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mercredi, 11 février 2009

Foutrasies

Je me souviens avoir été cet écrivain qui avait le temps. Partout où j'allais - je parle de petits boulots - j'étais en repérage. Le monde, il me semblait alors infiniment vaste, avec toutes ses portes. Infiniment décousu, également. Le temps de regarder ce qu'il y avait derrière chacune de ces portes : un placard à balais, une loge de théâtre, un commissariat de police, une chambre d'hôpital, un frigidaire bien rempli - ou vide (ça, c'était selon la saison...), un vestiaire au fond de l'entrepôt - Je manquais de fil de fiction pour coudre tout cela : aussi ces portes demeurèrent les premières pages de romans dont la plupart ne furent jamais écrits. Le temps : des routes en lacets, des îles, des saisons. J'ai eu tout cela comme en grappes et j'ai mordu dedans, de portes en portes, dormant sur des bancs ou des chambres de palace. Le temps, le continent.

A cette époque, la route des Indes n'était pas fermée. Dès lors, qu'avait-on besoin, sinon d'un simple sac, pour s'y rendre? La route des Indes, c'était aussi celle de la Littérature. A Venise, Chateaubriand. A Stamboul, Nerval. Et comme cela, Kaboul, Téhéran. C'était facile de tracer, tout droit, jusqu'à Kabir. On pouvait pour deux sous-deux rêves se croire un homme aux semelles de vent : Il y avait quelque chose, encore, qui s'appelait l'Occident, rude, rêche et arrogant, quelque chose, qu'on appelait l'Orient, qu'on pouvait croire le contraire. De vagues fumées. Les plus lucides l'avaient compris. Mais alors, les plus lucides faisaient chier. Je me souviens avoir été cet écrivain qui avait du pays. De la route. Quitte à s'y perdre et combien, d'ailleurs, s'y perdirent pour de bon !

Et puis il y avait aussi des villes. Où tournaient encore des rotatives, où fumaient les percolateurs, où s'allumaient les feux de la Saint-Jean derrière les rideaux de coton de salles de classe hautes en plafonds. Nul ne dira assez quelle perte fut pour la jeunesse des temps à venir l'abandon des versions latines. Sénèque, Tacite et Cicéron. L'Antiquité transpirait à chaque ligne : sous nos pas quand nous passions d'un fleuve à l'autre, des sentiers de Condate aux chemins de Lugdunum, l'Antiquité oui, rose terni comme un morceau d'amphore. Gallo-romain, me disait-on. Je me souviens avoir été cet écrivain qui avait encore une race.

De toutes les Bucoliques de Virgile, ma préférée fut toujours la Quatrième. Sur la grève de rivières polluées, je m'en récitais les derniers vers tout en mordillant le brin d'un blé en herbe, pieds nus sur la terre ôtée. Car déjà, ôtée, la terre l'était sous nos pas, qui apprirent le moelleux des moquettes en même temps que nos oreilles, le cri des téléphones. Depuis quelques décennies, déjà l'humanité s'était mise à dévaster les champs, raser les haies, saccager les clairières, dénicher les oiseaux et les muses de Sicile. Je me souviens avoir été cet écrivain désœuvré devant le soleil, l'œuvre se retournant alors en cette résolution, ce silence, ce pli au front hargneux. Je comprenais que des hommes capables de détruire une rivière seraient pareillement capables de détruire la Terre. J'avais du temps, me semblait-il, du pays encore à l'horizon, j'étais d'une race : mais de quelle œuvre seraient ce temps, ce pays, cette race ? Le risque était déjà trop empli de confort, et le confort de risque. La génération de l'œuvre déjà bien passée.

