Seule demeure l’inscription, l’inscription juste pour toute demeure. Sens même de toute tombe. Les empattements des lettres qu’on prit soin de creuser dans la pierre, signes certains de la probable distinction d’Elizabeth : On ? Quelque artisan de la fin du dix-huitième - du beau travail que les ans ne purent émousser, comme si cette page tombale était sacrée aussi devant ce qu’elle-même de son vivant crut de l’Eternel, et qui emporta aussi un jour l’artisan, laissant son œuvre sans nom, comme le nom d’Elizabeth restait sans visage.

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Dans cette infime portion de la forêt se lit la trace d’Elisabeth – trace seule, et nous ne pourrions dire d’elle davantage que la pierre moussue elle-même ne dit. Il nous faut quitter les lieux, où les mots de la mémoire survivent, comme irréels face au grand trouble de l’oubli. C’est ce trouble que nous emportons dans le creuset de nos poumons, comme un parfum mêlé de vérités indicibles et de mensonges répétés de soupirs en prières à travers le rut des générations.

 

« Il faut laisser dormir les morts », disent pompeusement ceux qui ignorent qu’ils ne dorment jamais. Ils attendent, les morts.  Ils prolongent, plus exactement, notre attente et sont prolongement, quand nous ne sommes qu’attente. C’est ce que signifie au fond l’inscription de toute tombe, ce qui suinte de leurs épitaphes, leur âme. Leur âme, qui est bien le philtre conducteur de toute religion.

00:04 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, poésie, religion, tombe, épitaphe, sépulcre | | |

mardi, 22 juillet 2014

Il pleut des humains

La mort sur les écrans, comme une réalité falsifiée. Ce témoignage effrayant d’une ukrainienne, témoin du crash du MH17, et qui ailleurs, dans un autre texte, serait d’une redoutable poésie, d’une redoutable beauté, d’une redoutable efficacité : « il pleuvait des humains ». Invraisemblables, inconcevables, et pourtant frappant l’être pour dire une réalité bouleversant jusqu’aux entrailles, ces quelques mots s’échappaient des lèvres de cette femme simple, comme ils auraient chu de celles de saint  Jean de Patmos. Autour de ces dépouilles recueillies dans des sacs en plastique et amassées dans un wagon réfrigéré, les Dirigeants du désastre jouent leur partie d’intimidation : et voilà des anonymes devenus otages de cette diabolique partie d’échec entre des puissances politiques dont on ne peut, ni d’un côté ni de l’autre, imaginer toute la corruption. Et du coup, ils semblent aussi, les Obama, les Hollande, les Poutine, faire partie de cette chute, entrer dans le ballet de cette déchéance, entraînant avec eux tout le reste, tous les autres, il pleut, oui, il pleut des humains. Partout.

Ailleurs, c’est à Gaza. Des obus trouent le sommeil de gamins pour les déchiqueter dans leurs lits, des quartiers entiers sont rasés, et ces mêmes dirigeants croient qu’il suffit de témoigner de leur émotion pour que tout rentre dans l’ordre, que la chair n’aura pas de mémoire, et qu’ils n’auront de compte à rendre à rien ni à personne, tant leurs électeurs sont effectivement amnésiques. Mais les Netanyahu et les Mahmoud Abbas et les Khaled Mechaal aussi font partie de ces hommes qui tombent, regarde les ces dirigeants, et cette pluie, et ce gouffre dans lequel ils entraînent leurs peuples, au fil de cette guerre qu’ils se refilent comme une boule de poison, de générations en générations.

On parle des morts sans plus se rendre compte de ce qu’on en dit. Un journaliste expliquant tout à l’heure la raison pour laquelle deux ministres français se sont déplacés dans l’Aube suite à l’accident d’un minibus et la mort de quatre enfants et deux adultes  [c’est vrai, après tout, ce ne sont pas des soldats qui sont morts, et la responsabilité de l’Etat n’est nullement engagée : que venaient-ils foutre là, les ministres, sinon pleuvoir eux aussi comme tous les autres ? ], le journaliste donc, déclara : avec quatre enfants, le curseur est placé très haut et les ministres devaient se déplacer… Et le journaliste aussi se mit à pleuvoir, et il chut sans fin lui aussi parmi tous les autres dans ce vide de tout qu’il répandait autour de lui-même, car à force de dire n’importe quoi, on devient n’importe quoi.

