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lundi, 20 mai 2013

Ecrire, dormir peut-être

J’écris, j’écris, j’écris. En ce moment-même, je passe l’Atlantique dans la salle à souper des troisièmes classes du New Amsterdam, qui quitta Southampton un lendemain de Pâques 1957. Sur l’escabeau, mon chat veille. Mon chat est un veilleur qui ne prononce jamais le moindre mot, mais qui, plus fidèle que moi-même à ce projet, me le rappelle lorsque je suis sur le point de l’oublier. Il est, sous son poil gris, un veilleur épais de silence. A cause de la couleur de sa robe, il porte un nom d’écrivain, qui n’est pas difficile à deviner.

S’il ne sait pas ce que j’écris, je me demande, moi, ce qu’il fabrique, quand il dort.

littérature,écriture


18:32 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, écriture | | |

samedi, 18 mai 2013

L'art pour tous

Connaissez-vous Jussi Pylkkanen ? C’est le président de Christie’s Europe. Il s’est écrié hier, au vu des résultats de la vente de Christie's à New York (495 millions de dollars) : «Nous sommes entrés dans une nouvelle ère du marché de l’art, où les collectionneurs chevronnés et les nouveaux enchérisseurs rivalisent au plus niveau sur la scène internationale »  On dirait un qatari qui parle de footballeurs.

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52. Millions de dollars (+ les frais = 58,4) pour Number 10 de Jackson Pollock (ci-dessus),  48,9 millions de dollars pour Dustheads de Basquiat, 56, 1 millions pour Woman with Folowered Hat de Roy Lichtenstein. On est encore loin de l’enchère record de 119,2 millions de dollars pour l’une des versions du Cri de Munch en 2012. Au dessus, cependant, de Cézanne et de ses Pommes, nature morte adjugée mardi 7 mai pour 41 605 000 dollars par maison Sotheby's.

Il faut dire que Jackson Pollock, adepte de l’art primitif, des indiens d’Amérique et des figures dématérialisées, alcoolique, claqué à 44 ans dans un accident de voiture, Jean Michel Basquiat, ne à Brooklyn, métisse, pionnier du Street Art, maqué à Warhol, canné à 27 ans d’une overdose de coke, Roy Liechtenstein, septuagénaire emblématique de l’acrylique et de la térébenthine, né et mort à Manhattan, virtuose de l’auto-dérision, qui affirma un jour : « Je pense que mon travail est différent de la BD, mais je n’appellerais pas ça une transformation, je ne pense pas que ce soit important pour l’art. »  ont tout pour alimenter la légende bidon des temps ineptes et paradoxaux dont nous subissons la continuelle mise en spectacle et/ou mise en politique, les deux allant de pair dorénavant.

Dans un monde où l’argent et le marché seuls font encore autorité, il devient impossible de critiquer, voire même de ricaner, sans passer pour l’atrabilaire ou l’idiot de service : admettons donc que ces gens ont un talent unique et incontestable, tant leurs œuvres sont, in fine, significatives de la crise de la valeur qui crucifie le monde contemporain. Leurs œuvres appartiennent à la fois au temps de l’après Bien et Mal, de l’après Beau et Laid, de l’après Goût et de l’après Histoire.

La valeur de ces œuvres, en effet, ne se calcule non pas à l’aune de ce qu’elles créent de nouveau, car il n’y a là vraiment rien de nouveau, mais à celle de ce qu’elles détruisent en terme de tradition. Leur valeur symbolique est de sanctifier, dans des espaces muséaux créés à leur usage, le fait égalitaire comme constituant number one de l’esthétique démocratique, en lieu et place des critères anciens. « J’aurais pu en faire autant » (variante de « n’importe qui pourrait en faire autant », car un parmi des milliards, je suis n'importe qui) : voilà ce que doit penser le pékin moyen qui se promène avec son portable numérique devant ce type de toiles, d’expositions en galeries, même si, de toute évidence, il ne l’aurait pas fait : Reconnaître sa propre médiocrité, en tout point égale à celle de son voisin et s'en satisfaire, telle est l'expérience ontologique que l'art contemporain. - serviteur du politique - propose au citoyen du monde.

