samedi, 22 juin 2013
L'émergence du cadavre en littérature
Plus que toute autre, la littérature du dix-neuvième siècle abonde en descriptions de cadavres. Il est peu de romans, à bien regarder, qui n’en recèlent au moins une : cadavres d’enfants, cadavres de soldats, cadavres de saintes ou de courtisanes, cadavres de vieux chrétiens et d'assassins sans foi ni loi : cadavres, si j’ose dire, en tous genres.
Qu’on en juge par ce constat : Parmi les vingt romans des Rougon-Macquart de Zola, quinze s’achèvent par l’évocation voire la description détaillée d’un cadavre. Comme si la description du corps –souvent dans un très sale état – du héros constituait un vrai dénouement. Celui de Nana demeure un modèle du genre :
« C’était un charnier, un tas d’humeur, une pelletée de chair corrompue, jetée là, sur un coussin. Les pustules avaient envahi la figure entière, un bouton touchant l'autre; et flétries, affaissées, d'un aspect grisâtre de boue, elles semblaient déjà une moisissure de la terre, sur cette bouillie informe, où l'on ne retrouvait plus les traits. Un oeil, celui de gauche, avait complètement sombré dans le bouillonement de la purulence. L'autre, à demi ouvert, s'enfonçait, comme un trou noir et gaté ».
Le cadavre de la reine de Paris n’inspire plus ni regret ni compassion à ceux qui hurlent A Berlin sous ses fenêtres : on passe à autre chose, la grande Histoire – ou du moins la vision que s’en fait Zola – roule sur le cadavre condamné à l'oubli, et tel est le sens de sa fulgurante décomposition.
Le principe naturaliste de clore une narration par la desciption d'un cadavre, récurrent chez Zola, prend naissance dans l'imitation de Balzac et de son réalisme. Dans César Birotteau, La fille aux yeux d’or, La femme de trente ans, La peau de Chagrin, pour ne citer qu’eux, la description d'un mort parachève la théâtralité de tout le récit. Et le véritable dénouement n’est pas une action, mais un état post-mortem, souvent non exempt d’ironie, comme ici pour le Christ de la parfumerie :
« En présence de ce monde fleuri, César serra la main de son confesseur et pencha la tête sur le sein de sa femme agenouillée. Un vaisseau s’était déjà rompu dans sa poitrine, et par surcroit, l’anévrisme étranglait sa dernière respiration.
-Voilà la mort du juste, dit l’abbé Loraux d’une voix grave, en montrant César par un de ces gestes divins que Rembrandt a su deviner pour son tableau du Christ rappelant Lazare à la vie.
Jésus ordonne à la Terre de rendre sa proie le saint prêtre indiquait au Ciel un martyr de la probité commerciale à décorer de la palme éternelle. »
L’exhibition finale du cadavre n’a pas toujours été de mise : « N’exigez pas de moi que je vous décrive mes sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions », précise le narrateur de Manon Lescaut. On se souvient, de même, avec quelle jalouse pudeur Claire tire le voile sur le visage de Julie dans La Nouvelle Héloïse. Rousseau pourtant évoque les chairs du visage, qui « commencent à se corrompre », là où Prévost se contentait de parler d’un corps « exposé à devenir la pâture des bêtes sauvages ».
Les romanciers du dix-neuvième siècle n’auront de cesse de prolonger cette tentation. La poésie, elle-même, s’emparera du motif : Une Charogne de Baudelaire, Souvenir de la nuit du 4 de Hugo, Le dormeur du Val de Rimbaud, pour ne citer que les plus institutionnalisés, Enfin, quand la tragédie du grand siècle interdisait qu’on mourût sur scène, tout drame romantique ne saurait se conclure sans un amas de cadavres dans les minutes qui précèdent la chute du rideau. L’acteur doit donc aussi jouer le cadavre, et c’est sur cette improbable figuration que s’achève le spectacle et que le drame trouve sa fin, dans le sentiment que le spectateur emporte.
Dans son grand Sermon sur la mort, Bossuet, au plus établi de l’âge classique, avait pourtant fait preuve d’une solennelle prémonition, rendant compte pour le futur de la difficulté de dépeindre un cadavre :
« La chair changera de nature, le corps prendra un autre nom ; même celui de cadavre ne lui demeurera plus longtemps : il deviendra un je ne sais quoi, qui n’a plus de nom dans aucune langue ».
L’aigle de Meaux stipulait que dire le cadavre est un artifice impossible. A moins d’être – ce qu’il s’interdit par nature – un rapport d’autopsie, le discours littéraire sur le cadavre n’a donc pour seule ressource que de modaliser à l’infini toutes les variations de la peur et du désir qu’il suscite chez le survivant.