 

Il pleut des humains, et nous ne savons plus nous-mêmes, entraînés par l’orage, si nous faisons partie de cette averse ou si seulement nous en recevons l’horreur et la peine sur le front.  Et au cœur de cette tornade glacée, nous nous disons chacun, le cœur anxieux (à moins d’être un idiot achevé) : comment ne pas tomber ? Il pleut des humains, oui madame, comme cela est bien dit. Et cette pluie anesthésie en nous tout itinéraire tracé, tant nous nous sentons fine goutte, et impuissante et qu’un rien évaporerait même si c’est vrai que nos cœurs avant d’être de furieux grêlons furent eau de source, eau non falsifiée, et que de toutes ses forces il s'en souvient.

23:17 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, mh17, gaza, aube, saint jean, patmos, apocalypse | | |

lundi, 14 juillet 2014

Vacuité du 14 juillet

La collusion entre le stade et le défilé militaire ne conduit qu’à la guerre,

La guerre, que les politiciens qui la célèbrent cachent déjà entre leurs mains veineuses,

Que les financiers véreux affectionnent et appellent de leurs vœux :

 

Mais Dieu ! les peuples, que trouvent-ils de si beau à ces liesses collectives du stade et du défilé ?

Simulations spectaculaires, qui soulèvent l’entrain infirme des masses :

L’entrain, pas la joie ; la doctrine, pas le chemin.

 

Rien, donc, rien, à attendre, rien, de la vérole politicienne.

Rien, de la servilité démocratique,

Que la fureur des missiles, pointés sur les maisons.

 

L’exploit le plus significatif et seul respectable demeure celui du solitaire levant les obstacles au fil de sa route

Un cœur se faufilant encore entre des haies pour chanter une longue histoire,

Celle qui l’a conduit ici, d’hier jusqu’à demain. 

 

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Jean Metzinger, Cycliste

 

07:57 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, quatorze juillet | | |

mardi, 03 juin 2014

Vichy était petit

à Philippe Nauher, avec une amicale complicité

Vichy s’est imperceptiblement envasé dans les entrailles des époques ordinaires. Là, elle ne palpite encore qu’à peine, avec ses demi-pressions à 4Є 30 rue Lucas, fantomatique épave, échouée à moitié vive en ce siècle que la consommation livre à l’amnésie. Quelques solitaires s’y égarent. Sous la promenade couverte du parc des Sources, leurs pas seuls animent la galerie jadis festive et jadis impériale, qui peut le croire encore ? Car à longer ces colonnes de fer moroses par ces temps uniformisés, on perçoit confusément que le destin de Vichy ne peut que rejoindre l’essence même de l’ordinaire, jusqu’à s’y morfondre, s’y confondre, pour toujours, dirait-on. Ici-même, oui, bien plus qu’en n’importe quelle autre ville de France.

Les vitrines de Vichy jettent au visage des passants attentionnés qui les longent tout ce que la province des années soixante-dix et quatre-vingts exhibait de plus parisien, alors elle s’exprimait encore en Excoffon pour crier son tout dernier chic tout en en swinguant. Ses  passages couverts, illustres du temps de Napoléon III, ne sont plus que le prétexte d’une flânerie lunaire, qu’enrichit infiniment leur désolation. La plupart des commerces sont déserts. Les uns ont fermé - rideaux de fer, moellons – et, sur les avenues, recyclés en restaurants du monde (indiens, marocains, italiens), d’autres accueillent les touristes venus participer à des tournois de scrabble ou des congrès de voyance & divination. Des banques. Beaucoup d’agences immobilières.

Le promeneur attentif, au vu de leur grand nombre, pourrait s’imaginer que la ville est désormais  à vendre. Villas, appartements, longères, demeures, tout passe, tout fait son temps, même ce charme aussi désuet que confortable d’une vie bourgeoise à l’érudition provinciale, à l’ennui assumé, que les notables de l’élite mondialisée, en le délaissant, ont livré à la braderie technologique des sans humeurs. A VENDRE donc à qui veut, à qui peut, et pour pas cher le m2, renchérirait le bateleur sûr de son coup, au vu des tarifs qui se pratiquent partout ailleurs, même dans les pires banlieues des violentes métropoles multiculturelles, connectées et polluées.  Pour pas cher, respire donc cet air et cette allure, ce parfum d’antan – te dis-tu, en marchant dans l’autrefois des fenêtres closes– l’œil levé en direction de leurs garde-corps, si élégamment ouvragés. Forger le fer au plus raffiné du détail, le détail au plus proche du besoin. Ah, ces fières demeures en pierres, l’esthétique encore fidèles aux règles d’or de Soufflot, malgré les fioritures qui leur pèsent.

