lundi, 07 octobre 2013
La mort et Chéreau
Il va falloir, quand on pense à Chéreau, penser à la mort. Association à la fois irréelle et logique. Irréelle parce qu’à 68 ans, toute une mythologie jeuniste désormais bien installée dans la société contemporaine nous ferait presque croire qu’on est encore un jeune homme. Logique, parce que depuis toujours, la mort est au cœur des productions de Chéreau. En 1998, par exemple, Chéreau signe un film, Ceux qui m’aiment prendront le train. Le personnage principal, Jean Baptiste, déclare : « Je veux être enterré à Limoges ». Et quand son interlocuteur lui demande : « Pourquoi Limoges ? », il répond que ça sera plus pratique, parce qu’il y a un caveau de famille. » Alors l’autre lui fait remarquer que, pour ceux qui l’aiment, ce ne sera pas pratique de se rendre à l’enterrement. Et Jean Baptiste réplique : « Eh bien ceux qui m’aiment prendront le train, ce n’est pas si compliqué que ça »
Des trains des gares… C’est dans la gare des Brotteaux tout juste fermée au trafic, à Lyon, que Chéreau tourna son troisième film en 1983, L’homme Blessé. L’un des premiers grands rôles de Jean-Hugues Anglade. On y meurt à la fin, déjà. Gisants pré sidaïques et déjà post-modernes. Tout comme, sur un autre ton, en 75, dans la Chair de l’Orchidée, d’après le roman de Chase qui fait suite à Pas d’orchidées pour Miss Blandish.
Chéreau a dû être l’un des plus jeunes directeurs du TNP tout juste décentralisé, de 1971 à 1981. Il essuie les plâtres, comme on dit, auprès de Planchon, place Lazare Goujon . Période faste pour le théâtre à Lyon, avec Maréchal au théâtre du Huitième. Une période dont il dira, je crois sans coquetterie, qu’elle fut artisanale. Massacre à Paris, de Marlowe, et sa scénographie monumentale, la scène croulant sous les eaux, les noyés, les fusillés de la saint Barthélémy, la mort comme un moteur de l’histoire, le cadavre comme un objet esthétique. « La mort au théâtre, on n’y croit jamais beaucoup, dit alors Chéreau. Alors qu’en fait quelqu’un qui disparait dans l’eau, qui glisse, ça donne une chose plus inhabituelle, plus rare… ». On s'en souvient, en effet.
La victoire de Mitterrand l’enlève de la capitale du saucisson pour les Amandiers à Nanterre. Chéreau devient peu à peu un personnage incontournable de la Mitterrandie. Un théâtreux de gauche sculpté dans la cire de l’Etat, un officiel du Régime, pendant masculin de Mnouchkine, porteur déjà fané des mythes de 68. Ce sera son côté générationnel agaçant au fil du temps qui passe. Comme les autres, il s’institutionnalise et l’engagement devient une posture nostalgique. Il n’empêche. La mort est toujours là, au cœur de sa création, comme le rappelle l’intermède Koltès. Elle persiste et signe. Comme dans un dispositif à jamais bi-frontal.
Si l’actuel défenseur de la politique de Filipetti n’était plus guère intéressant, l’homme de théâtre un peu fourvoyé dans une sempiternelle nostalgie continuait de l’être. Chéreau a donc fini par mourir ce matin d’un cancer au poumon. Façon de payer le tribu de sa génération aux industriels du tabac. Les hommages vont pleuvoir, avec ce qu’ils ont de fourbes, et parfois d’irréels. Libé fera sa une. On ne pourra plus dire à quel point on a détesté Dominique Blanc braillant de façon hystérique le rôle de Phèdre, sous le prétexte fallacieux que l’alexandrin classique ne devait plus être un vers après les barricades de 68. Il ne faudra plus se souvenir que de la scène si inventive, si réussie dans son formalisme glaçant du récit de Théramène, dans la même Phèdre de Chéreau. Car Chéreau, c’était le pire et le meilleur de ce que la scène française de ces quarante dernière années, étudiante jusqu’à l’académisme, obstinée et légère, révoltée et conventionnelle, oublieuse et érudite, a produit avec l’argent du contribuable. Un théâtre qui devrait se méfier des hommages, s'il veut rester vivant...
