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vendredi, 25 juillet 2014

Lever le pouce et dormir à la belle

Impression d’avoir juste perçu les derniers arômes du voyage, tel que l’ancienne Europe le concevait, au temps des échappées en sac à dos, à la Kerouac,  disait-on alors. J’écoutais un reportage sur le « marché des nouvelles auberges de jeunesse », qui tentent de détourner vers elles la clientèle des hôtels bas de gamme ;  et je pensais qu’alors, même une auberge de jeunesse, je trouvais ça cher. Pas seulement cher, d'ailleurs. inapproprié...

C’était bien mieux, plus économique et plus agréable, en ces temps que je levais le pouce, de dormir à la belle, dans des parcs, des forêts et des plages. Je me souviens d’une nuit dans une forêt bavaroise, juste au-dessus du château de Ludwig, à Füßen. J’avais l’esprit empli de Parsifal, et les feuilles, et les herbes chuchotaient autour de moi, et le ciel sur ma tête était en alerte, et je me sentais l’héritier le plus libre des récits de voyage dont je m’étais gargarisé avec mes potes, durant mon année de première, ceux de Nerval tout particulièrement, - qu’on appelait entre nous Gérard avec une moue de grand initié, pour prendre la pose tout en jouant au yams et tirant sur nos pipes après les cours, au bistrot du lycée.

Je me souviens de ces clop clop clop qui s’approchaient du duvet bleu dans lequel je m’étais enfoui jusqu’au crâne, puis de ce cheval immobile au dessus-de moi, et de ce policier hollandais assis dessus, m’expliquant obligeamment, dans un anglais des plus châtiés, qu’au Vondlepark, il y avait des zones réservées pour les gens qui dorment dans des duvets, et que celle que j’avais choisi n’en était pas une. Puis il m’avait accompagné dans cette zone, clop, clop, clop, moi le suivant hirsute, pas réveillé. Tout autre chose que la nuit passée au poste à Venise, qui devait être en avance d’un millénaire puisqu’il y était déjà interdit de dormir dans les parcs.

 

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Château de Ludwig, Füssen

Aujourd’hui, on ne pionce plus dehors – à moins d’avoir été jeté à la rue, ce qui est tout autre chose. Les SDF – si le terme sans-abri est ancien, le sigle lui appartient à notre hideux novlangue – y sont les seuls, car la rue s’est plus encore que le reste radicalisée, dans la jungle post moderne.  La violence règne en maître sur les trottoirs et les quais de nos villes, y faire le Kerouac n’aurait plus de sens. C’était les derniers effluves. Cette route, qui partait de Lyon, traversait l’Italie, puis la Yougoslavie, la Grèce, la Turquie, avant de filer vers Kaboul et les Indes, le retour de Khomeiny  l’a soudainement murée. D’ailleurs la jeunesse en mal d’Absolu ne lorgne plus sur les cimes du Népal, mais sur les mirages du Jihad. La planète est pleine. Et le rêve de Perceval et celui de Bouddha a marqué le pas devant celui d’Allah.  Il est certain que c’est beaucoup moins drôle…

 

06:53 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (2) | | |

Commentaires

Bravo pour cette note, vraiment contente de l'avoir trouvée dans ma boîte ce matin.

Cordialement

Écrit par : Bellenote | vendredi, 25 juillet 2014

Vous donneriez à une vieille dame comme moi envie de dormir "à la belle".

Ce chateau, je l'ai vu il y a beaucoup d'années, au cours d'un voyage en Autriche, où nous ne dormions pas à la belle, mais dans un camping fort sommaire, dans une tente bleue.

Écrit par : Julie | vendredi, 25 juillet 2014

Les commentaires sont fermés.