jeudi, 09 avril 2009
Le lavement des pieds
Autre tableau du musée de Dijon (au passage, je vous signale que l’entrée en est gratuite – c’est suffisamment rare pour être salué), ce Lavement de pieds de Peter-Paul Rubens. Au début, je ne voulais pas croire que la toile était de Rubens : Le livre ouverts entre deux torches allumées, les poses des personnages, leurs mains surtout, un petit côté Frédérick Lemaître chez certains (la pose de l’apôtre au-dessus de Pierre…) , bref, cela me semblait un peu trop romantique. Et puis après je me suis dit que Rubens ou pas, y’avait qu’à ignorer ce que disait le carton... Je suis si peu spécialiste en la matière. Et donc j’ai regardé. Et la scène s’est animée. Les trois bougies se sont mises à vaciller, à se répondre. Comme les disciples. En fait, c’est fou le vacarme qu’il y a dans ce tableau quand on le regarde de près. Il y a autant de bruit qu’il y avait de silence dans celui qui précède (Le Glas). Oui, les couleurs de Rubens font du boucan. Et l’espace est petit. Un faux geste, et on se retrouve hors du tableau. Judas, évidemment, l’a quitté déjà. Danger que signale le vent. Car cela a beau être un intérieur, la scène (Cène) pascale est traversée de vent. Regardez les torches. Sur la nappe blanche va se répandre du sang. Du moins est-ce ce qu’annonce le Livre ouvert, là-haut. Et au-delà du sang, de l'huile, le génie du christianisme.
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lundi, 30 mars 2009
Chronique des libres penseurs de l'ancienne France et des chrétiens d'aujourd'hui
Au commencement de l'Argent, Péguy a cette phrase extraordinaire, avec laquelle une part de moi n'a cessé d'être, depuis que je l'ai lue : "Les libres-penseurs de ce temps-là (vers 1880) étaient plus chrétiens que nos dévôts d'aujourd'hui (1913)" J'aime cette phrase et je l'ai beaucoup respirée, comme on respirerait un brin de mimosa ou de muguet, si juste. Avec gaieté, cette phrase proclame combien il est ridicule de s'affirmer de façon dogmatique comme étant un libre-penseur ou un chrétien, combien c'est même impossible quand en vérité, on ne peut être que de son temps. Je me souviens avoir mis 20 / 20 à un élève qui présentait ce texte difficile de Montesquieu, cette lettre du Persan Rica dans lequel l'astucieux bordelais fait dire à son personnage que le pape est un grand magicien... Tous les élèves passés par le moule dogmatique de l'enseignement secondaire vous diront qu'il convient de lire là une condamnation par Montesquieu lui-même de la Trinité et de l'Eucharistie (1)
"Ce que je dis de ce prince (le roi) ne doit pas t'étonner: il y a un autre magicien plus fort que lui, qui n'est pas moins maître de son esprit qu'il l'est lui-même de celui des autres. Ce magicien s'appelle le pape: tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu'un; que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce."
Or cet élève commença son introduction en me rappelant que Montesquieu était enterré en terre chrétienne, ce qui me fit tendre l'oreille, car des introductions de ce genre, on n'est plus habitué, n'est-ce pas, plus du tout ! Et donc qu'il avait sans doute quelques "scrupules à critiquer le dogme". Et qu'au nom de ces scrupules (je dis bien scrupules, car c'est un mot qu'on n'entend plus guère non plus dans les lycées), il avait placé cette offensive dans la bouche d'un Persan. Non pas "pour fuir la censure" ou "déléguer sa pensée à un étranger". Mais juste à cause du scrupule. Et que tout ce passage était à envisager selon "la poétique du scrupule". Mon candidat parlait ainsi comme Péguy. Bien sûr, "Les libres-penseurs de ce temps-là étaient plus chrétiens que nos dévôts d'aujourd'hui" Nos dévots d'aujourd'hui bêlent comme des singes face au camp d'en face qui bêle comme des chiens. Toujours dans L'Argent, Péguy note que le problème extrêmement grave que rencontre le pays à l'heure de la modernité, c'est sa déchristiannisation. Et, dit-il, ce n'est pas une affaire de curés, mais de générationsn qui passe. Le problème n'est donc pas qu'il n'y ait plus de curés. C'est que les boulangers, les instituteurs, les paysans soient moins chrétiens que ne l'étaient leurs pères. .
