lundi, 01 septembre 2014
Rêver, tel l'eau-forte
Drôle de rêve, dont la présence irréelle se prolonge au-delà du réveil, troublant l’esprit. Tous ceux que le vieillissement a déjà vaincus, rendus visibles, palpables, presque, dans l’image de deux vieillards malicieux qui murmuraient en contemplant le sol : « vieillir, c’est survivre à tout, tout ce qui nous arrive, jusqu’à un certain point. Et ce point où la résistance se défait, se désorganise, nous ne savons pas, nous ne savons ni où ni quand il commence, nous ne savons rien, sinon qu’il nous sera un jour fatal. ».
Et autour de ces hommes assis sur un banc se déployait un paysage connu, mais d’où ? mais quand ? Ce qui me reste de ce paysage n’est qu’une impression mêlée de permanence et d’irréalité, telle la morsure de l’acide sur le métal, puis le dépôt de l’encre sur la feuille, le souvenir d’un coin de rues davantage qu’un coin de rues véritable, pour tout dire, aussi trafiqué qu’une eau-forte encadrée au salon par l'alerte mémoire.
Résister, s’éloigner, dans un même geste irrésistible, et plus l’on résiste plus l’éloignement se fait vif, et plus l’on s’éloigne, plus la résistance devient têtue : c’était cela, vieillir, dans ce rêve, une contagion des deux mouvements opposés, donnant vie à quelques reliefs linéaires peu à peu figés pour former corps, vigilants et déteints dans le souvenir dont je gardais encore quelques bribes au matin.
Kurt Peiser, Trimardeurs Gravure eau-forte, 1932
08:13 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : vieillir, littérature, rêve |
Commentaires
Magnifique texte.
Écrit par : Michèle | lundi, 01 septembre 2014
Très très joli, oui...
Écrit par : Sophie K. | mercredi, 03 septembre 2014
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