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lundi, 23 novembre 2009

L'énigme du pélerin

Comment raccourcir une bûche sans la blesser ? C’est Toukârâm (1598-1650), le pèlerin de Pandharpour, qui posa cette énigme à l’un de ces apprentis sillonnant le Deccan, qui voulait être dévot.  Toukârâm a vécu au cœur du pays marathe, une vie de boutiquier illettré des plus humbles, puisqu’il appartenait à la dernière caste, celle des choudras. C’est donc oralement que se transmirent ses psaumes que la collection « Connaissance de l’orient », chez Gallimard Unesco, édita en 1989.

Il m’a toujours plu de penser que le yogi Toukârâm, pèlerin du cœur inspiré qui écrivit

« Tu te crois passé maître

Si tu peux réciter tous les vieux textes !

La réponse au « qui suis-je ? »tu ne la connais pas… »

fut aussi le contemporain du Descartes, philosophe du cogito ergo sum et du discours de la méthode.

La méthode de Toukârâm ? Aller aux pieds des saints…  « Que je sois, Seigneur, petit caillou, grosse pierre ou poussière sur la route de Pandharpour, pour être foulé par les pieds des saints » : telle est le cœur de sa mystique ; car se mettre sous les pieds des saints, juste au-dessous, se livrer totalement à eux, c’est se démettre de l’encombrant sentiment de soi par lequel se perd toute paix.

Comment donc raccourcir une bûche sans la blesser ?

En la plaçant devant une plus grande, tout simplement : Aux pieds des saints, la dévotion.

 

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En son pays, Toukârâm a donné lieu, bien sûr, à une légende, presque à un culte. Namdev, Kabir, Mira, Eknâth : J’ai toujours ressenti pour la poésie sikh, la sagesse alliée à l’esprit d’enfance qu’elle sait conserver, une admiration intime. Voici le cent-unième psaume de Toukâ, celui par lequel se clôt le recueil, traduction sans aucun doute approximative :

 

Toi, tu prends forme ;

moi, je renais sans cesse,

tous deux à la poursuite de l’union.

 

Ma joie, ton corps,

Tes délices, ma présence.

 

Je te donne visage

Tu me rends infini.

 

Nous deux, un seul corps,

Un nouvel être est né,

Le Toi-moi, le Moi-toi.

 

Entre nous plus de différences,

Moi Toi, Toi Toukâ.

 

09:35 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : toukaram, psaumes du pélerin, poésie | | |

vendredi, 13 novembre 2009

Le piéton du pont du Change

Roland Tixier sera au café associatif Les Xanthines, vendredi 13 novembre à 18 heures, pour lire des extraits de son dernier recueil, Simples choses, un ensemble de 180 haïkus urbains paru aux éditions Le Pont du Change.

Les Xanthines, café associatif du commerce équitable

33 rue de Condé, 69002 Lyon - métro Perrache ou Ampère.

Entrée gratuite sur consommation équitable.

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mercredi, 21 octobre 2009

Textes en patois lyonnais

 

·         Dix vers de lavandières :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/11/15/un-chant-d...

·         Huit vers de moissonneur  :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/11/16/huitain-am...

·         La Couzonnaise (chanson à boire) :

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/01/03/la-couzonn...

·         Le curé et le vitrier de Mornant :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/11/16/le-cure-et...

·         Le dit de Bredin le cocu :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/11/14/le-dit-de-...

·         Noël, dit de Jean Capon (1757) :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/12/25/noel-en-pa...

·         Un conte de vendanges :

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/10/10/un-conte-d...

 

 

18:25 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : patois lyonnais | | |

jeudi, 15 octobre 2009

Le XXIème siècle fait joujou avec le XIXème


Nerval  : El desdichado

 

Baudelaire : A une passante


Rimbaud : Ophélie

 

Connaissiez-vous ces horreurs en caoutchouc ?

Moi non.

J’ai découvert cela sur un blog « pédagogique ».

Je m’imagine, à seize ou dix-huit ans, ayant des poètes une telle vision.

Chamallow, chamallow.

 

Brrrr….

 

06:40 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature, chamallow, nerval, baudelaire, rimbaudd, mallarmé | | |

mardi, 13 octobre 2009

Lequel des douze ?

Revoici le monde, et ces grandes taches imbéciles qu’il fit sur nos cahiers.

Les levers de soleil reviendront un à un nous manger,

Faisant jusqu’au dernier

De nous un peu de cendres.

« -Tu n’es pas gai », disait par-dessus mon épaule

L’arbre lecteur, aux feuilles rousses, agitant le vent dans ses feuilles,

Et des rais de lumière perçant la frondaison.

