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mardi, 28 janvier 2014

Ecran total : l'informatique en débat

Dans le prolongement de celle tenue à Montreuil en octobre 2013, une rencontre de réflexion critique sur la transformation des métiers et des modes de vie par l’informatique et les méthodes de gestion est organisée ce week end à Lyon

La rencontre de Montreuil avait vu le témoignage d'assistantes sociales refusant de faire remonter les statistiques qu'on exige d'elles ; celui d'éleveurs écrasés par les contraintes administratives qui ne veulent pas épingler leurs troupeaux de puces électroniques ; d'enseignants opposés à l'équipement à marche forcée des écoles en ordinateurs, tablettes, tableaux interactifs, etc. ; des travailleurs dela chaîne  du livre soumis à la concurrence des robots et des supermarchés.

Les participants à ces rencontres ont décidé de se revoir pour discuter plus précisément de la nature des bouleversements qu'ils vivent et de ce qu'il convient de faire pour s'y opposer,et prêter main forte à ceux qui subissent déjà des sanctions pour leur refus d'y participer. Ils invitent tous ceux qui partagent cet état d'esprit à se joindre à eux

Programme et liste de lectures, du 31 jan­vier au 2 février 2014

Vendredi soir (accueil à 19 h) : réunion publique introduite par des présentations sur la situation des métiers du livre, de l’école, et de la médecine.
Samedi matin (9 h) : présentation des groupes et individus absents en octobre et souhaitant participer aux échanges approfondis ; puis, discussion des textes concernant les évolutions de différents secteurs professionnels ayant circulé préalablement.[voir la liste en pièce-jointe]
Samedi  après-midi : discussion autour de propositions d’actions
Dimanche matin (9 h) : retour sur les conclusions de la veille ; puis prolongement sur les idées et envies à long terme, à partir du récit de l’expérience d’un collectif agricole par les fermiers de l’Oseraie, et du texte « Le Syndicalisme en question ».

 

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Ecran Total, du 31 janvier au 2 février, à l’Atelier des Canulars, 91 rue Montesquieu, Lyon 7ème.

Lire ici la liste des textes qui serviront de base aux discussions des rencontres 

 

00:42 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | | |

dimanche, 26 janvier 2014

L'illusion républicaine

Je vois, j’entends autour de moi des gens qui regrettent qu’on ne s’occupe plus des grands débats, des grandes idéologies politiques, pour ne s’intéresser qu’à des futilités, Dieudonné, Trierweiler et demain quoi d’autre ? Mais hormis à de rares occasions, ce monde où le politique avait un tel statut dans l'opinion a-t-il franchement existé ? La dernière fois que j’ai senti les Français saisis d’un débat d’importance, c’est lors du référendum sur la Constitution.. Cela a duré quelques semaines, et on sait comment les partis dominants et leurs représentants ont traité ce vote ; il ne faut donc pas que ces gredins s’étonnent d’être traités désormais pour ce qu’ils sont par l'opinion : de simples pantins interchangeables et sans épaisseur, au service de leurs seuls intérêts, et donc en rien représentatifs.

Nous sommes entrés dans ce monde américain, celui dans lequel chaque président se doit donc d’occuper le terrain avec sa propre histoire et de masquer ou de tenir dans l’ombre ainsi les grands problèmes. Ce n’est plus le monde spectaculaire à l’ancienne, où le protocole définissait les emplois, et qui convenait si bien aux anciennes monarchies : spectacle immuable, réglé comme du papier à musique. C’est le monde du self-spectaculaire mis en scène par de plus ou moins bons communicants. Bien entendu il faut que le figurant de passage soit à la hauteur, ce qui n'est hélas pas toujours le cas.

Aux Usa, on a toujours aimé cette histoire : un petit gars débarqué  de rien et bombardé soudain l’homme le plus puissant du monde, qui fait son show sur la scène médiatique. A lui, l’espace de quelques années, le spectacle et le plaisir d’incarner the Big Dream. A lui, mais il faut qu’au fond des chaumières, chacun puisse se dire qu’aussi bien, ce gars pourrait être soi. C'est ça la clé du rapport démocratique de l'électeur à son élu.

« L’Amérique avait perdu un grand chef, et je me trouvais chargé d’une responsabilité terrible », écrit Harry Truman dans le premier chapitre de ses Mémoires, quand il comprend qu’il va devoir quitter le confortable poste de vice-président pour monter à son tour sur la scène, parce que Roosevelt vient de rendre « son âme éternelle ». 