Songes-tu un instant à l’intrusion soudaine des temps extraordinaires qui marquèrent pour quelques années cet espace autour de nous, d’un fer autrement rouge et brûlant ? Oui je songe : Quel tour prit donc ce Vichy des années de fièvre et de douleur, lesquelles étendirent leur trace de sang et de suie jusqu’aux confins les plus hivernaux de l’Europe ? Ceux qui peuplèrent ces palaces art Nouveau transformés en garnisons et ministères, ceux dont les semelles battirent les parquets et les pavés, qu’ils fussent soldats ou fonctionnaires, du Reich allemand ou de l’Etat français : qu’en demeure-t-il ? Ceux qui s’assirent en grappes exaltées pour s’emplir l’esprit des colonnes de leurs journaux, aux terrasses de ces brasseries, du militaire au journaliste, du parlementaire au soldat, de l’ambassadeur au badaud, de l’anonyme quidam vichyssois soudainement égaré sur son sol natal parmi une foule d’inconnus, enfin, jusqu’au collabo cynique et fraichement  débarqué de Paris ? Oui, je songe.

« Vichy était petit », écrivit Emmanuel Bove en 1945 (1) La ville l’est encore, à l'heure du monde ouvert. On y tourne donc en rond, toujours aussi hypnotiquement. Elle n’abrite plus les mêmes luttes, les mêmes terreurs ni les mêmes plaisirs, les mêmes espoirs ni les mêmes enjeux, rien n’y semble pour autant résolu. La crise économique s’y dévoile, comme naguère la collaboration. L’une se vautre, partout tristement perceptible ; le spectre de l’autre y plane, confusément déchiffrable dans le calme douteux qui flotte dans les rues, le murmure des  disparus qui les imprègnent.

 

(1)    (1) Emmanuel Bove, Le Piège, Flammarion  

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Vichy, parc des Sources

dimanche, 11 mai 2014

Nuel, Houdaer, bref et fictif Réel

Jean Jacques Nuel  a connu le temps des « menus larcins », et le raconte dans Le Mouton Noir, un recueil de textes courts publié chez Passage d’Encres. Il m’en cause un peu autour d’une bière dans un café de la rue Aimé Boussange à la Croix-Rousse. Le Mouton Noir, c’est le texte liminaire, celui-ci qui donne la clé (et le titre aussi) du bref recueil. Nuel s’y dépeint  naguère  également rejeté, et par les poètes et par les prosateurs, devenu fervent amateur de textes courts. A un moment, la conversation tourne autour du catholicisme, et il me parle de sa lecture de Jouhandeau. Même si ça ne saute pas aux yeux de prime abord, je me dis qu’il doit y avoir un lointain rapport de filiation entre les paragraphes mordants de Chaminadour et les siens, vifs et pince-sans-rire.

Une sorte de posture à mi chemin entre Réel et fiction, une technique de croquis qui hésite entre personne et personnage. A la page 24 du recueil, par exemple, Nuel raconte qu'il retrouve un de ses copains, Houdaer, en train d’écrire dans un café de la Guillotière nommé Court-Circuit un poème nommé Court-Circuit, et qu'au lieu de se retrouver dans un café, ils ont failli se retrouver dans une fiction. C’est d'ailleurs un trait commun entre les deux, cette envie instinctive de faire se joindre ce qui se passe et ce qui s'écrit, à la crête de leurs brèves lignes.

Ne se souvient-on pas que Nuel a édité Houdaer, l’an passé ? Enfin pas lui, mais son recueil Fire Notice, dans lequel il est question de ne pas imposer sa vision du monde, mais plutôt des effets de surprises. Et c’est marrant (en guise de surprise) parce que le lendemain même de ma rencontre avec Nuel, je tombe nez à nez à la sortie du Carrefour City de la rue du Mail sur Houdaer. Toujours à la Croix-Rousse, mon fief de plus en plus. Il est pressé, moi aussi, mais on se promet de se revoir un de ces jours. L’art du bref, dans toute sa curieuse véracité. Avec tout ça, je ne sais plus bien si j'étais en train de lire une page de Nuel ou bien  d'Houdaer. C'est pour ça que je parle des deux.