Bien sûr que si, disais-je moi, en saluant,

Qui passait au loin,

Un cortège d’assassins.

 

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22:15 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, écriture, poèmes, poèsie | | |

dimanche, 20 septembre 2009

Ma pièce

Une pièce dans un immeuble, un immeuble dans une rue, une rue dans une ville…

On se perd, au-delà,

Si peu bâtis, sommes-nous, pour l'infini.

Au delà, ce sont des métropoles entraperçues d’un hublot nocturne,

Ces tapis de lumières que n’abattent jamais tout à fait ni l’horizon ni l’obscurité,

En lignes, en courbes, en pointillés, en paillettes,

A perte de vue :

La terrible, l'insatiable, l’infernale présence humaine, sur la boule Terre

Jusqu'au vertige rendue non, jamais totalement visible,

Pas plus qu'imaginable ...

 

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Ma  pièce, rien qu’un tout petit point lumineux parmi ces milliards d’autres pièces, disséminées,

Et pour retrouver dimension plus sereine, plus adaptée à soi-même, partout des écrans, des images :

Télés, ordis,

Page d’un livre, tracée de sillons,

Mots, qu’on lit,

Ou blanche, 

Oui, page blanche, 
Qu’on écrit.

21:00 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature, écriture, poèmes, soir | | |

lundi, 10 août 2009

Le Chantre Premier

Aimer un SCEVE.jpgpoète de la Renaissance, c'est vouloir marcher sur ses pas, rêver sur ses paysages, boire ses vins et tourner ses pages. Dans ce Lyon dont le salon de la Belle Cordière est le cœur, Olivier de Magny, Ponthus de Thyard, Clément Marot, Champier, Dolet forment un premier cercle, il est un maître en exil déjà, dans la verdoyante plaine d'Ecully. Aux livres, au grec, au latin, il préfère souvent les flâneries le long de Saône en bordures de l'Ile Barbe. Là l'attend l'Idée, sa Délie

« En toi je vis, où que tu sois absente

En moi, je meurs, où que je sois présent »

 

Non loin, la délicieuse Pernette, tout juste âgée de quatorze ans, venue au bord de cette eau limpide laver sa blanche et délicate peau. « Apercevant cet ange à forme humaine... » dira Scève; « Mais qui dira que la Vertu, dont tu es richement vêtu, en ton amour m'intercella », poursuivra Pernette. Début d'une longue et troublante histoire d'amour, objet de plus haute vertu, vraiment :

 

« Amour me presse et me force de suivre

Ce qu’il me jure être pour mon meilleur

Et la Raison me dit que le poursuivre

Communément est suivi de malheur »

 

Scève, amant de l'absence, chantre de l'Idée, dont il décèle l'incarnation dans le paysage de l'Ile Barbe qu'au loin domine le mont Fourvière, et dans le corps idéal de Pernette, un corps de quatorze ans, au bain. Dans la rime, également,  le dizain et le décasyllabe, le maître-mètre du XVIème de cette poésie que la ville a rendue savante, ce Lyon plus doux que cent pucelles vient de prononcer Marot, et dont il est lui, Maurice Scève, le chantre premier

 

 

 Je voy en moy estre ce mont Forviere
En mainte part pincé de mes pinceaulx.
A son pied court l'une et l'autre Riviere.
Et jusqu'aux miens descendent deux ruisseaulx.
 Il est semé de marbre a maintz morceaulx,
Moy de glaçons : luy aupres du soleil
Se rend plus froid, & moy pres de ton oeil
Je me congele : ou loing d'ardeur je fume.
Seule une nuict fut son feu nompareil :
Las tousjours j'ars, & point ne me consume.

Plus tost seront Rhosne et Saone desjoincts,
Que d'avec toy mon coeur se desassemble ;
Plus tost seront l'un et l'autre Mont joinctz
Qu'avecques nous aulcun discord s'assemble :
 Plus tost verrons et toy, et moy ensemble
Le Rhosne aller contremont lentement,
Saone monter tresviolentement
Que ce mien feu, tant soit peu, diminue,
Ny que ma foy descroisse aulcunement.
Car ferme amour sans eulx est plus, que nue.

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07:16 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : lyon, louise labé, maurice scève, poésie, littérature | | |

dimanche, 14 juin 2009

Caniculaire

On annonce 33°. Lyon reprend ses habits de chaleur et sera aujourd’hui à nouveau la ville la plus chaude de France avec Grenoble (34°). C’est alors que dans l’immense espace d’une cuvette sèche et polluée, l’air enflammé se réverbère sans complaisance, figeant semble-t-il le déroulement des heures dans une attente du soir. Les fleuves et leur fraicheur filent entre les quais, rances et sans profondeur, comme vaincus, comme absents. Dans le silence des rues, on a soudain l’impression que la pierre des immeubles se dresse contre le ciel afin de protéger la chair des hommes de la trop brûlante malédiction solaire. L’ombre et la verdure même paraissent capituler. Toute la ville prend un air d’acier et, comme suspendue entre le ciel et le trottoir, toute vie attend l’orage. Il se lèvera. Il se lève toujours.