Chéreau et Planchon en 1972, Les barbus du TNP © PINAUD / AFP
22:40 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : théâtre, patrice chéreau, tnp, amandiers |
dimanche, 06 octobre 2013
Le Président de Michel Raskine
Au centre du texte du Thomas Bernhardt et dans les propos du président lui-même se niche la comparaison entre l’art politique (le premier dans sa hiérarchie) et l’art dramatique (celui qui vient juste après, avant les Beaux-Arts et tous les autres): Le dispositif imaginé par Raskine pour la mise en scène du Président, actuellement au théâtre de la Croix-Rousse, tient tout entier dans cette assimilation d’un art par un autre : le trône et l’estrade, lieux symboliques du pouvoir, se dressent devant les spectateurs entre deux vestiaires où deux comédiens (Marief Guittier et Charlie Nelson) vont endosser les peaux successives de leurs deux personnages : la Présidente, le Président. A leur côté, un troisième officiant, régisseur à la fois du palais et du théâtre, comme l’indique sa tenue. Et une multitude de petits pantins hauts de quelques centimètres afin de figurer les personnages secondaires, parmi lesquels la bonne de la présidente, le colonel victime du premier attentat et le masseur. Ce parti pris de théâtre dans le théâtre culmine lors du dénouement lorsque, vêtu du même tee-shirt que le régisseur, Charlie Nelson contemple la mise en bière de son personnage sur l’estrade en bois comme s’il la mettait en scène, tout en jouant du saxo.
Le texte de Bernhardt n’a rien perdu de sa force depuis 1975, bien au contraire : «En chaque individu, il y a un anarchiste », y compris dans le Président et la Présidente, qui ont enfanté le Fils qui menace de les tuer. Y compris chez les militaires, les domestiques. Y compris chez les curés et les médecins, dont il est vain de croire qu’ils pourraient former un rempart contre les risques galopants qui menacent le pouvoir. « Ambition, haine, rien d’autre » : c’est le fameux leitmotiv, auquel se rajoute « la peur » dans la bouche du président, qui hante la scène comme le palais et court d’un bout à l’autre du texte de l’auteur autrichien : survivre aux attentats qui déciment peu à peu le Régime et ses dignitaires, tel est donc l’enjeu de ce couple présidentiel qui justifie leurs monologues successifs, lesquels s’énoncent devant le spectateur telles deux longues phrases ponctuées autant que hachées par les répétitions : manière pour les personnages de communiquer leur isolement, leurs obsessions de se dire, et surtout leur incapacité à communiquer entre eux.
Survivre et non pas vivre, non pas régner : Jadis tragique, la figure de l’ordre est devenue comique, car la classe dirigeante, nous apprend le texte, meurt finalement d’elle-même, de son exposition et de sa corruption. De son auto-érosion.
« On oublie souvent, déclara Raskine dans un interview, que Thomas Bernhardt est un survivant. Il aurait dû mourir à 18 ans dans un sanatorium ; les médecins n’ont jamais compris comment il a survécu à tant de difficultés d’ordre médical. Il a survécu. Je pense qu’il a mis la barre à une telle hauteur d’exigences qu’on est tiré vers le haut ».
Dans Le Président, en effet, la survie est à la fois un thème burlesque et le moyen de la satire. On répète souvent que la pièce a été montée pour la première fois au Schauspielhaus de Stuttgart en 1975, alors que s’ouvrait le procès de la bande à Baader. On se souvient moins souvent que cette année 1975 fut aussi celle où Thomas Bernhardt entreprit le premier volume de sa longue suite autobiographique avec son premier volet, L’Origine :
« Lui-même est incapable de transformer même en un seul instant de sommeil son état d’épuisement encore bien plus grand, l’état d’un blessé perpétuel », peut-t-on lire dès les premières pages de ce récit. Or c’est bien cette rencontre entre la comédie du pouvoir et la tragédie de la survie qui confèrent aux deux personnages de la pièce leur épaisseur toute particulière, toute bernhardienne, mais aussi plus classique, plus universelle qu’une simple pièce au motif politique : c’est ce que soulignent la mise en scène de Raskine, comme la performance des deux comédiens, sur le fil d'un bout à l'autre du spectacle. Un beau et vrai moment de théâtre, en ce moment-même à la Croix-Rousse.
