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mercredi, 06 juillet 2016

Yves Bonnefoy est mort. Il portait bien son nom.

De retour d'Ars sur Formant, j'apprends la disparition d'Yves Bonnefoy en lisant ce billet d'Off Shore. Toute disparition, toute mort est évidemment à déplorer, et ce dont il est question ici, pas de contresens, c'est du traitement de l'information concernant des hommes publics et ce qu'ils valent dans une sphère sociétale conditionnée par les médias dans un pays dont la vie intellectuelle parait avoir été anéantie par une quarantaine d'années de culture pour tous au ras des pissenlits. J'avais été mis au courant de celle d'Elie Wiesel, bien sûr, le pape des philosémites et l'un des boutiquiers des élites mondialisées,  et de celle de Rocard, "l'autre gauche" comme disaient certains, ha ha !  L'incroyable manque d'humilité du premier, qui se prenait ni plus ni moins pour la conscience du monde et contemplait chacun de ce trône aussi imaginaire qu'inquiétant, la roublardise politicienne de l'autre font, je l'avoue, de leurs disparitions quelque chose qui ne me touche pas plus que ça,non. Pas davantage que l'une de ces anonymes dont les faire-parts emplissent les journaux. J'ai beau y repenser, les années Rocard, qui furent celles du second septennat de Mitterrand, furent le signe d'une décomposition si avancée du politique que, non, ça ne me fait rien. Rien. Nous en payons avec Hollande et ses sbires suffisamment le prix. Et puis, pourquoi serions-nous tenus d'honorer un mort connu qui nous est indifférent davantage que n'importe quel quidam qui a passé l'arme à gauche au fond d'un hôpital et que ne regretteront qu'une poignée de gens ? Pourquoi ? C'est quoi, ce culte des morts médiatiques ?  Rien de plus que de la propagande ordinaire. Mieux vaut, finalement, s'en allé inaperçu.

Car Yves Bonnefoy, c'est tout autre chose. Je me souviens avec émotion de ce professeur du Collège de France délivrant à des salles combles ses réflexions sur le personnage d'Hamlet dans la littérature du XIXe siècle, et comment on est passé de l'admiration pour une figure intellectuelle à la raillerie et la dérision en fin de siècle, de Hugo à Laforgue en passant par Baudelaire et tant d'autres. Hamlet, le clown qui pense encore, quand tout le monde y a renoncé... Funeste trajectoire amorcée sous Napoléon pour nous conduire au vide abyssal où nous nous trouvons aujourd'hui : le déclin vient de loin et est sans aucun doute en lien, en effet, avec les conceptions moderne puis post-moderne du fait démocratique, le dévoiement des concepts de nation et de république au profit de la zone, comme d'élégants économistes le disent, économistes dont le jargon à pleurer n'est plus capable que de trouvaille dans le genre Grexit ou Brexit, un humour qui leur ressemble.

Bonnefoy donc. La dernière fois que nos chemins s'étaient croisés, ce fut au salon du livre à Bron. Le vieux monsieur était sourd comme un pot et j'avais dû lui répéter trois fois mon nom pour qu'il parvînt à me dédicacer une édition originale de Du mouvement et de l'immobilité de Douve. Nous étions en 2011. Entre, il y avait eu cette année où Les planches courbes avaient été au programme de Lettres des terminales L, et j'avais eu le plaisir de l'écouter parler du recueil aux Chartreux, un lycée privé de Lyon qui l'avait reçu. Oui, incontestablement, cette perte est une perte plus grande et plus affligeante que celle de Rocard et Wiesel et, comme le dit Nauher, "l'hermétisme n'est bon désormais que pour les cénacles économiques qui nous chassent de la maison commune" et " Le poète est relégué au rayon des fantaisies". C'est peut-être mieux ainsi, car à quoi conduit la célébrité dans un pareil monde ? A quoi bon se bagarrer contre l'ignorance des masses, quand la culture n'a jamais concerné en propre que des individus. Yves Bonnefoy est mort. Il portait bien son nom. Son œuvre demeurera dans la littérature française du XXe siècle toujours vivante pour les exigeants,les amateurs de bons crus. Les autres auront Prévert et Trénet, et c'est ainsi. On ne peut que le constater, le déplorer ou non : ce qui était censé permettre à la culture de gagner les consciences, l'école républicaine, le livre de poche, le prix unique du livre, et j'en passe, tous ces efforts lui auront peu à peu ôté toute autorité, toute crédibilité, tout intérêt aux yeux du béotien. Qu'il reste béotien. Freud avait raison : ce qui a de la valeur doit coûter un prix et si la littérature ne vaut plus rien, c'est qu'on a voulu la donner à tous, alors que la plupart n'en veulent pas. Bonnefoy est mort : nous ne serons que quelques uns à le pleurer, comme nous n'aurons été en réalité que quelques uns à le lire...

