Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 07 septembre 2010

Un divertissement suffisant ?

La fête du huit décembre a revêtu depuis quelques années à Lyon, une telle importance touristique et médiatique qu’on se souvient peu qu’en réalité, c’est le huit septembre, jour de la Nativité de la Vierge, qui constitue réellement entre Rhône et Saône une solennité.

Rappel distancié des faits, pour les néophytes : frappée cruellement par une épouvantable épidémie de peste en 1628, puis en 1631, puis en 1638, enfin en 1643, la population de la ville est littéralement traumatisée et le Consulat tout autant débordé. Aussi ce dernier décide-t-il de s'en remettre courageusement à la Divinité. Le roi Louis XIII venant tout juste (en 1638) de placer la France sous la protection de Marie, le prévôt des marchands et les échevins lyonnais se réunissent en urgence à l’Hôtel de Ville et, le 12 mars 1643, imitent le monarque en plaçant solennellement la garde, la protection et la guérison de la ville sous les auspices de la Vierge. Ils formulent alors le vœu que - dans le cas où la ville se remettrait de cette dure épreuve-, eux et leurs successeurs iraient à chaque fête de la Nativité de la Vierge (huit septembre) à pied gravement jusque à la chapelle de Fourvière « pour y ouïr la sainte messe, y faire leurs prières et dévotions à  Notre Dame de Fourvière et lui offrir en forme d’hommages et reconnaissance la quantité de sept livres de cire blanche en cierges et flambeaux propres au divin service de la dite chapelle, et un écu d’or au soleil ». Ce vœu, dit « des échevins » (voir le détail ICI) se perpétua de 1643 à 1789. En 1848, en la chapelle rendue au culte, le cardinal de Bonald prononça la première consécration solennelle de Lyon à Marie. Cette consécration fut reconduite sans interruption depuis ce jour par tous les primats des Gaules. Quant au vœu lui-même, il a été remis à l’ordre du jour par le maire Francisque Collomb (1976-1989) qui reprenait à son compte une proposition antérieure du cardinal Gerlier.

Voeu-de-Fourviere-Barbarin.jpg

Et donc demain 8 septembre 2010, Gérard Collomb, son homonyme socialiste, l’ensemble des élus et des corps constitués, seront donc accueillis vers 16h45, sur l’esplanade de la basilique, par le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon et primat des Gaules, et par Jean Marie Jouham, recteur de la basilique de Fourvière. Le cortège se mettra en marche et pénétrera par l’allée centrale. La cérémonie débutera vers 17 heures pétantes ; après l’homélie du cardinal Barbarin, la remise de l’écu d’or par le maire au prélat aura lieu dans le chœur. Gérard Collomb prononcera alors le dialogue traditionnel, tandis que la chorale entamera un solennel « amen ». Le cierge sera ensuite remis par un tailleur de pierre, qui sera allumé et déposé sur un chandelier. Après la communion, le cardinal Barbarin lira à genoux la prière de consécration traditionnelle de la ville à Marie, avant d’aller vers 18h30/35 la bénir du haut du balcon avec le Saint Sacrement. A ce moment, trois coups de canon seront tirés dans les jardins du Rosaire.

On pourrait croire à la lecture de tout ceci le diocèse de Lyon particulièrement traditionnel et tourné vers le passé : ce serait faire peu de cas du  lancement de l’application smartphone qui accompagnera la cérémonie et qui permettra la visite en réalité augmentée de la Basilique de Fourvière et de la cathédrale Saint-Jean. Cette application, « voulue par la Fondation Fourvière, gérante du site de la colline et de la basilique de Fourvière et par le Diocèse de Lyon, est gratuite et destinée aux 2 millions de touristes qui, chaque année, franchissent les portes de la basilique mariale ou de la cathédrale de Lyon » (voir ICI le site « visiter-la-basilique-de-fourviere-et-la-cathedrale-saint-jean-de-lyon-avec-son-telephone » L’application est astucieusement appelée « Zevisit » ; elle est disponible sur smartphone (iPhone, androïd phone et windows phone). Elle permet - y apprend-t-on- un circuit audio-guidé en sept étapes intérieures ou extérieures, pour chacun des monuments où il découvre, selon le principe de la « réalité augmentée »  l’histoire, l’architecture, l’art et la spiritualité de ces édifices, grâce aux voix de plusieurs guides, mais aussi de l’archevêque de Lyon, le cardinal Philippe Barbarin, du recteur de la primatiale, le père Michel Cacaud, du recteur de la basilique, Mgr Jean-Marie Jouham, ou encore de l’architecte en chef des monuments historiques, Didier Repellin. Vinzou...