 

vendredi, 06 février 2009

L'argent du divertissement

Je suis toujours très étonné de la façon dont comiques, sportifs et chanteurs de variétés jouissent auprès du grand public d'une sorte de blanc-seing économique. Les mêmes qui s'insurgent devant les fortunes impunément accumulées par des patrons industriels ou des financiers véreux vont trouver normal qu'une Céline Dion, un Jean-Marie Bigard ou un Thierry Henry fassent en peu de temps des fortunes considérables, créent de véritables dynasties (Dutronc 1, Dutronc 2 - Noah 1 Noah 2 ...), et deviennent les gurus d'une société de plus en plus décervelée, prête à s'extasier devant n'importe quelle nouveauté technologique. Et pour reprendre une remarque évoquée dans le commentaire d'une autre note : « Les mémés à petites retraites qui dansent sur Capri c'est fini se souviennent-elles qu'au pire moment de ce qu'il appelle sa traversée du désert, un type comme Hervé Vilard gagnait 30 000 francs par mois en n'en tirant pas une rame de la journée, grâce à l'industrie délétère du disque ? »

Les arguments qu'on oppose à toute critique de l'argent du divertissement sont toujours les mêmes : d'abord, on élude la question de l'argent du divertissement pour ne retenir que celle du divertissement lui-même : et si vous critiquez le divertissement, vous êtes forcément un peine-à jouir ou un dépressif. Ah bon ? Pourtant le propre du rire, n'est-il pas d'être gratuit ? Ne pouvons-nous plus rire de nous mêmes par nous-mêmes ?  et en quoi avons-nous besoin de la bande à Djammel ou de la bande à Ruquier ? Je préfère rigoler à la terrasse d'un café avec des amis en buvant une tournée que d'aller voir des spécialistes du rire, gens cyniques et malsains comme ces capitaines d'industries dont les salaires et les primes défraient régulièrement la chronique. Pas touche, dit Florent Pagny, à ma liberté de penser. Mais quelle différence entre la liberté de penser de Florent Pagny, celle de Zinedine Zidane, et celle des patrons des banques et des groupes industriels ?

L'autre argument est de faire de ces gens, footballeurs, histrions, et autres suceurs de micros des artistes à part entière ou des acteurs de la vie culturelle. Le monde consacrait hier une page entière à un rugbyman, Thierry Dusautoir, sous un titre à la Libé, Serial Plaqueur. C'est vrai : que serait la France sans Thierry Dusautoir, n'est-ce pas ? Et le monde, sans le bon Yannick Noah ? Non seulement tout ce ramassis d'opportunistes incarne donc la vie culturelle mais de surcroit, « la vie culturelle populaire ». Et donc si vous critiquez cet argent qu'ils accumulent sur finalement ni plus ni moins la connerie du plus grand nombre, vous êtes non seulement un peine à jouir et un dépressif, mais de surcroit un élitiste (avec toutes les connotations négatives que ce beau mot trimballe avec lui désormais) et sans doute un jaloux...

J'en conclus que l'argent du divertissement, comme jadis celui de l'Eglise, est devenu un tabou. En dénoncer le trafic scandaleux relève du sacrilège, dans cette société du spectacle où la duplicité est parvenue à s'ériger en morale absolue et en syntaxe universelle. Continuons donc à dénoncer les salaires de Sarkozy et ceux des grands patrons de la société du spectacle en nous régalant des exploits des sportifs et des histrions médiatisés par ses soins. Qui a dit (et redit)  qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misères ?

 

mardi, 03 février 2009

Ces gens-là

Qui peut encore sérieusement croire qu'une littérature, qui ne soit pas textes de pure consommation, a encore un avenir dans une société qui n'a d'autre idéal que de perpétuer son idéal de consommation au prix de la destruction pure et simple de la planète ? 

Qui peut sérieusement penser qu'un théâtre, qui ne soit pas un théâtre de simple divertissement, peut conquérir le moindre crédit dans une société où l'individu-spectateur n'a d'autre revendication que le droit au divertissement ?

Qui peut vraiment prendre au sérieux une production cinématographique que les lois de la distribution contraint à n'être que de la propagande, dans une société du spectacle dont le credo constant est que « the show must go on... », et que « yes, we can »

Qui peut encore attendre de la télévision qu'elle joue un autre rôle que celui qu'elle joue depuis plus de cinquante ans, à savoir tisser l'incessant éloge de son pouvoir de nuisance pour, auprès de gens très naïfs ou très désespérés, le muter en un pouvoir de "tenir compagnie" ?

Qui peut attendre quoi que ce soit de la politique dans une société qui affirme qu'être informé est suffisant, et que c'est un droit au même titre que, par exemple, la liberté ? Et que nous serons égaux lorsque nous serons tous semblables ?

