Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 20 juin 2016

Monsieur Hollande : premier bilan

On entend dire un peu partout, et c’est sans doute vrai, que le quinquennat de monsieur Hollande s’achève avec cette loi El Khomri que le gouvernement va faire passer au forceps sitôt l’été un peu engagé, l’année qui vient étant une année de campagne électorale. Il est donc temps de commencer à dresser un bilan en s’essayant à l’objectivité, pour peu que cette notion ait du sens en politique.

Sur le plan législatif, l’action de ce président sera associée à trois lois, celle du « mariage gay », abusivement nommée « mariage pour tous », celle du pacte de responsabilité, celle sur le travail. Ce président qui se voulait à la fois « homme de la synthèse » et « président normal » sera parvenu avec la première et la dernière à se mettre à dos deux des plus vieilles institutions du pays : l’Eglise et la CGT, les catholiques [et bons nombres de musulmans] ainsi que les communistes.  Avec la deuxième, il s’est décrédibilisé auprès de son cœur de cible, le PS historique.  La feuille de route que lui ont tracé ses propres maîtres apparaît ainsi clairement en creux : réformer en profondeur et les mœurs et les marchés, déstabiliser le pays à la fois sur un plan social et moral afin de faire triompher en France ce que les codirigeants de l’ordre mondial font triompher dans les autres pays européens. Est-ce manquer d’objectivité que de dire que monsieur Hollande n’est qu’un valet de pied du système, et non un chef d’Etat ?  Son quinquennat, c’est le moins qu’on puisse dire, ne fut pas drôle : outre l’assassinat des dessinateurs de Charlie, coupables d’avoir caricaturé outrageusement le Prophète, une décision sans précédent du Conseil d’Etat interdit les spectacles du comique Dieudonné, coupable de railler l’ordre sioniste perché sur son inlassable devoir de mémoire dû aux morts de la Shoah ; je retiendrai au passage que ce président qui s’illustra en acceptant « par tradition » son titre de chanoine de Latran sans daigner se  rendre même au Vatican pour le recevoir, fut davantage un visiteur de mosquée et de synagogue que d’église ou de cathédrale, en tout cas sous l'œil (comme on dit) des caméras. Nul doute que son souci, ce faisant, était de s’inscrire dans ce que lui et son staff appellent « la modernité ».

Sur un plan extérieur, sa politique vis-à-vis de Poutine – à qui il refusa de vendre des porte-avions alors qu’il décora un prince saoudien – comme vis-à-vis de Bachar-al-Assad, dont il soutint les adversaires avant de faire volte-face sous la pression des attentats ne fait pas de lui un haut stratège ni un grand visionnaire. Sous son quinquennat, la France aura vendu plus d’armes qu’elle n’aura diffusé d’idées nobles et de projets culturels. C’est même sur ce plan là que, reniant ses fondamentaux pour soutenir des minorités incompatibles entre elles (les gays et les musulmans par exemple), elle aura été le plus ridicule.

Bref. Que garder de monsieur Hollande ? Sa fameuse courbe nous dit-on va s’inverser et, pour abaisser totalement la fonction présidentielle, certains disent qu’il songe à se présenter aux primaires que son parti tente d’organiser, afin de retrouver un peu de crédibilité. Texto. Les communistes moins les catholiques moins les musulmans moins les socialistes – je veux dire, dans les trois cas, pratiquants, cela explique la popularité du monsieur dans les sondages. Quand on pense à ça, à l’énergie qu’il déploie [et à l’argent qu’il dépense] pour préparer déjà sa réélection, on se dit qu’en terme d’honneur également, le candidat est en déficit. Quant à moi, j’ai retrouvé sous son quinquennat les taux les plus élevés d’impôts, alors que je ne suis ni ce qu’on appelle un héritier, ni ce qu’on appelle un nanti. Pour autant, je n’ai jamais vu tant de gens tendre la main dans la rue, dormir sur des cartons, boire de l'alcool et parfois s'entretuer ; je n’ai donc jamais senti la fameuse paix sociale à ce point compromise, non par des syndicalistes enragés comme les médias à la botte du système le susurrent à longueur d'éditoriaux, non par des groupuscules d'extrême droite comme les mêmes sont prêts à le dire à la première occasion, mais par les tensions palpables entre les uns et les autres, les communautés diverses et les individus multiples à l’heure de la guerre entretenue entre tous et chacun, entre chacun et tous. La France, en bref, n'a jamais été autant pauvre et clivée depuis la Libération. De quoi réfléchir avant de pénétrer prochainement dans l’isoloir, si un tel acte possède encore un sens à ce degré de délitement démocratique et de mépris souriant du peuple. 

