mardi, 31 décembre 2013
Ma dissidence
Parce que nous sommes des individus, nous sommes tous des dissidents : des frontières, que nous ne cernons pas toujours, nous séparent des idéologies et des lieux communs dominants, tout comme de celles et de ceux qui sont moins influents. L’histoire personnelle de chacun d’entre nous a sculpté notre originalité de manière indélébile, et ce caractère original, c'est-à-dire non reproductible, parce qu'il est quasiment archéologique, se heurte en permanence au monde uniforme des sociétés organisées.
La dissidence se distingue de la révolte par le fait qu’elle ne tente pas de changer ni de transformer l’ordre de ces sociétés. Toute société humaine ayant besoin d’ordre, ce serait prendre le risque de devenir soi-même un jour un représentant, voire un garant de cet ordre, et de sombrer ainsi dans l’uniformité, le ridicule, l'ennui de soi, et tout le diktat qui en découle. C’est pourquoi la figure la plus radicale de la dissidence a toujours été incarnée par l’artiste.
Vivre dans un tel monde, j’entends par là le monde contemporain, c’est serrer au plus près sa propre dissidence, au sein de toutes les contraintes – essentiellement sociétales & financières, mais pas seulement – qui nous sont imposées par l’ordre dominant, quel qu’il soit. Voilà pourquoi l’artiste – je veux dire la part la plus artiste de chacun d’entre nous – ne peut être que heurté, choqué par le discours simplificateur des idéologues de tous crins, particulièrement ceux qui sont au pouvoir et prétendent de ce fait régir les mœurs, gérer les affaires et édifier les spectacles de la Cité.
La littérature - tantôt salon précieux et tantôt hall de gare, tantôt estrade de bateleur et tantôt académie d’initiés – est un des lieux où l’individu pour qui c’est une nécessité vitale peut marquer sa dissidence. C’est en tout cas le lieu où moi-même, personnage terne et fondu dans la masse, qu’une carte d’identité, un numéro de sécurité sociale, un autre de compte en banque et quelques autres codes définissent à gros traits pour la société organisée, l’ai sauvegardée. Cela, aussi bien par un travail de lecture que par un travail d’écriture, les deux étant inextricablement liés.
Moi seul sais ce que tout ce travail m’a coûté et m’a apporté. De ce savoir – si l’on peut appliquer un terme aussi ridicule à ce dont il est question, ou de cette connaissance, mais c'est guère mieux, j’ai fait un roman. Le roman de ma dissidence, si l’on veut. Ce texte a du mal, et cela peut se comprendre en raison de sa nature, à trouver un genre (conte philosophique ? épopée ? science-fiction ? fantasy ?). Et partant un éditeur, car ces derniers ont horreur de ce qui n’est pas calibré, normé, ajusté à un public pré-établi, une cible, comme on le dit élégamment en marketing. Ce qui peut se comprendre. Pour ma part, hormis marquer ma propre originalité, je ne sais qui je cible. C'est ainsi. C'est ma seule note d'intention...
Après avoir longtemps croupi dans mon esprit, ce roman croupit donc dans mes cartons depuis un certain nombre de mois. Tout bien considérer, le fait a beau être ennuyeux, il est aussi plutôt flatteur : Ce roman a visiblement un problème avec l'ordre établi. La rencontre directe avec le public étant constitutive de mon originalité, il est donc probable que je me décide un de ces jours à le publier moi-même. Soit sur ce blog, soit ailleurs. En attendant, on peut considérer que ce court texte en est la juste -et juste- la préface.
08:07 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, roman, solko |
Commentaires
Mon amour propre - alors que j'ai déjà publié six livres - me pousse souvent dans cette impasse. L'impasse du poète maudit. Il n'y a pas d'impasse plus confortable pour un artiste.C'est l'impasse du fou génial qui a raison envers et contre tout.
Hélas la réalité du marasme où nous nous trouvons avec nos manuscrits morts-nés, les uns et les autres, est beaucoup plus compliquée, Solko...
Votre conclusion... Je vous en reparlerai par ailleurs...
Écrit par : Bertrand | mardi, 31 décembre 2013
Écrit par : Michèle | mardi, 31 décembre 2013
Avant, elle n'existait pas.
La Révolution Américaine, puis dix ans plus tard, la Révolution Française, ont transformé radicalement cet occident. Avec, au coeur de leurs bienfaits, l'éradication des sociétés d'artistes.
L'histoire de l'art la plus élémentaire nous l'assène.
Aujourd'hui, le cortège des maudits ne peut plus même grossir.
Ledit maudit est étouffé dans l'oeuf.
Écrit par : tamet de Bayle | mardi, 31 décembre 2013
Terminez l'année aussi joyeusement que possible....
Écrit par : patrick verroust | mardi, 31 décembre 2013
Celui, pour reprendre " maudites acceptions, qu'excommunient "l'art marchandise pure"
Écrit par : Bertrand | jeudi, 02 janvier 2014
Écrit par : Bertrand | jeudi, 02 janvier 2014
Écrit par : FOurs | lundi, 06 janvier 2014
Les commentaires sont fermés.