J'ai passé l'âge où se poser ce genre de questions serait attristant. J'ai compris que l'humanité était embarquée dans le sale destin qu'elle s'est elle-même tissée, que cette pente est irréversible, au vu du grand nombre d'humains que nous sommes, et que je n'y peux rien changer.

Il existe une littérature déjà écrite. Elle est fort vaste, et au fond, tout bien pesé, en quoi avons-nous besoin d'en produire une nouvelle à notre image ? La question du théâtre serait plus délicate à traiter. Pourtant je crois vraiment que la nécessité que l'individu-lambda, la plupart du temps très inculte et le plus souvent illettré, ressent  du théâtre est désormais quasiment nulle. A notre image, nous avons le cinéma, et cela suffit au spectateur ivre de narcissisme encore capable de s'asseoir dans une salle obscure devant un écran blanc : Qui se doute encore aujourd'hui que cette phrase, si prémonitoire, fût de Cocteau, chantre par ailleurs de la modernité : « Je plains la jeunesse moderne, obligée de n'attendre que des fantomes à la sortie d'un film» (1)  A quoi bon déranger, dès lors, les voix puissantes de Sophocle, Calderon, Molière, Tchékhov ou Claudel, qui naquirent du désir puissant de leurs contemporains, quand nos contemporains se satisfont en si grand nombre de Muriel Robin ou de Line Renaud, de Laurent Ruquier ou de Djamel Debbouze ?

Quant à la poésie, il suffit de dire qu'elle n'est qu'un grand corps malade, pour ne pas dire décomposé.

Je crois que le temps est venu de s'occuper de soi en parfait égoïste, avide en tous cas de rendre réelle sa propre survie.

Quitte, dit un saint hindou qui, tout autant, aurait pu être un saint chrétien : « quitte ces gens-là, et va adorer ! »

Nous sommes quelques-uns seulement, malgré ces propos - en apparence seulement pessimistes, à demeurer en mesure de nous comprendre.


(1) Jean Cocteau, Portraits, Souvenirs, Cahiers Rouges, Grasset,

mercredi, 07 janvier 2009

Une question qui fait sens

Je n'aime pas trop parler de ma vie privée, ni de mon "métier". Je le fais fort rarement. Un blogue n'est pas un journal. Parfois pourtant, lorsque cela me parait utile, je m'y résous. Comme ce soir.

Je suis resté assez tard au lycée, à cause d'une réunion avec des parents d'élèves. Je n'ai jamais bien aimé ces rituels mi solennels, mi puérils, même s'ils ont un caractère relativement nécessaire, au moins jusqu'en classe de première. (Je vois mal ce genre de choses se prolonger en BTS, alors que les étudiants y sont majeurs, encore que...) Bref. Dans un billet récent  (lien ICI), j'évoquais la disparition programmée de l'écriture manuscrite. Je ne pensais pas que les choses, à vrai dire, se manifesteraient si vite. Un parent, père de famille, la cinquantaine - son fils en 1ère S, ni bon ni  mauvais, comme on dit - me pose une question. J'avoue que j'en ai entendu pas mal en vingt ans de pratique. Des vertes et des pas mures; mais celle-ci : "Pourquoi vous obstinez-vous à exiger des copies manuscrites ? Mon fils perd trois heures (!!!!) à recopier ce qu'il a fait sur l'écran pour vous le rendre, alors qu'il n'aurait qu'à appuyer sur un bouton pour l'imprimer."

Voilà.

C'est un type de mon âge qui donne le premier coup de bélier.