img-francois-hollande-peut-il-vraiment-tirer-profit-du-mondial-1443022451_580_380_center_articles-185406.jpg

Un président normal...

dimanche, 05 octobre 2014

Flinguer le petit Juif

Capture.PNG

Léa Salamé et Eric Zemmour, On n'est pas couché, 4/10/14

Flinguer le petit Juif : C’était, de toute évidence, le mot que s’étaient donnés les habitués du Salon Verdurin télévisuel du samedi soir, je veux dire l’émission préchauffée et recuite de Ruquier. Zemmour venait y présenter son dernier livre qui, comme celui de Trierweiler (signe des temps), est déjà épuisé quelques jours après sa sortie. Avec Le suicide Français, il écrit au fond les Mythologies de ces quarante dernières années : du mariage de Coluche et le Luron au film Dupont Lajoie de Yves Boisset, de la féminisation de la société à l’islamisation des banlieues, du déclin du prolétariat et de l'Eglise à la montée des associations anti-racistes et sectorielles, Zemmour tente, comme le fit Roland Barthes en son temps, dans un « lien d’insistance, de répétition » de démystifier le « naturel dont la presse, l’art, le sens commun affublent sans cesse une réalité qui, pour être celle dans laquelle nous vivons, n’en est pas moins parfaitement historique » (1)

Sauf que ce n’est plus un penseur de gauche s’attaquant à l’ordre moral des années cinquante, c’est un penseur de droite s’attaquant, avec une même plume acérée, à l’ordre moral des années 2014. Un ordre, il le rappelle de page en page, fondé sur la déconstruction des valeurs et des traditions au profit d’un alliage redoutablement corrosif des libéraux et des libertaires fondateurs de la post-modernité : Le pire d’une gauche, qui a égaré en chemin la common decency chère au socialisme d’Orwell, et le pire d’une droite, affranchie de la morale catholique qu’elle a remplacée par celle, plus maçonnique, du marché. Le pire des deux qui s’incarne, il faut bien le reconnaître, dans le président godillot de la République actuelle, sa ministre de la justice et le reste de sa clique gouvernante, crispée dans la mauvaise foi, la démagogie et ce qu'ils nomment la justice.

Ce faisant, Eric Zemmour dénonce les acteurs embourgeoisés du soft-power culturel qui a façonné l’opinion depuis la mort de De Gaulle (c’est là qu’il situe caricaturalement le commencement de la fin) jusqu’au vote Maastricht, « le dernier moment démocratique français », juge-t-il avec raison. Comment s’étonner, dès lors, du tir tendu de tous les salonards du clan Verdurin contre lui, de Denisot à Ruquier, de Cohn-Bendit à Salamé, de Caron à la québécoise Anne Dorval, prototype de la femme savante des temps mondialisés, venue promouvoir dans l’hexagone  Mommy, son film-jackpot sur la relation fusionnelle mère/fils quand le père est absent. Cette ridicule Philaminte qui faillit s’étrangler devant ce qu’elle saisissait de Zemmour était, sur le plateau de Ruquier samedi soir, à se tordre de rire… Mais passons. Elle était bien du niveau des autres, à se prétendre distants et libres de toute idéologie, vivant eux dans un monde ouvert loin de la France rance, quand Zemmour, qui ne cessait de les placer devant leurs contradictions, vivrait lui dans la rancœur, le sectarisme et le passé.