Marief Guittier Photo © Loll Willems
Théâtre de La Croix-Rousse, jusqu'au 11 octobre 2013
19:43 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : le président, thomas bernhard, michel raskine, théâtre, croix-rousse, lyon, littérature |
mercredi, 02 octobre 2013
Petites histoires stupéfiantes
Première soirée de la nouvelle saison, aux Ateliers, en plein cœur du quartier Mercière., Le soir, il fait encore doux. A 20h 30, badauds et touristes se lantibarnent. Pendant ce temps Chavassieux en personne explique à son public la situation du théâtre. Depuis des mois qu'il a perdu son co-directeur, Simon Délétang, ,la municipalité ne se presse pas pour lui trouver un successeur. Depuis juillet, on attend sa nomination. Et en attendant, plus le moindre financement public. Chavassieux explique qu'il paye ses artistes à la recette. Et ça tombe bien : voilà que Jean-Paul Bolle-Reddat descend la travée centrale en prévenant : « J’arrive les mains vides » Puis grimpe sur le plateau. Vide, presque. Un tabouret, un caddy, un aspirateur pour le ménage. Soudain, tout ça prend du sens, entre réel et fiction.
Le comédien a choisi de raconter les Petites histoires stupéfiantes. C'est, une création de la Cie Drôle d’équipage en résidence au théâtre de Givors (voir extrait ICI). A l'origine, un texte de 18 heures jamais monté, pensez donc, plus long encore que Le Soulier de Satin ! Ma Solange, comment t'écrire mon désastre, Alex Roux, de Noëlle Renaude. L'auteure a accepté que le comédien en picore une heure et quelques dix minutes, comme un moineau, et nous avec. Bolle-Redat est, on le sait, un amateur de Pierre Michon comme de Karl Valentin, qui a frotté son talent à Jean Louis Martinelli, Didier Besace, Jerôme Deschamps et a donc rejoint à présent Charly Marty pour sa première mise en scène.
L'histoire ? Celles des vrais gens, comme on le répète depuis Robert Park et l'invention de la sociologie. Ceux, par exemple, qui travaillent dans la moquette, écoutent Iglésias, et dont les existences à jamais floues posent un problème à la société. Là où ils sont, là d'où ils postent leurs cartes postales, c'est toujours nulle part. Noëlle Renaude ne travaille pas le non-sens, mais plutôt le petit sens. C'est d'ailleurs pourquoi des extraits de son texte sont travaillés souvent dans des cours de théâtre ou des compagnies amateurs. Instants choisis où se croisent parfois les fameux passés simples fautifs, le boucher venda, prena, disa... C'est l'expérience et le talent de Bolle-Reddat qui assurent le lien. Pour nous entraîner d'un prodigieux numéro de marionnettistes, à deux mains (vides) à un duo avec Salvatore Adamo au portable. On pense à Pierre Autin Grenier et Toute une vie bien ratée, A notre époque, personne ne fait son âge, lance, par sa bouche, un personnage. Celui qui meurt après tout le monde, lance un autre, finit quand même par mourir. Impossible de ne pas tomber en empathie avec eux, puis de s'en distancier l'instant qui suit pour en sourire. Le premier invité de cette saison aux Ateliers, aussi spéciale que neuve parce qu'elle devrait être celle de sa renaissance, éblouit finement mais surement. Il est donc à ne pas rater.