Pour l'instant, c'est encore facile d'argumenter : J'aurais pu lui faire observer qu'à l'examen, on demande aux élèves d'écrire à la main. Pas eu envie de me justifier sur un sujet aussi évident. Je leur ai dit, à tous, que nous étions en train d'égarer collectivement, dans notre quotidien une pratique, celle de l'écriture à la main. Et que leurs enfants devraient se réjouir d'avoir encore le temps, l'occasion ou le loisir de la pratiquer. Le père m'a rétorqué que même les écrivains (je le cite) écrivaient à l'ordinateur. J'aurais pu m'offrir en exemple, puisque j'ai écrit moi-même plusieurs pièces de théâtres, des essais et des romans en utilisant un ordinateur, tout en écrivant aussi de nombreux passages sur des cahiers. En fait, je n'ai jamais complètement abandonné l'écriture à la main, pour des raisons que je ne peux développer ici, mais qui sont si évidentes. Je n'ai pas non plus envie d'abandonner la nourriture à la bouche, si j'ose dire - même si je sais que tôt ou tard viendra le temps des perfusions ... Car je voyais bien ce qu'il pensait - que j'étais sans doute contre la technique, contre Internet, contre les blogs, tiens, comme le disent tous ces habitués frénétiques de Delarue qui ne connaissent que le pour et le contre, si imbécile, des choses, qui ont, comme ils le disent si affreusement des opinions ... J'aurais pu  lui dire que j'avais acheté mon premier ordi en 1988, et que je n'étais pas le vieux con qu'il croyait. J'aurais pu l'envoyer faire un tour chez Solko, par exemple...

Mais bon. Pas eu besoin de tout ça. Car il y avait encore une majorité de gens sensés parmi ces parents d'élèves, visiblement, pour soutenir la même position que moi. J'ai juste - tout de même (les correcteurs de copies me comprendront) précisé, d'un ton assez ferme et je l'espère convaincant, que leurs enfants n'étaient que des élèves et non des écrivains. (incroyable ce raisonnement, spécieux, aberrant : les écrivains écrivent à l'ordi, donc mon fils peut faire ses copies à l'ordi...) Je n'ai pas non plus rajouté ce que je pensais de la plupart des imposteurs (et imposteures) que ce monsieur, dans sa liberté de penser, appelle, lui, des écrivains. Nous serions entrés dans un débat trop houleux, sinon.

Si je parle dans ce billet de ce qui n'est, après tout, qu'une anecdote, c'est que cette anecdote fait sens. Il commence à y avoir, dans ce pays, un certain nombre d'adultes assez sots pour affirmer publiquement (puisque c'est leur opinion...) qu'écrire à l'ordi (comme ils disent) est plus propre et plus pratique qu'écrire à la main. Hygiénisme et consumérisme n'étant pas mes tasses de thé, je m'abstiendrais de dire quoi que ce soit à propos de ces gens qui ont, tout comme Florent Pagny, leur liberté de penser. Mais je souligne simplement le fait, en tant que professionnel de l'écriture et de la correction - comme d'autres le sont d'un autre domaine, la culture du maïs ou la vente des frigidaires -, que la jeunesse de ce pauvre pays devient de plus en plus - dans son ensemble - inapte à l'écriture manuscrite (c'est un constat) avec la complicité parfaitement inconsciente de leurs géniteurs (encore un constat) et que si on entérine une telle chose, non seulement la perte sera considérable mais surtout, il n'y aura aucun retour possible, avant plusieurs générations..

mardi, 30 décembre 2008

Chronique de l'euro symbolique, de Roselyne Bachelot et de l'Amérique

Après avoir été promené dans un véhicule de la Samu sur les routes de l’Essonne durant cinq heures, un homme finit par décéder, après avoir trouvé portes closes dans 27 hôpitaux d’Ile de France et fait, entouré de médecins, trois malaises cardiaques successifs. Réaction de Roselyne Blanchot sur une chaine nationale, le 29 décembre au soir : « Pourquoi l’offre de soin qui existait n’a-t-elle pas rencontré la demande évidente ? Cela pose la question du pilotage de l’information. » Un ministre de la santé qui parle offre et demande en plein milieu d’un drame humain, cela devrait émouvoir le pays. Bof ! Plus le temps, vraiment. Plus le temps de relever les écarts de langage, le discours déconnecté, la technicité impuissante : Un mort à Cergy, un mort à Argenteuil : ce sont cette fois-ci des SDF. Mercredi, veille de Noël, un enfant meurt à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le quatorzième arrondissement d’une surdose de magnésium. Nous sommes en France. 337 SDF sont déjà morts cette année dans la rue