Car c’est bien à la tirelire de tous ces gens et à leur compte en banque, in fine, que les arguments du polémiste s’attaquent, principalement. Tous ces idiots utiles du système, qui en vécurent comme Denisot ou Drucker depuis un demi-siècle - système auquel (Zemmour l’oublie-t-il ?) il appartient aussi -, soudainement attaqués en pleine face par un de leur pair ! un ancien de la boutique, qui plus est… Un renégat, un traître à sa cause...

Je glisserai sur les injures de Cohn Bendit (« Tu es un crétin »), les rodomontades de Caron (des chiffres, des chiffres, des chiffres…) pour en venir à ce qui fut le plus significatif, l’intervention de la nouvelle chroniqueuse de l’émission, Léa Salamé, fille de l’ancien ministre libanais de la culture Ghassan Salamé, qui s'enfuit du Liban lors de la guerre avec sa famille. : «Vous aimez tellement la France, vous, le Juif, vous voulez tellement faire plus goy que goy, faire plus français que français, que vous arrivez à remettre en cause Vichy et à réévaluer Pétain... », lui lança-t-elle, parce qu’il s’attaquait aussi au livre de Robert Paxton, La France de Vichy  (osant rappeler du même coup la complexité d'une période, qui sembla soudainement lettres mortes à tout ce plateau de joyeux festifs endoctrinés venus vendre leur soupe). Réponse de Zemmour, entre la consternation et l'agacement : « Pourquoi vous me ramenez à mon état de Juif? Je pourrais monter sur mes grands chevaux et vous dire que c'est antisémite! »

Et là j’ai senti comme un malaise : et je compris pourquoi il fallait tellement flinguer le petit Juif, ce soir, sur ce plateau où chacun se revendiquait d'une culture ou d'une communauté sexuelle différente, et qu'il menaçait de littéralement faire imploser de l'intérieur : parce qu’il avait passé les bornes, lui, le Juif, comme jadis Dieudonné, le Nègre, les passa chez Marc Olivier Fogiel, à se prendre pour un véritable Français de souche, à peut-être voter Marine Le Pen, et à parler comme l’aurait fait, tiens, ce dangereux fasciste de Renaud Camus, ou pire, l'innommable Alain Soral,  qu'on se garde bien, eux, évidemment, d'inviter. A oublier peut-être ce qu'il doit à ses origines, comme la jeune Libanaise arrivée en France à l'âge de 5 ans le lui rappela sèchement. Terrible, terrifiant,le racisme des anti-racistes, décidément ! Et l'on comprend même sans le lire combien le bouquin de Zemmour se situe encore en-deçà de la vérité, combien la décomposition du pays et la trahison de ses prétendues élites sont avancées, et combien terribles sont les événements que tous ces gens des médias et du show-business au compte en banque bien garni, tout prêts à fuir la France quand les premiers troubles éclateront vraiment, auront inexorablement et très cyniquement fait advenir...

(1) Roland Barthes, Mythologies, avant-propos

samedi, 14 juin 2014

Dieudonné, la cyberhaine et la quenelle lyonnaise

Dieudonné passe à Lyon dans un désintérêt total, titre Lyon Capitale. Désintérêt du public non pas pour son spectacle, qui affichait complet hier soir dans une salle de 3500 places (l’Amphithéâtre) mais pour ceux qui, en termes aussi inconscients que provocateurs, ont naguère appelé à son boycott : Vigilance 69, par exemple, qui exigea auprès du préfet de Lyon l’annulation du spectacle en ces termes : « Lyon ne doit pas être le lieu de tous les rassemblements fascistes et antisémites ». Ou l’inénarrable monsieur Patrick Kahn (1), porte parole de la Licra Rhône-Alpes, qui ayant tout juste réussi à réunir un millier de personnes devant la préfecture du Rhône mercredi soir, engage toute sa rhétorique contre ce qu’il nomme plaisamment « la cyberhaine », et ne craint pas d’évoquer la peur que Lyon ne devienne une plate forme de l’extrême droite ». Collomb appréciera.