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mardi, 07 juin 2016

... Novo cedat ritui

I

Dieu ne date pas d’aujourd’hui,

Telle est même sa principale raison d’être encore.

Demeure, de demeurer,

Dieu des trois églises, militante, souffrante et triomphante,

 

Dieu ne date pas non plus d’hier,

Puits sans commencement de sa propre autorité,

Ainsi que par Lui tout a été fait

Tout sera fait, Amen.

 

Dieu ne date pas non plus de demain

Sectes et faux-prophètes sèment en vain

L’Eternel ni d’un siècle ni de l’autre les confondra toujours,

Ni de ce temps-ci, ni de celui-là.

 

II

J’entrais dans une église et m’agenouillai longtemps

Devant le Saint-Sacrement ensoleillé du dedans.

Le Fils de Dieu me vit

Et me dit :

 

Sais-tu combien d’hosties furent dévorées, depuis le Golgotha ?

Bien plus que l’Antiquité n’égorgea de taureaux et de moutons,

Mon corps est aussi victorieux qu’invisible

Aussi disséminé que glorieux.

 

De tous à jamais la pierre angulaire 

Je suis

Le sacrifice de ton frère

Que tu n’as plus besoin de faire. 

 

Mais se laisser aimer demeure plus difficile que combattre

Agir bien plus simple qu’adorer.

Tel est l’outrage des hommes de ce temps,

Contre la croix, leur péché le plus grand.

 

III

Moi devant Toi, Corps supplicié, ressuscité,

Corps glorieux qui sauve ma vie chétive de tout commerce avec Dieu qui ne soit d’Amour,

Qu’ai-je à quémander, à vouloir ?

Il n’est plus de demande, seule vaut l’oraison :

 

Tel Job, je dois me taire à la fin

Même si par Toi je connais un jour l’immense gloire du salut,

Le siège de mes mots ignorera toujours la dimension du sacrifice.

Tantum ergo Sacraméntum

Novo cedat ritui...

 

Et me laisser devenir le berceau de cet enfant né,

La Croix de ce Messie supplicié

Le tombeau de ce Corps en allé

Le trône de ce Ressuscité.

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Raphaël, La dispute du Saint Sacrement, Chambre de la Signature,

Détail  (si l'on peut s'exprimer ainsi...)

mardi, 12 avril 2016

Agé de tant de baptêmes

Flotte dans toute la prose de Chateaubriand une rêverie intrinsèquement catholique et romaine qui trouve son point d’orgue dans cette citation des Mémoires où il est question de Milton : « Ce fut un événement mémorable, lorsque le XVIIe siècle députa son plus grand poète protestant et son plus sérieux génie pour visiter, en 1638, la grande Rome catholique. Adossée à la croix, tenant dans ses mains ses deux Testaments, ayant derrière elle les générations coupables sorties de l’Eden, et devant elle les générations rachetées descendues du Jardin des Oliviers, elle disait à l’hérétique né d’hier : Que veux-tu à ta vieille mère ? »

Celles et ceux qui apprécient le mémorialiste reconnaîtront tout de suite l’ironie avec laquelle il emploie le verbe « députer » pour personnifier un XVIIe siècle déjà bien coupable à ses yeux, comme aurait dit Philinte, ainsi que les déterminants possessifs « son ». Quand il voyage, François René est toujours sur les traces de quelqu’un, le Tasse à Ferrare, Byron à Venise, Milton à Rome, dont il doit en quelque sorte éprouver la majesté et finalement défier la grandeur pour mieux la relativiser. Députa, donc. Le mot choit du bout des lèvres, ou plutôt d’un coin de l’esprit, tout vif. On l’entend crisser sous la plume, comme pour déjà banaliser en creux ce voyage de l'auteur du Paradise Lost  qui, si grand poète et si sérieux génie fût-il, ne peut que l’être trois notes et trois nuances en-dessous de François-René que personne, jamais, n’aura jamais ainsi « député ».  A ce verbe, se faisant l’écho d’un dédain plus affirmé, répond « né d’hier » à la fin de l’extrait. Milton, l’ainé, se retrouve en raison de son protestantisme hérétique le cadet, en quelque sorte… le cadet de Chateaubriand qui parait soudain,âgé de tant de baptêmes, aussi vieux que Rome.

