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samedi, 03 janvier 2009

Les valses de Vaise

Vaise... A qui cela dit-il quelque chose ?  Cela commence comme Vienne, et on pourrait en effet imaginer quelques valses de Vaise, tourbillonnées ici jusqu'au vertige. Car au fil du temps, il y eut bien plusieurs Vaise, et la mémoire comme l'imaginaire peuvent longtemps virevolter ici, des cabanes de l'age de bronze aux cabarets du XIXème siècle, jusqu'aux résidences en béton d'aujourd'hui : le village en bordure de Saône, résidence d'archevêques et de rois de l'Ancien Régime ; le faubourg ouvrier où s'entassaient les marchands de vin et les petits hôtels durant le Second Empire et jusqu'à la Belle Epoque ; le quartier restructuré de l'ère Collomb, pour cadres endettés, avec rues piétonnes, boutiques bio & mobilier urbain.

Pour tous les néophytes, il faut rappeler que Vaise fut longtemps un village, aussi charmant qu'autonome, en bordure de Saône, aux portes de Lyon. On en fait mention pour la première fois au douzième siècle dans les chartes de l'abbaye d'Ainay. Quelques maisons, groupées autour d'une humble église à présent disparue, faisaient alors de Vaise une dépendance agréable de la paroisse d'Ecully. Le vénérable Brun la Valette précise que la première église de Vaise fut sans doute élevée sur les débris d'un sanctuaire gallo-romain. Alors, comme disent les jeunes d'à présent, total respect ! Cette ancienne église de Vaise joua durant tout le Moyen-Age un rôle spécifique lorsque on fêtait la Fête des Merveilles, le mardi avant la Saint-Jean Baptiste : le clergé et les fidèles de toutes les autres paroisses lyonnaises se réunissaient devant elle, avant de descendre la Saône en cortège, jusqu'à Ainay.

Le reste du temps, la commune était un lieu de transit, où florissaient les auberges. De très beaux domaines, notamment les châteaux de La Claire, de Rochecardon et de La Duchère furent construits sur ces terres. Avant d'entrer dans leur bonne ville de Lyon, beaucoup de souverains s'arrêtèrent dans l'un ou l'autre de ces établissements : Vaise eut ainsi l'honneur de loger Charles VI, François Ier, Henri IV,  Louis XIV, Napoléon... Le village lui-même était assez penaud, misérable. Sous le premier Empire, s'y blottissaient 2400 âmes, tout au plus. A partir de la Restauration, cet ancien Vaise s'éteignit et céda la place au quartier de l'Industrie : corderie, docks, gare d'eau, tuiliers, tanneurs... Vaise devient un quartier ouvrier, comme on dit à l'époque, qui connut du 28 octobre au 19 novembre 1840 des inondations dramatiques de la Saône : plus de deux cents maisons en pisé disparurent, et sur les 5000 habitants, beaucoup gagnèrent la Croix-Rousse ou Saint-Just et ne revinrent jamais plus. Le marché à bestiaux de Saint-Just y fut transféré en 1855, et peu de temps après les abattoirs de la ville. Cette terre, qu'avait foulée des rois de France l'était désormais par les bêtes apeurées qu'on menait à la mort.  Une gare de chemin de fer fut bâtie.  

Avec celle de la Croix-Rousse et celle de la Guillotière, la commune de  Vaise fut rattachée à Lyon par Napoléon III en 1852, devenant ainsi le neuvième arrondissement de la grande ville autrefois mitoyenne. Au vingtième siècle, le percement du tunnel de la Croix-Rousse coupa littéralement l'endroit en deux, faisant de la rue Marietton une sorte de dégorgeoir pour tout le reste de la ville, l'un des lieux les plus pollués et embouteillés, cauchemar des piétons comme des automobilistes. Vaise souffrit, à la Libération, des bombardements alliés. Le 26 mai 1944, on célèbre un mariage dans l'église de l'Annonciation lorsque brusquement hurlent les sirènes. Les Américains larguent un tapis de bombes sur la voie ferrée et la gare de Vaise, ravageant au passage une partie du quartier et l'église de l'Annonciation. Parmi les nombreux morts, les mariés et le prêtre qui venait de les unir. L'autre église de Vaise (Saint-Pierre) est également touchée.