« - Harry, me souffle Mrs Roosevelt au téléphone, le Président est mort !

Les dernières nouvelles reçues de Warm Springs indiquaient que Mr Roosevelt se remettait de façon satisfaisante ; il paraissait même en si bon état qu’aucun membre de sa famille proche, pas même son médecin personnel, n’était auprès de lui. Toutes ces pensées me traversèrent l’esprit en un éclair avant que j’eusse retrouvé la voix.

  - Y’a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous ?», demandai-je enfin 

Je n’oublierai jamais sa réponse, empreinte d’une si parfaite compréhension

« Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour vous ? C’est vous qui êtes en peine, à présent »

Et c’est alors que cet ancien agent d’assurance découvre, alors qu’en tant que vice président il n’en était pas même informé, le programme nucléaire qui allait déboucher sur Hiroshima.

 

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Harry Truman

 

Depuis Giscard, la France s'est ainsi peu à peu américanisée jusqu'à la rocambolesque affaire de cette malheureuse première dame envoyée se refaire une santé médiatique au pays des éléphants non socialistes. Dire à quel point la pièce vire au vinaigre ! Mais le citoyen est en droit de se poser des questions sur la dimension symbolique perdue en route. Car nous voici plus très loin de Bill et Monica. Et, puisque on cache aux citoyens les grands dossiers d’Etat, puisque on les écarte des décisions qui compteront sur leur vie, puisqu'on obéit à une logique d'Empire, ils sont en droit d'exiger qu’au moins le spectacle soit à la hauteur de l’autorité du pays ! Et s'il ne l’est pas, que le mauvais acteur quitte la scène, puisque il est indigne du spectacle qu’il joue et puisque le pays divorce d’avec lui,,comme le montrent les instituts de sondage. On nous parle dès lors (tous les ministres qui jouent leur carrières) de respect à porter à la République; Qu'en est-il de ces sornettes ?

J’étais mardi soir dans l’église de mon quartier. Vers dix-neuf heures, le grand orgue retentit, et la porte s’entrouvrit. Accueilli par le curé de la paroisse, un homme seul traversa l’allée centrale d’un pas ferme, s’inclina devant l’autel et s’installa au premier rang ; juste avant la messe, le curé se tourna vers lui et dit : «Vous êtes ici, Monseigneur, dans un quartier populaire ». Et pour cause ! La Croix-Rousse, fief des canuts ! C’était l’office du 21 janvier, à la mémoire de Louis XVI, et cet homme était le duc de Vendôme, Jean d’Orléans, héritier (à moitié) légitime du trône de France par Louis-Philippe.

A un moment, le prêtre invita l’assistance à prier pour Marie-Antoinette, son fils et toute la famille royale. Je pensais à mes anciens morts à moi, charpentier à Miribel, boulanger à Bessenay, cultivateur à Thil ou cloutier à Larajasse, tous républicains sans aucun doute. Je pensais également à ce fil tenu qui durant les siècles précédents a uni les Français à leur roi, et qui leur est incompréhensible aujourd'hui, sinon à travers les châteaux qu'ils conservent et visitent dans une religiosité patrimoniale suspecte. Je réprimais un sourire à la pensée de tous ces discours médiatiques et ridicules sur « les deux corps du président » (Pauvre Hollande !) ou ceux sur le monarque républicain. Je regardais le duc de Vendôme, tantôt debout, tantôt agenouillé. Et j’avoue que je me suis demandé si cet homme ne vaudrait pas mieux, au point de vulgarité où les deux derniers présidents ont précipité le pays,  si cet homme capable non pas de faire le job, mais de tenir son rang, ne vaudrait pas mieux que ces politiciens formés à s'entre-tuer et incapables de représenter quoi que ce soit de l'autorité de ce pays dont ils vont parfois jusqu'à contester l'histoire. Si la France, comme l’Angleterre ou les Pays Bas, était une monarchie constitutionnelle, cela changerait quoi ? Le pouvoir serait pareillement à Bruxelles, au FMI, à l’OCDE et accessoirement à Paris ; une sorte de Ayrault terne réglerait les questions d’intendance. Les combats politiques se régleraient pareillement au Parlement, dans les loges, dans la presse et dans la Rue. Mais la mémoire symbolique du pays, c'est à dire son autorité, serait incarnée par quelqu’un formé pour, quelqu'un de cultivé et  d'instruit (au sens propre) plutôt que par des imbéciles ou des goujats. Vous me direz que la République ne serait plus, certes. Mais la démocratie s'en porterait peut-être mieux, voyez l'Angleterre : une franche distinction entre le pouvoir et l'autorité fait que le symbolique, au moins, s'y retrouve.