Petites histoires stupéfiantes, Les Ateliers, d'après Noëlle Renaude, ms Charly Marty, avec Jean-Claude Bolle-Reddat, du 1er au 19 octobre 2013 à 20h30, samedi à 19h, 1h10
05:54 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : théâtre de givors, jean paul bolle-reddat, drôle d'équipage, noëlle renaude, théâtre, les ateliers, petites histoires stupédiantes, charly marty |
mardi, 01 octobre 2013
La brume lyonnaise est un empire
Lyon s'est réveillée ce matin sous des vapeurs brumeuses, celles qui conviennent à ses reliefs, ses pierres, ses toits. C'est un beau début d'octobre, prometteur. Les vieux Lyonnais savent que c'est là son visage instinctif, le nordique, le celtique, le romantique également, qui ne pisse pas de sueur salée, mais se délecte de ses humides enchantements. Le moindre pavé devient alors propice au souvenir, dans l'épaisseur du sentiment.
Jadis, des poètes locaux un peu bourrus avaient fait de ce gris l'âme de leur ville, brume qui convient autant à l'effort de vivre qu'à la reconnaissance d'exister. A elle seule, elle donne sens aux carreaux des maisons, patine aux grilles des caves et pose d'inimitables reflets sur les croix de nos églises. En fermant l'horizon extérieur - et l'on voudrait presque que ce soit pour jamais - elle ouvre aux risques de l'âme l'aventure de sa vapeur et celle de son humidité. La brume lyonnaise est un empire. Chambre de chacun calfeutrée sur la pierre, enrobant mystère de sa toison bouclée répandue autour des branches, prometteuse caresse ivre de ses fleuves et filant par nos narines, joie fusant en cris suraigus par la gorge des gones qui courent dans les préaux.
photo Blanc Demilly
10:16 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : lyon, poème, littérature, brume d'octobre |
lundi, 30 septembre 2013
Du progressisme intrépide des marchés.
Si l'on écoute le principe du libre marché et de la concurrence non faussée, c'est l'individu multiple, aux mille facettes et aux mille besoins, dont l'insatiable déraison a force de loi. C'est cet ogre sans âme qu'il faut satisfaire, nuit et jour, dimanche comme lundi. Le moindre de ses désirs pouvant être exaucé par une organisation complaisante, du mariage gay au travail le dimanche, tout est envisageable pour libérer les marchés et satisfaire sa demande comme un puits sans fonds.
Après avoir contribué à l'élection de Hollande, Bayrou rejoint son opposition. Rien de plus conforme à la morale des politiciens. Survivre est leur seul enjeu, dans ce lac trouble où tout se fait, se défait, se dit, se contredit, et qui est leur monde. Cette politique tient du fumier.
La jeunesse est aujourd'hui minoritaire dans la société. La faute au progrès, si c'en est un. D'une pilule à l'autre, les femmes ont contrôlé les naissances, et les vieux vivent plus longtemps. Ces vieux qui feignent de tant aimer la jeunesse feraient n’importe quoi pour l'empêcher de grandir ou la désintégrer, en politique comme ailleurs. Ils arriveront bientôt à la supprimer, pour se retrouver entre eux à vouloir refaire le monde une fois de plus, quand il suffit de le laisser couler. Il n'y a finalement rien de plus réactionnaire qu'un progressiste intrépide.
La fable de La Fontaine, Le vieux chat et la jeune souris tenait presque de la prophétie;
06:46 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (3) |
mercredi, 25 septembre 2013
En sursis
Le plan social des librairies Chapitre qui prévoyait la suppression de 271 postes en France, et la liquidation du magasin de Bellecour (l’ancien Flammarion) a été suspendue. La librairie lyonnaise est donc en sursis.
En sursis également le petit théâtre d’André Sanfratello où nous jouâmes notre Colline aux canuts il y a déjà longtemps. Une subvention en moins (22 000 euros) de la DRAC, et l’Espace 44 joue sa survie. Une pétition adressée à la ministre de la culture peut être signée ICI.
En sursis, on le sent par ailleurs dans l'air de cette époque, tant de choses. Le durcissement de la société en général, les difficultés croissantes des gens, l'absence de visée, l'implantation du technologique en tous lieux, l'effacement d'une culture plurielle au profit de cet usage du divertissement de masse dont les pouvoirs aussi bien politiques qu'économiques usent et abusent ; tout cela fait que des habitudes s'estompent, des usages s'effacent, des lieux disparaissent. En sursis, par exemple, après celui de Lyon et celui de Marseille, le Grand Hôtel-Dieu de Paris.
