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vendredi, 27 décembre 2013

Les socialistes et la pensée magique

« Les Français ont besoin de mesures qui frappent l’imagination, où ils se disent : là, c’est du concret et ça va marcher». La formule (appréciez la syntaxe) est de Brice Teinturier, directeur très médiatisé de l’institut IPSOS. Elle résonne comme un aveu du double échec de la communication présidentielle : incapable de frapper l’imaginaire (il faut dire que la normalité… bref), elle l’est aussi à agir sur le concret (le fameux changement…). 

Énonçant le mal, elle suggère peut-être un remède ; pour agir sur le Réel, il faudrait que le politique soit capable de renouer avec la tradition des grands spectacles. Mais le spectaculaire, depuis qu’il a envahi le champ du social pour devenir sociétal, s’est lui aussi dégradé et connait globalement la même crise que le politique, auquel il est lié. 

Alors, pour frapper l’imaginaire on s’en prend aux signes et aux mots. On a déjà eu Taubira, qui se déclarait sans rire « exclue de l’humanité » en plein JT pour avoir été traitée de « singe » par une gamine de douze ans et raillée par le journal Minute en mal de coup de pub. On a dorénavant Valls qui s'en prend à la quenelle (un geste) et veut interdire les spectacles d'un humoriste sérieusement rebelle à l'ordre établi, Dieudonné. Garde des Sceaux et Ministre de l’intérieur, faut-il le rappeler ? Minute et le théâtre de la Main d’Or menaceraient selon eux la République :  de quoi se tordre! De quoi, aussi, donner envie à la France entière de s’y abonner sur l’heure. Car la censure n’a jamais été bonne conseillère, celle qui joue à Simone Weil et celui qui joue à Clémenceau devraient s’en souvenir. Tous deux au Grand Orient, mais qu’est-ce qu’on leur apprend donc dans les loges ! La censure n’est qu’une forme de la pensée magique qui consiste à croire qu’en supprimant le mot, on viendra à bout de la chose. Absurdité parfaite et terrorisme de studios télé.

L’autre forme de pensée magique est l’incantation. Le curé Ayrault en est devenu le grand spécialiste : l’incantation est une autre forme de déni du réel : je n’ôte pas le mot, je le répète à l’infini, comme s’il avait pouvoir de faire advenir la chose. « Est-ce que oui ou non la situation de l’emploi va s’améliorer ? Nous sommes convaincus que Oui » ; dit-il en battant des ailes. Et voilà. Le premier manitou a parlé. 

Taubira, Valls, Ayrault : frappent-ils l’imaginaire en entrant en guerre contre des mots ou contre des signes ? Pas vraiment, sinon pour révéler un peu plus leur vanité. Leur niaiserie, aussi. Mais ils font parler d’eux, ils occupent le terrain, à mille lieux, certes des préoccupations concrètes des gens. Car ces trois-là ne sont ni de pauvres discriminés, ni de malheureux exclus : ils ont tous les pouvoirs et disposent de tous les privilèges que la République peut conférer à des ministres, faut-il aussi le rappeler ?

La grandeur de leur ridicule impressionne. Et nous manquons d’un Molière pour le mettre en scène. Car frapper l’imaginaire des gens, c’était jadis le boulot des metteurs en scène, des romanciers, des peintres et des compositeurs : Molière et Lully, Balzac et Delacroix, Wagner et Verdi, qui en même temps que l'art, avaient aussi la manière. Les artistes du show-business d'à présent n'ont plus ni l'une ni l'autre. Quel communicant saura sauver le pingouin et sa piteuse tribu ?  Pour ma part, depuis son élection, je ne lui vois aucun avenir, et les faits ne font que confirmer cette impression troublante de totale désincarnation inhérente au personnage et à ses sbires.

jeudi, 14 novembre 2013

La république insultée, la Warner Bros protégée

Palapapam. Tsoin-tsoin... Christiane l’insultée, Christiane l’outragée montait au créneau hier soir sur France 2 face à un Pujadas qui en vit tant d'autres, pour sauver le pacte républicain en  danger. Rien de moins. On l’en remerciera, la République étant depuis peu en danger trois fois par jour, c’est vrai, avec les hordes de racistes xénophobes, homophobes et j'en passe qui l’habitent. Grande dame, Taubira explique qu'elle est évidemment blessée mais que ça n'est pas ça l'important (alors qu'à mon avis, ça n'est que ça l'important, la personne, mais bref). Et la voilà soudainement qui la ramène avec le ministre de la République. Ah, le ministre de la République ! C'est comme François et les sifflements. L'outrage au président ! La gauche drapée dans la raideur des fonctions, donc.