Tous ces amalgames ne sont pas uniquement ridicules, ils sont malfaisants. Car ces associations qui attaquent sans cesse Soral, Dieudonné, voire Zemmour, c'est-à-dire un savoyard,un noir et un juif, feraient bien mieux d’aller écouter de plus près de ce qui se dit dans certaines salles de prières de l’Islam radical. Mais leurs leaders ne semblent pas pressés d’identifier où se trouvent les racines de la nouvelle judéo-phobie qu’ils dénoncent et qui, malgré les chiffons rouges qu’ils agitent jusque dans les ministères, est heureusement loin d’être majoritaire en France.

Parmi ces allégations stupides et de mauvaise foi, la première est d’assimiler le spectacle de l’humoriste franco-camerounais à un meeting. Car la différence entre les deux est facile à repérer : dans un meeting du PS ou de l’UMP, on se fait littéralement chier. Dans des meetings plus partisans, comme ceux de Le Pen ou de Mélenchon, flottent certes  des parfums de lyrisme suranné. La France de Jeanne d’Arc contre celle de Louise Michel pour pousser la caricature. Mais enfin, on  rigole rarement, convenons en. Chez Dieudonné, on rigole. C’est ce qui fait la différence entre un meeting et un spectacle.

Mais de quoi rigole-t-on au juste ? Sans tout le tapage médiatico-politicien orchestré autour de sa personne, j’avoue que je ne me serais jamais rendu dans un de ces concerts, n’ayant suivi que de fort loin ses démêlés avec le CRIF depuis son fameux sketch chez Fogiel. Mais, vu la grande confiance que j’accorde aux divers porte paroles de l’establishment, je préfère constater par moi-même, plutôt que d’avaler des fadaises à la cuillère, comme si on nous faisait vivre dans une  incessante campagne électorale.  

J’ai passé une bonne soirée, au sein d’un public qui reflète bien cette France à plusieurs vitesses de 2014, dans laquelle faire rire de la ligne officielle est devenu une gageure. Car, faut-il le rappeler, un bon comique est quelqu’un qui fait rire non pas de l’autre, mais de soi-même. Or comment faire rire cette France aseptisée d’elle-même ? Cette France écartelée entre les discours, dont ses dirigeants se gargarisent, sur la sacralité d’un prétendu universalisme républicain, les guerres dans le monde qu’ils mènent au côté de l’Otan, et les politiques communautaristes à visée électoraliste qu’ils conduisent en sous main ? Cette France qu’on déclare en haut lieu frileuse, anxieuse, honteuse, populiste (ce que l’adjectif haineux partout répandu prétend reprendre en un seul mot) ? Comment la faire rire, sinon, comme la tradition la plus moliéresque le veut, en riant de ses peurs, de ses phobies, de ses mœurs ?  Dieudonné énerve en haut lieu, il ne ferait  « plus rire personne » ont affirmé BHL et Manuel Valls. C’est que son humour brise un à un tous les poncifs de l’idéologie sociétale dominante,  dans laquelle son public a été élevé, et dont il semble qu’il soit plus que las.

Les ambiguïtés de la tolérance, avec le mariage pour tous et la marchandisation des corps, tout d’abord : Comme Cabu riait jadis du beauf en slip kangourou sautant sa bourgeoise pour la trousser en cinq minutes avant de ronfler, Dieudonné se paye la tête du couple d’homosexuels blanc, parti en Afrique pour acheter un enfant à adopter, et à qui un trafiquant d’organes et de bébés noirs dit : « méfiez-vous, ici on n’est pas homophobe, mais homophage » ;

Le rôle de l'école, et de l’histoire officielle qu'on y enseigne, ensuite (avec le chapitre à lire « toujours le même »). Un petit gosse noir s’en plaint à son père. Le père excédé dit alors à son fils « va au moins à la récréation ». C’est du très bon Petit Nicolas à l'envers, qui se paye la tronche de l’éducation citoyenne et du credo antiraciste qui la sous-tend.