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Dustheads de Basquiat

Ces œuvres, qui se prétendent dépositaires de l’art pour tous, sont chargés de la même vulgarité, si l’on veut bien se souvenir de l’étymologie du mot, et de la même imposture que tout ce qui relève du pour tous : car ce que le nombre, le chiffre, le montant ou le record, comme on voudra l’entendre, sacralisent ici, ce n’est pas l’œuvre, mais l’individu à mon image qui l’a signée, moi devenu star, en quelque sorte, dans une illusion de valeur. Parce que je le vaux bien... La marque.

Comme sur les terrains de foot. Au fond, il n’y a plus beaucoup de différences entre les stades et les musées. Sinon que dans les seconds, on fait en sorte de paraître mieux élevé : mais il se peut que l’Art contemporain et ses dérives financières produisent à son tour ses hooligans, ses briseurs de fêtes et de rêves. Ce serait justice.

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Woman with Folowered Hat de Roy Lichtenstein

Le tiercé gagnant de Christie's


vendredi, 17 mai 2013

Une histoire éphémère

D’Emmanuel Roïdis, on connait La Papesse Jeanne, pour ma part, j’ignorais ses histoires d’animaux, dont les éditions de l’Echoppe viennent récemment de publier la traduction sous le titre Histoire d’un singe et autres histoires d’animaux. L’écrivain reprend une vieille tradition, qui détourne les Histoires d’Animaux d’Aristote, l’un des premiers recueils de zoologie connu, au bénéfice de la satire comique et morale. Le propos premier est de rechercher narquoisement les différences entre l’homme et l’animal : singe, chat, poules, cheval, chiens et rats, éphémères, ce recueil de L’Echoppe propose la traduction de  6 des 10 contes existants.

Ils furent écrits durant la première décennie du vingtième siècle et ont l’air tous cuits d’hier, tant le ton y est jovial. Ainsi ce dialogue entre deux éphémères, l’un âgé de quelques minutes demandant à un autre vieux de quatre heures, quelques conseils sentimentaux.

« Comment ne pas considérer comme un grand bonheur pour eux le fait qu’ils ne font ou ne ressentent jamais deux fois la même chose au cours de leur existence, tandis que tous nos plaisirs, quand ils se répètent, perdent une grande partie de leur charme premier ?», s’interroge alors  le narrateur. Ainsi, la brièveté de sa vie dispense l’éphémère du désespoir, conclut-il, et jamais il n’a le temps « de se dire qu’il aurait mieux fait de ne pas naître »

On a beaucoup ri (souvent jaune ou noir), de la mort, c'est de la durée de notre vie que l'écrivain grec, ici, s'amuse. Façon de mettre à distance les peurs archaïques de l'espèce, que chacun d'entre nous vit dans le tréfonds de son individu, à la manière si démunie d'un animal.

A l’opposé, après une digression comique par l’Ecclésiaste et Schopenhauer,  Roïdis constate l’inutilité pour l’homme de jouir d’une vie si longue qu’il l’emplit de bavardages au moyen de ses correspondances et de la presse, de Paris, New-York, Saint-Pétersbourg  à Pékin.

