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samedi, 15 novembre 2008

Le dit de Bredin le Cocu

 Coq à l'âne en patois lyonnais de la fin du XVIème siècle, par Bredin le Cocu (Benoît du Troncy)

 

Qui vout ouy una chanson

Qu'est touta de mensonge ?

S'il y a mot de vereta

Je voglo qu'on me tonde

La felon melon du lon

La felon melonge ..

 

Nostra chatta a faict do chins

Ley, dessous una ronce

Nostro asno en tuyt cinq

Et en espuly onze

La felon …

 

Je lo portay au marchat

Je lo vendy tos treze

Je m’en ally à Marbou

A Marbou ou pou plus outre

La felon …

 

Je trovay un pomy dou

Tout chargia de griotte

Jetty mon bourdon dessus

Je fis cheyre de ly les peires

La felon …

 

Mais le bon homme veny

A qui estant le pesche

M’envoya son chin après

Sa chieura me vint mordre

La felon…


Me vint mordre au talon

Je seigny par l’oreille

Alla quérir le médecin

Pour me garir l’espaula

La felon …

 

Je lui daray pour payement

Une once de ma mierda

Qui sera fraische caca

Du plus clair du clystère

La felon …

 

Et quand mon deyt sera gari

J’irai cullir des pommes

Desus le noyer tout sec

De ma commare Clauda

La felon …

 

Mais c’est trop chalamela

Sans manger ne sans beyre

A Dy don mon bon Signour

Jusques à l’altra Feta

La felon …

 

Ci-dessous :  Le quartier Saint-Georges en 1840 : Les maisons du bord de l’eau avant la construction du quai Fulchiron, d’après le sépia de Leymarie (Musée de Lyon), dessin de Joannès Drevet (1854-1940), in Le Lyon de nos pères, Lyon, Bernoux, Cumin et Masson, 1901.

 

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00:01 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : lyon, littérature, poèmes, poésie, coq à l'âne, bredin le cocu, moyen-âge | | |

dimanche, 09 novembre 2008

Lui, l'Antique

Avec ses gradins découverts depuis peu, vides et courbés contre le flanc de la colline, gradins si hauts pour des jambes d'enfants qu'elles pendent et se balancent,

Avec cette résonance, jeu d'échos de tous ceux qui le connurent en culottes courtes, lui aussi, et jouèrent avec le son, la magie du son,

Le mur de scène évaporé, lui aussi, comme l'amphithéâtre de Condate, comme si à travers ce mur de scène évaporé, au loin par-dessus la plaine, on cherchait du regard par-delà cette fuite de l'horizon vers les Alpes -

Et l'on on a beau chercher - or, il y a en ce temps-là bien moins de pollution qu'à présent - on a beau cligner des yeux, et placer sa main en visière contre son front, cette fuite de l'horizon, cette fuite là-bas, un peu dodelinée entre plaine et bleu du ciel, Rome est si proche pourtant, que le vieux forum où l'on se trouve lui ressemble, lui ressemble, n'est-ce-pas ? on a beau chercher, on ne le voit jamais, on ne la voit jamais la Capitale du monde, là où tout se tient, ni quand on est enfant, ni quand on est grand, parce que, parce que,

TheatreAntique.jpg

Vit-on jamais Rome de Lugdunum ? Paris de Lyon ? Vit-on jamais ?

Et c'est ainsi que la province, conquise et calfeutrée à jamais dans les bras de plus puissant qu'elle, demeure à jamais femme ou à jamais enfant, c'est ainsi,

On ne peut, de ses frêles doigts de chair qui déjà ont compris qu'ils mourront, que  toucher la pierre et d'une paume aplatie contre elle, la chaleur somptueuse et ferme de la pierre quand on est petit garçon et que dans le théâtre, dans la pierre du théâtre on ne comprend pas comment peut se mirer là l'Arc du cercle de tout l'Univers, cette chaleur, s'en saisir et l'absorber,

Moi, l'Enfant,

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J'imaginai là, du règne d'Auguste jusqu'à celui d'Hadrien, tous ces gradins soudainement rugissant de la clameur et des cris de 10 000 spectateurs amassés, et tout aussitôt silencieux, pénétrés de toute leur attention et de leur surprise devant la grimace comique, le masque tragique,

Quoi ? - Quoi donc se dit, - Quoi donc se joue là, sur la scène ?

- quidcur ? - ubi sunt ? - ubi sunt ?

Qu'il est dur de commencer à comprendre, à pressentir,

Qu'en reste-t-il ? Qu'en reste-t-il ?

Sa muette réponse.

Lui. L'Antique.

Mais

Voilà que

La lumineuse trace des absents pèse trop sur ce vers que j'étends.

 

00:15 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : lyon, odéon, théâtre romain, fourvière, archéologie | | |

mardi, 07 octobre 2008

Débat de singes

"Le mot ne se négocie pas, il est simplement polysémique" : tel était le commentaire laissé par un anonyme "lexique en folie", à l'occasion de la première publication de ce texte, que je publie à nouveau, influencé (excédé ?) sans doute par ce que j'entends partout (radios - même dans le bus -on n'y échappe pas, c'est la crise, c'est la crise ! ..., TV, presse gratuite...). Si, hélas, les mots se négocient : Ils se vendent et s'achètent comme des putes, et ce depuis longtemps ; cela s'appelle lieux communs ( débités en campagnes de pub, de comm', et campagnes électorales) cela s'appelle rentrée littéraire, bande-annonce de films, clips, et bientôt dans certains cas, conversations du genre je t'aime moi non plus, savez ? ...) Si, hélas, bien sûr que le mot s'est vendu, et ce, je répète depuis longtemps. Ce n'est rien d'autre que ça, ce que de beaux esprits appellent "le déclin de la langue française".  En rapport, sans doute, avec le déclin du signe monétaire. Crise des signes en pays de singes, donc, telle pourrait être la manchette du journal de Solko, ce matin :

Ils n’étaient que signes, et le savaient tous deux :

la lettre et le nombre,

la syntaxe et la monnaie,

la métaphore et le commerce.