Quand la République et ses ors ne sont plus, comme c’est le cas aujourd’hui, qu’une vaine illusion agitée comme un chiffon par des imposteurs dans le grand cirque de la mondialisation pour mener la politique qu'ils ont choisi sans les peuples, y-a-t-il tant que ça à perdre en contestant son existence ? Pour ma part, depuis le début du sketch du pingouin en cours, je me sens davantage français que républicain, et plus vraiment en phase avec la légitimité électorale de présidents acquise au prix d'une constante propagande, qui me donne plus envie de leur adresser des bras d'honneur et de m'asseoir dessus qu'autre chose. Alors, l'illusion monarchique, cet autre spectacle pour garantir l'équilibre d'un pays en pleine crise, pourquoi pas ?

Par la grande rue de la Croix-Rousse, je regagnais, mardi, mon domicile. Encore faudrait-il que les héritiers du trône s'accordent, Entre une branche régicide et une autre devenue étrangère, la partie n'est pas gagnée me disais-je, brumeux, flottant, entre le rêve romantique de Chateaubriand et le rire caustique d'un spectateur blasé d'une mauvaise pièce de Courteline.

samedi, 25 janvier 2014

L'Elysée en solo

Le Président de la République s’est donc séparé de sa concubine. « «Je fais savoir que j'ai mis fin à la vie commune que je partageais avec Valérie Trierweiler.» Trois Je, un simple et brutal état-civil,. Et une construction syntaxique assez laide et alambiquée, à la limite du fautif, comme l’est le personnage. Moi Président s'installe à l'Elysée en solo.

Les journalistes ne cessent de parler depuis de la faible cote de popularité de cette « Première Dame » qui n’en fut jamais une, en passant sous silence la faible cote de popularité de Hollande lui-même. Le problème, avec cet homme désormais seul à l’Elysée, mais qui pourra aller s’encanailler en toute liberté et en scooter (respect, respect braille la meute), c’est qu’il a perdu toute crédibilité, mais garde  tous les pouvoirs que lui prête la Constitution. Situation pour le moins dangereuse.

Hollande est un professionnel du mensonge qui ne manquera jamais de culot. Son seul génie, c’est ça, le culot. Ce qui est révélateur pour le moins de la petitesse de l’époque. On l’a encore entendu au Vatican prétendre, en plein milieu de son rocambolesque vaudeville et à la veille de jeter par un coup de fil à l'AFP « la femme de sa vie » (si l’on en croit ses propres propos publics) que s’il partage une valeur avec le pape, « c’est la dignité ». Le pape est bien bon de n’avoir pas protesté. Le successeur de Pierre se doit de conserver un sens de la justesse, une certaine estime pour sa fonction. Ce qu’on appelle un rang, et que le clown français méprise ouvertement. N'empêche qu'il scrute l'animal d'un drôle d'air.

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Porté par tous les pouvoirs que lui confère son élection, cet homme sans plus aucune autorité ni dans l’opinion publique ni sur la scène internationale risque, comme tous les petits que les hasards de l’Histoire font grands quelque temps, de s’arroger tous les droits. Quelqu'un me disait qu'on avait déjà l'impression d'une fin de mandat. Hollande, lui, parle de rebond. Et de pacte de responsabilité. C'est pas peu dire... Dans le discours inversé qui est le sien, on croit saisir de drôle d'antonymes.

 

20:14 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : elysée, moi président, trierweiler, lanterne | | |

