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vendredi, 02 janvier 2009

Faire des efforts

« Pour nous en sortir, chacun devra faire des efforts » : L’énoncé repose sur un beau parallélisme : deux propositions aussi filoutes l'une que l'autre, de chaque côté de la virgule déhanchée, dans le flot du discours présidentiel de mercredi soir.

Tout d’abord, s’en sortir : Verbe à l’infinitif, expression populaire. On n’arrive plus à boucler les deux bouts, on s’en sort plus : propos de rues, de trottoir. Plainte récurrente du petit peuple, entendue mille et mille fois dans les familles. Nous, première personne du pluriel, ce qu’on appelle en grammaire l’emploi pédagogique de la première personne. Mais qu’est ce que ce président à 18.690 euros bruts par mois vient faire parmi ce collectif de pauvres qui ont besoin de s’en sortir ? Sa fortune jointe à celle de sa Carla, il s’en sort très bien, non ?  A-t-il besoin de le dire ? Pas plus qu’il n’a besoin de s’en sortir. Il ne vient faire ici qu’un discours. Un de plus. Cette expression, « s’en sortir », il l’a volée dans la bouche des pauvres gens. Voleur, devrions-nous dire. Voleur de mots.  Sale boulot de causeur de réveillon. Il y a ce pour, aussi, qui ne fixe aucune ligne présidentielle, mais dérobe aussi celle des pauvres gens car, bien sûr, ils n’aspirent qu’à ça, s’en sortir, depuis la nuit des temps, ils veulent s’en sortir, ils ne pensent qu’à ça, les pauvres. Sarkozy, c’est le renard dans le poulailler qui vient piquer le grain de la poulaillerie. Oui. Leurs mots. Leurs buts. Tout.  Il a le mot qui ment, tout comme le geste : « Pour nous en sortir », dit-il.…

Deuxième proposition : On passe soudain au singulier. Chacun. Pronom indéfini, troisième personne du singulier. Le collectif est soudain défait. Chacun. Solitude des fins de mois.  La Carla et le Nicolas les ont-ils connues, ces fins de mois-là ? On rigole. C’est pourtant pas drôle. Chacun, soudain, se retrouve tout seul : car soudain, le président, l'Etat, l'autorité se retirent. Réintègre la bibliothèque de l’Elysée. Celle de ses prédécesseurs. La taille et la majesté en moins. A petite époque, petit état. A petit état, petit président. Il n’est plus avec nous et le pluriel redevient un singulier, liberté individuelle, vous dira-t-il, oblige. Devra : indicatif futur, frôlant ici la valeur d’injonction. N’attendez rien de ce type que vous avez élu. Rien. Chacun devra (singulier) faire des efforts. Et notez bien le pluriel au mot effort : « des efforts ».  La grammaire est comme ça. Infaillible. Non pas le miroir de l’âme, mais celle des intentions ; Sarkozy ne dit pas : chacun devra faire un effort. Il ne dit pas Nous devrons faire des efforts. Mais cette tournure, à l’image du rictus sarkozien, à mi-chemin entre la faute de grammaire, le parler démagogique, le programme idéologique,: « chacun devra faire des efforts.» Faire des efforts. Cela sent bien sûr son bulletin trimestriel. Sarkozy parle à des enfants. Un monde nouveau, dit-il, doit sortir de cela. Et dans ce monde, Sarkozy l'avocat fera des discours.

 

00:06 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (30) | Tags : sarkozy, lieu commun, langue française | | |

Commentaires

"Voleur de mots" "sale boulot de causeur de réveillon"...Solko, moi je me désaltère à vos mots à vous... et à votre infaillible analyse grammaticale. Bonne soirée, bonne nuit, merci. (j'adore "la virgule déhanchée": elle est bath aussi celle-là!)

Écrit par : Sophie L.L | jeudi, 01 janvier 2009

Solko vous êtes un de mes derniers liens avec ce monde que je ne veux pas voir - que je vois quand même. J'avais complètement oublié ces voeux.
J'ai entendu tout ce qu'il y avait à entendre je crois - vous écoutez bien la grammaire. La mort du politique en direct, cela fait longtemps qu'on le pressent il est vrai. Désormais c'est officiel.