Valsait-on encore à Vaise ? Je ne sais. On y mangeait en tous cas pour pas cher dans les années soixante dix, lorsque Maurice Yendt y implanta son théâtre des Jeunes Années (à présent TNG). S'il est un roman que tous les Vaisois devraient connaïtre, c'est bien cet étonnant Roman d'un vieux Groléen de Georges Champeaux (Ed. de Guignol, 1919). Le petit livre raconte une histoire d'amour réaliste qui se déroule au début du vingtième siècle en ranimant à merveille toutes les senteurs et les couleurs de ce faubourg ouvrier du dix-neuvième siècle, à présent entièrement remodelé par la pelleteuse immobilière. L'ancienne zone est devenue un secteur urbain résidentiel, et comme d'autres secteurs urbains, il est investi par ce qu"on appelle non sans quelque fatuité les "bourgeois-bohèmes" (c'est bien souvent des bobos qui disent bobos, avez-vous remarqué ? Et bobo soit qui s'en dédie !). A la place des anciens entrepôts, ça pousse donc comme champignons, des fleurs de béton plus ou moins haïssables, comme le siècle spéculatif en redemande, bureaux, résidences, on ne sait trop, tant tout se ressemble. Restent quelques cours mal pavées, quelques chemins biscornus pour nourrir le rêve de qui veut encore valser à Vaise. Quelques plaques de rues, également, font vestige d'autrefois. J'en profite pour faire un clin d'œil au blog Rues de Lyon

Demeurent l'allée des Cavatines, la rue du Chapeau Rouge, le chemin des Contrebandiers, la rue des Deux Amants, la rue des Prés... Et puis ce nom étrange, beau et laid à la fois, qu'il pleuve sur Vaise, ou que le soleil y brille, ce vieux mot passé durant tant de siècles, par tant de bouches, Vaise...

 

00:07 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : vaise, lyon, littérature, culture, histoire, société | | |

Commentaires

Je m'empresse avant les autres, (car vos fans sont légion) de vous dire que j'aime mieux le souffle poétique de vos articles bien que vous soyez un vrai Maître à penser dans la causticité également.
Chapeau bas, cher Maître.

Écrit par : File la laine | samedi, 03 janvier 2009

Beau billet et votre titre il est à se pâmer ( "souffle poétique" , elle a raison la fileuse !) J'aime également beaucoup votre causticité, par ailleurs...Cela va sans dire.
Mais les valses de Vaise c'est du brioché main. Etes vous déjà allé valser à la Scala de Vaise? Dites moi maître ;-)... hein ? Non, bien sûr ? Et bien, un de ces dimanches, si vous ne savez que faire prenez votre draisienne, je vous y conduirai (en tout bien tout honneur), nous boirons "le petit vin de Vaise" qui précède toute bonne valse . On y passera sans doute sur le gramophone (de "Hi Fi Marietton"), le langoureux "Valse de Vaise" immortalisé par Lucienne Delylle et l'orchestre d'Aimé Barelli (et sa trompette) sur la face B de "Mandolines à Napoli" ( la voix de son maître " ref 365479B- 1947 -) disque aujourd'hui introuvable evidemment ;-) Regrets Eternels...
Merci pour ce tour enivrant.

Écrit par : frasby | samedi, 03 janvier 2009

@ File la laine : Le clin d'oeil à Barbara est de rigueur (si je t'écris ce soir de Vaise, Il pleut sur Vaise, Bien sûr ce n'est pas la Saône ... etc).Et donc, Chapeau bas itou, ô fileuse de laine.

Écrit par : solko | samedi, 03 janvier 2009

@ Frasby : Et le clin d'oeil à Barbara (si je t'écris ce soir de Vienne..) nous ramène forcément à Strauss, au concert de Nouvel An à Vaise dirigé par nos soins, en effet, avec tout le gratin de Vaise venu applaudir l'âge d'or de la valse vaisoise, dans une salle des fêtes non loin de Marietton bondée... Et donc Chapeau bas à vous aussi, Frasby.

Écrit par : solko | samedi, 03 janvier 2009

A mon tour, Solko, de vous souhaiter un très bel an 9.

Écrit par : Myriam | samedi, 03 janvier 2009

Bien sûr ! le clin d'oeil à Barbara, ( Elle vous a ensorcellé, n'est ce pas ? - "Si la photo de Vaise est bonne","l'Aigle de Vaise", "Vaisinggen", "La plus belle histoire de Vaise"...
Pour le concert du nouvel an à Vaise, pensez dont ! vous n'étiez pas né que j'étais déjà au premier rang. Vous dirigez à la Scala de Vaise comme ça, à la baguette ? Directeur des Valses Vaisoises. ça en jette. Permettez que je vous appelle "Maestro" ! et ho! " l'âge d'or de la valse Vaisoise"(rêve) aaah... (soupirs) non loin de Marietton (vertige) même Sissi en rêva (vapeurs)... C'est troublant. Tombée si près, sans le vouloir ah ben vinzou! c'est fort de Vaise! (Je vous en prie, remettez vite ce chapeau sur votre tête, je vous jure ne l'ai pas fait exprès;-) Est ce que je peux vous poser une question (à tiroirs) dans un tout autre registre ? Existe -t-il un patois de Vaise ? Avec sa danse appropriée ? (du genre "Marietton prend sa faucille",ou "la gigue des tarabattes de Vaise") Dites moi que oui ;-)