Si l’on s’intéresse d’un peu plus près à cette mode du cadavre dont la littérature du XIXème témoigne, on découvre assez vite quel problème littéraire elle pose à chaque écrivain : l’objet cadavre étant proprement indicible et indescriptible, à moins de s’en tenir à un rapport d’autopsie (et encore), c’est donc davantage la somme idéologique des peurs, des désirs, des pulsions et des représentations imaginaires de chacun qui se projette et se donne à lire, en lieu et place du corps mort décrit. Dans leur volonté de dire le Réel, le Beau, le Laid, le Sublime ou le Fantastique, des générations d’auteurs n’ont ainsi pas manqué d’esthétiser, chacune à leur façon, cet objet incontournable, que les siècles antérieurs avaient, plus prudemment, tenu à distance.
Ainsi, Chateaubriand décrivant le cadavre d’Atala en 1801 réconcilie l’homme et la nature dans une harmonieuse mise en scène de la foi chrétienne et du le grand rassemblement fraternel des défunts devant la promesse de la Résurrection.
« Ses lèvres comme un bouton de rose cueilli depuis deux matins, semblaient languir et sourire. Dans ses joues d'une blancheur éclatante, on distinguait quelques veines bleues. Ses beaux yeux étaient fermés, ses pieds modestes étaient joints et ses mains d'albâtre pressaient sur son coeur un crucifix d'ébène. Elle paraissait enchantée par l'Ange de la mélancolie et par le double sommeil de l'innocence et de la tombe. Le nom de Dieu et du tombeau sortait de tous les échos, de tous les torrents, de toutes les forêts (…) et l’on croyait entendre, dans les Bocages de la mort, le chœur lointain des décédés, qui répondait à la voix du solitaire ».
Ni tristesse, ni désespoir de la part de Chactas, le survivant, mais une sérénité raffermie lorsque qu’il offre de ses mains mêmes à « la terre du sommeil » la dépouille « comme un lys blanc », dont « le sein s’élève au milieu du sombre argile »
Cette vision du cadavre chrétien connait une fortune considérable et de multiples imitations, à tel point que le peintre Girodet s’en empare pour triompher au salon de 1808 avec Les Funérailles d’Atala.
Du romantisme au naturalisme, dans ce XIXème ébranlé par les soubresauts convulsifs de plusieurs révolutions, hanté par les spéculations spirituelles (spiritisme, martinisme) les plus extrêmes, la représentation du cadavre a ainsi évolué en même temps que celle que l’homme a pu se faire de sa propre condition et de son propre destin, au fur et à mesure également que la représentation issue du catholicisme perdait de son emprise sur les esprits. Qu’il s’agisse d’affirmer la foi chrétienne ou celle dans le positivisme, la description du cadavre est devenu au cours du XIXème siècle un lieu idéologique, qui draine ses figures de style, ses passages obligés et ses lieux communs ; promesse de rédemption chez l'un, siège même de la pourriture excrémentielle chez l'autre, il se charge de tenir sur les vivants un discours sans ambigüité et occupe du coup dans l'oeuvre une place inédite auparavant.
(à suivre)
00:12 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, romantisme, chateaubriand, balzac, naturalisme, zola |
vendredi, 21 juin 2013
La fête du silence
Je me demande ce que ça donnerait : une journée entière durant laquelle l’humanité s’engagerait sur les cinq continents à ne produire aucun son : à ne pas crier, hurler, taper sur des tambours ou frotter sur des cordes tendues. Une journée durant laquelle on éteindrait tous les moteurs, fermerait tous les appareils, poserait tous les outils, mettrait fin à toutes les parades et ne prononcerait aucun mot.
C’est vrai, n’importe qui, n’importe quoi à sa journée, sa fête, sauf lui. Le silence. On ne serait pas pour autant triste, vide, inoccupé, solitaire, haineux ou malheureux. Au contraire.On pourrait s'aborder sans imiter les grands singes, les oiseaux criards ou les fauves aboyeurs. On l’appellerait tout simplement la journée du silence.
08:58 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : fête de la musique, société |
mardi, 18 juin 2013
Le teint du ciel
En même temps, il te faut tes obsessions, pour survivre. Tes tocs. Et même une bonne névrose. Tous ces gens bien normaux t’ont toujours saoulé. Sans contacts. Leur teint… Tu n'aurais su par où les sculpter. Toi, tu n’as jamais porté cravate ni complet veston. Tu n’aimes que les vues du ciel. Il n’y a que lui pour porter haut le gris de ses humeurs sans être fade.
