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mardi, 11 janvier 2011

L'argot qui se perd

« Pour être un homme du Milieu, il faut huit choses : avoir fait du ballon, être bousillé, savoir valser à l’envers, être nasi, ne pas se dégonfler, avoir une femme sur le tapin, savoir jouer à la belotte et jaspiner le jars. »

 

Edmond Locard, Confidences, Ed, Joannes Desvigne, 1951

 

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Laboratoire de police de Lyon, atelier photographique, tatoué, papier au gélatino-bromure d’argent, v. 1930, fonds Edmond Locard, coll. ENSP, Saint-Cyr-au-Mont-d’or.

lundi, 05 avril 2010

Gloire du pamphlet

Quand on cause de polémique, de nos jours, c’est pour évoquer quoi ? Un vague conflit d’idées – et encore – d’opinions, plutôt, tant il est criant que les idées sont mortes. Une tiède controverse plus ou moins manufacturée en loges entre deux politiciens. Lequel conflit, laquelle controverse, noircissent les feuilles de chiottes d’une presse à bout de souffle et les écrans chronophages et publivores un certain temps, trois petits tours… Sans passionner quiconque, à vrai dire, le conflit, la controverse, quel que soit le sujet traité.

Nous avons oublié combien le polémique fut avant tout un registre. Un registre littéraire d’excellence, qui, comme le lyrisme ou le tragique, avait ses rythmes, ses tropes, ses codes. Comme la joute nautique, c’était un art. Hélas, la frilosité, la bêtise, la veulerie des temps contemporains, la manipulation par une élite technocratisée du plus grand nombre sont venus à bout des grands pamphlétaires qui, tous, n’étaient que des individus, des sujets. S’ils revenaient dans notre univers faits d’objets, Les polémistes de l’Ancien Régime, de la Révolution, de la Monarchie De Juillet, de l’Empire – ceux, même, de la Troisième République, nul doute qu’ils s’étonneraient d’entendre les imbéciles que nous sommes devenus leur dire sur un ton de chochotte que « oui, un mot ça peut blesser, et qu’on peut même mourir pour un mot ». Car au mépris de tout bon sens, au mépris de l’arbitraire du signe, la police de la pensée est parvenue à faire avaler au plus grand nombre que les mots, comme les objets qu’ils désignent, avaient le pouvoir de tuer. Quid des images, alors ? Le mot serait-il vraiment une pipe ? Et quid des bombes ? Quels abrutis ! Et quid des terrifiantes inégalités sociales, quid du nombre ? Les mots, je crois, au contraire des billets de banque et des fusils, n’ont jamais bien tué que des morts.

La novlangue, pourtant, emplie d’euphémismes abstraits et faussement délicats, nous a chié un dialecte pour bisournous inoffensifs et stérilisés, une langue dont on ne peut rien faire, ni grands romans, ni beaux poèmes, ni véritables dramaturgies, ni surtout pamphlets emplis de veine et de souffle. Une langue parfaitement traductible, c'est-à-dire sans originalité. Et pendant ce temps, l’image n’a jamais été aussi vindicative, l’Etat si policier, l’administration si procédurière, le capitalisme si belliqueux. Et c’est ainsi que la connerie règne sur terre, protégée par une police de la pensée qui sème en tous lieux ignorance et fatuité, sous couvert d’information et de tolérance.

samedi, 23 mai 2009

L'art du cousu

Aucun travail de style ne peut s’épargner l’art du cousu. Ce qui est vrai de la chaussure, de la brochure et du soin postopératoire l’est aussi du texte. Si la simple parataxe suffit à l’oral, la simple syntaxe à l’écrit, le texte littéraire, lui, exige son cousu… De phrase à phrase, par un truchement ou par un autre. Un véritable écrivain ne fera jamais l’économie de ça. C'est-à-dire qu’il ne fera jamais l’économie de l'écoute formelle et laborieuse de la langue.

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20:03 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature, écriture, style, art du cousu, langue française | | |

samedi, 16 mai 2009

Grevisse et la complaisance

Eventuel du subjonctif : Bien qu’on ait un présent ou un futur dans la principale, lorsque le verbe subordonné, tout en dépendant d’un verbe qui régit le subjonctif, exprime l’éventualité, il se met à l’imparfait ou au plus-que-parfait du subjonctif, ayant la valeur d’un conditionnel. Toutefois de nos jours, surtout dans la langue parlée, on met le plus souvent, dans ce cas, le présent ou le passé du subjonctif, selon le sens. Dans cet éventuel du subjonctif, l’imparfait correspond généralement au conditionnel présent, le plus-que-parfait au conditionnel passé.

