dimanche, 01 mars 2015
Le nombre de vie
J’ai cousu d’un fil d’or né
Un quintil d’alexandrins
Dont je prie que les années
L’étirent jusqu’au huitain
Chèvre aux sabots bien fendus, Église de Mailhat, Lamontgie, fin du XIIe siècle
10:20 Publié dans Des nuits et des jours..., Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, chèvre, nombre d'or, vie, année |
dimanche, 12 octobre 2014
La pierre angulaire
Comment se fait-il que, bien que si nombreux sur Terre, nous nous y sentions si seuls ? C’est bien la preuve que nos trajectoires ne sont ni aussi citoyennes, ni aussi solidaires que les constitutions démocratiques et les églises claironnantes le donnent à entendre.
Aussi n’est-ce que dans le plus intime de la durée propre à chacun de nos tirets sur la tombe que la pierre angulaire parvient à parfois métamorphoser en pierre philosophale le muscle sanguinolent qui lutte entre nos cotes...
encore faut-il que cette durée accepte de renoncer à la pire de ses prérogatives, jusqu'à céder un peu de sa place à plus vaste que son champ, plus sûr que son toit et plus stable que son marbre.
Tombes à l'abandon
23:25 Publié dans Des poèmes, Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, poème |
mardi, 01 octobre 2013
La brume lyonnaise est un empire
Lyon s'est réveillée ce matin sous des vapeurs brumeuses, celles qui conviennent à ses reliefs, ses pierres, ses toits. C'est un beau début d'octobre, prometteur. Les vieux Lyonnais savent que c'est là son visage instinctif, le nordique, le celtique, le romantique également, qui ne pisse pas de sueur salée, mais se délecte de ses humides enchantements. Le moindre pavé devient alors propice au souvenir, dans l'épaisseur du sentiment.
Jadis, des poètes locaux un peu bourrus avaient fait de ce gris l'âme de leur ville, brume qui convient autant à l'effort de vivre qu'à la reconnaissance d'exister. A elle seule, elle donne sens aux carreaux des maisons, patine aux grilles des caves et pose d'inimitables reflets sur les croix de nos églises. En fermant l'horizon extérieur - et l'on voudrait presque que ce soit pour jamais - elle ouvre aux risques de l'âme l'aventure de sa vapeur et celle de son humidité. La brume lyonnaise est un empire. Chambre de chacun calfeutrée sur la pierre, enrobant mystère de sa toison bouclée répandue autour des branches, prometteuse caresse ivre de ses fleuves et filant par nos narines, joie fusant en cris suraigus par la gorge des gones qui courent dans les préaux.
photo Blanc Demilly
10:16 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : lyon, poème, littérature, brume d'octobre |
dimanche, 01 septembre 2013
Septembre, leur fiction
L’aube de ce matin annonce celle de septembre, magnifique, quand tout se tait
Dans la fraîcheur alpine de l’automne en train de tourner sur les toits
Le sens des jours. Les abus de l’été vont cessant
Il faut garder au cœur cet instant pour avancer plus loin sauf
Dans la reprise des hommes qui aspirent à l’événement
Le séisme des crises et le bruit des bottes hantent à l’horizon
Leur fiction
Comme si pour se hisser au plus haut degré de leur histoire
Les petits gouvernants étaient à jamais nostalgiques de notre mort
Dans l’amas déliquescent de sociétés de peuples et d’événements
Mais leur histoire n’est pas celle de ce matin dont la chair frémit vers le recommencement
Qui mènera les racines des arbres et le museau humant des bêtes par le prochain hiver
Et à qui seul je donne le nom et reconnais le pouvoir de permanence.
07:10 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : septembre, poème, littérature, lyon |
mardi, 05 février 2013
Père
Le chemin vers la dissémination lui semblait encore long
Tant la poussière, les crachats, s’accrochaient aux talons
Il parcourut d’un regard fier la rondeur des collines
Que striait jusqu'au soleil le tracé droit de sa route
Tu les retrouveras, songea-t-il,
Ta femme,
Ton fils,
Ton travail,
Ta maison,
Ta lignée,
Ta race.
Lorsqu’il s’étendit contre le fer,
Il ressentit la douceur de l’édredon
Imprégnant toute sa chair
Son sexe comme au premier éjaculat
Se fit poignard, immense de chaleur
Et brûlant de lumière.
Il ne parvint à rien contenir
De la joie limpide qui flambait
De violence natale.
Un monde né d’un tel coup de reins
Qui pourra le démembrer, se dit-il,
Des votes de l’assemblée sénile
Ou des fioles folles des laboratoires marchands?
Alors, éclat de bonheur
Ivre et comme fondu de durée,
Il terrassa d'un geste le travestissement odieux de leur monde
En répandant ces mots.
04:19 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, littérature, pma, père |
mardi, 08 novembre 2011
L'Année du premier pas
D’un côté de la toile, il y avait la maison paternelle. La ferme où fut ravie l’enfance. Belle affaire que l’enfance ravie ! Et dans un corps vigoureux, il s’élance. Tout autour bruissent les grillons d’un seizième été. Lieu d’où s’annonce le monde.