Le litre de super sans plomb flirte à nouveau avec 1 euro, l’euro symbolique avec lequel bientôt, la Chine va acheter l’Amérique. Voilà une nouvelle intéressante, qui croise celle des routes verglacées. Les températures nocturnes descendant quasiment partout à moins cinq degrés, les alertes grand froid sont lancées tous azimuts. Je ne sais pas si, pour un euro, j’en voudrais, moi, de l’Amérique. Franchement. Que ferais-je de ses 302 074 000 habitants, dont la plupart sont, faut bien l’avouer, loin d’être un cadeau ? Il faut s’appeler Bush ou Obama pour développer de tels fantasmes. Ou Roselyne Bachelot. Ce serait drôle d’imaginer Roselyne en first lady américaine : Sa maison serait blanche. Elle trouverait la façade très laide. Avec raison, convenons-en. Première chose à faire, donc, refaire la façade, forcément, dirait-elle à quelques ouvriers obèses. Balancer ces colonnes neo-classiques, d’un goût kitch à dormir dehors par – 5.  Avec raison, à nouveau. On se souvient de la formule d’Alain Peyrefitte « Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera ». Il avait trouvé la formule si jolie qu’il en avait fait un essai, et les libraires avaient trouvé l’essai si vendable qu’ils en avaient fait un best-seller. C’était en 1973. Juste deux ans après la mort d’Alexandre Vialatte qui ne put jamais donc lire l’ouvrage. Juste un an avant le choc dit pétrolier. Je ne crois pas que ce genre de bouquins aurait intéressé Vialatte, remarquez.. C’était le commencement d’une lente dérive qui amena Jack Lang ou son nègre à écrire des conneries sur François 1er et Nicolas Sarkozy à épouser Carla Bruni.

Le dernier essai politique sérieux écrit le fut par Raymond Aron et c’était ses Mémoires. Cela date, tout de même, puisque je vois sur mon vieil exemplaire que le dépôt légal est de 1983. Début des plans-rigueur. Pauvre de nous ! C’est vrai que quand on compare le style des Mémoires de Raymond Aron, rien que la table des matières, tiens ...  et qu'à n’importe quelle page, on pioche une ou deux phrases, n'importe lesquelles...  -  avec le non- style, la table des matières, les phrases, de tous ces essais actuels de pseudo-politiques et de pseudo-intellectuels pour rayons culturels de grandes surfaces, on prend peur. On a beau dire, BHL, ça fait danseur mondain, à côté, ça renifle sa Dombasle à plein nez. Aron avait plus de classe. Madame Aron, dont je n’ai jamais vu l'image, également.

Pour un euro symbolique, je préférerais une toile de maître à l’Amérique. Mais bon, les Chinois, qui finalement ne sont rien que des Américains en puissance, préféreront se payer l’Amérique, c'est évident. Pour eux, c''est un rêve à débrider les yeux. Tant pis pour eux. Il y a très longtemps, j’avais rêvé que j’acquerrais un Quentin de La Tour pour un franc symbolique. Depuis, la valeur de mon rêve donc a été multiplié par 6,56, mais cela reste malgré tout un rêve, puisque je n’ai toujours pas de toile de maître à la maison. Quand Roselyne a fini de débiter son horrible phrase sur le capital-santé / libre échange hospitalier & tagada-tsoin-tsoin - avec tous ces morts en arrière-plan, on nous a annoncé que les Mutuelles allaient augmenter en flèche dès janvier : la seule façon de s’en sortir à partir de l’année prochaine serait de réfléchir à deux fois à ses dépenses santé. Eh oui ! tout ça coule de source, comme le gyrophare d'une ambulance entre 27 hôpitaux,  messieurs dames. C’est pourquoi elle serait mieux à la Maison Blanche que dans un grand ministère parisien, Roselyne !  Amis, dites à la Chine : pour un euro symbolique, on vous l’envoie, avec tout le reste de l’Amérique!

Et c'est ainsi qu'Alexandre serait grand.