(1) Très peu seront en mesure de vous expliquer correctement ce que sont précisément la Trinité et l'Eucharistie
07:51 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : vialatte, péguy, littérature, libre-pensée, catholicisme, religion, montesquieu |
jeudi, 12 mars 2009
La vierge de Mimerel
Le 12 mars 1643, les échevins de Lyon, désespérés devant la progression de l'épidémie de peste, placèrent officiellement la ville de Lyon sous la protection de la Marie. L'épidémie ayant cessé, on décida qu’« une reconnaissance annuelle », sous la forme d’une procession fixée le 8 septembre de chaque année, jour de la Nativité de la Vierge, serait la manifestation de cette dévotion « plus qu’à l’ordinaire ». Les échevins iraient donc chaque année ouïr la sainte messe à Fourvière et offriraient à Marie, en forme d’hommage, "la quantité de sept livres de cire blanche en cierges et flambeaux avec écusson aux armes de la ville, propres au service de ladite chapelle, ainsi qu’un écu d’or" L’offrande de ce vœu fut, de 1643 à 1789, régulièrement consignée dans les comptes de la ville. Supprimé en 1790, il fut réhabilité en 1843, lorsque le cardinal de Bonald, à l’occasion de la célébration de son deuxième centenaire, consacra la ville à la Vierge. Et c’est sous l’épiscopat du cardinal Gerlier, au milieu du vingtième siècle, que les élus ont repris le chemin annuel de Fourvière. Lucien Bégule réalisa, pour l’ancienne chapelle, le vitrail ou l’on voit les échevins entourant le cardinal Alphonse de Richelieu, archevêque de Lyon de 1629 à 1653
C’est tout naturellement en des points stratégiques de la ville que les échevins du dix-septième siècle s’engagèrent à élever deux statues de la Vierge en marbre blanc. L’une devait être placée sur la place du Change, l’autre, précisément, au milieu de ce pont de Saône que tout un chacun empruntait, « sous un petit dôme triangulaire composé de trois petites arcades de la largeur de trois pieds sur six de hauteur », et qui fut remplacé au dix-neuvième siècle, puis détruit au vingtième.
Le monument commémoratif du Pont de Saône fut commandé le 23 janvier 1659 et édifié en 1662 « sur l’avant-bec de la quatrième pile du côté de Saint-Nizier, où précédemment il existait une croix en pierre indiquée sur les plans de Simon Maupin de 1625 et de 1659" (1)
Les circonstances de la disparition de la Vierge du pont de Saône et de son transfert dans l’église de l’Hôtel-Dieu, où elle passe pour miraculeuse, sont mal connues. Grisard rapporte une légende, selon laquelle la Vierge elle-même aurait décidé de son nouvel emplacement :
« La statue de la Vierge qui était sur le pont de pierre de Saône ayant été fracturée, on en plaça les débris sur un chariot attelé de deux bœufs, pensant les faire disparaître en les transportant au loin. Mais arrivé devant l’entrée de l’Hôpital, l’attelage refusant d’avancer malgré les efforts de son conducteur, on crut voir dans ce comportement le désir exprimé par la Mère de miséricorde pour faire admettre sa statue dans l’asile réservé au malheur et à la souffrance, et sur le champ, sans autrement délibérer, on transporta le chargement dans l’intérieur de l’Hôtel-Dieu ».
21:48 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : vierge de mimerel, voeu des échevins, lyon, religion |
dimanche, 08 février 2009
Saint-Bonaventure et le magasin Zilli à Lyon
Les retables des chapelles de la Vierge et de Saint-Joseph de l’église Saint-Bonaventure sont sales,
Sales autant que sont miséreux les roumains mendiant devant l’église du bon docteur séraphique,
Sales autant que sont désertés les offices quotidiens de 16 heures,
Sales autant qu’obscène est à deux pas le magasin Zilli,
Un intrus récent dans ce très vieux quartier.