De l’autre côté de la toile, le monde, précisément. Le monde qui court là-bas, de reptile en reptile, jusqu’aux plus renommées capitales. L’enfance enfin ravie, merci ! Il ira pieds nus par les routes et gagnera sa vie.
D’abord, précisément, ce champ d’andains à traverser; l’or de ces blés fauchés, de la couleur des saints ! Une technique pour traverser sans dommage, n’y poser le pied que le temps vif du rebond. Plisser le front sous la cisaille et contre le flanc, serrer le poing. Car après ce champ surgiront d’autres. Du même effort, et de la même couleur après chaque haie, chaque ville, guère plus qu’un pas.
Ce vert marin le tire, que déplacent les illusions lumineuses : cet été déjà tendu vers l’hiver : qui a quitté l’enfance a quitté pour jamais son été. Il apprendra cela de la déception de Venise, de Patmos, d’Istanbul, et d'ailleurs. A présent, devant cette toile de Ravier, lui importe seul de nicher à nouveau au seuil de cet instant superbe où il ne savait rien du désenchantement, l’année du premier pas.
Toile d'Auguste Ravier, Paysage au couchant
06:25 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : peinture, littérature, ravier, poème |
lundi, 26 avril 2010
L'Ancêtre-laboureur
Passé la journée dans le Haut-Jura. Vu quelques champs de colza, de nombreux prés couverts de pissenlits, quelques vaches, des forêts, des chemins de terre, une ou deux cascades. Traversé des villages, vides. Vieilles pierres, des bâtisses, des églises, des murets, des fontaines. Revu tout cela après une semaine durant laquelle je suis resté chez moi, claquemuré presque.
Ressenti brièvement l’Ancêtre-laboureur.
Ce texte est une republication :
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Ses ancêtres, de quelque côté qu’il se tournât, avaient poussé la charrue.
Etrange, cette envie, qui leur avait fait quitter leur sillon. Je me demande à présent : était-ce l'envie de nous ?
Une lueur au loin : c'était la ville. Là-bas, des sourires carnivores et du papier-monnaie. Sourires quand même, s’étaient-ils dit. Et, bien que les pantalons de velours leur usassent l'intérieur des cuisses, ils s’étaient mis en route des sentiers jusqu'aux ateliers. Souci de prospérité ? Envie de foutre le destin par-dessus-bord ? Suivisme ? Envie de dire collectivement son mot dans l'Histoire : le peuple et ses légendes… Besoin de bouffer.
Nous nous retrouvâmes au cours de l'épisode suivant, tous entassés à plusieurs générations dans des lieux exigus au fond d'arrière-cours assez malodorantes, il faut bien le reconnaître, mais poussés au sens propre hors de nous-mêmes par une force tenace qui ne voulut plus voir dans le troupeau que des individus, force cérémoniale qui devint tant bien que mal une tradition démocratique. C'est alors que nous avons peu à peu abandonné les récits de nos ancêtres pour le discours des orateurs urbains. Alors que le passé, jusqu'alors simple, devint composé.
Certains carreaux de la cuisine étaient branlants et nous n'avions pas de chauffe-eau pour se laver. Quand les filles se dénudaient, il fallait faire le pied de grue à la porte. Mais le progrès filait sa route, et nous la sienne. Nous avons appris à lire dans les journaux. La liberté guidant le peuple. (1)
A force de se tourner vers l'avenir, nous avons oublié le passé, le plus simple comme le plus compliqué. Des brocanteurs ont vidé de nos greniers les épaves que les ancêtres y avaient laissées, pour les vendre fort cher à des collectionneurs de passage. Il fallait voir comme le plus quelconque de nos moulins à café avait l'air de les enchanter. Les imbéciles ! Adieu, les mouchoirs en dentelles brodées aux initiales d'antan qui sentaient les herbes de Provence et les doigts de nos grand mères. De vote en vote, nos mouchoirs usagés, à présent, nous les jetons.
Puis nous avons vendu les planchers de nos greniers et les culs de nos armoires à tant le mètre carré. De ponts en ponts, nous sommes parvenus enfin à la capitale. La capitale, pour nos esprits étroits, c'était presque l'Amérique ! Sur ses affiches électorales, un président de la République - je ne sais plus lequel, il y en a tellement eu - et puis c'est si commun, un président de la République ! - souriait à pleines dents.
Quand nous songions à l'ancêtre laboureur, nous pouvions nous imaginer sans frémir de ridicule que nous étions devenus des êtres civilisés. Qu'il pourrait être fier de nous, le gueux qui chiquait.
Un jour pourtant, tandis que nous vieillissions, il revint hanter nos traits peu à peu. Je ne sais quel fut le premier d'entre nous dont il se saisit.
Sous le galurin posé de guingois, la ressemblance avec sa photo écornée et jaunie - encore que nul parmi nous n'était encore capable de dire si c'était bien lui qui figurait dessus, ou bien un petit-fils ou un voisin, qu'importe en la maison commune - la ressemblance était si frappante qu'on en restait tous au perron comme saisis, hésitants à l'inviter à prendre place au repas de famille, devant une assiette de surgelés.