Une prosopopée hardie fait de la « grande Rome catholique » une sorte de poste de douane entre-deux mondes, avec un « derrière » et un « devant », des générations perdues d’un côté, rachetées de l’autre. On croit voir se dresser, face aux figures suggérées d’Adam chassé hors de l’Eden et du Christ méditant à Gethsémani, celle de Constantin jetant le paganisme dans les eaux du Tibre du pont de Milvius. Et Milton soudain paraît bien seul. Et Milton paraît bien jeune. Et Milton paraît bien petit. Rétréci dans le sein même de l'histoire avec un H majuscule. C’est le génie de Chateaubriand de parler ainsi à travers et à partir de l’histoire, d’épouser d’un trait de plume sa grandeur. « Les grands artistes, nous dit-il, à leur grande époque, menaient une toute autre vie que celle qu’ils mènent aujourd’hui : attachés aux voûtes du Vatican, aux parois de Saint-Pierre, aux murs de la Farnésine, ils travaillaient à leurs chefs d’œuvre suspendus avec eux dans les airs. Raphaël marchait environné de ses élèves, escorté des cardinaux et des princes, comme une sénateur de l’ancienne Rome suivi de ses devanciers et de ses clients. (…) Ces fameux artistes passaient leurs journées dans les aventures et les fêtes ; ils défendaient la ville et les châteaux ; ils élevaient des églises et recevaient de grands coups d’épée, séduisaient des femmes, se refugiaient dans des cloitres, étaient absous par des papes et sauvés par des princes » (2)

Comme Chateaubriand voyait en creux Michel Ange accroché à son échafaudage de la Sixtine en train de tracer les plis du manteau de Dieu, je crois le voir lui dans son exil d’après 1830, à Prague ou ailleurs, en train de défendre les châteaux de son vieux roi et d’élever l’ultime église où il avait déjà prévu de descendre, « un crucifix à la main ».

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Raphaël, Baptême de Constantin, Chambre de Constantin, Vatican

(1) Mémoires, 3°Partie, 2°époque, livre huitième, ch. 7

(2) Mémoires, 3°Partie, 2°époque, livre huitième, ch. 6

22:21 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : chateaubriand, milton, mémoires, paradise lost, rome, constantin, catholicisme, littérature | | |

mercredi, 09 mars 2016

Saints de France et Chrétiens d'Orient

Je prie le front terni par la honte

Pour ces Chrétiens réchappés de la nuit

De l’Orient lâchement islamisé.

Marie, souriante au cœur, vive au bonheur,

Marie, ne permets pas qu’ils tombent.

 

Comble leur soif, leur faim sur les routes,

Apaise leur sommeil dans les camps.

Par l’onction que ton Fils reçut à Béthanie,

Par le cri qu’il poussa sur la Croix

Marie, ne permets pas qu’ils meurent

 

Et Vous, Saints du propre de  France,

Sainte Bernadette de Soubirous, saint Géry de Cambrai,

Saint Sulpice de Bourges et saint Nizier de Lyon,

Saint Julien du Mans et saint Hugues de Cluny,

Saint Roch de Montpellier et saint Germain d’Auxerre,

Saint Séverin de Paris et sainte Louise de Marillac,

Sainte Germaine de Pibrac et sainte Colette d’Amiens,

Saint Jean François Régis, apôtre du Velay,

Saint Martial de Limoges, apôtre d’Aquitaine,

Saint Frézal du Gévaudan, sainte Thérèse Couderc,

 

Sainte Jeanne Jugan de Cancale,

Saint Jean Vincent de Paul, aumônier des galères,

Saint Jean Baptiste de la Salle, saint Rémi de Reims,

Saint Léon de Carentan, sainte Geneviève de Nanterre,

Sainte Thérèse de Lisieux, saint Jean-Marie Vianney,

Saint Denis et ses compagnons,

Saint Louis-Marie Grignion de Montfort,

Tous les Saints de Louis le Prudhomme  à Jeanne la Pucelle,

Réveillez ce pays vide de sens de son apostasie.