On pourrait, mais je n'en ai pas le cœur, dresser un inventaire à la Prévert assez facilement en faisant une petite veille sur le web de tout ce qui, encore vivant, demeure en réalité en sursis. A commencer, dirait le philosophe, par soi-même. Mais justement. La tradition voulait que, face à nous qui passons, se dressât le monde, qui reste. Les dominants politiques de la planète ont, depuis un certain temps, programmé la disparition du monde traditionnel derrière ce qu'ils appellent le changement. Le monde, comme entité culturelle stable, est donc en train de s'émietter doucement. Et tous les individus sont sommés, dans cette évaporation, de positiver. Car leur dit-on, à eux qui ne sont que de passage, et alors qu'on a déjà programmé leur remplacement : "vous êtes la valeur étalon, vous êtes le citoyen référent, vous êtes le centre stable de toute cette agitation". C'est un monde inversé, comme en Iowa où l'on apprend que, par souci de non discrimination, les aveugles ont désormais le droit de porter une arme comme les voyants. Un de nos brillants politiques, n'en doutons pas, nous dira bientôt que l'Iowa est à la pointe du progrès. Au nom de la déraison des Droits de l'Homme, les droits de l'homme aussi, partout, sont en sursis.
05:15 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : espace44, librairie chapitre, bellecour, lyon, théâtre |
mardi, 24 septembre 2013
Irremplaçable et irremplacé
Tous ceux qui soutiennent ces guerres livrées aux quatre coins du monde au nom des Droits de l'Homme, tous les citoyens prétendument libres de cette société moderne qui voudraient qu'elle fût imposée au monde entier devraient lire cette page de l'irremplacable et irremplacé Bernanos. A travers l’explication du cas français, si l'on peut dire, il met à nu sans compromis, le lien épouvantable qui unit la guerre totale à la société moderne, et que nous devons tous sans cesse réfléchir, pour ne pas dire méditer...
Je vous parle, comme on disait au temps du roman réaliste, d’une expérience vécue. En 1920, je venais de faire la guerre comme tout le monde, j’avais trente-deux ans, je savais écouter, je savais voir. Oh ! sans doute, je ne me faisais pas beaucoup plus d’illusions qu’aujourd’hui sur les prétendues croisades de la Liberté, je ne pensais pas que « la porte du paradis sur la terre s’appellerait Verdun », comme l’écrivait alors je ne sais quel rédacteur de l’Echo de Paris. Oui, j’étais loin de m’attendre, croyez-le, à une période de prospérité ni surtout de sécurité. Je me disais : « cette guerre ne sera certainement pas la dernière, mais avant des siècles, surement, on ne reverra pas une telle imposture. Les hommes qu’on essaie de duper par une paix d’avoués véreux et de gangsters, quine serait, en somme, qu’une liquidation entre complices de la plus colossale faillite qu’on ait jamais vue, ne se laisseront évidemment pas faire, ils jetteront bas tout le système. »
Paris était à ce moment-là une sorte de foire universelle où la canaille internationale des palaces et des wagons-lit venait cuver son or à Montmartre comme un ivrogne cuve son vin. La température ambiante était, même sous la pluie de février, celle d’un salon de bordel ; mais le franc, lui tombait au-dessous de zéro et les éditeurs, rendus hystériques par leur propre réclame découvraient un génie par jour. Qui n’a pas vécu dans ces temps-là ne sait pas ce que c’est que le dégoût. Rien qu’en humant l’air des boulevards, vous auriez pu sentir l’odeur des charniers qui ne devaient pourtant s’ouvrir que dix-neuf ans plus tard.