Quelle époque ! auraient certainement soupiré quelques vieux lyonnais que j’ai bien connus et qui ne le diront pas puisqu’ils sont au cimetière : voir tous les vaillants francs-maçons du conseil municipal aller processionner à la queue leu leu jusque devant la crème des huiles catholiques de la cité pour leur faire allégeance (tous en grandes pompes vous dis-je) c’était déjà un sacré spectacle, faute d'un spectacle sacré. Mais ce mélange oxymorique de la plus pure tradition catholique et de la technologie muséale la plus élaborée, mêlant odeur de cierges et interactivité vocale, possède décidément un je ne sais quoi (comme auraient dit Paul Bourget, les frères Goncourt ou Joris Karl Huysmans) de fort intriguant et de franchement indécidable. Si le catholicisme est bien ce sens de la théâtralité la plus parcimonieuse, adapté à l’état du monde et à son désoeuvrement, ou à son ennui, eh bien, nous y voilà : Comme aurait dit le Giono du Roi sans Divertissement, il n’y aura pas de crimes demain dans la ville, et les braves gens pourront y dormir tranquilles. Tout juste quelque reliquat de manifestations inoffensives, puisque l’assassin aura trouvé « un divertissement suffisant ».

jeudi, 12 mars 2009

La vierge de Mimerel

Le 12 mars 1643, les échevins de Lyon, désespérés devant la progression de l'épidémie de peste, placèrent officiellement la ville de Lyon sous la protection de la Marie. L'épidémie ayant cessé, on décida qu’« une reconnaissance annuelle », sous la forme d’une procession fixée le 8 septembre de chaque année, jour de la Nativité de la Vierge, serait la manifestation de cette dévotion « plus qu’à l’ordinaire ». Les échevins iraient donc chaque année ouïr la sainte messe à Fourvière et offriraient à Marie, en forme d’hommage,  "la quantité de sept livres de cire blanche en cierges et flambeaux avec écusson aux armes de la ville, propres au service de ladite chapelle, ainsi qu’un écu d’or" L’offrande de ce vœu fut, de 1643 à 1789, régulièrement consignée dans les comptes de la ville. Supprimé en 1790, il fut réhabilité en 1843, lorsque le cardinal de Bonald, à l’occasion de la célébration de son deuxième centenaire, consacra la ville à la Vierge. Et c’est sous l’épiscopat du cardinal Gerlier, au milieu du vingtième siècle, que les élus ont repris le chemin annuel de Fourvière. Lucien Bégule réalisa, pour l’ancienne chapelle, le vitrail ou l’on voit les échevins entourant le cardinal Alphonse de Richelieu, archevêque de Lyon de 1629 à 1653

C’est tout naturellement en des points stratégiques de la ville que les échevins du dix-septième siècle s’engagèrent à élever deux statues de la Vierge en marbre blanc. L’une devait être placée sur la place du Change, l’autre, précisément, au milieu de ce pont de Saône que tout un chacun empruntait, « sous un petit dôme triangulaire composé de trois petites arcades de la largeur de trois pieds sur six de hauteur », et qui fut remplacé au dix-neuvième siècle, puis détruit au vingtième.

Le monument commémoratif du Pont de Saône fut commandé le 23 janvier 1659 et édifié en 1662 « sur l’avant-bec de la quatrième pile du côté de Saint-Nizier, où précédemment il existait une croix en pierre indiquée sur les plans de Simon Maupin de 1625 et de 1659" (1)

Les circonstances de la disparition de la Vierge du pont de Saône et de son transfert dans l’église de l’Hôtel-Dieu, où elle passe pour miraculeuse, sont mal connues. Grisard rapporte une légende, selon laquelle la Vierge elle-même aurait décidé de son nouvel emplacement :

« La statue de la Vierge qui était sur le pont de pierre de Saône ayant été fracturée, on en plaça les débris sur un chariot attelé de deux bœufs, pensant les faire disparaître en les transportant au loin. Mais arrivé devant l’entrée de l’Hôpital, l’attelage refusant d’avancer malgré les efforts de son conducteur, on crut voir dans ce comportement le désir exprimé par la Mère de miséricorde pour faire admettre sa statue dans l’asile réservé au malheur et à la souffrance, et sur le champ, sans autrement délibérer, on transporta le chargement dans l’intérieur de l’Hôtel-Dieu ».



(1) J.J. Grisard, Le Vœu des échevins de la ville de Lyon, Lyon, Pitrat, 1888

21:48 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : vierge de mimerel, voeu des échevins, lyon, religion | | |