Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 14 novembre 2013

La république insultée, la Warner Bros protégée

Palapapam. Tsoin-tsoin... Christiane l’insultée, Christiane l’outragée montait au créneau hier soir sur France 2 face à un Pujadas qui en vit tant d'autres, pour sauver le pacte républicain en  danger. Rien de moins. On l’en remerciera, la République étant depuis peu en danger trois fois par jour, c’est vrai, avec les hordes de racistes xénophobes, homophobes et j'en passe qui l’habitent. Grande dame, Taubira explique qu'elle est évidemment blessée mais que ça n'est pas ça l'important (alors qu'à mon avis, ça n'est que ça l'important, la personne, mais bref). Et la voilà soudainement qui la ramène avec le ministre de la République. Ah, le ministre de la République ! C'est comme François et les sifflements. L'outrage au président ! La gauche drapée dans la raideur des fonctions, donc.

Puis, tout à coup, la voilà qui se met à expliquer qui est français et qui ne l’est pas, dans une tirade démentielle, du pur Guéant inversé. Taubira sort complètement de ses fonctions de Garde des Sceaux devant un Pujadas impassible, qui lui rappelle toute de même que la France est sans doute un des pays les moins racistes du monde. Mais, comme elle le fit avec l’homophobie, la dame théâtralise tant qu'elle le peut ce débat délicat sur le racisme et l’antiracisme –deux postures en vérité aussi odieuse l’une que l’autre- et se caricature elle-même au point de devenir aussi ridicule que ceux qu’elle dénonce. Car l’instrumentalisation de l’anti-racisme est aussi stérile que l’instrumentalisation du racisme, lorsqu’elles se font à fleurets aussi grossièrement mouchetés : que se serait-il passé si les militaires ou les gaullistes indignées de 69 avaient offert une telle couverture médiatique au Bal tragique à Colombey de Hara-Kiri en en faisant de manière aussi stupide une affaire d'Etat ? Mais il y aura toujours des bien-pensants pour vous expliquer que se rire d'un mort est moins grave que se rire d'un vivant...

La sacro-sainte République, donc ! Il faudrait expliquer à cette grande bourgeoise de Taubira que les problèmes des gens  - y compris ceux qui sont noirs et pauvres de surcroît (– c'est-à-dire réellement discriminés –)  ne sont pas sémantiques, comme elle le dit avec une fougue comique, mais économiques. L'imposture de ce petit jeu commence à puer autant qu'à craindre, et ce gouvernement aux abois, après avoir clivé le pays avec son mariage gay, en taxant de surcroît les gens comme jamais aucun autre ne le fit devient aussi lassant que carnavalesque.  Il risque de laisser derrière lui une société plus exaspérée que jamais par son amateurisme et son intolérance. La pleine responsabilité en reviendra au pingouin, gestionnaire désastreux qui pense qu’il récoltera peut être les fruits d’une réélection en laissant semer partout une telle discorde et une telle zizanie. Tactique mitterrandienne ringarde, d'un autre siècle et d'un autre âge.C’est inquiétant. Enfermé dans sa posture commémorative, son autisme est aussi profond que ne l’est, à l’Assemblée, le lyrisme hystérique, nasal et déhanché de Ayrault, la raideur pincée de Valls qui se prend désormais pour Clémenceau et les envolées hystériques de Taubira qui s’érige dans sa folie mégalomaniaque en une Ségolène providentielle de l’anti-France. Tous ces donneurs de leçons commencent en effet à frôler plus que l’incompétence, la folie.

Pendant ce temps-là, des décisions de justices aberrantes sont tenues, comme celle-ci qui condamne l’administrateur du site de partage de fichiers Forum DDL  à verser 1 million d’euros de dommages et intérêts pour contrefaçon par diffusion ou représentation (appréciez les termes) d’œuvres d’art (appréciez aussi) au mépris du droit d’auteur.

Le détail ? le voici :

- 269 000 euros à la société des producteurs

- 203 000 euros à la Warner Bros

- 145 000 euros à Disney Pictures

- 127 000 euros  à Paramount pictures

Pour ne citer que les plus emblématiques…

Qui est au fond Jeffrey Bylina, l’administrateur en question ? Je n’en sais rien, sinon qu'il a 21 ans, qu'il est sans l'sou et habite chez ses parents. Et qu'il est peut être noir, jaune ou blanc mais soudain ça n'a plus d'importance. Étrange justice, qui prend le parti de la Warner Bros et de Disney Pictures contre un môme un peu bidouilleur de 21 ans qui vit encore chez ses parents. Les juges de Thionville, qui ne cèdent jamais à la moindre pression politique ni à aucun lobbie,  y ont rajouté 10 mois de prison avec sursis pour l'exemple, le fun, et la bonne mesure. Justice en la vertu de laquelle on nous demande de croire parce qu'il n'y aurait rien de plus sacrée, qu'elle en République. C'est vrai qu'il faut défendre la création et la propriété intellectuelle des grandes firmes sur le web, contre les vilains internautes et les méchants hackers qui le défigurent. par leurs exactions. La bonne blague ! Vous me direz qu'il n'y a entre Taubira et ce fait d'(in)justice aucun lien. Justement. Le fossé béant entre les propos tenus et les actes, c'est le pli de cette société, où la bonne parole vidée de sens commun s'érige en loi sacrée, tandis que les faiseurs de divertissements s'en mettent plein les poches, sans que personne ne s'en indigne.

jeudi, 30 juillet 2009

Dans l'éternité d'Internet

« Enfin, je l'ai achevé cet ouvrage que ne pourront détruire ni la colère de Jupiter, ni les flammes, ni le fer, ni la rouille des âges ! Qu'il arrive quand il voudra ce jour suprême qui n'a de pouvoir que sur mon corps, et qui doit finir de mes ans la durée incertaine : immortel dans la meilleure partie de moi-même, je serai porté au-dessus des astres, et mon nom durera éternellement. Je serai lu partout où les Romains porteront leurs lois et leur Empire; et s'il est quelque chose de vrai dans les présages des poètes, ma renommée traversera les siècles; et, par elle, je vivrai. »

 

En relisant la fin des Métamorphoses, tout à l’heure, je songeais à la ressemblance entre ces deux termes, l’internet et l’éternité.