-          Il n’y a aucun de ses sujets qui ne hasardât sa propre vie pour conserver celle d’un si bon roi (Fenelon – Telémaque, t. 1 = tous ses sujets hasarderaient)

-          Où est le poète qui osât proposer à des hommes bien nés de répéter publiquement des discours plats ou grossiers  (Diderot, Paradoxe sur le comédien)

-          On craint que la guerre, si  elle éclatait, n’entrainât des maux considérables  (Littré)

(Grevisse – Le Bon Usage - Eventuel du subjonctif)

C’est une constante, chez Grevisse, après avoir rappelé une règle de bon style, de s’empresser de rappeler qu’on peut toutefois, de nos jours, ne pas l’appliquer.

1936 : Parution du premier Bon Usage chez Duculot. Début de l’ère de la complaisance ?

samedi, 14 février 2009

On ne va pas se mentir

A l’origine, un commandement d’ordre moral et religieux : « Il ne faut pas mentir », que l’expression  reprend, en en modalisant tout ce qu’il manifestait de trop injonctif pour les sensibilités post-modernes. Car, aussi  douce que rouée, l’époque présente feint d’avoir en horreur l’autorité. Chérie, on ne va tout de même pas se mentir ?

L’expression possède tout ce qu’il faut pour devenir rapidement un lieu commun : ce pronom on, tout d’abord, dont la valeur indéfinie masque bien sûr ici un pronom de la première personne  (je) ou de la deuxième (tu). Tout dépend.

Sa forme pronominale, ensuite, qui peut tout aussi bien être réfléchie que réciproque (je ne vais pas me mentir, je ne vais pas vous mentir, nous n’allons pas nous mentir,  tu ne vas pas me mentir, tu ne vas pas nous mentir, etc.) En recourant à un sujet indéfini tout en en restant vague sur la valeur réfléchie ou réciproque du procès, cet énoncé ouvre une porte vers le non-dit, l’allusif, le vague. Et cette porte laissée ouverte possède toutes les allures d’un premier mensonge (l’un des moins pardonnables), le mensonge par omission.

A bien y regarder,  l’implicite de cette expression, fort employée autour de nous, c’est que le mensonge partout régnant serait  partout souverain. Partout, sauf, précisément, dans cette entre soi que son emploi, pourvu que le ton y soit également, cherche à créer entre deux interlocuteurs. Telle est la grâce de ces quelques mots, affirmer que tout ce qui  précède et suivra la parenthèse qu’ils ouvrent dans un bref échange n’est que pur mensonge. Leur corollaire étant : partout, on (les autres) ne fait que se mentir. Le mensonge serait donc un vice public, tandis que la vérité serait une vertu privée : étrange et commode postulat. « On ne va pas se mentir » présuppose par ailleurs que la sincérité est une valeur rare, voire quasiment inexistante, et de cette valeur, fait une sorte de distinction. Son emploi tente de restaurer une communauté de belles âmes, communauté pourtant fort improbable dans le désert qu’habitent, à l’en croire, presque 7 milliards de sales âmes passant leur temps à se mentir.

Dans la bouche de monsieur tout le monde,  le lieu commun sert à introduire une concession : « On vend des livres, on ne va pas se mentir, mais on sait que ce sont des gens de la génération qui est née avant l’Indépendance, ceux qui ont aujourd’hui entre 50 et 60 ans, qui lisent. » déclare une libraire algérienne interrogée sur les habitudes de lecture de ses compatriotes. Autrement dit, « je vends des livres, certes, mais cela ne va pas durer ».  Mais dès qu’on quitte monsieur tout le monde, les enjeux ne sont pas les mêmes d’une situation d’énonciation à une autre. Ne pas se mentir n’a pas le même sens entre un politique et un téléspectateur, un médecin et son patient, un Roméo et une Juliette.

 En politique, « on ne va pas se mentir » sert invariablement à annoncer un problème, une situation délicate, une catastrophe. On voit mal Fillon dire « on ne va pas se mentir, la France est prospère ».  Dans ce cas-là, le tribun ou la tribune (tiens, on dit ça, la tribune ?) fait mine de ne pas avoir, au contraire de tous ses confrères et consœurs du milieu politique, la peu populaire langue de bois. C’est ainsi que, depuis 1974, « On ne va pas se mentir, il va falloir faire des efforts » est devenu un classique des politiques gouvernementales.