Les comiques officiels,- et l’on pense à Jamel Debbouze, qui soutint jadis Dieudonné, et qui danse à présent en solo avec Hollande. L"humoriste n'hésite pas à se gausser de son ancien compère Elie Semoun qui peine à remplir les salles, malgré la promo dont il bénéficie sur tous les plateaux télé, et les réductions en comités d’entreprise. Plus généralement, lorsqu'il aborde la question du comique et de la censure, de la censure et du pouvoir, de la réussite et de l'argent, mettant en lumière les liens entre comique et compromission, on comprend vite tout ce que Dieudonné dérange dans le petit univers du show-business;

Dieudonné expliqua un jour dans une interview qu’il aimait que « les racines du rire soient dérangeantes »  En filigrane, donc, sur ceux qui incarnent le pouvoir de la loi (huissiers, juges, Conseil d’Etat, Valls, Hollande) et de la vertu moralisante (sionistes et francs-maçons), Dieudonné tape sans concession et sans discrimination.

Le caritatif bisounours en prend aussi pour son grade lorsqu’il termine sur l’évocation de Romain, l’adolescent cancéreux qui roula dans la farine l’association Make a wish, et se paie le luxe – en hommage au panache de ce dernier– de faire « une quenelle dans le fion de la peur ». Il fait alors chanter « Hollande l’entends tu, qui se glisse dans ton c… la quenelle… » à tout son public, comme Le Luron en son temps faisait chanter « L’emmerdant, c’est la rose... ». A la manière d’un formidable Bruant nègre, il dresse le rire (faute de mieux) devant la duplicité du pouvoir en place, qui feint de ne jamais assumer la brutalité de son autorité et l’hypocrisie de sa compassion à géométrie variable. On pense à la querelle entre Molière et les faux-dévots, à l’interdiction dont l’histoire littéraire nous apprit qu’elle fut si vaine du Tartuffe, et l’on se demande sous quelles conditions Valls, prétendument si habile communicant, a pu tomber si stupidement dans le piège du soutien inconditionnel aux desiderata du  CRIF.

Pendant ce temps là, justement, le même Premier Ministre s’inquiète du risque qui «existe que Marine le Pen soit présente au second tour ». Ha ha ! Ce qui existe, il l'a parfaitement compris, c’est le risque qu’un socialiste (en l’occurrence lui-même) ne s'y trouve pas ! Car c’est une erreur, une grossière erreur à long terme, la pire que puisse faire un  politique, de s’en prendre à un comique populaire.

Dieudonne-et-Teddy-Riner-600x300.jpg

(1) Déclaration de Patrick Kahn, qui permet de comprendre pas mal de faux semblants : « Pourquoi assiste-t-on à une condamnation unanime des récents propos de M. Le Pen – ce qui est très bien – alors qu'il y a une telle indifférence avec un mec comme Dieudonné qui dit des choses cent fois pires ? » 

vendredi, 10 janvier 2014

La république ridiculisée

Ça vous angoisse pas, vous, de vivre dans un pays où la justice est si lente pour n’importe quel pékin moyen  ayant à régler des affaires graves, et dont la plus haute juridiction administrative peut se réunir sur convocation d’un ministre de l’Intérieur, pour annuler au pied levé une décision de justice prise l’après-midi par un tribunal administratif, concernant un simple spectacle, joué de surcroît depuis 10 mois dans un théâtre parisien sans le moindre trouble à l'ordre public  ? Moi si.