Benoît de Valicourt est fier de ses manteaux en agneaux ou crocos, de ses costumes à 3000 euros, de ses cravates en soie-duchesse.
Une statue du patron de Saint-Bonaventure trône encore dans la pénombre de l'église, juste au-dessus de la sacristie.
Elle est en carton. On la sortait encore en 1905 pour des processions dans les rues :
Que dirait le pauvre docteur séraphique devant ce faux luxe qui pue l’aéroport de Dubaï ?
Sauvegardé dans la fraîcheur d'un silence vaste et dallé que surplombe une série de lustres,
Le sanctuaire impose à grand peine dans ce quartier dévasté un espace vide et magnifique où prier.
Ici, on trouve encore des cierges à 0,40 euros pour allumer à ses mortes,
Et à ses morts bien-aimés.
La première église du couvent des Cordeliers date de 1232 :
Elle est la mémoire de ce quartier des bords du Rhône où jadis le quai s’appelait Bon Rencontre.
Lorsque se tint en 1274 à Lyon le Concile convoqué par le pape Grégoire X, ancien chanoine de cette ville,
Jean de Fidenza vint, là, mourir à l’âge de cinquante-trois ans.
Qu’ils dorment en paix, les bons morts, qui ne connurent jamais le magasin Zilli, sa clientèle vulgaire internationalement, niché
Juste en face de l’église du bon saint.
Autour de la nef jadis,
Chaque confrérie de métiers accumula au fil des siècles sa propre chapelle de guingois :
Corroyeurs, confituriers, tissutiers, taverniers, fondeurs et bouchers,
Tondeurs de draps, tailleurs d’habits.
Pendant la guerre, la plupart des vitraux sont tombés
Lors de l’explosion du pont Lafayette en 1944.
Elle a fait du bon travail, Mme Lamy-Paillet ;
Merci à Mme Lamy-Paillet, et au dessinateur Louis Charrat
Qui les ont restaurés : ils illuminent de bleu roi, orange, vert lumineux, pourpre.
J’aime tout particulièrement le petit personnage de Saint-Louis, agenouillé en bas du dernier vitrail de gauche dans la chapelle Saint-Antoine de Padoue,
Erigée en 1567 par les pigniers, puis attribuée aux hôteliers et taverniers.
On y voit Saint-Louis passer un habit franciscain par-dessus sa robe toute bleue parsemée de lys dorés :
L’habit franciscain par-dessus l’habit doré :
Une parabole, pour Benoît de Valicourt.
Planet Saturn & le nouveau Monoprix pour les pauvres, l’intrus Zilli pour les riches, le Palais du Commerce juste en face :
Symboles outrageux cernant le coeur sanctuarisé de la défunte paroisse,
Lorsque retentissent les orgues de Saint-Bonaventure, dans les cieux d’hiver comme dans ceux d’été,
Merci mon Dieu que demeure encore l’ancienne église, sa marche usée et son portique masqué,
Surmonté de paroles latines :
« Erunt oculi mei aperti et aures meae erectae ad orationem ejus qui oraverit in loco isto, dicit Dominus »
« Mes yeux seront ouverts et mes oreilles attentives à la voix de celui qui priera en ce lieu, dit le Seigneur. »
23:37 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : zilli, saint-bonaventure, grolée, lamy-paillet |
samedi, 24 janvier 2009
Lecteurs en situation
