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mardi, 14 mai 2013

Quand le soft power devient hard

Alors bref, je vais t’expliquer : d’un côté, t’as des émirs enturbannés, ultra milliardaires qui, comme ils le disent sans vergogne sont bourrés aux as de pognon mais qui « n’ont pas de peuple. »  (ce qu’ils disent)  De l’autre côté t’as un peuple, enfin un mythe littéraire du peuple, initié par Michelet, romancé par Hugo et qui, après un long détour par Bruant, Fréhel, Gabin, Piaf et Audiard se décompose en rudiments de slam dans la sordide banlieue, avec la complicité hautaine des ministres de l’Education Nationale de ces 40 dernières années, et de ceux de la culture, la palme étant cette grande chèvre de Lang que le petit François vient de recaser à l’IMA, sans doute pour initier sa future réforme des retraites. 

Donc les émirs enturbannés s’achètent un peuple, du moins une marque de peuple, celui du PSG. Ibrahimovic, Beckam, Pastore, Emiliano, Rodrigues, pas très parisien tout ça, mais c’est entré dans les mœurs le mélange des genres et des gens, c’est romantique et c’est dans l’air du temps. Des tribunes, les émirs, qui les ont payés un pont d’or, les regardent s’entrainer comme un entraineur mate sa pouliche, ou un mac sa pute et, après tout, c’est bien ce qu’ils sont, des marques, la preuve

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Tout ce bordel prend place dans un plan mainstream plus global, comme ils disent, intégrant chaines de télés et d’hôtels, tour Eiffel et ponts de Paris, péniches sur la Seine et fabricants de maillots, biographies de joueurs et jeux videos, opérateurs et compagnies aériennes, bref, du soft power comme on dit, du lourd.

La belle machine met deux ans à écrabouiller les autres équipes, Montpellier faisant figure de petit poucet récalcitrant l’an dernier, mais voilà, c’est enfin fait.

L’équipementier du club qatari loue une péniche prestigieuse afin que son vestiaire de milliardaires descende la Seine en se tapant un gueuleton 5  étoiles avec les émirs, tandis que les supporters (les vrais, qui constituent le bon peuple) sont invités à « les suivre en courant le long des berges » (on ne sait pas s’il était prévu de leur jeter des cacahuètes) . Vous avez bien lu. Jadis, c’était les archevêques qui faisaient des parades fluviales en France, ce sont aujourd’hui des émirs du Qatar et leurs mercenaires qui le font, toujours en France ; juste avant, ils avaient prévu une remise du trophée au Trocadéro avec la Tour du pauvre Gustave en arrière plan, pour vendre la carte postale à des gosses illusionnés dans le monde entier. Bref. Un dépliant touristique en papier glacé.

 

Et là, boum : « les perturbateurs, les ultras, les violents, une poignée d’individus, l'extrême droite », bref, comme disait Musset : le peuple (1) fout tout en l’air. Bus de touristes pillés, voitures incendiées, vitrines et abribus cassés, fumigènes, charge de CRS,le quartier de l’Etoile pris d’assaut… 250 millions d’euros investis par les émirs qui s’aperçoivent que derrière le dépliant touristique, il y a le peuple. Le peuple tel qu'on voudrait qu'il ne soit pas... Au Royaume Uni, au même moment, le bon peuple défile derrière Sir Alex Ferguson, en lui chantant des romances d'amour.Beautiful, isn't it ?

Toutes les chaines d’infos parlent de gâchis, de casseurs, soit. Il y aura au moins un effet positif : les nouveaux aristocrates enturbannés ont dû annuler leur parade fluviale d’un autre temps sur la Seine, et sont en train de comprendre que le peuple de Paris, et de toute la misère qui l’entoure, c’est aussi ça.

 

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(1) A relire cet extrait de La Confession d’un enfant du siècle, de Musset, que les qataris ne prendront pas le temps d eméditer

 La première fois que j’ai vu le peuple… c’était par une affreuse matinée, le mercredi des Cendres, à la descente de la Courtille. Il tombait depuis la veille au soir une pluie fine et glaciale ; les rues étaient des mares de boue. Les voitures de masques défilaient pêle-mêle, en se heurtant, en se froissant, entre deux longues haies d’hommes et de femmes hideux, debout sur les trottoirs. Cette muraille de spectateurs sinistres avait, dans ses yeux rouges de vin, une haine de tigre. Sur une lieue de long tout cela grommelait, tandis que les roues des carrosses leur effleuraient la poitrine, sans qu’ils fissent un pas en arrière. J’étais debout sur la banquette, la voiture découverte ; de temps en temps un homme en haillons sortait de la haie, nous vomissait un torrent d’injures au visage, puis nous jetait un nuage de farine. Bientôt nous reçûmes de la boue ; cependant nous montions toujours, gagnant l’Île-d’Amour et le joli bois de Romainville, où tant de doux baisers sur l’herbe se donnaient autrefois. Un de nos amis, assis sur le siège, tomba, au risque de se tuer, sur le pavé. Le peuple se précipita sur lui pour l’assommer ; il fallut y courir et l’entourer. Un des sonneurs de trompe qui nous précédaient à cheval reçut un pavé sur l’épaule : la farine manquait. Je n’avais jamais entendu parler de rien de semblable à cela.

Je commençai à comprendre le siècle, et à savoir en quel temps nous vivons.

10:01 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : psg, trocadero, champions de france, qataris, hexagoal, football, france, société | | |