Le lieu commun est vivace aussi dans le sport ; « on ne va pas se mentir, on a fait un mauvais match » entend-on à l’entrée du vestiaire. Ne pas se mentir, c’est ici non seulement ne plus se raconter des bobards de politiciens, mais également ne pas s’illusionner soi-même : glissade de la valeur réciproque, sur laquelle se fonde le « pacte démocratique » à la valeur réfléchie, sur laquelle repose la pertinence de l’exploit héroïque. Le sportif joue sur un présupposé d’époque, qu’il partage d’ailleurs avec le politique : qu’importe qu’il ait été (ou soit) nul, pourvu qu’il soit sincère. Dans ce cas-là l’emploi du lieu commun sonne comme un recours en grâce. Ne pas mentir demeurant la dernière façon de ne pas perdre complètement la face, ni le salaire qui va avec.

 

07:08 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : politique, langue française, lieux communs | | |

mercredi, 07 janvier 2009

Une question qui fait sens

Je n'aime pas trop parler de ma vie privée, ni de mon "métier". Je le fais fort rarement. Un blogue n'est pas un journal. Parfois pourtant, lorsque cela me parait utile, je m'y résous. Comme ce soir.

Je suis resté assez tard au lycée, à cause d'une réunion avec des parents d'élèves. Je n'ai jamais bien aimé ces rituels mi solennels, mi puérils, même s'ils ont un caractère relativement nécessaire, au moins jusqu'en classe de première. (Je vois mal ce genre de choses se prolonger en BTS, alors que les étudiants y sont majeurs, encore que...) Bref. Dans un billet récent  (lien ICI), j'évoquais la disparition programmée de l'écriture manuscrite. Je ne pensais pas que les choses, à vrai dire, se manifesteraient si vite. Un parent, père de famille, la cinquantaine - son fils en 1ère S, ni bon ni  mauvais, comme on dit - me pose une question. J'avoue que j'en ai entendu pas mal en vingt ans de pratique. Des vertes et des pas mures; mais celle-ci : "Pourquoi vous obstinez-vous à exiger des copies manuscrites ? Mon fils perd trois heures (!!!!) à recopier ce qu'il a fait sur l'écran pour vous le rendre, alors qu'il n'aurait qu'à appuyer sur un bouton pour l'imprimer."

Voilà.

C'est un type de mon âge qui donne le premier coup de bélier.

Pour l'instant, c'est encore facile d'argumenter : J'aurais pu lui faire observer qu'à l'examen, on demande aux élèves d'écrire à la main. Pas eu envie de me justifier sur un sujet aussi évident. Je leur ai dit, à tous, que nous étions en train d'égarer collectivement, dans notre quotidien une pratique, celle de l'écriture à la main. Et que leurs enfants devraient se réjouir d'avoir encore le temps, l'occasion ou le loisir de la pratiquer. Le père m'a rétorqué que même les écrivains (je le cite) écrivaient à l'ordinateur. J'aurais pu m'offrir en exemple, puisque j'ai écrit moi-même plusieurs pièces de théâtres, des essais et des romans en utilisant un ordinateur, tout en écrivant aussi de nombreux passages sur des cahiers. En fait, je n'ai jamais complètement abandonné l'écriture à la main, pour des raisons que je ne peux développer ici, mais qui sont si évidentes. Je n'ai pas non plus envie d'abandonner la nourriture à la bouche, si j'ose dire - même si je sais que tôt ou tard viendra le temps des perfusions ... Car je voyais bien ce qu'il pensait - que j'étais sans doute contre la technique, contre Internet, contre les blogs, tiens, comme le disent tous ces habitués frénétiques de Delarue qui ne connaissent que le pour et le contre, si imbécile, des choses, qui ont, comme ils le disent si affreusement des opinions ... J'aurais pu  lui dire que j'avais acheté mon premier ordi en 1988, et que je n'étais pas le vieux con qu'il croyait. J'aurais pu l'envoyer faire un tour chez Solko, par exemple...

Mais bon. Pas eu besoin de tout ça. Car il y avait encore une majorité de gens sensés parmi ces parents d'élèves, visiblement, pour soutenir la même position que moi. J'ai juste - tout de même (les correcteurs de copies me comprendront) précisé, d'un ton assez ferme et je l'espère convaincant, que leurs enfants n'étaient que des élèves et non des écrivains. (incroyable ce raisonnement, spécieux, aberrant : les écrivains écrivent à l'ordi, donc mon fils peut faire ses copies à l'ordi...) Je n'ai pas non plus rajouté ce que je pensais de la plupart des imposteurs (et imposteures) que ce monsieur, dans sa liberté de penser, appelle, lui, des écrivains. Nous serions entrés dans un débat trop houleux, sinon.