Puis, tout à coup, la voilà qui se met à expliquer qui est français et qui ne l’est pas, dans une tirade démentielle, du pur Guéant inversé. Taubira sort complètement de ses fonctions de Garde des Sceaux devant un Pujadas impassible, qui lui rappelle toute de même que la France est sans doute un des pays les moins racistes du monde. Mais, comme elle le fit avec l’homophobie, la dame théâtralise tant qu'elle le peut ce débat délicat sur le racisme et l’antiracisme –deux postures en vérité aussi odieuse l’une que l’autre- et se caricature elle-même au point de devenir aussi ridicule que ceux qu’elle dénonce. Car l’instrumentalisation de l’anti-racisme est aussi stérile que l’instrumentalisation du racisme, lorsqu’elles se font à fleurets aussi grossièrement mouchetés : que se serait-il passé si les militaires ou les gaullistes indignées de 69 avaient offert une telle couverture médiatique au Bal tragique à Colombey de Hara-Kiri en en faisant de manière aussi stupide une affaire d'Etat ? Mais il y aura toujours des bien-pensants pour vous expliquer que se rire d'un mort est moins grave que se rire d'un vivant...

La sacro-sainte République, donc ! Il faudrait expliquer à cette grande bourgeoise de Taubira que les problèmes des gens  - y compris ceux qui sont noirs et pauvres de surcroît (– c'est-à-dire réellement discriminés –)  ne sont pas sémantiques, comme elle le dit avec une fougue comique, mais économiques. L'imposture de ce petit jeu commence à puer autant qu'à craindre, et ce gouvernement aux abois, après avoir clivé le pays avec son mariage gay, en taxant de surcroît les gens comme jamais aucun autre ne le fit devient aussi lassant que carnavalesque.  Il risque de laisser derrière lui une société plus exaspérée que jamais par son amateurisme et son intolérance. La pleine responsabilité en reviendra au pingouin, gestionnaire désastreux qui pense qu’il récoltera peut être les fruits d’une réélection en laissant semer partout une telle discorde et une telle zizanie. Tactique mitterrandienne ringarde, d'un autre siècle et d'un autre âge.C’est inquiétant. Enfermé dans sa posture commémorative, son autisme est aussi profond que ne l’est, à l’Assemblée, le lyrisme hystérique, nasal et déhanché de Ayrault, la raideur pincée de Valls qui se prend désormais pour Clémenceau et les envolées hystériques de Taubira qui s’érige dans sa folie mégalomaniaque en une Ségolène providentielle de l’anti-France. Tous ces donneurs de leçons commencent en effet à frôler plus que l’incompétence, la folie.

Pendant ce temps-là, des décisions de justices aberrantes sont tenues, comme celle-ci qui condamne l’administrateur du site de partage de fichiers Forum DDL  à verser 1 million d’euros de dommages et intérêts pour contrefaçon par diffusion ou représentation (appréciez les termes) d’œuvres d’art (appréciez aussi) au mépris du droit d’auteur.

Le détail ? le voici :

- 269 000 euros à la société des producteurs

- 203 000 euros à la Warner Bros

- 145 000 euros à Disney Pictures

- 127 000 euros  à Paramount pictures

Pour ne citer que les plus emblématiques…

Qui est au fond Jeffrey Bylina, l’administrateur en question ? Je n’en sais rien, sinon qu'il a 21 ans, qu'il est sans l'sou et habite chez ses parents. Et qu'il est peut être noir, jaune ou blanc mais soudain ça n'a plus d'importance. Étrange justice, qui prend le parti de la Warner Bros et de Disney Pictures contre un môme un peu bidouilleur de 21 ans qui vit encore chez ses parents. Les juges de Thionville, qui ne cèdent jamais à la moindre pression politique ni à aucun lobbie,  y ont rajouté 10 mois de prison avec sursis pour l'exemple, le fun, et la bonne mesure. Justice en la vertu de laquelle on nous demande de croire parce qu'il n'y aurait rien de plus sacrée, qu'elle en République. C'est vrai qu'il faut défendre la création et la propriété intellectuelle des grandes firmes sur le web, contre les vilains internautes et les méchants hackers qui le défigurent. par leurs exactions. La bonne blague ! Vous me direz qu'il n'y a entre Taubira et ce fait d'(in)justice aucun lien. Justement. Le fossé béant entre les propos tenus et les actes, c'est le pli de cette société, où la bonne parole vidée de sens commun s'érige en loi sacrée, tandis que les faiseurs de divertissements s'en mettent plein les poches, sans que personne ne s'en indigne.