Le commentaire de Mère Grand sur Béraud hier m'a fait énormément plaisir. A lui seul, et avec ses mots, il témoigne de la force du temps. C'est cela. Au milieu de la cohue générale, il y a des lecteurs qui tiennent bon. Les livres ont besoin d'eux. De ces lecteurs qui n'oublient rien. Qui gardent. Conservateurs comme le sont les rocs durs d'Ouessant tout autour du Créac'h. C'est un lieu magique dans lequel j'ai lu quelques livres, autrefois. Je me souviens de La Mer, de Michelet, dévoré dans le fracas des vagues. Et puis aussi de René Char. Et puis de quelques Béraud. Le monde manque de plus en plus de lieux où lire un livre, tout en étant en harmonie avec lui. Quand j'étais brancardier de nuit à l'hôpital Saint-Joseph, j'ai voyagé durant des nuits en solitaire dans la nuit de ce seul bâtiment à présent détruit et dans les tomes d'Ulysse de Joyce. Je me souviens avoir lu Madame Bovary vers l'âge de dix-sept ans, à l'intérieur d'une ferme savoyarde où tout était resté en état, comme au dix-neuvième siècle. Homais était là, sous la tonnelle. Lorsque j'habitais à côté du Père Lachaise, j'allais évidemment lire sur une tombe ou sur une autre. Par boutade, je dis parfois à des élèves qu'on comprend toujours mieux un auteur quand on l'a, lui, sous les fesses, plutôt qu'un simple bout de bois. C'est ainsi que j'ai dévoré César Birotteau, par exemple. Régulièrement, chaque après-midi sur le banc de la tombe d'Hanska et d'Honoré. Et ces folles Spendeurs et Misères des Courtisanes. Pour Les Chimères, je n'avais qu'à traverser l'allée. Gérard était là. Sur sa pierre tombale, j'ai découvert ses Promenades et Souvenirs en Valois, d'où était sortie Sylvie. Il a fallu aller à Sète pour, devant celle de Valéry, et comme en une sorte d'hommage cette fois-ci, lui déclamer son Cimetière Marin. Très belle expérience de Guilloux à Saint-Brieuc. De Renan à Saint-Sulpice. De Giono dans un mas des Cévennes. Pour en revenir à Béraud, Béraud c'est Lyon. Ou l'île de Ré. Sur l'ile d'Ouessant, j'avais un peu triché. Mais peut-on faire autrement, parfois ? Sur l'Ile de Ré boboïsée et jospinisée que c'en est à pleurer - ce monsieur Jospin à la blanche crinière qui discute aux terrasses, assis sur la selle de son vélo à l'arrêt -, je me souviens avec une redoutable précision de cette longue promenade à vélo, de l'ancien bagne reconverti en je ne sais plus quoi à la maison des Trois Bicoques, et de là, au petit cimetière de Saint Clément les Baleines. Contre la haie de lauriers du cimetière, Marthe Deladune, Germaine et Henri Béraud demeurent tous trois, à présent côte à côte, à deux pas des Trois Bicoques. Le chiffre romain s’obscurcit sur la stèle nue de l’écrivain. Le buste qui le figure a le regard fixé vers l’Ouest, où finissent les terres. En ce lopin écarté de la pointe extrême de l’île, on le ressent frissonnant de l’orgueil crépusculaire de ces auteurs de l’ancienne France. Cet isolement stoïque et singulier sied bien, in fine, au pari assumé de cette œuvre. Le lecteur que le préjugé indiffère la découvrira, tel ce buste en pierre blanche, magnanime, sauve et debout, ainsi que l’aura maintenue jusqu’à nous le souvenir têtu de quelque Mère Grand. Alors merci.
00:18 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : écriture, littérature, lecture, culture, béraud, trois bicoques |
dimanche, 28 décembre 2008
Le sens des Innocents
A la fin du chapitre qu'il consacre à Saint Etienne, Jacques de Voragine (La Légende dorée) réfléchit à l'organisation du calendrier liturgique qui, juste après la Nativité, place la célébration de trois martyres : ceux d'Etienne, de Jean, des Innocents. Voici ce qu'il rappelle :
"L'église a eu deux raisons pour organiser ainsi les trois fêtes qui suivent Noël.