Si je parle dans ce billet de ce qui n'est, après tout, qu'une anecdote, c'est que cette anecdote fait sens. Il commence à y avoir, dans ce pays, un certain nombre d'adultes assez sots pour affirmer publiquement (puisque c'est leur opinion...) qu'écrire à l'ordi (comme ils disent) est plus propre et plus pratique qu'écrire à la main. Hygiénisme et consumérisme n'étant pas mes tasses de thé, je m'abstiendrais de dire quoi que ce soit à propos de ces gens qui ont, tout comme Florent Pagny, leur liberté de penser. Mais je souligne simplement le fait, en tant que professionnel de l'écriture et de la correction - comme d'autres le sont d'un autre domaine, la culture du maïs ou la vente des frigidaires -, que la jeunesse de ce pauvre pays devient de plus en plus - dans son ensemble - inapte à l'écriture manuscrite (c'est un constat) avec la complicité parfaitement inconsciente de leurs géniteurs (encore un constat) et que si on entérine une telle chose, non seulement la perte sera considérable mais surtout, il n'y aura aucun retour possible, avant plusieurs générations..

vendredi, 02 janvier 2009

Faire des efforts

« Pour nous en sortir, chacun devra faire des efforts » : L’énoncé repose sur un beau parallélisme : deux propositions aussi filoutes l'une que l'autre, de chaque côté de la virgule déhanchée, dans le flot du discours présidentiel de mercredi soir.

Tout d’abord, s’en sortir : Verbe à l’infinitif, expression populaire. On n’arrive plus à boucler les deux bouts, on s’en sort plus : propos de rues, de trottoir. Plainte récurrente du petit peuple, entendue mille et mille fois dans les familles. Nous, première personne du pluriel, ce qu’on appelle en grammaire l’emploi pédagogique de la première personne. Mais qu’est ce que ce président à 18.690 euros bruts par mois vient faire parmi ce collectif de pauvres qui ont besoin de s’en sortir ? Sa fortune jointe à celle de sa Carla, il s’en sort très bien, non ?  A-t-il besoin de le dire ? Pas plus qu’il n’a besoin de s’en sortir. Il ne vient faire ici qu’un discours. Un de plus. Cette expression, « s’en sortir », il l’a volée dans la bouche des pauvres gens. Voleur, devrions-nous dire. Voleur de mots.  Sale boulot de causeur de réveillon. Il y a ce pour, aussi, qui ne fixe aucune ligne présidentielle, mais dérobe aussi celle des pauvres gens car, bien sûr, ils n’aspirent qu’à ça, s’en sortir, depuis la nuit des temps, ils veulent s’en sortir, ils ne pensent qu’à ça, les pauvres. Sarkozy, c’est le renard dans le poulailler qui vient piquer le grain de la poulaillerie. Oui. Leurs mots. Leurs buts. Tout.  Il a le mot qui ment, tout comme le geste : « Pour nous en sortir », dit-il.…

Deuxième proposition : On passe soudain au singulier. Chacun. Pronom indéfini, troisième personne du singulier. Le collectif est soudain défait. Chacun. Solitude des fins de mois.  La Carla et le Nicolas les ont-ils connues, ces fins de mois-là ? On rigole. C’est pourtant pas drôle. Chacun, soudain, se retrouve tout seul : car soudain, le président, l'Etat, l'autorité se retirent. Réintègre la bibliothèque de l’Elysée. Celle de ses prédécesseurs. La taille et la majesté en moins. A petite époque, petit état. A petit état, petit président. Il n’est plus avec nous et le pluriel redevient un singulier, liberté individuelle, vous dira-t-il, oblige. Devra : indicatif futur, frôlant ici la valeur d’injonction. N’attendez rien de ce type que vous avez élu. Rien. Chacun devra (singulier) faire des efforts. Et notez bien le pluriel au mot effort : « des efforts ».  La grammaire est comme ça. Infaillible. Non pas le miroir de l’âme, mais celle des intentions ; Sarkozy ne dit pas : chacun devra faire un effort. Il ne dit pas Nous devrons faire des efforts. Mais cette tournure, à l’image du rictus sarkozien, à mi-chemin entre la faute de grammaire, le parler démagogique, le programme idéologique,: « chacun devra faire des efforts.» Faire des efforts. Cela sent bien sûr son bulletin trimestriel. Sarkozy parle à des enfants. Un monde nouveau, dit-il, doit sortir de cela. Et dans ce monde, Sarkozy l'avocat fera des discours.