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08:21 Publié dans Des poèmes, Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chrétiens d'orient, france, littérature, poésie | | |

mardi, 22 décembre 2015

Thomas

Avec Thomas a débuté l’hiver,

Saint Thomas qui, ne pouvant croire en entendant,

Fut sommé, charmé, de croire en voyant,

Voyageur intégral nous souffle sa Légende.

 

Dans l’église où l’on attend Noël

Furent hier sa fête, sa messe, sa préface,

Et les jours vont pouvoir s’étendre et croître de nouveau,

Lui dont le nom signifie  « abîme » ou « séparation ».

 

Les jours vont s’étendre et nous finirons bien, nous aussi,

Par laisser là nos doutes tout en boule sur un rocher,

Nous finirons bien par abandonner le péché

Pour sortir de l’abîme et de la séparation

 

Pour marcher sur ses pas vers l’Orient de chaos,

Jusqu’à l’été brûlant vers quelle Inde à rebours,

Païenne aux dieux têtus à renverser sans cesse

Et qui sait quel destin au terme nous attend ?

 

« Va en toute sécurité  Car je serai ton gardien »

Lui promit le Christ alors qu’il se mettait en route

Pour chasser le démon, tapi dans des images.

« Mon Seigneur, lui dit-il, mon Seigneur et mon Dieu »

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Thomas vu par le Caravage

lundi, 07 décembre 2015

Ramure

La ramure du dedans

Sur le voile blanc

Les brindilles du dehors,

Sur les arbres grands

fenetre en automne.jpg

Filaments via le carreau

Arabesques qui voltigent

Oh que ces entrelacs sont beaux

Dans le noir et blanc qui les figent

 

Se contenter de ce silence

De la grand’ place et de la pièce

Liens d’une automnale danse

Lieux d’une commune tresse

 

04:29 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | | |

dimanche, 22 novembre 2015

Pourquoi me persécutes-tu ?

C’était aujourd’hui, dans le nouveau calendrier liturgique de 1965, la fête du Christ Roi. Dans toutes les églises de France, de petites grappes de fidèles se sont donc retrouvées pour écouter un prêtre plus ou moins assoupi les entretenir de ce qu’il fallait entendre, en province démocratique, par ce syntagme insolite : « la Royauté du Christ. » Après avoir un peu prêché, les curés eurent sans doute le sentiment d'avoir bien parlé, et les fidèles d'avoir beaucoup sacrifié. Cela se dit en latin Ite missa est, et en français Allez dans la paix du Christ...

Lorsque Pie XI institua la fête, en 1925, il espérait qu’elle parviendrait à réparer « cette apostasie publique, si désastreuse pour la société, qu’a engendrée le laïcisme. Dans Quas Primas, il dépeint avec minutie la manière dont la religion du Christ fut assimilée par les Etats aux fausses religions et placée, sans la moindre honte, au même niveau qu’elles. C’est d’ailleurs ce que l’on enseigne dorénavant dans les écoles de la République de France, toutes les religions mènent à Dieu... « On la soumit, ensuite, à l'autorité civile et on la livra pour ainsi dire au bon plaisir des princes et des gouvernants. Certains allèrent jusqu'à vouloir substituer à la religion divine une religion naturelle ou un simple sentiment de religiosité (1). Il se trouva même des États qui crurent pouvoir se passer de Dieu et firent consister leur religion dans l'irréligion et l'oubli conscient et volontaire de Dieu »

Qui s’émeut, dès lors, que la religion du Christ se retrouve soumise au bon vouloir de dirigeants versatiles et aussi bas-de-vue qu’ils sont soumis à l’opinion ? D’un renégat comme le président des maires de France, François Barouin, lequel souhaite décréter en digne franc-maçon l’interdiction des crèches dans les mairies de la République pour Noël ? D’un manœuvrier vénéneux comme François Hollande lequel, après s’être fait élire en ânonnant une liste de mensonges, ne voit aucun inconvénient à faire subir sur tous les fronts à sa politique un tête-à-queue intégral, en espérant ainsi sauver sa tête en 2017 lors du verdict rituel des Français ? Dire dans quelle estime il tient ces derniers, dont il n’hésite même plus à étreindre les quelques spécimens qui lui tombent entre les paluches à chaque catastrophe ou attentat, comme s’il était un homme de religion, tant l’impudicité et la fausseté lui tiennent lieu d’âme ! Un président, somme toute, bien normal...