Puis il conclut par ces mots sur lesquels méditer, en ces temps d’allongement incessant de ce que les démographes qui n’ont pas lu Roïdis appellent ironiquement, « l’espérance de vie » :

« Le désir d’exister longtemps, ce désir si répandu, si indéracinable de notre cœur, me sembla à cet instant si saugrenu et absurde que j’eus honte d’appartenir à ce genre humain stupide et misérable, et que je jalousai les petites chrysalides volant au-dessus du courant, ces chrysalides que je persistais à identifier aux bienheureux éphémères. »

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Emmanuel Roïdis, Histoire d’un singe et autres histoires d’animaux,

L’Echoppe, nov 2012

mardi, 14 mai 2013

Quand le soft power devient hard

Alors bref, je vais t’expliquer : d’un côté, t’as des émirs enturbannés, ultra milliardaires qui, comme ils le disent sans vergogne sont bourrés aux as de pognon mais qui « n’ont pas de peuple. »  (ce qu’ils disent)  De l’autre côté t’as un peuple, enfin un mythe littéraire du peuple, initié par Michelet, romancé par Hugo et qui, après un long détour par Bruant, Fréhel, Gabin, Piaf et Audiard se décompose en rudiments de slam dans la sordide banlieue, avec la complicité hautaine des ministres de l’Education Nationale de ces 40 dernières années, et de ceux de la culture, la palme étant cette grande chèvre de Lang que le petit François vient de recaser à l’IMA, sans doute pour initier sa future réforme des retraites. 

Donc les émirs enturbannés s’achètent un peuple, du moins une marque de peuple, celui du PSG. Ibrahimovic, Beckam, Pastore, Emiliano, Rodrigues, pas très parisien tout ça, mais c’est entré dans les mœurs le mélange des genres et des gens, c’est romantique et c’est dans l’air du temps. Des tribunes, les émirs, qui les ont payés un pont d’or, les regardent s’entrainer comme un entraineur mate sa pouliche, ou un mac sa pute et, après tout, c’est bien ce qu’ils sont, des marques, la preuve

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Tout ce bordel prend place dans un plan mainstream plus global, comme ils disent, intégrant chaines de télés et d’hôtels, tour Eiffel et ponts de Paris, péniches sur la Seine et fabricants de maillots, biographies de joueurs et jeux videos, opérateurs et compagnies aériennes, bref, du soft power comme on dit, du lourd.

La belle machine met deux ans à écrabouiller les autres équipes, Montpellier faisant figure de petit poucet récalcitrant l’an dernier, mais voilà, c’est enfin fait.

L’équipementier du club qatari loue une péniche prestigieuse afin que son vestiaire de milliardaires descende la Seine en se tapant un gueuleton 5  étoiles avec les émirs, tandis que les supporters (les vrais, qui constituent le bon peuple) sont invités à « les suivre en courant le long des berges » (on ne sait pas s’il était prévu de leur jeter des cacahuètes) . Vous avez bien lu. Jadis, c’était les archevêques qui faisaient des parades fluviales en France, ce sont aujourd’hui des émirs du Qatar et leurs mercenaires qui le font, toujours en France ; juste avant, ils avaient prévu une remise du trophée au Trocadéro avec la Tour du pauvre Gustave en arrière plan, pour vendre la carte postale à des gosses illusionnés dans le monde entier. Bref. Un dépliant touristique en papier glacé.

 

Et là, boum : « les perturbateurs, les ultras, les violents, une poignée d’individus, l'extrême droite », bref, comme disait Musset : le peuple (1) fout tout en l’air. Bus de touristes pillés, voitures incendiées, vitrines et abribus cassés, fumigènes, charge de CRS,le quartier de l’Etoile pris d’assaut… 250 millions d’euros investis par les émirs qui s’aperçoivent que derrière le dépliant touristique, il y a le peuple. Le peuple tel qu'on voudrait qu'il ne soit pas... Au Royaume Uni, au même moment, le bon peuple défile derrière Sir Alex Ferguson, en lui chantant des romances d'amour.Beautiful, isn't it ?

Toutes les chaines d’infos parlent de gâchis, de casseurs, soit. Il y aura au moins un effet positif : les nouveaux aristocrates enturbannés ont dû annuler leur parade fluviale d’un autre temps sur la Seine, et sont en train de comprendre que le peuple de Paris, et de toute la misère qui l’entoure, c’est aussi ça.