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Nuel et Houdaer à un cabaret poétique du Périscope

A lire 

Le Mouton Noir, Jean-Jacques Nuel, Passage d'encres. Son blog, L'Annexe, ICI

Fire Notice, Frédérick Houdaer, Le pont du Change. Son blog, Branloire Perenne, ICI

samedi, 03 mai 2014

Du renard et de ses enfants

Il n’avait rien à dire, sinon que le monde lui avait échappé à force de répéter les mêmes formules. Il ne reconnaissait plus vraiment sa ville, son pays, son continent, son monde. Bientôt, plus rien de tout cela ne serait lui, à lui, pour lui. Son esprit, qui s’évadait le plus souvent à son insu, lui ouvrait des trajectoires insoupçonnées jusqu’alors. Par exemple, que ce qu’il avait toujours cru changeant ne l’était au fond pas tant que ça, et qu’il ne servait à rien de briser sa parole et ses forces contre le mouvement dominant du monde, quand bien même le haïrait-il.

Plutôt demeurer sur un banc de la place, à contempler les pigeons piétinant le sable devant la statue. Quelques oisifs rayons de mai balayaient parfois ses avant-bras, en-dessous de ses manches de chemise retroussées, puis s’éclipsaient de nouveau par-derrière de menaçants nuages. Menaçants de quoi ? se murmurait-il aussitôt. Il avait toujours aimé ces gouttes chaudes et furtives qui ne faisaient, comme eux, que passer, le temps d’une ondée – pas de quoi en trimbaler un parapluie toute la journée, non, vraiment !

Le monde continuait de tonner : pas de quoi, non plus, se fendre d’un billet pour les journaux du soir. Les journaux ne protègent de rien. Et si une guerre devait pour de bon advenir, de quoi auraient-ils tous besoin d’être informés ? Or dist li contes, c’est toujours la même prophétie qui déambule par-dessus nos crânes, avec un air de déjà-vu ou de déjà-dit, certes, et un p’tit quelque chose de spécial ou de nouveau, mais c’est toujours le même piège qui captiva jadis la patte du renard, et today celle de ses enfants. 

Un vieux clochard passe devant lui, traînant la sandale. Entre le sec et l'humide, le soir s'installe, à peine mouillé.

 

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mercredi, 29 janvier 2014

Lieux lus, traversés, habités...

Tours, dans laquelle je n’ai jamais mis les pieds autrement qu’en suivant la phrase de Balzac, et ainsi Guérande, et ainsi Saumur.  Dublin, que ne connais que par Joyce, et New York, par Dos Passos ou Kerouac. Je me souviens de ma déception à Illiers ou Venise, oui, même Venise. Ne m’y attendaient ni Rousseau, ni Byron, ni Chateaubriand, ni Proust mais juste la police italienne qui empêchait les jeunes routards de dormir dans les parcs. Par bonheur il y eut Wien, que j’écris à l’autrichienne parce que ces linéales rouges sur la pancarte beige des wagons verts sombres d’autrefois faisaient bouger je ne sais quoi dans mon rêve, et puis je n’avais pas encore lu Zweig et Vienne demeurait une page entièrement blanche. Lorsque j’y débarquais, je n’avais rien à y faire – dépenser un maigre pécule accumulé en travaillant comme garçon de bureau en France – je respirais ma solitude et goûtais les charmes de ma naissance trop tardive dans ces rues comme hantées par des dimensions déjà perdues. Il y eut le parc de Schönbrunn. Ceux qui s’inquiétaient pour moi alors sur Terre sont partis un à un, depuis. Je leur dois quelques grains d’un chapelet qu’ils m’ont laissé à dire pour leur repos devant leurs tombes, avant de larguer à mon tour les amarres en partance pour le grand voyage. Car je faisais semblant alors avec mon sac en toile. D’Amsterdam, de Copenhague, d’Istanbul, de toutes ces destinations pointées sur mes cartes d’alors, je suis revenu. Eux qui sans me juger haussaient les épaules, et qui étaient de rudes terriens n’ayant jamais trop quitté leur pré, eux, sont partis pour de bon.

 

A présent, ils se confondent dans mon esprit, ces lieux lus et ces lieux visités, formant ensemble comme des espace indéterminés, qui dans ma mémoire, qui dans mon imaginaire, et différents des lieux dont j’ai perdu le rêve pour les avoir vraiment habités, et marqués de toute ma lourdeur, du sceau du toujours décevant Réel.

00:34 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : saumur, tours, venise, wien, lieux, littérature, habitat | | |