Écrit par : frasby | samedi, 03 janvier 2009

@ Frasby :Ensorcelé ? Le mot est fort. Disaons que j'ai appris d'elle des choses un moment où ça tombait bien. Et puis, "il pleut sur Vaise, donne-moi la main", cela m'a toujours fait beaucoup rire.
A propos du patois vaisois, oh il en existe un, c'est sûr. Le problème, c'est que je ne suis pas de Vaise! Mais en fouillant dans les archives, je vais voir si je ne vous trouve pas une petite chanson vaisoise, à mettre en ligne d'ici quelques jours.

Écrit par : solko | samedi, 03 janvier 2009

Bon, c'est pas le tout de la poésie. Mais et les bristrots de Vaise ? Vous les connaissez pourtant assez bien, Maître. Sans parer des petits restaurants disséminés ça et là...

Écrit par : Porky | samedi, 03 janvier 2009

@ Porky : Ah, le bistro, Porky, c'est une tout autre affaire que la poésie, je vous l'accorde. Le bistro, c'est du sérieux. Surtout à Vaise où ça plaisante pas avec ces choses là. Bon alors. Un gin-tonic ?

Écrit par : solko | samedi, 03 janvier 2009

Ensorcelé c'est pas une honte ;-) mais je vous lis bien (vous en doutiez?) Barbara est vraiment captivante, pas seulement quand elle chante. "Il pleut sur Vaise, donne moi la main" ça me fait rire aussi (y'a des phrase comme ça).
Pour le patois, je savais que vous diriez oui ;-) et ça me touche beaucoup. Une petite chanson Vaisoise en ravira plus d'un... Je vais donc guetter l'arrivée du billet de ma colline. Quant à Vaise, ma mère y a vécu un brin de jeunesse,sur le quai de Serin, ce n'est pas l'arrondissement mais les gens du quais de Serin ils racontent partout qu'ils sont de Vaise (c'était l'époque dorée des Usines Gilet),il paraît qu'il y avait des plages à Vaise et que les gens se baignaient dans la Saône comme à la mer (pas très loin d'autres usines qui déversaient tous leurs déchets) - c'était au bon vieux temps du rock n'roll- maintenant les gens vont à la piscine de Vaise, nager dans la javel,(quelle horreur). Bon, j'ai hâte de découvrir ce patois Vaisois (encore merci!) car de Vaise je ne connais que le bric à brac. On trouve tout au bric à brac de Vaise, vous connaissez ?

Écrit par : frasby | samedi, 03 janvier 2009

@ Frasby : Notez bien que le patois des faubourgs, c'est un sacré bric-à-brac entre celui des campagnes (tout patois est avant tout paysan) et celui des métiers, que d'anciens paysans devenus artisans ou ouvriers jargonnent en ville.
PS. Vous voulez parler des petites soeurs des pauvres ? - je crois que ce sont elles - oui oui, je connais bien.

Écrit par : solko | samedi, 03 janvier 2009

Cher Solko, l'histoire de Vaise me fait tourner la tête plus encore que ce que l'on peut déguster aux terrases ombragées, de certains de ses bistrots. A moins que ce soit la musique des mots ? En tout cas m'accorderiez-vous cette valse pour fêter vaisement la nouvelle année ?

Écrit par : Anna | samedi, 03 janvier 2009

@ Anna : Avec beaucoup de plaisir. Une année que je vous souhaite emplie de bonnes choses, d'ailleurs, des choses les meilleures.

Écrit par : solko | samedi, 03 janvier 2009

Vous me donnez bien du travail, avec tous ces noms. Comme l'ami poète "un jour un poème", soyons patients : "un jour une rue" !

Écrit par : M Riviere | samedi, 03 janvier 2009

Je ne connais bien sûr pas du tout Vaise, mais c'est beau de lire en passant l'histoire singulière (et pourtant tellement comparable à d'autres) d'un village, d'un quartier. Merci.

Écrit par : Pascal Adam | samedi, 03 janvier 2009

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