 

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(1) A relire cet extrait de La Confession d’un enfant du siècle, de Musset, que les qataris ne prendront pas le temps d eméditer

 La première fois que j’ai vu le peuple… c’était par une affreuse matinée, le mercredi des Cendres, à la descente de la Courtille. Il tombait depuis la veille au soir une pluie fine et glaciale ; les rues étaient des mares de boue. Les voitures de masques défilaient pêle-mêle, en se heurtant, en se froissant, entre deux longues haies d’hommes et de femmes hideux, debout sur les trottoirs. Cette muraille de spectateurs sinistres avait, dans ses yeux rouges de vin, une haine de tigre. Sur une lieue de long tout cela grommelait, tandis que les roues des carrosses leur effleuraient la poitrine, sans qu’ils fissent un pas en arrière. J’étais debout sur la banquette, la voiture découverte ; de temps en temps un homme en haillons sortait de la haie, nous vomissait un torrent d’injures au visage, puis nous jetait un nuage de farine. Bientôt nous reçûmes de la boue ; cependant nous montions toujours, gagnant l’Île-d’Amour et le joli bois de Romainville, où tant de doux baisers sur l’herbe se donnaient autrefois. Un de nos amis, assis sur le siège, tomba, au risque de se tuer, sur le pavé. Le peuple se précipita sur lui pour l’assommer ; il fallut y courir et l’entourer. Un des sonneurs de trompe qui nous précédaient à cheval reçut un pavé sur l’épaule : la farine manquait. Je n’avais jamais entendu parler de rien de semblable à cela.

Je commençai à comprendre le siècle, et à savoir en quel temps nous vivons.

10:01 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : psg, trocadero, champions de france, qataris, hexagoal, football, france, société | | |

lundi, 13 mai 2013

Le pouvoir et le courage

Je m’étais promis de ne plus vous entretenir de l’ancien conseiller général de Corrèze, mais quoi, son actualité dépassant la fiction, je ne résiste pas au plaisir de sortir du bois et, d’une certaine façon, de tomber dans le piège qu’il tend. Qu’importe.

Il est vrai que les politiques ont toujours nourri, à l’égard de la création et de la culture, une espèce de complexe, comme si le pouvoir, justement, n’était pas suffisant à apaiser leur boulimie névrotique de reconnaissance. Cela passait, naguère, par une volonté de singer l’homme de lettres. On  se souvient des velléités littéraires de François Mitterrand, dont La Paille et le Grain, qui n’ont pas, c’est le moins qu’on puisse dire, marqué plus que ça les esprits. Giscard, avant lui, a prétendu faire œuvre de romancier (et a fini à ce titre dans la Coupole qui n’a pas craint le ridicule de l’accueillir en 2003). On ne sait trop à quel nègre Chirac a confié, après lui, ses Mémoires dont les manuscrits originaux doivent croupir au musée de Sarran.

Les névroses présidentielles sont un bon marqueur des changements de civilisation.

Le pauvre type qui occupe aujourd’hui le théâtre de l’Elysée ne fantasme donc plus bibliothèque. Il laisse ça à son ex qui sort le même jour (!!!)  un bouquin avec sa bibine hilare en couverture, sous un titre lui aussi hilarant : Cette belle idée du courage. Non, il ne rêve pas d’être Voltaire ou Hugo (pour rester dans du scolairement correct) plutôt Gabin ou Depardieu. Le voilà donc qui sera dès mercredi le héros d’un nouveau vaudeville, dans lequel Moi Président joue son propre rôle (on l’imagine mal dans Quai des Brumes ou Cyrano, faut dire) : ça s’appelle Le Pouvoir

Décidément, je crois comprendre pourquoi, dès le début cet être m’est à ce point antipathique. Il me fait penser au beauf qui, revenant de Thaïlande, ne peut s’empêcher de faire sa soirée crêpe pour montrer ses putains de photos à tout le voisinage, savez : « J’ai fait la Thaïlande ». Ou à l’ado boutonneux qui, après avoir levé sa première minette, montre la photo à tous les copains.

