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samedi, 03 mai 2014

Du renard et de ses enfants

Il n’avait rien à dire, sinon que le monde lui avait échappé à force de répéter les mêmes formules. Il ne reconnaissait plus vraiment sa ville, son pays, son continent, son monde. Bientôt, plus rien de tout cela ne serait lui, à lui, pour lui. Son esprit, qui s’évadait le plus souvent à son insu, lui ouvrait des trajectoires insoupçonnées jusqu’alors. Par exemple, que ce qu’il avait toujours cru changeant ne l’était au fond pas tant que ça, et qu’il ne servait à rien de briser sa parole et ses forces contre le mouvement dominant du monde, quand bien même le haïrait-il.

Plutôt demeurer sur un banc de la place, à contempler les pigeons piétinant le sable devant la statue. Quelques oisifs rayons de mai balayaient parfois ses avant-bras, en-dessous de ses manches de chemise retroussées, puis s’éclipsaient de nouveau par-derrière de menaçants nuages. Menaçants de quoi ? se murmurait-il aussitôt. Il avait toujours aimé ces gouttes chaudes et furtives qui ne faisaient, comme eux, que passer, le temps d’une ondée – pas de quoi en trimbaler un parapluie toute la journée, non, vraiment !

Le monde continuait de tonner : pas de quoi, non plus, se fendre d’un billet pour les journaux du soir. Les journaux ne protègent de rien. Et si une guerre devait pour de bon advenir, de quoi auraient-ils tous besoin d’être informés ? Or dist li contes, c’est toujours la même prophétie qui déambule par-dessus nos crânes, avec un air de déjà-vu ou de déjà-dit, certes, et un p’tit quelque chose de spécial ou de nouveau, mais c’est toujours le même piège qui captiva jadis la patte du renard, et today celle de ses enfants. 

Un vieux clochard passe devant lui, traînant la sandale. Entre le sec et l'humide, le soir s'installe, à peine mouillé.

 

00:57 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | | |

Commentaires

Et pourtant le renard, dans le portrait fondateur qu'en fit Conrad Gesner dans son "Historia animalium" de 1551, incarne la ruse. "Bien assis sur son arrière-train, pattes avant raidies, pattes arrière prêtes à se détendre tel un ressort, oreilles dressées et poils hérissés tout le long du dos. Sa face énigmatique et grimaçante, aux cils hérissés et au sourire moqueur finissant en pointe dans l'épanouissement de la moustache, semble dire : "Regarde-moi bien, et dis-moi si tu as jamais vu quelque chose d'aussi futé." :)

Écrit par : Michèle | dimanche, 04 mai 2014

Hélas plus futéss que les vieux renards, la médiatisation, la propagation, la technologie des guerres modernes...

Écrit par : solko | dimanche, 04 mai 2014

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