Quand la valeur de l’or

Ne s’énonça plus que sur le papier,

Le mot fit remarquer à la monnaie :

Tu n’as fait qu'imiter mon arbitraire;

L'homme, c’est par moi qu’il lui revient de s'exprimer !

 

Sans broncher, la monnaie répondit  :

"Ils sont bien trop nombreux, désormais ,

Pour entendre de ta bouche

Ce qui n’a que du sens :

J’ai moi de la valeur !

Quelles sont tes autres armes ?"

Le mot découvrit alors

L’éclatement sidéral de son être,

La signifiance, à l’infini,

A profusion, silence,parfum, musique,

Pensée, engagement, littérature...

 

Studieuse et très cynique,

La monnaie observait ce gueux tout en sueur.

"Ta parole n’est qu'une ruse,

Ricana-t-elle enfin :

Mon règne est ce qui vaut!"

Que dire, qu'écrire, que rire, depuis ?

Ce qui n’a plus, nulle part, de sens

Mendie sur les affiches un peu de sa valeur !

"C’est moi qui  te possède!"

Déclare,  souverainement prostituée,

Cette monnaie, singe fait signe,

A cette lettre, signe fait singe.

08:39 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : crise, monnaie, actualité, poésie, langue française, poèmes | | |

vendredi, 15 février 2008

Terrasse technologique

Dansait-il sur une terrasse

Large et dominant la cité technologique

Lui qui, le dernier, embrassa la cathédrale ?

On ne saurait le dire parmi les réseaux

Où galope un reflet d'étincelles

Mais dans les tissus de nos tissus

Et dans les gènes de nos gènes

Nous sentons bien qu'électriques

Le spectre de son baptême

Et le frisson de son argot

Encore villonnement vivants

Sillonnent jusqu'à l'épuisement


Les lignes de nos testaments


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08:25 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, poèmes, villon, solko, cathédrale | | |

mercredi, 30 janvier 2008

Décasyllabe

 Est-ce une plaisanterie ? Devant la craie brève du poème qu'à peine j'achève de tracer sur les dalles de la rue Berger vient de passer un individu aussi encravaté que pressé et qui poussait son sosie assis sur un fauteuil roulant.  Le fait peut, certes, aisément s’expliquer : les jumeaux, comme d'ailleurs les handicapés, sont de plus en plus voyants dans les couloirs et les niches de la société. Personne, cependant, n’arrêtera jamais aussi longtemps son regard sur eux deux que je ne le fis. Etrangeté. C’était un couple de trentenaires, tous deux vêtus d'un costume de marque, l’un poussant, l’autre assis, nimbés également dans une  citoyenneté rigide et triste, déjà fanés parmi la foule de l'après-midi : Celui qui était assis portait sur la sienne et sur ses genoux la mallette de celui qui poussait, comme s'il était sa seule famille sur Terre. Quoi d'essentiel dedans ? Ils n'avaient plus la même chevelure, et je ne saurais dire lequel des deux s'était teint. Comment, non plus, déceler lequel était l’original et lequel la copie ? 

Relevant les yeux sur la foule, je découvris alors que tous, en la rue Berger jadis si ensoleillée, avaient l’air de faire tout de même,  véhiculant contre soi, ou bien en soi, ou bien au pire au dedans de soi, la lourdeur empesée de son propre sosie, handicapé. Sosie comme préventif, contemplant la lointaine sécheresse et la fadeur martiale d'une aventure ici-bas déjà numérisée, et dont les mains posées sur les genoux n’oseraient plus ni bâtir, ni caresser, ni gifler, ni voler, ni mendier.

 Et lequel tirant ?

Et lequel poussant ? 

Mon trouble passé, je reprenais là où je les avais laissés le lent cheminement et la patiente répartition sur le sol des lettres du décasyllabe du matin, du soir ou de la nuit, que sais-je ? 

Mais qui creusa ma paume, ô ! si peinée ?

 

15:00 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, décasyllabe, solko | | |

mardi, 03 juillet 2007

l'escargot

  Une lecture humide de ce temps y déplorera évidemment en tous lieux ce règne sans partage du sec. La violence est sèche. L’à peu près est sec. La combinaison de la violence et de l’à peu près, dont le fait politique comme le fait divers répercutent jusqu’à nous la nauséeuse contingence,  favorise un  environnement qui est peu propice au suave et lent étirement de l’algue sur la plage, tel que l’humide le sollicite : quelle vulnérabilité, à ce point, pourtant me rappelle la lumineuse trace, sur l’arceau, de l’escargot sous la tonnelle ? A celui qui le regarde, le sobre architecte de son simple passage n’intime aucune persuasion : cherche-t-il même à communiquer quoi que ce soit ? Telle est l’insolence de l’exploit poétique, que de sa vitalité éphémère, il ne tire qu’une compétente discrétion.

  

09:45 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, littérature, littératures | | |