La souveraineté du Christ Roi demeure bel et bien la seule qui puisse éradiquer, pulvériser Daesh (2), si la France - si son peuple du moins - voulait bien redevenir chrétienne… 

Au sein d’un tel bourbier laïc et républicain, des mensonges incessamment relayés par les défenseurs invétérés de l’Islam wahhabite et salafiste, et du concert dissonant de toutes ces fameuses opinions qui se valent et dont rien, sinon un long dépérissement du peuple, ne se dégage, nous chrétiens ne pouvons  que nous extraire, nous abstraire et prier sans fin. Car la souveraineté du Christ qui ne se mesure ni dans les urnes ni sur les écrans ne se laisse entendre que dans le silence de la contemplation assidue du Saint-Sacrement :

« Sais-tu combien d’hosties furent dévorées, depuis le Golgotha ?

Bien plus que l’Antiquité n’égorgea de taureaux et de moutons !

Mon corps est aussi grand qu’il te demeure invisible,

Aussi disséminé qu’il est  glorieux

D’avoir été pour eux tous la pierre vraiment angulaire…

La vie que sacrifia ton Dieu, ton Roi,

C’est cela l’incompréhensible Hostie, et aussi

Le sacrifice de ton frère

Que tu n’as plus besoin de faire. » (3)

Certes, la Royauté du Christ échappe sans cesse à notre entendement borné et à notre conception étriquée du pouvoir, du savoir comme du devoir. Il convient néanmoins de dénoncer sans cesse le mensonge du vivre ensemble laïcard prôné par ces bègues et ces aveugles qui tiennent notre pays ; un pays où l'on parle dorénavant plus des attentats que des évangiles, où l'on croise en bien plus grand nombre des femmes intégralement voilées que des curés en soutane ; un pays enfin qu'ils auront, prétendant le réformer de septennat en quinquennat, entrainé à grande vitesse au bord du précipice.

 

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Chemin de Damas, 2015

(1) Valls, cureton magnifique pourrait servir d'illustration à ce propos, mais tant d'autres également...

(2) Qu'était-ce donc que ce Saul de Tarse, sur le chemin de Damas, sinon Daesh en personne,  « rêvant de menaces et de tueries contre les disciples du Seigneur,» soulignent les Actes des Apôtres (9 - 1/19), avant que ce dernier lui lance à la face le fameux : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?»

(3) Écrit en l'église saint-Georges de Lyon, août 2015

mardi, 06 octobre 2015

Séraphins de l’Église militante

Beau titre de sagesse, que Léon Bloy octroie aux Chartreux de saint Bruno dont c’est aujourd’hui la fête, au détour des lignes de son Désespéré, Marchenoir, venu mendier dans le fameux monastère alpin « l’absence du dix-neuvième siècle » et son corollaire, « l’illusion du douzième ». A l’heure des e-tombes et autres saugrenues et sataniques profanations de l’Être et des êtres, il ne restera bientôt plus guère qu’eux, ces blancs Chartreux « si austères, si suppliciés, si torturés par les rigueurs de la pénitence sur lesquels s’apitoie, légendairement, l’idiote lâcheté des mondains », pour demeurer « les seuls hommes libres et joyeux dans une société de forçats intellectuels ou de galériens de la fantaisie, les seuls qui fassent vraiment ce qu’ils ont voulu faire dans cette allégresse sans illusion que Dieu leur donne et n’a besoin d’aucune fanfare pour s’attester à elle-même qu’elle n’est autre chose qu’une secrète désolation» (1)