L’un vient de l’anglais inter/net (et devrait donc se dire, en français, « l’entre-réseaux »).

L’autre, du latin aeternitas, néologisme cicéronien forgé sur aevitas (l’immortalité).

 

In-ternet, ex-ternet : Troublante coïncidence phonétique, hasard des rencontres d’étymons ?

L’un semble bien être le contraire de l’autre.

 

Or c’est bien, in fine, au fil de ces réseaux du seul instant que nous jetons nos mots.

Ces réseaux contraires à cette éternité à qui Ovide, s'il confiait au seul instant les dons de sa semence, prenait garde de confier les dons de sa plume...

 

449px-Ovide_et_Corine.jpg

De toute façon, c'est bien au latin (la langue du seul et véritable empire) qu'il faut revenir, si l'on veut comprendre le sens des choses et des mots, et non pas à cet épouvantable anglo-américain dans lequel le monde s'est fourvoyé  :


inter/nete : inter, préposition pouvant signifier parmi, mais aussi ensemble et nete : substantif féminin servant à nommer  la plus haute corde de la lyre.


Ensemble, sur la plus haute corde de la lyre ...

samedi, 25 octobre 2008

Abolir les distances

Je trouve dans A ma guise de George Orwell une réflexion intéressante sur un lieu commun aux reins solides encore dans le siècle où nous sommes : Abolir les distances. Ce joli monstre, qui daterait d'avant 1900 et de la belle invention de la locomotive à vapeur, était alors le lieu commun claironné par tous les progressistes forcenés, à « l'optimisme assez naïf ». Or ce lieu commun suggère qu'en étant parvenu à abolir les distances, les inventions modernes auraient facilité en parallèle la « disparition des frontières ». En 1944 Orwell qui constate qu'avec « l'avion et la radio », le lieu commun a passé sans encombre la guerre de 1914-1918 et le renforcement des nationalismes, jusqu'à survivre au déclenchement d'une seconde guerre mondiale,  n'a pas de mal à démonter qu'au contraire, « les inventions modernes ont eu une conséquence inverse ». Bien loin d'abolir les distances, elles les ont réduites, enfermant au contraire chacun chez soi, et hypothéquant toute facilité de voyages sur la planète.

Cette réflexionpib02418.jpg de l'auteur de 1984  devrait intéresser au plus haut point ceux qui, au moment du « passage au nouveau millénaire », s'enflammèrent inconsidérément pour le « village global » et autres métaphores éculées, et s'inquiètent à présent de la montée des nationalismes. J'ai rencontré à l'époque des adultes très sérieux, répétant comme des perroquets les slogans publicitaires pour la Toile qui se mettait en place, et disant, avec cet air un peu niais, un peu naïf - on ne sait jamais quel adjectif utilisé dans leur cas : « Avec Internet, les distances sont abolies, on peut converser avec le monde entier. » Abolir les distances a même donné naissance à cette époque aussi démente que ridicule à un autre lieu commun, inepte et récurrent dans toutes les bouches et sur toutes les pages publicitaires de propagande : »

Ont-ils, depuis, rencontré « le monde entier », tous ces braves affamés de rencontres aux quatre coins de l'univers ? Tandis qu'en effet, toute distance virtuelle était abolie dans l'esprit un peu simple de milliards d'individus persuadés de vivre dans un seul monde ( in one world) , le terrorisme devenait sur Terre, avec les images du 11 septembre diffusées dans le monde entier, une sorte de fait de société, rendant de plus en plus justifiable le contrôle des déplacements réels des personnes et des biens, à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières. Et il a y a fort à parier que la crise du capitalisme, elle aussi générée par ce merveilleux développement des technologies modernes, débouche sur un renforcement plus strict encore des divers nationalismes, en Occident comme en Orient. Si au moins le développement et la circulation des idées en avaient été facilitées, on pourrait encore, sur la balance delaruesque ou bégaudesque du pour et du contre, peser en faveur du pour. Mais c'est justement à cette époque-là qu'on a vu fleurir ce qu'on a vite appelé « la pensée commune », sorte de vox populi faussement intellectualisée par des journalistes et des prétendus intellectuels, entretenue par des sondages conçus à la va-vite, le tout pour qualifier dorénavant l'opinion publique au XXIème siècle, siècle charmant où nous sommes : dans cette opération de passe-passe aussi dangereuse que tristounette, les distances ont été si bien abolies que la pensée universelle s'est muée en pensée planétaire, l'humanisme en humanitaire, le citoyen en consommateur, la réflexion en exhibition d'opinions, la culture en divertissement, la santé en capital, l'art en produit, l'école en loft, j'en passe (et des meilleures) : 1984, quand tu nous tiens par la barbichette ...

13:23 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : george orwell, internet | | |