Bravo donc à Dieudonné, de forcer ce pouvoir à révéler son visage si stupidement autoritaire et ridiculement confus. Car en France la liberté de parole doit exister dans les théâtres, le sacré étant réservé aux lieux de culte. Il n’y a pas de culte de la République à avoir. La République n'est pas sacrée.

En revanche, synagogues, temples et églises doivent être protégées comme des espaces réservés au sacré. Il serait inadmissible de tenir des propos  déplacés contre les Juifs dans une synagogue, comme il serait inadmissible de le faire dans une église contre des chrétiens ou contre des musulmans dans une mosquée. Pourtant on ne voit pas le ministre aller au Conseil d'Etat pour interdire les Femen, qui ne se contentent pas de parler dans les théâtres ou de parler dans des magazines, mais profanent des autels.

Deux poids deux mesures, à tous les niveaux. Ça suffit vraiment . Ce coup de force est un coup de force anti-français, contre la tradition de la séparation de l'Eglise et de l'Etat (l'Etat se prend pour une église) et contre celle de la libre parole. 

Les confusions entre le mot et la chose, le profane et le sacré me faisaient déjà réagir contre la démence et l'irréalité de ce pouvoir socialiste. Mais l’instrumentalisation de la justice par ce petit Fouché en culotte courte devient insupportable. Valls prétend que la République a gagné : non, elle est ridiculisée dorénavant non seulement par son président, mais aussi par ses ministres de la Justice et de l’Intérieur. 

11:04 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : valls, dieudonné, politique, liberté, culture, france, conseil d'état | | |

lundi, 30 décembre 2013

Le sapin n'a plus d'odeurs

N’achevons pas l’année sur les mots « Ça sent le Sapin », qui bouclaient le dernier billet. L’expression demeure trop connotée, par ces moments de renouveau calendaire, qui auraient plutôt besoin d’embaumer la rosée matinale de nos espérances. Je me demande néanmoins ce qu’on peut souhaiter de bon à cette pauvre Marianne, prise à la gorge sur nos timbres par une néo-Femen hystérique, agonisante dans les filets de dirigeants aux bords, qui de l’hystérie, qui de l’apoplexie, comme en témoigne le soutien inconditionnel de Copé à Valls et Hollande, dans la chasse ouverte au Dieudonné... Comme si la seule bête à abattre était le bras d’honneur aux puissants. Pendant ce temps, l’information frôle l’extrême horreur, dans les lumières indifférentes des réveillons païens qui se préparent.

Entre autres bonnes nouvelles et à propos d'horreur, cette réflexion d’Attali, entendue ce week-end lors des Grands rendez-vous d’Europe 1 : dans le fil de l’aimable logorrhée dont cet immuable conseiller des Princes, ce grand expert économique, comme on dit, possède le secret : « 2014 sera une année très dangereuse ». Qui l’envoie ainsi préparer le terrain, et opérer son chantage sur le « petit personnel » de l’hôtel de France, de moins en moins étoilé chaque année? (tout le monde se souvient de sa boutade merdique sur « les nations qui sont désormais des hôtels, et où le personnel doit être bien traité pour que les clients se sentent bien. » ).

2014 sonnera-t-il le glas pour le ton polémique ? Les blagues, les spectacles, les histoires de cul devront-elles se soumettre en référé à l'humour disciplinaire du Président, ou un éclat de rire salutaire le renverra-t-il, lui et sa cour, dans la banquise de Solférino qu'ils n'auraient jamais dû quitter ?

Car Noël vient de fuir et le sapin a perdu ses odeurs. Le triomphe des corbeaux noirs, ces grands annonciateurs de la mort, n'évoquent plus que la résignation des pauvres gens, leur consentement à la déception fatale. Reste à interpréter sur la plage la signification du cri des mouettes : la curée, le rut, la plainte ou la joie ?

Rien de ce boueux Réel ne doit survivre de l'épreuve du merveilleux.Nous tournerons les pages de nos beaux incunables. C'est le commencement d'un nouvel an, le sacre de la fiction. C'est une histoire à suivre. Qui m'aime me lise, dit le poète dissident.