Pour nous être laissés mordre et emparer par le monde, nous ignorons dorénavant la matière vive du sain et saint silence. Et ce n’est pas les quelques heures de sommeil que nous autorise encore cette société gavée qui se moque de Dieu et a partout détruit la nuit qui sont à même de régénérer la paix égarée de nos fibres éperdues. Nous ne serons certes pas les premiers, nous faufilant sur le sentier pierreux grimpant jusqu’au monastère entre deux flancs de rochers non loin de l’eau blanche et  bondissante du Guiers-Mort, à appréhender l’immersion totale dans la paix intérieure à laquelle une telle retraite prépare : Le monde passe, la Croix demeure, et nous emboitons le pas à une multitude avant nous, parmi lesquels Chateaubriand et Ballanche mais aussi tant de pèlerins et de saints, saint Bernard et saint François de Sales, jusqu’au fondateur saint Bruno. François-René, dans ses Mémoires, dresse de l’endroit que la Révolution vient alors de dévaster un tableau navrant ; les bâtiments se lézardent sous la surveillance d’une espèce de « fermier des ruines » qui vient d’inhumer le tout dernier frère : Ballanche et lui contemplent « la fosse étroite fraîchement recouverte.   Napoléon, dans ce moment, en allait creuser une immense à Austerlitz ». Il songe aux enfants de Bruno en habits blancs, « Heureux, ô vous qui traversâtes le monde sans bruit, et ne tournâtes pas même la tête en passant ! » Un peu auparavant, dans l’autre chartreuse, la petite de Paris (celle dite de Vauvert, au Luxembourg - elle aussi tout juste assaillie par la bêtise et la fureur de cette même Révolution), la fresque de Le Sueur contant la vie de saint Bruno s’était dressée, livide devant lui : « Il y a deux espèces de ruines, notait, le cœur flétri, l’écrivain : l’une ouvrage du temps, l’autre ouvrage des hommes. C’est à cette seconde que la Chartreuse appartient, ouvrage des malheurs et non des années (…)  Sur les murailles, on voyait des peintures à demi effacées représentant la vie de saint Bruno : un cadran était resté sur un des pignons de l’église et dans le sanctuaire, au lieu de cet hymne de paix qui s’élevait jadis en l’honneur des morts, on entendait crier l’instrument du manœuvre qui sciait les tombeaux ». (2)

L’inconscience des Occidentaux devant la radicalisation inévitable de l’Islam [on entend peu de penseurs s’en prendre à la matrice idéologique même de Daesh, et qui n’est rien moins que l’anéantissement de tout ce qui n’est pas elle], l’abandon par ces mêmes Occidentaux de leurs autels, livrés par centaines dans les campagnes aux vols [le nombre de pillages d’églises va grandissant dans l’indifférence générale], l’usure même du divertissement libéral, l'indigence intellectuelle du concept même de laïcité [ne parlons pas de ses représentants !] ainsi que l’inévitable achevement du calendrier consumériste qui se profile à l’horizon, tout cela ne plaide pas pour un futur très heureux : Nous sommes, à n’en pas douteur, à la veille d’événements extrêmement graves et meurtriers. Pourtant, l’espérance doit nous demeurer vive et chevillée au cœur :

« Prends en gré ma supplication, comme une immense clameur, pour que mes paroles soient de plus en plus dignes d'être exaucées de Toi, donne intensité et persévérance à ma prière. (…) Puisque Ta miséricorde est immense et que mon péché est grand, aie pitié de moi grandement, aussi grandement que l'est Ta miséricorde, alors je pourrai chanter tes louanges en contemplant ton nom, qui est Seigneur. Je Te bénirai d'une bénédiction qui durera aussi longtemps que les siècles, je Te louerai par la louange en ce monde et en l'autre »

Ainsi priait Bruno de Cologne, dit aussi le Chartreux : du monde inutile et sombre où végètent nos consciences appauvries,  il y a, aujourd’hui que nous le célébrons, comme un joyeux contre-pied à prendre en longeant la rue aux pavés inégaux qui mène jusqu’au porche d’une quelconque église. Car si Dieu ne date pas d’aujourd’hui [telle est même sa principale raison d’être encore], il ne date pas non plus d’hier et, moins encore, de demain. Puits sans commencement de sa propre autorité, voie assurée de toute foi sans lendemains finis, Yahweth Sabaoth siège en cette matière dense qu’ignore le bruit que nous faisons, infimes, en vivant. Ce bruit, qui rend proprement déraisonnable, ce silence, qui rend proprement empli de sens, la fin du Credo de ce même saint Bruno :

« Je crois particulièrement que ce qui est consacré sur l'autel est le vrai Corps, la vraie Chair et le vrai Sang de notre Seigneur Jésus-Christ, que nous recevons pour la rémission de nos péchés, dans l´espérance du salut éternel. »