Bon, dodo.

Écrit par : Tang | vendredi, 02 janvier 2009

Vous parlez des vœux présidentiels 2009, mais c'est de la veine des navets.
Cela fait 30 ans que je ne les écoute plus( les navets présidentiels!)

Mais vous en faites une lecture qui m'a beaucoup intéressé.

Écrit par : La Zélie | vendredi, 02 janvier 2009

Joli !

mais incomplet... j'attends la suite.

Écrit par : totolezheros | vendredi, 02 janvier 2009

C'est tellement consternant tout cela, que je ne trouve même plus le courage de commenter ce qui nous est donné à voir et entendre. Une seule question tourne en boucle dans ma tête : " comment avons nous pu en arriver là ? "
Comment pouvons nous supporter toute cette ignominie ?
Caligula a existé, il est vrai ... Force est de constater que si les techniques évoluent, l'espèce humaine quant à elle, ne change jamais. C'est une roue qui tourne sur elle-même et patine sans avancer ...

Écrit par : Simone. | vendredi, 02 janvier 2009

Bellle explication de texte, cher Maître. On voit le professionnel à l'oeuvre. Si vous disséquiez grammaticalement tous les commentaires ?....

Écrit par : Porky | vendredi, 02 janvier 2009

Tiens, Porky joue les incendiaires en début d'année ... mais l'explication de texte va s'envoler, elle a 3 ailes ! Voir la légende de l'arroseur arrosé. J'ai l'esprit taquin en ce début d'année !

Écrit par : Simone. | vendredi, 02 janvier 2009

Et allez donc, je me répète ... Cà m'apprendra, tiens !

Écrit par : S.2 | vendredi, 02 janvier 2009

Bravo Solko, quelle énergie ! Grâce à vous, je trouve la grammaire extrêmement intéressante et tellement instructive ! Je n'ose vous quémander quelques cours de rattrapage, à Vaise ou ailleurs, afin d'éclairer mon esprit un peu assombri par le contexte.

Écrit par : Anna | vendredi, 02 janvier 2009

Bonsoir Solko,

Je vous souhaite une très bonne et très heureuse année 2009 !!!!

Écrit par : Gilles | vendredi, 02 janvier 2009

Ah Anna, il y a déjà une liste d'attente! (avec des tickets comme à la Sécu!)

Écrit par : Sophie L.L | vendredi, 02 janvier 2009

La grammaire apparait enfin pour ce qu'elle est: une arme de séduction fine (et non pas massive comme disent les idiots).

Écrit par : Tang | vendredi, 02 janvier 2009

@ Tang : La mort du politique en direct, oui, joli titre.
@ Zélie : La veine des navets, pas mal non plus.

@ Totolezhéros : Voilà de quoi inspirer une suite, peut-être, pour totolezhéros, qui en demande une.

Écrit par : solko | vendredi, 02 janvier 2009

@ Simone : Comment avons-nous pu ...? La voie des urnes. Triste à dire, mais c'est pourtant ainsi.

Écrit par : solko | vendredi, 02 janvier 2009

@ Porky : J'y pense, j'y pense.
@ Anna : A Vaise ? Tiens, vous me donnez une idée...

Écrit par : solko | vendredi, 02 janvier 2009

@ Gilles : Merci de votre passage. Bonne année à vous également. Des nouvelles de la maison du Chaos ?

Écrit par : solko | vendredi, 02 janvier 2009

@ Sophie : Vuus avez bien raison. Comme à la sécu.
"La grammaire est la forme la plus accomplie et la plus contemporaine de la sécurité sociale"
aurait pu dire Vialatte s'il avait connu les temps étranges que nous vivons.
Il faudra soumettre cet aphorisme à l'ami Tang la semaine prochaine, s'il repasse par là !

Écrit par : solko | vendredi, 02 janvier 2009

@ Tang : Quand on parle du loup ...