15:48 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : sapin, attali, solferino, dieudonné, littérature | | |

vendredi, 27 décembre 2013

Les socialistes et la pensée magique

« Les Français ont besoin de mesures qui frappent l’imagination, où ils se disent : là, c’est du concret et ça va marcher». La formule (appréciez la syntaxe) est de Brice Teinturier, directeur très médiatisé de l’institut IPSOS. Elle résonne comme un aveu du double échec de la communication présidentielle : incapable de frapper l’imaginaire (il faut dire que la normalité… bref), elle l’est aussi à agir sur le concret (le fameux changement…). 

Énonçant le mal, elle suggère peut-être un remède ; pour agir sur le Réel, il faudrait que le politique soit capable de renouer avec la tradition des grands spectacles. Mais le spectaculaire, depuis qu’il a envahi le champ du social pour devenir sociétal, s’est lui aussi dégradé et connait globalement la même crise que le politique, auquel il est lié. 

Alors, pour frapper l’imaginaire on s’en prend aux signes et aux mots. On a déjà eu Taubira, qui se déclarait sans rire « exclue de l’humanité » en plein JT pour avoir été traitée de « singe » par une gamine de douze ans et raillée par le journal Minute en mal de coup de pub. On a dorénavant Valls qui s'en prend à la quenelle (un geste) et veut interdire les spectacles d'un humoriste sérieusement rebelle à l'ordre établi, Dieudonné. Garde des Sceaux et Ministre de l’intérieur, faut-il le rappeler ? Minute et le théâtre de la Main d’Or menaceraient selon eux la République :  de quoi se tordre! De quoi, aussi, donner envie à la France entière de s’y abonner sur l’heure. Car la censure n’a jamais été bonne conseillère, celle qui joue à Simone Weil et celui qui joue à Clémenceau devraient s’en souvenir. Tous deux au Grand Orient, mais qu’est-ce qu’on leur apprend donc dans les loges ! La censure n’est qu’une forme de la pensée magique qui consiste à croire qu’en supprimant le mot, on viendra à bout de la chose. Absurdité parfaite et terrorisme de studios télé.

L’autre forme de pensée magique est l’incantation. Le curé Ayrault en est devenu le grand spécialiste : l’incantation est une autre forme de déni du réel : je n’ôte pas le mot, je le répète à l’infini, comme s’il avait pouvoir de faire advenir la chose. « Est-ce que oui ou non la situation de l’emploi va s’améliorer ? Nous sommes convaincus que Oui » ; dit-il en battant des ailes. Et voilà. Le premier manitou a parlé. 

Taubira, Valls, Ayrault : frappent-ils l’imaginaire en entrant en guerre contre des mots ou contre des signes ? Pas vraiment, sinon pour révéler un peu plus leur vanité. Leur niaiserie, aussi. Mais ils font parler d’eux, ils occupent le terrain, à mille lieux, certes des préoccupations concrètes des gens. Car ces trois-là ne sont ni de pauvres discriminés, ni de malheureux exclus : ils ont tous les pouvoirs et disposent de tous les privilèges que la République peut conférer à des ministres, faut-il aussi le rappeler ?

La grandeur de leur ridicule impressionne. Et nous manquons d’un Molière pour le mettre en scène. Car frapper l’imaginaire des gens, c’était jadis le boulot des metteurs en scène, des romanciers, des peintres et des compositeurs : Molière et Lully, Balzac et Delacroix, Wagner et Verdi, qui en même temps que l'art, avaient aussi la manière. Les artistes du show-business d'à présent n'ont plus ni l'une ni l'autre. Quel communicant saura sauver le pingouin et sa piteuse tribu ?  Pour ma part, depuis son élection, je ne lui vois aucun avenir, et les faits ne font que confirmer cette impression troublante de totale désincarnation inhérente au personnage et à ses sbires.