Comme lui, il te faut tes ritournelles, ton arrogance et ton geste de fermeture. Ta suavité. Le changement te gave. Proteste. Conserve. N’hésite pas à tout sauver. Dégorge. Regorge. Matière qui respire. Sans les cieux tiens, néant.
10:23 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, poésie, lyon |
lundi, 17 juin 2013
Barrage au front national
Harlem Désir est un fringant quinquagénaire qui ne voit pas le temps passer. A présent qu’il est Premier Secrétaire du PS, et que l’ancien est président de la République, il se croit encore au bureau national de l’UNEF-ID ou à celui de SOS Racisme. Il n’a pas vu le siècle changer, ni l’air du temps, et surfe sur le sillon d’un vieux vinyle de propagande rayé. Sitôt connu la claque de son parti, dimanche soir, le voilà donc reparti comme en quatorze 2002, à appeler à faire BARRAGE AU FRONT NATIONAL. Qui lui expliquera que le fleuve a coulé, et qu’il faudrait qu’ils sortent un jour, lui et ses potes, de leur étroit et si confortable cadre idéologique ?
Car ce qui est drôle, c’est qu’il ne se trouve plus face à un septuagénaire, ancien de la guerre d’Algérie, mais à un mec de 23 ans fils d’un agriculteur français d’Algérie, étudiant en BTS, et qui le regarde pour ce qu’il est - un vieux notable d’un autre siècle. Dans cette mascarade qu’est le discours politique aujourd’hui, certains n’ont pas craint d’entonner No Pasaran à Villeneuve le Lot, ressuscitant de vieux tubes tandis que le jeune loup bleu Marine se pointait dans la mairie, la bouche fendue jusqu’aux oreilles.
Le PS tient toutes les instances du pouvoir dans ce pays. Ses grisonnant(e)s notables sont installés partout. Ils ne sont plus que les gardiens frileux de l’ordre moral le plus désuet et de l’ordre économique le plus insupportable. Ils devraient, pendant qu’il en est encore temps, réfléchir sur (comme ils disent) le sort de la fameuse génération Mitterrand, laquelle arrive à maturité en ce moment, génération à laquelle appartient Etienne Bousquet-Cassagne (23 ans), qu’on nous présente comme une peste brune devant lequel le front républicain doit s’elever.
Pas seulement lui, d’ailleurs. Mais aussi Alexandre Dhaussy (22 ans), fils d’ingénieur IBM, devenu SDF après avoir quitté le pavillon paternel non loin de Rambouillet, converti à l’Islam radical depuis 2009, qui, le samedi 25 mai 2013 a tenté d’assassiner Cedric Cordier (23 ans), enrôlé soldat de 1ère classe du 4ème régiment des chasseurs de Gap.
Mais aussi François Noguier (22 ans), élève ingénieur aux Arts et Métiers, tué le 4 juin 2013, pour avoir refusé une cigarette à un jeune chômeur de 20 ans, d’origine nord africaine
Mais encore Clément Méric (18 ans), fils de deux professeurs de droit, étudiant à Sciences Po endoctriné chez les antifas, tué le 6 juin 2013, par Morillo Esteban (20 ans), fils d’un artisan émigré espagnol et d’une mère au foyer, employé de sécurité endoctriné chez les skinheads, lors d’une rixe dans une vente privée de maillots.
Issus de milieux sociaux antagonistes, porteurs de conditionnements différents, ils ne vivent pas dans les années 1930, mais 2013. Ils sont tous enfants de la crise, de la zone euro, du vieillissement, de l’endettement et de l’appauvrissement culturel de ce pays où il ne fait plus bon être jeune. On se souvient des dernières phrases, si ridicules, du moribond Mitterrand, le président qui fit voter Maastricht : « je croix aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas ». Alors qu'un guignol tente de ressusciter son ombre à l’Elysée en leur jetant à la figure le mariage gay, l'enseignement en anglais à l'université et la flexisécurité comme gages de normalité, on voit de quelles impasses se constitue son héritage pour la génération qui porte son nom, et qui commence à faire parler d’elle.
Et l’on se sent comme envahi de tristesse pour eux, et de mépris pour cette classe dirigeante à ce point illusionnée par ce qu'elle voit dans son rétroviseur, à ce point crispée, si bête et si bornée, et qui est en train de nous conduire, tous, dans le mur.
Vue pittoresque de Villeneuve-sur-Lot
08:13 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : harlem désir, ps, villeneuve-sur-lot, france, bousquet-cassagne |
jeudi, 13 juin 2013
Tout ce qui est mortel
Bientôt la terre nous recouvrira tous, ensuite, elle aussi se transformera. Et ces nouvelles choses se transformeront à l’infini. Et, si l’on pense à ces vagues successives des transformations et des altérations, et à leur rapidité, on méprisera tout ce qui est mortel.