mardi, 14 janvier 2014

Ca y est maintenant, Maintenon, c'est Gayet

Le temps est loin où les puissants de ce monde allaient s’encanailler auprès de jolies grisettes dans le joli bois de Romainville. Aujourd’hui, les présidents de la République vont chercher leurs premières dames dans le show-business. .Après Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, Hollande I et Trierweiller, voici Hollande II et Gayet. Une chanteuse, une journaliste et à présent, une actrice. Un président, a fortiori de gauche, un président normal, avec une caissière Monoprix ou une femme de ménage aurait peut-être eu symboliquement plus d’allure : une jolie romance sociale, quoi. Mais la grisette d’aujourd’hui a perdu tout romantisme, les grands de ce monde aussi, dont les secrets d’alcôves se découvrent dans la presse people à côté de ceux des stars de la télé-réalité. Comment diable pourrions-nous jamais les respecter ? Le président du Mariage pour tous plus bling bling et plus faux que son prédécesseur tant décrié qui, lui, au moins, épousait, se ramasse dans la figure le désordre, la vulgarité et l’inconséquence qu’il a créés. Car à la grossièreté d’un goujat devant une femme, il allie l’inconséquence du collégien auprès d'une autre, dans une mise à nu de la collusion abyssale entre le monde du show-business, celui des médias, de la politique et celui de la tromperie.

85% des Français n’aurait pas, dit-on, changé d’avis au sujet de ce calamiteux président : c’est que seulement 15% en avait une bonne. C’est aussi que la plupart d’entre nous avons d’autres chats à fouetter, d’autres spectacles à regarder, d’autres symboliques à ressentir que ce piteux vaudeville. On ne tire pas sur une ambulance, dit le proverbe. Mais cette ambulance folle prétend conduire encore un gouvernement usé jusqu’à la corde et à représenter le pays sur la scène du monde, comme le claironnait Calderon en son temps.Si tout ceci n'est qu'un rôle, alors il faut savoir le jouer.Et quand on joue aussi mal, il faut accepter d'être sifflé.

« Philippe ne sent pas l’honneur de la France comme le sentait l’ainé des Bourbons », nota François René de Chateaubriand à propos de la petitesse de Louis Philippe. « Hollande ne sent pas l’honneur de la France comme le sentait De Gaulle », pourrait-on dire, De Gaulle, qui écrivait en début de ses Mémoires : « Ce qu’il y a en moi d’affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle ». On était loin, alors des journalistes de Paris Match et des actrices de seconde zone.  A quoi ressemblera la première phrase des Mémoires de Hollande, si ce bonimenteur qui ne sait même pas parler correctement les fait écrire par un nègre un jour ? 

Dans ce marais fangeux dont il est déjà l’épicentre  pas même deux années après sa triste élection, François Hollande s’aventure tel un Bernard l’Hermite dans la grandeur déchue du rêve socialiste français qu’il a, depuis longtemps, contribué à faire voler en éclat, sur le mode à la fois carnavalesque et  vil de l’imposteur : Division des Français avec ce chantage aussi permanent que ridicule au racisme et à l’antisémitisme, croisades contre des signes et déni du Réel ; exaltation bêtifiante d’un égalitarisme confus et des éléments de langage bidonnés qui vont avec  (Mariage pour tous, ABCD de l’égalité, pacte de responsabilité -ha ha !), auxquels on tente de donner force de loi parce que, faute d’être majoritaire dans le pays, on l’est encore dans les assemblées.

Ce président n’a ni la carrure ni l’allure de la fonction qui le ridiculise, lui, plus qu’il ne la ridiculise: Tout seul dans son jardin, comme le chanta un jour Carla Bruni, mais décidé sans aucun doute à s’y cramponner. On a beau, en effet, le surnommer Pépère ou Flanby, l’homme est un manœuvrier sans conviction tout prêt à jouer au pingouin le plus longtemps sous le feu des projos, comme François le Premier joua à la grenouille pour durer. Et avec lui tous ceux qui se  nourrissent du pouvoir que lui donne la Constitution. Le pire des années 90/95 est de retour, carnaval, mensonge, duplicité, pitrerie, décomposition, ce que, dans un billet désabusé (Le changement c’est Maintenon), j’eus la tristesse de voir venir gros comme un maison ICI en son temps. 

samedi, 11 janvier 2014

Le roi Lear, de Christian Schiaretti

Deux dames me rejoignent métro Gratte-Ciel à Villeurbanne vers vingt-deux heures : « Tiens, vous aussi, vous êtes sorti ? »  Deux heures trente plus tôt, nous devisions aimablement dans la grande salle du TNP, qui se garnissait lentement de public. Le Roi Lear de Christian Schiaretti, dans la traduction Yves Bonnefoy, allait débuter.

« - Oui, me disent-elles, j’avais les pieds qui chauffaient !

. Et vous avez aimé ?

Haussement d’épaules. Et puis :

-Oui, c’était pas mal… »

Au fond ces dames sont de bonnes critiques. Reste cependant à développer leur avis. Un peu comme le négatif d’une photo. Car, leur dis-je, « moi, j’ai moyennement aimé ». Elles me regardent, amusées. 