François Dujardin Hollande himself a donc tourné son premier film. C’est ce qu’il appelle être normal. Ah ! ah ! Franchement, je suis vraiment content de ne pas avoir glissé son bulletin dans l’urne. Me demande ce que je penserais à présent. Le Changement ! J’entendais un étudiant l’autre jour répéter niaisement à la télé, comme on décline sa leçon : « Moi j’ai voté François Hollande parce que je voulais plus de Sarkozy,  mais le changement, on l’attend encore ». Pauvre chou. Pourra toujours aller voir son président aller et venir, entrer et sortir, se lever et s’asseoir sur l’écran en lui faisant des leçons de morale sur la République et l’Egalité ; Se rendra-t-il compte qu’il a la même dose de narcissisme, de fatuité et d’ego boursouflé que Sarkozy, la même dose en plus feutré, plus notable, en mieux élevé, en plus insipide, plus médiocre, somme toute. Hollande, c’est du Sarkozy light. Pauvre de nous. Au fait, le pognon récolté servira-t-il à rembourser la dette ?

C’est vrai que, sans être un changement, un président aussi bas dans les sondages, aussi peu crédible dans sa fonction et qui au bout d’un an s’échine encore à jouer son propre rôle dans un film en salles, c’est une première ! Le jour de la sortie du navet, le héros normal ira présenter sa copie à Bruxelles. La queue basse et friendly. Sur tous les écrans, ce mercredi. La veille de la conférence de presse, censée ouvrir l’an II du pays bas.  Et vive le socialisme !

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Y'a t-il encore une vie intellectuelle en France ? 

samedi, 11 mai 2013

La Chaize en Beaujolais

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Magnifique vue automnale du château de la Chaize, à Odenas, dans le vivifiant Beaujolais. Il est niché en un écrin de vignes, divine surprise du promeneur au cœur des coteaux. Mansart en réalisa les plans pour le frère cadet de l'illustre père La Chaize. C’est sans doute pour plaire à son confesseur que Louis XIV l’éleva au rang de marquisat. Les jardins à la française, plantés d’ifs, sont de Le Nôtre, et le potager est disposé en soleil.

Sur la photo aérienne ci-dessous, on voit bien l'ensemble (jardin et potager), le corps de logis central avec l’avant-corps en faible saillie couronné d’un fronton, parfaitement classique. Deux ailes encadrées par des pavillons d’angle achèvent l’impeccable symétrie de l’ouvrage.

Sa cave de 108 mètres est la plus longue du Beaujolais. S'y fabrique 8% de la production de Brouilly. Tout autour, les bras entrelacés des vignes se répandent à perte de vue sur les coteaux. 

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d'autres photos sur ce site, crédit photo http://www.chateau-fort-manoir-chateau.eu/vie-privee-droi...

12:07 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (2) | | |

vendredi, 10 mai 2013

Maurin Quina en Beaujolais

Au sommet d’un coteau du Beaujolais, une maison de vignes, dont le toit avait été soufflé jadis par un coup de vent. Elle est depuis longtemps tombée en ruines. Sur sa façade, ce qui demeure d’un ancien mur peint, d’après la fameuse affiche de Leonetto Cappiello pour Maurin Quina, une marque française d'apéritif. Un personnage effilé, mi diable mi gentleman cambrioleur, tente de déboucher une bouteille. Il est vert comme l’absinthe, cornu comme une chèvre, muni de favoris, ainsi qu’un chat. Le fond d’un violet sombre s’est accroché à la pierre, malgré les intempéries. Et met en valeur une longue queue d'ivrogne, ondoyante et fourchue. 