Marc Aurèle, Ecrits pour lui-même
06:38 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rtf, ert, grèce, télévision |
mardi, 11 juin 2013
Le Mans, 11 juin 55
La vie, la mort. La vitesse, l'accident. Le commencement du monde moderne et de ses paradoxes. Le tragique et le dérisoire. Le sportif et le fait divers. Fangio et Levegh.Le voyeurisme et l'exploit. L'inconscience et la compassion. L'horreur et l'oubli.
06:49 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : fangio, levegh, mercedes, 24heures du mans |
dimanche, 09 juin 2013
Un futur maire pour Lyon ?
Tout le monde donnait gagnant Georges Fenech et c’est finalement l’ancien député Michel Havard qui a remporté la primaire UMP lyonnaise pour les municipales, beaucoup moins médiatisée que la parisienne. Gérard Collomb aurait souhaité pour plusieurs raisons affronter le premier : d’une part parce que Fenech est un candidat plus droitier ; d’autre part parce qu’il était parachuté de l'extérieur quand Havard a grandi à Lyon. Or la prime au lyonnais est une vieille tradition ici. Avec Havard – un inconnu sur le plan national – Collomb a senti que ce serait sans doute plus compliqué d’emporter un troisième mandat, surtout par les temps qui courent. La campagne se jouera donc au centre, ce qui laissera sans doute de la place aux deux extrêmes pour faire émerger des listes au 1er tour. Mais Lyon étant ce qu’elle est, mon petit doigt me dit qu’à l’arrivée, Michel Havard a de sérieuses chances d’en devenir le futur maire. Mon petit doigt me dit aussi que Gérard Collomb n'a pas fini, dans les mois qui viennent, de critiquer la politique gouvernementale.
Ce qui est drôle, c’est que tous les autres candidats du premier tour, Nora Berra, qui n’avait réuni que 9%, Emmanuel Hamelin qui en avait réuni 14% s’étaient désistés pour son concurrent Georges Fenech qui en avait, lui, rassemblé 35%. Ce dernier avait même le soutien de l’ancien maire Michel Noir. On regardera de loin tous ces braves gens se ranger derrière le plus jeune poulain qui a triomphé des combines d'appareil, à moins qu’ils aient décidé de lui savonner la planche, ce qui en politique est toujours possible, mais vu le contexte national, guère probable.
23:33 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : michel havard, lyon, politique, municipales |
samedi, 08 juin 2013
Spirou au Grand Orient
On ignore à ce jour qui a profané la cathédrale Saint-Pierre de Nantes : croix gammées, statuettes de Femen, figurants de la manif pour tous avec des moustaches d'Hitler…. Il semble que les confusions entretenues par un certain nombre de déclarations récentes, en premier lieu celles de Pierre Bergé, assimilant les opposants au mariage gay à des extrémismes haineux, aient trouvé leur écho chez certains déséquilibrés.
Le préfet de Loire Atlantique a condamné l’acte au nom de la responsabilité de l’Etat dans la protection du patrimoine historique (sic). Le petit Valls, si prompt à monter au créneau, n’a toujours rien dit. Trop occupé sans doute à « hausser le ton » contre les nombreux maires refusant de marier des gays. 45% des Français, d’après un sondage récent, pense qu’il ferait un excellent premier ministre. Avec sa gueule de Spirou au Grand Orient, c’est vrai qu’il ferait un bon groom. L’entendra-t-on quand même condamner l’acte au 20 heures,d'autant plus que la porte de celle de Limoges a été, pour sa part, taguée de cette inscription : [droit canonique = sharia] ? Rien n'est moins sûr. Le petit groom sait ce qu'il fait.
Pour ma part, j’ai compris que les quatre ans que ce pauvre pays doit encore passer sous la direction de ce président pour lequel je me réjouis jour après jour de n’avoir pas voté tant il me semblait faux d’instinct, vont être plus clivants et plus destructeurs que jamais pour le pays, puisque cette équipe n’a qu’une seule arme pour rester au pouvoir : semer la division et divertir des enjeux vitaux, au risque de lui faire courir la pire des violences.