 

 

C’est d’abord une fraicheur vive et soudaine, prélude au tintamarre des gouttes de pluie ; le souffle alpin, tournoyant dans les rues pentues, balayant la pierre italienne de bourrasques, comme pour la laver du mal d’être habitée. Et la luisance soudain révélée de l’asphalte : dans l’humidité translucide de sa pierre, la ville, l’instant de quelques éclairs, retentit alors d'une histoire dont elle se montre riche autant que jalouse. Dans la noirceur extrême de l’orage, les puissants jets de Lug éclairent le sanctuaire de Marie, tandis que le reste de la ville, sur un tapis obscur, suspend son souffle.

Sur chaque boulevard, dans chaque rue, des gouttes drues comme des colonnes dressent une muraille infranchissable et joyeuse : je reçois à pleine gorge la violente chute du salut. Jusqu’à ce que, toutes pierres et toute chair fécondées par le ciel, l’aveuglant jet du couchant s’éclipse avec la dernière foudre, comme avalé par l’effondrement lointain de sinistres fondations : elle redevient grise et hautaine comme la nuit électrifiée, cette cité dans la nuit, armée.

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21:43 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : lyon, canicule, météorologie, actualité, orages | | |

lundi, 01 juin 2009

Maurice Chappaz, poète de passage

Un ami m’a offert un très beau texte de Maurice Chappaz dont je viens d’achever la première lecture. Il s’agit du tout dernier ouvrage du poète et vigneron suisse, La pipe qui prie et fume (Nov. 2008, réed. mars 2009, ed. de la revue Conférence). Maurice Chappaz s’est éteint au début de l’année 2009, le 15 janvier exactement. Ce texte constitue donc un legs poétique troublant, dans lequel l’expérience de la vieillesse et celle de l’écriture s’enlacent à chaque instant : « Je devine en moi la grande usure. L’Eternel est aux aguets » (p 9).

De Chappaz, je ne connaissais que le Testament du Haut Rhône, un recueil de 1953, réédité par Fata Morgana en 2003. La qualité avait sonné à mon oreille. Sonore et vive. Mais je ne sais pourquoi, sans doute cet endormissement administratif dont parle le poète, et propre aux citadins (là, c'est moi qui rajoute), je n'avais pas insisté. Chappaz n'est pas homme des villes, et nous qui y vivons y perdons trop souvent le goût et la paix de l'esprit.

La pipe qui prie et fume se présente comme une suite de 26 méditations, faites aux Vernys, son chalet sans route dans une haute vallée valaisanne. Pierre-Yves Gabioud, (peintre et graveur vivant dans le val Ferret), a accompagné les 26 textes de 26 monotypes reproduits dans l’édition. La valeur de cette écriture tient tout entier à la conscience de la mort, avec laquelle vit le poète nonagénaire. « A la suite d’un corps, il ne peut y avoir rien. Certes, personne n’est revenu des inimaginables villages. Quand nous serons en Dieu, nous passerons dans les nuages, le vent, les torrents qui bêlent, ça pourra prendre une forme humaine. Nos morts travaillent depuis toujours sur cette terre. Tel ou tel les a aperçus, je m’en suis parfois douté. Ils influencent le destin, ils remuent les événements » (p 21) « J’ai tant guetté le printemps, cette année, si anxieux de le manquer. A présent, guetté par l’âge, je le rumine comme les vaches ruminent l’herbe en clignant les paupières. » (p 71) « Les croyants, les incroyants… Voilà ce qui à l’instant s’est faufilé à l’intérieur. On est tout à la fois croyant et incroyant. Le choix se fait sans cesse et presque à notre insu, d’un jour à l’autre dans le dédale de l’âge où je trébuche. L’espoir même que j’ai et les miettes de la beauté du monde qui s’éparpillent en moi… des nuages dans le ciel aux arbres sur la terre qui attendent avec le cri d’un corbeau, tout me fait sentir mon rapprochement avec les bêtes. » (p 94) Et ce passage où Chappaz cite « le mot de la fin d’un fermier à sa parenté appelée autour de son lit : Eh bien ! mes pauvres, cette fois ça y est, j’ai fini de chier. » (p 94)…

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Maurice Chappaz, jeune homme.

 

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