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06:08 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : maurin quina, leonetto capiello, mur peint, beaujolais, odenas | | |

jeudi, 09 mai 2013

Le grand retournement

 Au printemps 1957, Kerouac traverse la France à toute vitesse et séjourne quelques jours seulement  à Paris. Il y rencontre Gregory Corso et sa bande, qui logent au Beat Hôtel, rue Gît le Cœur à Saint-Michel. C’est alors qu’il expérimente ce qu’il appelle « le grand retournement ». Une sorte de jeu ironique de l’existence, si l’on peut dire : tandis que Sur la Route est en cours d’impression et que son personnage littéraire s’apprête à devenir « le roi des beatniks » (1) au sein de sa génération, le voyage, qu’il a pratiqué toute sa vie, lui apparaît comme une forme de subtil conformisme, une illusoire solution, un mensonge : « ce fut au cœur de ce voyage que se produisit le grand changement de ma vie, ce que j’ai appelé le « grand retournement » passant d’un goût juvénile et courageux pour l’aventure à une nausée complète en ce qui concerne l’expérience dans le monde au sens large, une révulsion de l’ensemble des six sens. [...] mon âme se mettait à crier : Pourquoi n’es-tu pas resté chez toi ? Tout ce que je voulais maintenant d’une certaine manière, c’était des corn flakes près d’une fenêtre de cuisine en Amérique avec un vent chargé de l’odeur des pins, c’est-à-dire une vision de mon enfance en Amérique, je suppose. » (1)

A partir de ce moment, il se détourne peu à peu de tous les ingrédients qui sont en train de forger le mythe littéraire naissant : la route, la drogue, le bouddhisme… Son chemin bifurque de plus en plus loin de celui du personnage qu’il devient pour le public, pour plonger dans cet état qu’il appelle la désolation.

A l’époque, les beatniks ne sont pas encore baptisés du nom de Beat Génération et Kerouac, qui sent venir le vent écrit : « Il n’y a rien de plus sinistre que les gens à la coule, qui posent (…) Chez les poseurs, c’est une sorte de décontraction de nature sociologique qui allait bientôt devenir un engouement de masse dans la jeunesse des classes moyennes (…) Il y a même quelque chose d’insultant là-dedans» (2)

Dans une lettre écrite en aout 1960, il résume ainsi le retournement opéré durant ces quelques jours : « De là je suis allé à Paris, où il ne se passait rien, si ce n’est que la plus belle fille du monde n’aimait pas mon sac à dos et avait rendez-vous avec un type à moustache debout une main dans la poche et un sourire méprisant aux lèvres devant les cinémas de nuit de Paris. »  (3)

Vrai que ça doit être drôle de se sentir devenir - alors qu’on est si fêlé soi-même, si plein de troubles et de craintes- une sorte de valeur absolue pour ceux-là même qu’on méprise, et ce au nom des principes et des valeurs qu"on est en train d'abandonner.

Le grand retournement prend place aussi dans sa vie spirituelle : c’est l’abandon définitif du bouddhisme de L’écrit de l’éternité d’or (1956) et le retour vers le christianisme dans Vanité de Duluoz (1963) : « Quand j’eus écrit tout ceci, la croix m’apparut. Je ne peux échapper à sa pénétration mystérieuse dans ce monde brutal. Simplement, je la VOIS tout le temps, et même parfois la croix grecque. Les fous et les candidats au suicide ont ce genre de vision. De même les mourants et ceux qui souffrent d’une angoisse intolérable. Quel autre PÉCHÉ existe-t-il, sinon celui de la naissance ? ».

Et les écrits de Kerouac se referment sur une dernière parole, au bout du rouleau (si j'ose dire !) : « hic calix ! En latin, cela signifie Voici le calice, et vérifie bien qu’il y a du vin dedans. »

 

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Kerouac qui dort, 1958


1 Big Sur 

2 Les Anges de la désolation, Denoël

3 Sur la route et autres romans, Quarto, Gallimard

4 Vanité de Duluoz

 

mercredi, 08 mai 2013

La gauche est une salle d'attente pour le fascisme


09:48 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ferré, gauche, fascisme | | |