 «- Moyennement ? 

  - Oui. Techniquement, c’était bon. Rien à dire. Merlin, une technicité parfaite dans le débit…

- Les filles, un peu moins. L’anglaise… (Clara Simpson, Goneril, fille de Lear -ndrl), me dit l’une des dames. On n’entendait pas bien ce qu’elle disait.

Avec raison, j’en conviens. Quand on commence à avoir en tête des choses qui ne vont pas à la sortie d’un spectacle, ce n’est pas bon signe, me dis-je

- Et le décor, comment l’avez-vous trouvé ?, je glisse perfide

- … En demi-cercle, me dit l’une d’entre elles

- Oui. Mais encore ?

- C’était le cercle du Globe, dit l’autre en élevant un peu le sourcil

- Si vous le dites !

- Non, mais je crois l’avoir lu dans le programme… »

(Et en effet, Schiaretti nous explique que le cercle a sur la pièce « l’effet d’une force centripète ; quand le texte lance mille pistes à la seconde, le dispositif circulaire les rattrape pour les inscrire dans une dynamique généralisée des mots et des corps. Il s’inspire du théâtre du Globe, qui accueillait les spectateurs de Shakespeare avec le fameux vers de Pétrone,  Le monde entier joue la comédie »).

Bon. C'est fort bien, les intentions. Nous grimpons dans le métro. Le fait est que nous avons lâchement profité de l’entracte pour nous barrer.

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© Michel Cavalca

« Il faut se faire un peu confiance, leur dis-je : si vous aviez vraiment été attrapées, même avec les pieds qui chauffent, vous seriez restées à regarder, non ?

- C’est vrai, concède l’une d’entre elle »

Et nous voici à chercher pourquoi, sans avoir trouvé les deux premières heures de ce Roi Lear si mauvaises ni même défaillantes, nous sommes sortis malgré tout.

Ce travail s’appelle la critique.

Nous convenons que la mise en scène de Christian Schiaretti est beaucoup trop hiératique pour une pièce d'un tel souffle. Sans mouvement. Ce qu’il faudrait pour Racine, en quelque sorte. C’est le parti pris de ce décor unique hyper intellectualisé  (dans le prolongement des parois du théâtre, un demi cercle en faux bois troué de trois rangées de fenêtres censées... voir mode d'emploi plus haut) qui siérait vraiment mieux à l"épure d'une tragédie classique qu’au dynamisme intrinsèque à une pièce élisabéthaine. Du coup, ça écrase, ça fige, ça glace. La varietas, ingrédient si précieux au théâtre de Shakespeare, manque sur ce plateau nu. Le mouvement :. Un globe, comme un destin, ça tourne...

Il y a surtout ce premier degré qui ne laisse jamais s’envoler du texte un peu d'imaginaire, comme cette couronne en laiton cassée en deux parce que le texte le dit, cette terre tombée du ciel sur le plateau (!!!) pour figurer la lande, ce bruit d’orage pour figurer l’orage (eh oui !), sans parler d’une bande son empruntée aux effets cinématographiques, pour indiquer les changements de tableaux, entrées et sorties, bref : Shakespeare n’a pas besoin de tant de surdétermination, au contraire. Il manque aussi un ajustement du propos au monde actuel, car ce n’est qu’à ce prix – et nous pensons au travail tout récent de Thomas Jolly- qu'un tel auteur retrouve sa dimension universelle. Or on a l’impression que tout le monde reste ici un élève appliqué de l'institution, y compris, et c’est un peu fâcheux, le rôle titre, Serge Merlin. Sa technicité est parfaite, trop presque : jamais un personnage n’en surgit. Il est dans ce qu’il dit, il ne le domine pas. « Fou ! tu as abandonné tous tes autres titres, mais celui-là, tu es né avec » lui lance son bouffon. On aurait aimé le voir, vraiment, surplombant ce personnage, plutôt que de se laisser manger par lui. 

Schiaretti est un professionnel expérimenté du répertoire. Cette mise en scène le démontre une fois de plus : pensée, soignée dans ses quelques effets, respectueuse du texte – mais il manque vraiment ce qui fait qu’on ne s’y sentirait plus les pieds chauds à la regarder. Il y manque d'être happé par le cœur d'une intrigue. En résumé, il faudrait que ce roi Lear, nous puissions oublier un peu qu'il appartient, précisément au répertoire. Cette dame aux pieds chauds, d’une certaine façon, a tout dit : avec raison, on lui laisse donc le mot de la fin. 