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(1) Léon Bloy, Le Désespéré

(2) Chateaubriand, Génie du Christianisme

 

samedi, 26 septembre 2015

Noms de mères, noms de rues

Il longeait le trottoir légèrement humide de la rue Alsace Loraine, l’esprit alourdi par la charge sans intérêt des soucis quotidiens, quand soudain lui revint en mémoire le nom de Madame [kãyé]... Pourquoi, fichtre ? Car c’était par là [derrière l’une de ces façades, une fois passée la rangée de boites aux lettres disjointes puis les marches usées, incrustées de coquillages fossilisés, qu’il comptait une à une lorsqu’il fallait à pas démesurés les gravir, enfant], que les gosses chaque jeudi après midi allaient se faire catéchiser. Tant d’années plus tard, impossible de préciser le numéro de la rue, ni l’étage. Mais les tentures, les rideaux, les bibelots, les tapis, si ! Drôle, ça : il ne se souvenait que de ce qui avait certainement changé quand du reste qui, sans doute encore, demeurait sous ses yeux, du bâti, rien ne palpitait en sa mémoire. Mort. Indiscutablement. Et dressé pourtant devant ses yeux.

Les histoires, également. Moïse traversant la mer Rouge, le buisson ardent, le bœuf et l’âne… Ainsi parlait la mère Caillé. Ou Cahier. Plus très sûr que ce fût le nom de la vieille du catéchisme, ou bien de celle qu’on payait pour l’amener et le ramener chaque jour de l’école au domicile. Plus très sûr. Cahier, bien sûr, cela était lié dans sa mémoire aux encriers en faïence et aux pupitres en bois inclinés, tandis que Caillé évoquait l’espèce de fromage blanc qu’on lui servait au gouter juste après le caté et, finalement, il se pouvait que ce fût la même bonne femme qui l’accompagnait et le catéchisait. Estompées, leurs silhouettes de vieilles… Quelle importance, au fond, d’autant qu’il n’était foutu de se remémorer aucun des traits de son visage ; ces histoires qui lui paraissaient alors terriblement exotiques [oh, sa peur d’Abraham sur le point de sacrifier Isaac !], l’odeur vague et rance du salon, ce nom de rue tout en contrebas de la sienne, Alsace Lorraine, qu’il longeait de nouveau tant et tant d’années après. Et peut-être qu’elle n’était (ou qu’elles n’étaient) pas si vieille(s) que ça après tout, saisie(s) avec tout le reste dans la capsule de sa mémoire en argentique. « Entre quarante et soixante-dix », se dit-il en se souvenant combien tout ce qui dépassait la trentaine lui semblait alors d’un autre âge, d’un autre temps, d’un autre monde que le sien alors.

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Enseigne de la façade du restaurant « La mère Brazier » au 12, rue Royale (2009)

© A. Delaigue

 

Cet autre nom, cette enseigne, Mère Brazier, juste derrière, rue Royale, ces messieurs toujours très bien mis quittant l’établissement, cigare aux lèvres, avant de  grimper dans leurs automobiles. Avec cet autre nom, Brasier, Braisier, il avait noué alors à son insu quelque familiarité sans jamais avoir adressé la parole à la Mère ni non plus bien sûr franchi le seuil de son renommé restaurant, ni même avoir vu véritablement les traits de son visage. La Mère. Les récits de ses oncles durant des repas de Noël avaient intégré ce nom-là à sa mythologie personnelle : on y mangeait bien, et ça paraissait l’essentiel. Peu de plaisirs, tout compte fait, durant son enfance, sinon celui de la bonne bouffe, de la cuisine gastronomique faite de rien, par une main leste et savante de grand-mère. Peu de plaisirs mais beaucoup de paix, qu’il puisa toute sa vie à gorge déployée, dans le silence épais de son cœur. Il réalisait combien, pour les adultes qui l’entouraient alors, la guerre qu’il n’avait lui, pas connue, n’était pas très éloignée.

Les passants certes avaient changé depuis, beaucoup surgis du Sud, occupants braillards la dissolution de son autrefois à lui. Ceux-là ne seraient guère plus éternels que les siens, se consolait-il [que les chères figures dont il se souvenait, et que le cadre dans lequel il avançait pouvait malgré l’étrangeté du présent encore contenir.]

 

Tout lui indiquait à quel point la France allait dorénavant mal, et que cela empirerait inexorablement comme si ses dirigeants l’avaient poussée, la France, du haut d’un escalier pour qu’elle se fracasse en bas. D’elle, demeuraient ces quelques noms, accrochés à des plaques de rue et des enseignes, qui lui donnaient à sucer au fond du palais des souvenirs aussi sucrés que des bonbons, comme pour l’aider à longer sa route, un temps bref encore, avant qu’on ne les emporte tous et, comme l'écrivit un jour Céline, qu'on n'en parle plus, plus jamais.