A quelques mètres sous le carreau, là, sous nos pieds, c'était encore la terre, son domaine, son sillon. La terre, qu'il pointait du doigt. Deux ou trois siècles étaient passés, guère plus. Suffisamment pour balayer tous nos savoirs et de vent établir nos domaines. Son regard était, malgré cela, et malgré la grande fatigue, et toute sa vieillesse, demeuré confiant et droit. Nous n'eûmes plus, dès lors, qu'à attendre (attendre, nous avions perdu, entre autres, cette habitude...) qu'il ouvrît la bouche, nous demandant plein d'effroi en quel patois il articulerait son premier mot, de quel geste il accompagnerait sa première sentence

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(1) Tiens, je signale au passage, même si ça n'a rien à voir (mais quel hasard !), qu'aujourd'hui lundi, c'est l'anniversaire de la naissance d’Eugène Delacroix .
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Il n'est donc pas totalement incongru de placer en vis à vis ces deux photos, celle de l'Ancêtre-Laboureur, et la reproduction du maître tableau d'Eugène, romantique bâtard du rusé Talleyrand. Cliquer sur le nom d'Eugène là au-dessus pour une (re)lecture du billet de cent...
00:00 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, poème, poésie, labour, laboureur, ancêtres |
jeudi, 25 décembre 2008
Noël en patois lyonnais

(Vers 1640)
Musée du Louvre, Paris
Ce Noël en patois lyonnais a été imprimé dans divers recueils six fois de 1757 à 1939. De graphie différente, la dernière strophe est probablement un rajout.
Qu'ét-ay donc cela novela
Ce dit maître Jean Capon ?
Et-ay vray qu'na Vierge-pucella
Que tot le one s'appreta
Per verre lo novio venu
Nos en seran de la feta
Dussian no alla pi niud
Qu'et-ay donc celo grands homme
Que sont bio comme de ray ?
Il an tous trais de couronne
Y'en a un qu'est tot nai.
Grou Guillot, pren ta museta,
Et toi, ton aubois, Michi :
Noz en sera de la fieta
J'ai mon tambor per tochi.
Saint-Joset prit se lunnette
Per avissa qui etoit.
Y cherchi de z-allumette,
Mais la bisa que soflave
Per mas de trenta golet,
Chaque fay qu'i se bessave,
Fessave chere son bonet.
Lo diablo entendit la feta :
Il est veny per la vey :
S'en alla fora la teta
Par un trou de la parey.
Saint Joset prit sa verlopa,
Ly foity una vortollia,
Il en a yu, la charlopa,
Lo groint tout ecarmailla.
La mare s'epoventave,
Se rengrave dans un coin :
A gran coite elle engonçave
L'enfant dens un pou de foin.
L'ano a pou, le bou se confia;
Ly veni sota dessus;
En soflant comme una ronfla
Li foiti se corne u cu.
Lo guiablo, ben en colere,
Se veyant traita ainsy,
V'a ronflant per la charera
Comm'un fouet de charrety;
Et veyant bien qu'i n'avave
Grin d'endret per se logi,
Y trovit une boutasse,
Y s'y alli dandogli.
Traduction :
Qu’est-ce-donc que cette nouvelle ?
Dis, maître Jean Capon ?
Est-il vrai qu’une pucelle
Vient d’accoucher d’un poupon ?
Que tout le monde s’apprête
Pour voir le nouveau venu ?
Nous serions de la fête
Dussions-nous aller pieds nus.
Qu’est-ce donc que ces grands hommes
Qui sont beaux comme des rois ?
Ils ont tous trois des couronnes,
Il y en a un qui est tout noir.
Gros-Guillot, prends ta musette,
Et toi, ton hautbois Michel :
Nous serons de la fête :
J’ai mon tambour pour jouer.
Saint-Joseph prit ses lunettes
Pour voir qui c’était.
Il chercha des allumettes
Pour enflammer son lumignon :
Mais la bise qui soufflait
Pas plus de trente trous,
Chaque fois qu’il se baissait
Faisait tomber son bonnet.
Le diable entendit la fête
Il est venu pour la voir :
Il est allé fourrer sa fête
Dans un trou de la paroi.
Saint-Joseph prit sa varlope
Lui en donna une rossée
Il en a eu , la charogne,
Le groin tout écrabouillé.
La mère était effrayée
Elle se retirait dans un coin
En grande hâte elle enfonçait
L’enfant dans un peu de foin.
L’âne a peur, le bœuf se gonfle :
Il vient lui sauter dessus.
En soufflant comme une toupie
Il lui flanque ses cornes au cul.
Le diable, bien est en colère
Se voyant traité ainsi.
S’en va ronflant par la rue
Comme un fouet de charretier ;
En voyant bien qu’il n’avait
Aucun endroit pour s’abriter,
Il y trouva une mare
Il alla y barboter.
13:18 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : noël, patois, lyon, littérature, poème, poésie |
lundi, 20 octobre 2008
Par un panier de François Vernay

14:21 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : peinture, art, françois vernay, poésie, poème |