 

00:06 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (30) | Tags : sarkozy, lieu commun, langue française | | |

jeudi, 09 octobre 2008

Oublier Le Clezio

La dernière fois que j'ai lu un Le Clezio, je l'ai même pas acheté. C'était il y a quelques années, à la Fnac. Son autobiographie. C'était si mal écrit, ou si pas écrit, ou écrit de façon si plate, que je me suis assis sur une chaise, j'ai commandé un petit café dans le coin buvette du centre de distribution d'objets culturels indéterminés et je l'ai -comme on dit d'une vitre quand on voit le jour à travers -, traversé. C'est la France qui va être contente : elle a pas eu les prochains Jeux Olympiques, on s'en souvient, c'est Londres qui a tiré le gros lot, ben elle a le Nobel de littérature. Remarquez, quand on pense que Pierre Perret est Chevalier des Arts et des Lettres, Le Clezio peut bien être labellisé, pardon javellisé, merde, je vais y arriver, nobélisé. Javellisé, il l'est déjà, depuis longtemps, bien propre sur soi et tout et tout, c'est pourquoi il a empôché le pâctole, le foutu cléziô. Il faudra que je retrouve ce soir en rentrant chez moi ce que Léon Bloy a écrit le jour où il a su que l'immortel Sully Prudhomme l'avait empoché, le premier Nobel de littérature. Je le retrouverai, promis.

En attendant, le français Yves Bonnefoy, qui a écrit une véritable œuvre littéraire, pour ne citer que lui, ne sera pas nobélisé. Une question : ce jury de Stockholm, il a appris à lire dans un cabinet d'expertise du genre de ceux qui font les classements des villes européennes, ou quoi ? Mais bon, on va pas s'indigner outre mesure, on va pas s'énerver pour autant. Louis Guilloux, qui a lui tout seul vaut quinze Le Clezio, n'a jamais eu le Nobel. Henri Béraud non plus. Je parle de ces deux-là, parce qu'ils sont tous les deux morts un mois d'octobre. L'un (Guilloux) fut président des écrivains anti-fascistes. L'autre (Béraud) fut le premier sur les listes des procès de l'épuration: La Gerbe d'Or, Le Sang Noir, Ciel de suie, Le Pain des Rêves, des livres de l'un, des livres de l'autre... Durant ce mois qui s'avance, de saines lectures, pour oublier Le Clezio...

 

mardi, 07 octobre 2008

Débat de singes

"Le mot ne se négocie pas, il est simplement polysémique" : tel était le commentaire laissé par un anonyme "lexique en folie", à l'occasion de la première publication de ce texte, que je publie à nouveau, influencé (excédé ?) sans doute par ce que j'entends partout (radios - même dans le bus -on n'y échappe pas, c'est la crise, c'est la crise ! ..., TV, presse gratuite...). Si, hélas, les mots se négocient : Ils se vendent et s'achètent comme des putes, et ce depuis longtemps ; cela s'appelle lieux communs ( débités en campagnes de pub, de comm', et campagnes électorales) cela s'appelle rentrée littéraire, bande-annonce de films, clips, et bientôt dans certains cas, conversations du genre je t'aime moi non plus, savez ? ...) Si, hélas, bien sûr que le mot s'est vendu, et ce, je répète depuis longtemps. Ce n'est rien d'autre que ça, ce que de beaux esprits appellent "le déclin de la langue française".  En rapport, sans doute, avec le déclin du signe monétaire. Crise des signes en pays de singes, donc, telle pourrait être la manchette du journal de Solko, ce matin :

Ils n’étaient que signes, et le savaient tous deux :

la lettre et le nombre,

la syntaxe et la monnaie,

la métaphore et le commerce.

Quand la valeur de l’or

Ne s’énonça plus que sur le papier,

Le mot fit remarquer à la monnaie :

Tu n’as fait qu'imiter mon arbitraire;

L'homme, c’est par moi qu’il lui revient de s'exprimer !

 

Sans broncher, la monnaie répondit  :

"Ils sont bien trop nombreux, désormais ,

Pour entendre de ta bouche

Ce qui n’a que du sens :

J’ai moi de la valeur !

Quelles sont tes autres armes ?"

Le mot découvrit alors

L’éclatement sidéral de son être,

La signifiance, à l’infini,

A profusion, silence,parfum, musique,

Pensée, engagement, littérature...

 

Studieuse et très cynique,

La monnaie observait ce gueux tout en sueur.

"Ta parole n’est qu'une ruse,

Ricana-t-elle enfin :

Mon règne est ce qui vaut!"

Que dire, qu'écrire, que rire, depuis ?

Ce qui n’a plus, nulle part, de sens

Mendie sur les affiches un peu de sa valeur !

"C’est moi qui  te possède!"

Déclare,  souverainement prostituée,

Cette monnaie, singe fait signe,

A cette lettre, signe fait singe.

08:39 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : crise, monnaie, actualité, poésie, langue française, poèmes | | |