Le roi Lear de Shakespeare Du 10 janvier au 15 février 2014  à 19h 30, TNP  - Salle Roger Planchon

mise en scène Christian Schiaretti, avec Serge Merlin

vendredi, 10 janvier 2014

La république ridiculisée

Ça vous angoisse pas, vous, de vivre dans un pays où la justice est si lente pour n’importe quel pékin moyen  ayant à régler des affaires graves, et dont la plus haute juridiction administrative peut se réunir sur convocation d’un ministre de l’Intérieur, pour annuler au pied levé une décision de justice prise l’après-midi par un tribunal administratif, concernant un simple spectacle, joué de surcroît depuis 10 mois dans un théâtre parisien sans le moindre trouble à l'ordre public  ? Moi si.

Bravo donc à Dieudonné, de forcer ce pouvoir à révéler son visage si stupidement autoritaire et ridiculement confus. Car en France la liberté de parole doit exister dans les théâtres, le sacré étant réservé aux lieux de culte. Il n’y a pas de culte de la République à avoir. La République n'est pas sacrée.

En revanche, synagogues, temples et églises doivent être protégées comme des espaces réservés au sacré. Il serait inadmissible de tenir des propos  déplacés contre les Juifs dans une synagogue, comme il serait inadmissible de le faire dans une église contre des chrétiens ou contre des musulmans dans une mosquée. Pourtant on ne voit pas le ministre aller au Conseil d'Etat pour interdire les Femen, qui ne se contentent pas de parler dans les théâtres ou de parler dans des magazines, mais profanent des autels.

Deux poids deux mesures, à tous les niveaux. Ça suffit vraiment . Ce coup de force est un coup de force anti-français, contre la tradition de la séparation de l'Eglise et de l'Etat (l'Etat se prend pour une église) et contre celle de la libre parole. 

Les confusions entre le mot et la chose, le profane et le sacré me faisaient déjà réagir contre la démence et l'irréalité de ce pouvoir socialiste. Mais l’instrumentalisation de la justice par ce petit Fouché en culotte courte devient insupportable. Valls prétend que la République a gagné : non, elle est ridiculisée dorénavant non seulement par son président, mais aussi par ses ministres de la Justice et de l’Intérieur. 

11:04 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : valls, dieudonné, politique, liberté, culture, france, conseil d'état | | |

mercredi, 08 janvier 2014

Lettres de Paris

Dans l’ironie de cette photo, quelque chose qui pourrait me rendre illico mélancolique, si je cédais à mon instinct littéraire. Ou joyeux, tout autant. Car il n’est pas donné à tout le monde d’entrouvrir les grilles de son passé, d’y ranimer des saveurs exténuées. Et c’est bien que le souvenir soit aussi préservé des passants indiscrets, comme les chambres et leurs objets odorants, derrière ces volets clos.

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Des linéales, dont la barre du T et le V entrouvert évoquent des jours de fins lettrés, ceux de Cassandre et son Peignot...  Ô le temps de l’enseigne, comme un peu plus tard ces autres lettres publicitaires, à Montmartre ! Paris se lit à mi hauteur des rues, comme toute ville qui a vécu. Aujourd'hui contrefait hier, mais Gravures, Aquarelles et Peintures ne sont-elles alors plus que Tableaux et Souvenirs ?  A voir, dirait Nadja.

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On ne retrouve le temps que si le permet la chanson, c'est ainsi. Trois petites notes de musique, chantait Cora Vaucaire. Aussi l’enseigne à Gill s’est-elle comme cristallisée en lapin curviligne, dans un moment leste qu’il n’est plus besoin de poursuivre en vain pour le goûter. Les lettres de Paris, alors, n’appartiennent pas davantage au passé qu’au temps qui les photographie. 

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samedi, 04 janvier 2014

Fêtes sous surveillance

Comme on ne sait jamais comment on va terminer une année, j’ai commencé 2014 à la De Gaulle, par une remontée des Champs Elysées à pied. C’était la première fois. Il y avait foule. Pas pour m’acclamer comme le grand Charles, mais pour marcher à mes côtés. Le  plus souvent dans l’autre sens d’ailleurs  (la foule descendait les Champs plutôt que de les monter). Curieuse sensation d’aller à contre courant, tout en allant dans le bon sens. Une chose qui m’arrive souvent. Ce que j’entends par aller dans le bon sens, c’est arriver à prendre un peu de hauteur, à gagner un peu de terrain, à se retrouver au bon point.

