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mardi, 22 juillet 2014

Il pleut des humains

La mort sur les écrans, comme une réalité falsifiée. Ce témoignage effrayant d’une ukrainienne, témoin du crash du MH17, et qui ailleurs, dans un autre texte, serait d’une redoutable poésie, d’une redoutable beauté, d’une redoutable efficacité : « il pleuvait des humains ». Invraisemblables, inconcevables, et pourtant frappant l’être pour dire une réalité bouleversant jusqu’aux entrailles, ces quelques mots s’échappaient des lèvres de cette femme simple, comme ils auraient chu de celles de saint  Jean de Patmos. Autour de ces dépouilles recueillies dans des sacs en plastique et amassées dans un wagon réfrigéré, les Dirigeants du désastre jouent leur partie d’intimidation : et voilà des anonymes devenus otages de cette diabolique partie d’échec entre des puissances politiques dont on ne peut, ni d’un côté ni de l’autre, imaginer toute la corruption. Et du coup, ils semblent aussi, les Obama, les Hollande, les Poutine, faire partie de cette chute, entrer dans le ballet de cette déchéance, entraînant avec eux tout le reste, tous les autres, il pleut, oui, il pleut des humains. Partout.

Ailleurs, c’est à Gaza. Des obus trouent le sommeil de gamins pour les déchiqueter dans leurs lits, des quartiers entiers sont rasés, et ces mêmes dirigeants croient qu’il suffit de témoigner de leur émotion pour que tout rentre dans l’ordre, que la chair n’aura pas de mémoire, et qu’ils n’auront de compte à rendre à rien ni à personne, tant leurs électeurs sont effectivement amnésiques. Mais les Netanyahu et les Mahmoud Abbas et les Khaled Mechaal aussi font partie de ces hommes qui tombent, regarde les ces dirigeants, et cette pluie, et ce gouffre dans lequel ils entraînent leurs peuples, au fil de cette guerre qu’ils se refilent comme une boule de poison, de générations en générations.

On parle des morts sans plus se rendre compte de ce qu’on en dit. Un journaliste expliquant tout à l’heure la raison pour laquelle deux ministres français se sont déplacés dans l’Aube suite à l’accident d’un minibus et la mort de quatre enfants et deux adultes  [c’est vrai, après tout, ce ne sont pas des soldats qui sont morts, et la responsabilité de l’Etat n’est nullement engagée : que venaient-ils foutre là, les ministres, sinon pleuvoir eux aussi comme tous les autres ? ], le journaliste donc, déclara : avec quatre enfants, le curseur est placé très haut et les ministres devaient se déplacer… Et le journaliste aussi se mit à pleuvoir, et il chut sans fin lui aussi parmi tous les autres dans ce vide de tout qu’il répandait autour de lui-même, car à force de dire n’importe quoi, on devient n’importe quoi.

 

Il pleut des humains, et nous ne savons plus nous-mêmes, entraînés par l’orage, si nous faisons partie de cette averse ou si seulement nous en recevons l’horreur et la peine sur le front.  Et au cœur de cette tornade glacée, nous nous disons chacun, le cœur anxieux (à moins d’être un idiot achevé) : comment ne pas tomber ? Il pleut des humains, oui madame, comme cela est bien dit. Et cette pluie anesthésie en nous tout itinéraire tracé, tant nous nous sentons fine goutte, et impuissante et qu’un rien évaporerait même si c’est vrai que nos cœurs avant d’être de furieux grêlons furent eau de source, eau non falsifiée, et que de toutes ses forces il s'en souvient.

23:17 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, mh17, gaza, aube, saint jean, patmos, apocalypse | | |

Commentaires

Merci, Solko, pour ce texte.

Écrit par : Michèle | mercredi, 23 juillet 2014

Merci pour votre visite. Et bel été à vous.