J’allais et venais, je regardais dans les rues, à la terrasse des cafés, au seuil des usines et des chantiers, ces hommes qui avaient été cinq ans mes égaux, mes camarades, ces visages durcis par la guerre, ces mains de soldat. On les avait démobilisés classe par classe comme on rangerait sur une étagère des grenades encore amorcées. Mais c’était visiblement des soins superflus. Ils n’avaient jamais été dangereux que pour l’Ennemi. Ils avaient combattu en citoyens, ils s’étaient acquittés en masse de ce devoir civique, ils étaient allés là-bas comme aux urnes – beaucoup plus tranquillement, d’ailleurs, qu’ils allaient aux urnes, car ils sentaient bien que c’était une besogne sérieuse et qu’elle durerait longtemps. (…)
16:10 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bernanos, littérature |
lundi, 23 septembre 2013
Du poil sur le crâne de la cantatrice
Ionesco est mort en 1994, Devos douze ans plus tard en 2006. Les gens qui ont connu vivants ces deux champions de l’absurde riront de ce que je vais raconter là. Les autres m’intenteront peut-être un procès. Cela s’appelle une fracture générationnelle.
Les faits que je vais raconter sont vérifiables ICI.
Aujourd'hui, le journal est gratuit, dirait M Smith
C'est le monde à l'envers, dirait Mme Smith
Et l'article que je lis est signé d’une jeune fille sourde et muette dirait M Smith
Elle a envie de travailler dirait Mme Smith
Tout à son honneur dirait M.Smith
Elle veut être journaliste, rajoutera Mme Smith
Il lui faut la vocation, dira M. Smith
Elle l’a, elle l’a, dit Mme Smith
Tendre l'oreille à tous les ragots du bas monde ! dit M Smith
Ma foi, elle y parvient très bien, dit Mme Smith
Et se faire le porte parole de tous les chiens écrasés ! dit M Smith
Ils disent un peu tous la même chose, dit Mme Smith
Et de quoi parle son article ? dit M Smith
Du mariage entre homosexuels, dit Mme Smith
Tiens, dit M. Smith. Un pompier peut donc épouser un prêtre ? dit M Smith
Et un prêtre, un pompier, dit Mme Smith
La cantatrice n’est donc plus chauve ? s’affolera M.Smith.
Et la France est en Hollande, s'affole Mme Smith.
Et le pape s'appelle François, s'affole M Smith
Mais l'héritier s'appelle Georges, le console Mme Smith.
C'est toujours ça qui tient debout, rajoute M Smith
Il ne marche pas encore, remarque Mme Smith
Et la cantatrice ?
La cantatrice ?
Oui, la cantatrice ?
Tous ces plans de licenciements partout. Je crains qu'elle aussi soit au chômage, conclut M Smith, en mettant le feu au journal.
Rideau.
06:11 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ionesco, devos, absurde, littérature, politique, france, hollande, mariage gay, société, m smith |
dimanche, 22 septembre 2013
Monsieur H...
Je sais, c’est pas drôle, le pays se délite culturellement et s’enfonce dans la récession économique , la vie intellectuelle n’est plus faite que du ressassement de lieux communs, à l’extérieur plus personne ne prend la France et ses rodomontades militaires au sérieux, mais quand je me souviens des propos du Pingouin sur Merkel et que je le vois être le premier à lui envoyer ses félicitations tout en bouffant son discours de Vincennes, ça me fait marrer, c’est comme ça. Monsieur 23%, paraît-il, quand la Teutonne dont il prédisait la défaite remporte une majorité absolue, malgré la crise y'a plus que les indécrottables du PS pour espérer encore j'sais pas quoi de lui. Quel pauvre type !
En attendant tu payes plus d'impôts pour armer des terroristes en Syrie et continuer à rembourser les intérêts d'une dette qui se creuse encore et encore, pendant que les fils de Fabius et de Marisol sont inculpés pour fraudes et que le gouvernement sort blanchi des magouilles de Cahuzac. Super, non ? Tout ça pour marier une poignée de gays ! Ha ha ! Et où sont toutes les âmes indignées du temps du sarkozisme ? Le quinquennat tourne tellement en eau de boudin qu'on ne peut que se fendre la poire devant ce très mauvais remake, en croisant les doigts pour que Désir ne devienne pas président dans trois quinquennats... Les meilleures plaisanteries sont les plus courtes, non ?
20:52 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : socialisme, merkel, hollande, politique, france, escroquerie |