La première, c'est de rassembler ses compagnons autour de l'Epoux et du Chef. En effet, le Christ époux, en naissant, a conduit vers l'Eglise trois compagnons, dont on dit dans le Cantique : Mon bien-aimé est clair et vermeil, il est insigne plus que dix mille. Clair est Jean l'Evangéliste, confesseur éclatant; vermeil est saint Etienne le protomartyr; insigne plus que dix mille est la multitude vrginale des Innocents.
La seconde raison est la suivante : l'Eglise réunit ainsi, selon leur degré de dignité, tous les genres de martyres dont la naissance du Christ martyr a été la cause. Or il y a trois types de martyre : le premier consiste en une volonté et un acte, le second en une volonté non suivie d'acte, le troisième en un acte et non une volonté. Le premier type se réalisa en saint Etienne; le second en saint Jean et le troisième dans les Innocents."
Voilà ce qui s'appelle créer de la signification. Ce que les sociétés dans lesquelles nous nous trouvons ne savent absolument plus faire. A un point qui a même cessé d'être consternant. D'où leur nullité. Et leur agonie. Loin, fort loin des Innocents.
01:36 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : christianisme, religion, jacques de voragine, martyrs, légende dorée |
samedi, 27 décembre 2008
Etienne,le lapidé
Ce que les païens appellent les fêtes de Noël cela dure longtemps, s'étire, s’éternise jusqu'à la plus absolue nausée, au mensonge le plus absolu, au dégoût véritable. Aussi cuvent-ils sous le sapin, couverts de guirlandes, prêts à enchaîner avec la Saint-Sylvestre et hop la boum, champagne et lumières multicolores, Aspégic et corbeilles d'huitres béantes, volailles dodues digérées ou pas, smac-smac et pouêt pouêt. Pendant ce temps, l'Eglise a déjà quitté la Nativité pour s'intéresser au Martyre. Le martyre d'Etienne, annonciateur de celui du Christ. "Seigneur, reçois mon esprit" s'écria Etienne, lapidé, sous les yeux de Saul. Et il rajouta, à l'Imitation de Jésus : "Ne leur compte pas ce péché". Dans une primatiale presque vide, le Recteur de Saint-Jean Baptiste à Lyon tentait donc d'expliquer, hier soir, par quel mystère inconnu de la fête des Lumières, inaccessible à l'intelligence humaine, une naissance peut n'être, tout-soudain, que l'envers d'un martyre, et demeuré malgré tout une fort bonne nouvelle. En l'écoutant, je pensais à Vassili Grossman qui disait à peu près la même chose, mais en termes plus littéraires, dans un texte que j'avais déjà cité sur ce blog et que je replace en lien, car on n'en aura jamais, nous autres, fini de ne pas comprendre ces terribles choses-là : d'ailleurs, disait le Recteur, c'est pourquoi ce sont des mystères...
Statue de Saint-Etienne, entrée du choeur, oeuvre d'un certain BLAISE (c'est écrit sur le socle) 1776
Il se trouve que l'autre dédicace de la cathédrale de Lyon (magnifique, cette cathédrale, oh, ce n'est pas Chartres, bien sûr, mais comme Louis Guilloux le disait de celle de Saint-Brieuc, cette cathédrale, c'est la mienne, c'est ma paroisse), l'autre dédicace de l'église de Lyon, c'est celle de Saint-Etienne, le lapidé. C'était donc un peu la fête de la cathédrale de Lyon, hier soir. Nous n'étions vraiment qu'une poignée, mais pas de raisons pour ma part d'en être désolé : Moins on est de fous, parfois, mieux on rit.