Il va donc falloir, devant les conséquences inéluctables des tentatives de récupération et des faux débats semés par ces gens, devant l’accroissement du chômage et l’amplitude de la crise dont ils sont les complices historiques, devant aussi l'appauvrissement culturel qu'ils incarnent, garder, plus que jamais la tête froide pour rester républicain face à une telle mascarade. Je trouve pour ma part cet état de fait tellement attristant que je ne vois, pour ne pas céder moi-même à un engagement dans une opposition politique qui me répugne autant que me répugne le président Hollande, qu'un engagement dans la littérature. Je ne sais combien de gens liront le roman dans l'écriture duquel je suis plongé depuis février, et qui me procure les joies, les peines, les vertiges et les crampes d'un chantier incessant. Pas beaucoup sans doute. Je peine cependant pour qu'ils se sentent alors lavés de toutes ces turpitudes du présent, et heureux dans leur lecture. C'est comme ça, vous le croirez ou non, que je traverse ces temps délétères.
17:40 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : france, cathédrale de nantes, spirou, manuel valls, littérature |
vendredi, 07 juin 2013
Fred Perry, les soldes et la récup
On sait que Fred Perry, vainqueur à Roland Garros en 1935, a lancé une marque de vêtements destinés au tennis, dont bien sûr des polos (version english de Lacoste). Ces derniers furent prisés par JFK en son temps, par de nombreux acteurs, rois et people des années soixante. Il devint en même temps l’article fétiche des mods, une branche de la contre culture urbaine londonienne dont les skins s’inspirèrent par la suite. Dans les années 80, les skins se sont scindés en trois, un groupe s’orientant vers « l’extrême droite », un autre vers « l’extrême-gauche », un troisième restant fidèle à la tradition de l’apolitisme. Tous ont continué à affectionner la marque, les dirigeants proposant des micro-signes de reconnaissance sur les manches pour se distinguer les uns des autres. Comme à l'université. Dans les années 80, le marketing tisse alors des liens étroits avec les revendications identitaires politiques, ce qui explique la rencontre dans des ventes privées de jeunes appartenant à des extrêmes opposés.
Clément Méric, le militant antifas qui a été mortellement blessé lors d'une bagarre à la sortie de l’une d’entre elles, mercredi 5 juin, avait 18 ans. Il étudiait à Sciences Po. Ses agresseurs skinheads avaient à peu près le même âge ; on saura peut-être un jour où ils étudiaient (ou n’étudiaient pas). Même âge à peu près qu'Alexandre, le jeune français converti à l'islamisme, dont on nous a dit qu'il était discret, poli et à la recherche de lui-mêmen avant d'attaquer un militaire au cutter à la Defense. Lui, il porte des capuches. Et étudia aussi forcément quelque part.
Des jeux de provocations qui tournent mal en pleine partie de shopping, et des partis politiques prétendument responsables dirigés par des Mélenchon ou Désir ravivent aussitôt les appels à manifester. Vieux réflexes, qui nous renvoient à une génération de sexagénaires pour qui la politique n’est pas seulement une affaire de polos, mais aussi de propagande idéologique. Le sénile milliardaire Bergé qui n’en rate pas une dans sa détestation du catholicisme explique que si tout le monde avait sagement accepté la loi qu'il a vendu au gouvernement, tout cela ne serait pas arrivé. Quant à l’inénarrable Vallaud-Belkacem elle ne se géne plus pour déclarer que c’est la faute des journalistes ,qui relaient « les discours de haine de l’extrême droite » et les enjoint à « ne pas leur donner plus d’audience que de raison ». Hollande, Ayrault et toute la clique annoncent déjà qu'ils préféreront dissoudre que résoudre...
Pour finir et selon eux, si des millions de gens ont défilé contre le mariage gay, les journalistes auraient dû n’en rien dire, si le chômage, la démagogie, la crise et leur incompétence politique face à de multiples opposants de tous bords font exploser les revendications identitaires en tous genres (y compris islamistes) dans la rue, il ne faut pas en parler non plus.
Bref. La variante que ces gens ont trouvé au « Moi ou le Chaos » de De Gaulle, c’est «Moi ou la Haine». Plus que jamais risibles.
Les responsables de la violence ont toujours les mains propres, vieil adage qui se confirme. Et ça c'est moins drôle.
Surtout pour ceux qui se sont fait piégés et restent sur le carreau, militaires, footeux, antifas, skinheads, ou autres à venir, car avec de tels arguments, il ne faut pas réver, il y en aura d'autres.
En attendant Pierre Mauroy vient de mourir. Le dernier service qu'il rend à ses copains : Un bon coup de diversion médiatique, le temps de respirer un peu en déposant des gerbes sur les écrans. La finale de Roland Garros qui rapplique aussi devrait leur faire du bien. Triste époque.
Fred Perry (1909-1995)
11:13 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : fred perry, antifas, clément méric, france, politique, vallaud-belkacem, pierre mauroy |