Écrit par : solko | vendredi, 02 janvier 2009

Ah oui Solko, la grammaire n'est pas moins... Mais je vais réfléchir à cela toute une semaine - le temps que passent vos sarcasmes (bien mérités, et qui me font bien rire)

Pas tout ça, il reste encore le séchage (pas de grammaire).

PS: parlant de Vialatte on parle toujours un peu du loup...

Écrit par : Tang | vendredi, 02 janvier 2009

C'est une pépite ce mot qui ment ... Merci d'éclairer notre lanterne sur la saveur de l'énoncé ...
Quelle mine à pépites que cette "rupture tranquille"et le champ de pépites, prolifère... il ne faudrait pas qu'on s'habitue tout de même!
Vous êtes ressourçant ;-)

Écrit par : frasby | vendredi, 02 janvier 2009

@ Frasby : Eh bien, nous nous croisons. Je viens de chez vous à l'instant. Avez-vous des nouvelles d'Alceste ? Lui, au moins, n'a pas "le mot qui ment"...

Écrit par : solko | vendredi, 02 janvier 2009

Pour Simone : Moi, jouer les incendiaires ??? Vraiment, c'est mal me connaître ; je suis plus innocent qu'un mouton frisé... Solko vous le confirmera sans problème.

Écrit par : Porky | vendredi, 02 janvier 2009

Heureuse et sainte année 2009 à vous...

Écrit par : Une Ville Un Poème | vendredi, 02 janvier 2009

Quelqu'un a eu la bonne idée de faire un rapprochement qui m'a conduit ici.
Je ne le regrette pas.

Oui la novlangue est utilisée jusqu'à la corde par "celui qui vend de la religion mais n'en consomme pas"

Maître de toutes les acrobaties autant que l'est l'eau de la pente qu'elle parcourt
...
vers le bas.

Allons nous continuer à suivre ce chemin ?

Il y aurait à développer un peu aussi du côté des transitions entre le nous et le vous ou toi ou lui
transition qui passent le plus souvent par
la mise en haine de l'autre.

Moyen commode pour faire oublier ce petit pas de côté de celui qui est avec nous dans la tourmente cinq minutes par jour en pensée
et qui doit donc détourner notre attention
vers l'autre
celui qu'il faut détester pour pouvoir continuer à exister un peu tout de même.

Écrit par : Le bateleur | samedi, 03 janvier 2009

@ Porky : Un mouton, à présent ?

Écrit par : solko | samedi, 03 janvier 2009

@ Une ville un poème : Très bonne année à vous également. Et longue vie à votre blog où s'harmonisent les lieux et les citations de poèmes les plus divers. Beau travail de culture et de mémoire.

Écrit par : solko | samedi, 03 janvier 2009

@ Le bateleur: Très juste, ce passage du "vous" au "tu" dans le discours de Sarkozy, une violence toujours latente et des glissements nombreux.
Merci de ce commentaire qui croise en effet votre comparaison pertinente des deux discours de voeux (2008 & 2009) à voir sur votre blog, bien vu pour le lien GMC. A bientôt.

Écrit par : solko | samedi, 03 janvier 2009

Bonsoir Solko,

Apparemment la Demeure du Chaos résiste, tout comme son propriétaire !!!!

Il est toujours en procès...

Affaire à suivre...

Bonne continuation

Écrit par : Gilles | samedi, 03 janvier 2009

Bravo Solko pour cette analyse! Je crois que c'est exactement comme ça qu'il fallait percevoir ces "voeux". Merci, je n'ai pas écouté les voeux mais votre analyse me permet de dire 'tout vu, tout lu'

Écrit par : Léopold | dimanche, 04 janvier 2009

@ Léopold : S'il fallait analyser toutes les fautes de grammaire (accords des participes, confusion entre "que" et "dont", emplois impropres de "on"...) contenues dans les discours de ce président qui parle comme un charretier...
Enfin. Bonne année à vous.

Écrit par : solko | dimanche, 04 janvier 2009

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