Aujourd'hui, samedi 27 décembre, c'est la Saint Jean. Non, pas celle de Jean-le-Baptiste, mais celle de Jean, l'Apôtre et l'Evangéliste. Je lisais l'autre jour sur un blog ami que les saints avaient disparu du calendrier des PTT cette année. Comment quiconque peut-il comprendre quoi que ce soit à la religion catholique, si on supprime les saints du calendrier ? Mais sans les saints, nul ne sait plus quel jour il habite, c'est un peu comme si on supprimait les numéros des rues, comment s'y repérer ? Ah, ils savent bien ce qu'ils font, car le saint du jour, c'est ce qui donne son humanité, sa couleur, sa senteur, sa mémoire, sa religion à une journée. Mais quel saint, de toute façon, le calendrier terne de notre époque sans mystère peut-il conserver en mémoire ? Le calendrier païen est bâclé par paquets de deux ou trois semaines, allez, voilà pour les beaufs les fêtes, les jeux olympiques, le téléthon, la saint-Valentin, tsoin-tsoin..., les départs en vacances... Les vacances d'hiver, par paquets de trois, et ceux de Pâques itou, avec la ribambelle à suivre des fêtes des mères, pères, grand mères, grandes sœurs, petits cousins et vilaines tantes.... L'Eglise est plus studieuse, bien plus subtile, plus appliquée, et tant plus généreuse, aussi : Le 28 décembre, ce sera les Innocents, le 29 décembre, Saint Thomas Becket (première chapelle installée à Fourvière)... Mais hier, 26 décembre, c'était la fête non pas de tous les Etienne, comme le dit en accompagnant d'un sourire fort niais son discours une présentatrice de la météo, mais d'un seul, aussi incompréhensible qu'Œdipe, le Grec énucléé, c'était la fête d'Etienne, le chrétien, lapidé.
01:49 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (26) | Tags : religion, christianisme, saint-étienne, saint-jean, lyon, culture |
samedi, 20 décembre 2008
Une autre écriture
Voilà qui pour nous sera bientôt un mystère aussi entier que le sont les hiéroglyphes égyptiens. Même si, individuellement, nous gardons encore superstitieusement quelques occasions d'écrire à la main, la pratique s'éloigne sans retour possible hors de l'espèce et ces lignes tracées à la main paraîtront fastidieuses un jour à qui les contemplera. Vos ancêtres écrivaient mains nues sur du papier, dira-t-on quelque jour, si le monde subsiste, à des créatures si éloignées de nos sentiments et de nos sensations que cela ne se peut concevoir. Ils regarderont ces pages, du moins celles qui seront parvenues jusqu'à eux, un peu comme nous regardons, perplexes, les façades des cathédrales que bâtirent nos merveilleux aïeux. Les si sots urbains, dans leur grand mépris pour tout ce qui n'est pas à leur image, ont inventé le mot bouseux pour parler de l'homme qui poussait la charrue : Comment ceux d'après-demain, voire de demain, nous appelleront-ils, nous dont la main courait, vive, sur le papier, nous dont l'esprit était parfois saisi d'angoisse, devant une pauvre page blanche ?
00:00 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (31) | Tags : littérature, écriture, livre, livres |
mardi, 09 décembre 2008
La fête est finie
Voilà.
Il n’y a pas. Il n’y a jamais eu de rapport entre cette prière, ce chant, cette gratitude qui s’échappe d’une jeune fille et bondit sur le monde pour l’adoucir à jamais, et forme entre Antiquité et nous comme une passerelle de merveilles, cette jeune fille du Magnificat
Et cette fête honteuse et dégradée qu’on achève à la va-vite, estrades démontées, projecteurs en tas, écrans repliés, les touristes ont regagné leurs pénates et les caisses sont pleines, et les pierres qu’on a giflées, aveuglées et comme dégueulassées, ont l’air de demander réparation au soleil matinal derrière les brumes, les pierres hagardes,
IL N’Y A PAS de rapport.
Pourtant, on le dira, on l'imprimera, on le proclamera.
Et des enfants se détourneront. Et d’autres. Et d’autres. Et d’autres encore se détourneront avec raison – diront-ils - du cœur magnifique & infailliblement solitaire de Marie, se détourneront dans une grimace, en croyant au mépris de Celle qui pourtant pleure,
Celle qui pleure,
Or, jamais, le voeu de son manteau, sur eux déplié, ne sera déposé avec tant d’ardeur,
Puisque la fête, enfin, repliée, les journées ordinaires recommencent ...
07:10 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : fête des lumières, christianisme, marie, littérature, poésie |