Écrit par : solko | mercredi, 23 juillet 2014

Billet dans lequel vous mettez votre talent au service d'une compassion lucide, exempte des imprécations orientées contre les im-puissants du monde....j'avais noté ce " Il pleuvait des humains" , je suis persuadé que cette femme simple était consciente de sa métaphore. La poésie n'appartient à personne ...la barbarie fait partie du genre humain . Est ce un dommage collatéral dans la recherche infinie de la "pierre philosophale" selon Jung ?

Écrit par : patrick verroust | mercredi, 23 juillet 2014

Ah, Patrick, je sais que vous n'aimez pas ce que vous appelez des "imprécations". Mais le polémique est un genre littéraire et poétique, au même titre que le lyrisme. La clique à Hollande, Valls et Taubira, et leur ridicule "révolution sémantique" mérite bien plus que des imprécations ! Mais comme le disait Flaubert, "la haine de la littérature est la chose la mieux partagée au monde", en tous cas par les membres de tous les gouvernements sans talent, celui-ci au premier chef!

Écrit par : Solko | mercredi, 23 juillet 2014

Il est très beau ce billet. Le dernier paragraphe est magnifique.

Écrit par : Sophie | mercredi, 23 juillet 2014

C'est des deux pattes que je signe votre commentaire, Solko.
Avec cette réserve de taille toutefois : le gouvernement actuel de la république de France a du talent. Pour enfumer les faibles d'esprit, c'est-à dire, stricto sensu, pour gouverner

Écrit par : Bertrand | jeudi, 24 juillet 2014

En même temps, au vu des sondages constants depuis deux ans, cette gauche prend - à vitesse plus importante encore - le même chemin de désamour que la droite : ils ont du talent (du pognon, surtout) pour se faire élire. Gouverner est une autre histoire !

Écrit par : solko | jeudi, 24 juillet 2014

Je lisais, il y a peu, Mélenchon déclarant que Marine Le Pen "avait du talent".
Les mots ont la vertu de démaquer. Car on peut dire d'un écrivain, d'un artiste, d'un acteur d'une représentation artistique qu'il a du talent.
Qu'il sait rendre sensible un rôle.
On ne peut le dire d'un politique sauf à avouer en filigrane que la politique est une représentation du réel, un jeu d'acteur, une fiction.
La vie qu'elle prétend légiférer, elle, n'est pas une repésentation.

Dire qu'un politique a du talent est donc un non-sens qui donne tout son sens au débat politique.
Sans quoi un homme élu à plus de 50 pour cent par ces couillons d'électeurs - de gauche, de droite, du centre et de n'importe quoi - - ne se verrait pas crédité de 18 pour cent deux ans après...
De même, une politique battue ne se verrait pas revenir au pouvoir cinq ans après sa défaite.

Écrit par : Bertrand | jeudi, 24 juillet 2014

"Chapeau l'artiste..."
C'était la UNE de Libération, pour la réélection de Mitterrand... en 1988...

Écrit par : solko | jeudi, 24 juillet 2014

Ah bon ?

Écrit par : Bertrand | jeudi, 24 juillet 2014

Eh oui ! Cela m'avait marqué. C'était l'époque où l'artiste engagé, du genre Balavoine chez Anne Sinclair, se substituait à l'intellectuel engagé, et où la gauche, vidée de tout son corpus idéologique, trouvait son style qui consacra plus tard le "bobo", ce mélange de fausse tolérance décontractée, de libéralisme intégral,de libertarisme narcissique, que JCMichea mit en lumière une décennie plus tard.C'était la décennie du "fric facile", que j'ai traversée pour ma part sans un sou, celle de la forme facile, aussi, et le commencement du grand bradage culturel dans les talkshow de merde à la télé sous la houlette du puant Lang !

La photo ici
http://unes.liberation.fr/detail.cfm?idpicture=213936106

(ce n'était pas chapeau, mais bravo... Et le commentaire éclairant : "c'est reparti pour un tour"...

Écrit par : solko | jeudi, 24 juillet 2014

Les commentaires sont fermés.