Au sommet des Champs, juste devant l’Arc de Triomphe, l’avenue était barrée. C’est devenu une espèce de coutume, d’aller en grappes marcher dans les rues, à la moindre occasion, trimbalés par des métros gratuits, encadrés par des CRS immobiles, et qui regardent. Fêtes sous surveillance. Rites républicains. Quand tout se passe normalement, qu'il n'y a ni affrontements ni morts ni blessés, on dit que l'ambiance était bon enfant. Nous ne savons plus ce que nous disons...


10:27 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (47) | Tags : champs Élysées, fête, nouvel an | | |

mardi, 31 décembre 2013

Ma dissidence

Parce que nous sommes des individus, nous sommes tous des dissidents : des frontières, que nous ne cernons pas toujours, nous séparent des idéologies et des lieux communs dominants, tout comme de celles et de ceux qui sont moins influents. L’histoire personnelle de chacun d’entre nous a sculpté notre originalité de manière indélébile, et ce caractère original, c'est-à-dire non reproductible, parce qu'il est quasiment archéologique, se heurte en permanence au monde uniforme des sociétés organisées.

La dissidence se distingue de la révolte par le fait qu’elle ne tente pas de changer ni de transformer l’ordre de ces sociétés. Toute société humaine ayant besoin d’ordre, ce serait prendre le risque de devenir soi-même un jour un représentant, voire un garant de cet ordre, et de sombrer ainsi dans l’uniformité, le ridicule, l'ennui de soi, et tout le diktat qui en découle. C’est pourquoi la figure la plus radicale de la dissidence a toujours été incarnée par l’artiste.

Vivre dans un tel monde, j’entends par là le monde contemporain, c’est serrer au plus près sa propre dissidence, au sein de toutes les contraintes – essentiellement sociétales & financières, mais pas seulement – qui nous sont imposées par l’ordre dominant, quel qu’il soit. Voilà pourquoi l’artiste – je veux dire la part la plus artiste de chacun d’entre nous – ne peut être que heurté, choqué par le discours simplificateur des idéologues de tous crins, particulièrement ceux qui sont au pouvoir et prétendent de ce fait régir les mœurs, gérer les affaires et édifier les spectacles de la Cité.

La littérature - tantôt salon précieux et tantôt hall de gare, tantôt estrade de bateleur et tantôt académie d’initiés – est un des lieux où l’individu pour qui c’est une nécessité vitale peut marquer sa dissidence. C’est en tout cas le lieu où moi-même, personnage terne et fondu dans la masse, qu’une carte d’identité, un numéro de sécurité sociale, un autre de compte en banque et quelques autres codes définissent à gros traits pour la société organisée,  l’ai sauvegardée. Cela, aussi bien par un travail de lecture que par un travail d’écriture, les deux étant inextricablement liés.

Moi seul sais ce que tout ce travail m’a coûté et m’a apporté. De ce savoir – si l’on peut appliquer un terme aussi ridicule à ce dont il est question, ou de cette connaissance, mais c'est guère mieux, j’ai fait un roman. Le roman de ma dissidence, si l’on veut. Ce texte a du mal, et cela peut se comprendre en raison de sa nature, à trouver un genre (conte philosophique ? épopée ? science-fiction ? fantasy ?). Et partant un éditeur, car ces derniers ont horreur de ce qui n’est pas calibré, normé, ajusté à un public pré-établi, une cible, comme on le dit élégamment en marketing. Ce qui peut se comprendre. Pour ma part, hormis marquer ma propre originalité, je ne sais qui je cible. C'est ainsi. C'est ma seule note d'intention...

Après avoir longtemps croupi dans mon esprit, ce roman croupit donc dans mes cartons depuis un certain nombre de mois. Tout bien considérer, le fait a beau être ennuyeux, il est aussi plutôt flatteur : Ce roman a visiblement un problème avec l'ordre établi. La rencontre directe avec le public étant constitutive de mon originalité, il est donc probable que je me décide un de ces jours à le publier moi-même. Soit sur ce blog, soit ailleurs. En attendant, on peut considérer que ce court texte en est la juste -et juste- la préface.

08:07 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, roman, solko | | |