Après avoir été promené dans un véhicule de la Samu sur les routes de l’Essonne durant cinq heures, un homme finit par décéder, après avoir trouvé portes closes dans 27 hôpitaux d’Ile de France et fait, entouré de médecins, trois malaises cardiaques successifs. Réaction de Roselyne Blanchot sur une chaine nationale, le 29 décembre au soir : « Pourquoi l’offre de soin qui existait n’a-t-elle pas rencontré la demande évidente ? Cela pose la question du pilotage de l’information. » Un ministre de la santé qui parle offre et demande en plein milieu d’un drame humain, cela devrait émouvoir le pays. Bof ! Plus le temps, vraiment. Plus le temps de relever les écarts de langage, le discours déconnecté, la technicité impuissante : Un mort à Cergy, un mort à Argenteuil : ce sont cette fois-ci des SDF. Mercredi, veille de Noël, un enfant meurt à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le quatorzième arrondissement d’une surdose de magnésium. Nous sommes en France. 337 SDF sont déjà morts cette année dans la rue

Le litre de super sans plomb flirte à nouveau avec 1 euro, l’euro symbolique avec lequel bientôt, la Chine va acheter l’Amérique. Voilà une nouvelle intéressante, qui croise celle des routes verglacées. Les températures nocturnes descendant quasiment partout à moins cinq degrés, les alertes grand froid sont lancées tous azimuts. Je ne sais pas si, pour un euro, j’en voudrais, moi, de l’Amérique. Franchement. Que ferais-je de ses 302 074 000 habitants, dont la plupart sont, faut bien l’avouer, loin d’être un cadeau ? Il faut s’appeler Bush ou Obama pour développer de tels fantasmes. Ou Roselyne Bachelot. Ce serait drôle d’imaginer Roselyne en first lady américaine : Sa maison serait blanche. Elle trouverait la façade très laide. Avec raison, convenons-en. Première chose à faire, donc, refaire la façade, forcément, dirait-elle à quelques ouvriers obèses. Balancer ces colonnes neo-classiques, d’un goût kitch à dormir dehors par – 5.  Avec raison, à nouveau. On se souvient de la formule d’Alain Peyrefitte « Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera ». Il avait trouvé la formule si jolie qu’il en avait fait un essai, et les libraires avaient trouvé l’essai si vendable qu’ils en avaient fait un best-seller. C’était en 1973. Juste deux ans après la mort d’Alexandre Vialatte qui ne put jamais donc lire l’ouvrage. Juste un an avant le choc dit pétrolier. Je ne crois pas que ce genre de bouquins aurait intéressé Vialatte, remarquez.. C’était le commencement d’une lente dérive qui amena Jack Lang ou son nègre à écrire des conneries sur François 1er et Nicolas Sarkozy à épouser Carla Bruni. Le dernier essai politique sérieux écrit le fut par Raymond Aron et c’était ses Mémoires. Cela date, tout de même, puisque je vois sur mon vieil exemplaire que le dépôt légal est de 1983. Début des plans-rigueur. Pauvre de nous ! C’est vrai que quand on compare le style des Mémoires de Raymond Aron, rien que la table des matières, tiens ...  et qu'à n’importe quelle page, on pioche une ou deux phrases, n'importe lesquelles...  -  avec le non- style, la table des matières, les phrases, de tous ces essais actuels de pseudo-politiques et de pseudo-intellectuels pour rayons culturels de grandes surfaces, on prend peur. On a beau dire, BHL, ça fait danseur mondain, à côté, ça renifle sa Dombasle à plein nez. Aron avait plus de classe. Madame Aron, dont je n’ai jamais vu l'image, également.

Pour un euro symbolique, je préférerais une toile de maître à l’Amérique. Mais bon, les Chinois, qui finalement ne sont rien que des Américains en puissance, préféreront se payer l’Amérique, c'est évident. Pour eux, c''est un rêve à débrider les yeux. Tant pis pour eux. Il y a très longtemps, j’avais rêvé que j’acquerrais un Quentin de La Tour pour un franc symbolique. Depuis, la valeur de mon rêve donc a été multiplié par 6,56, mais cela reste malgré tout un rêve, puisque je n’ai toujours pas de toile de maître à la maison. Quand Roselyne a fini de débiter son horrible phrase sur le capital-santé / libre échange hospitalier & tagada-tsoin-tsoin - avec tous ces morts en arrière-plan, on nous a annoncé que les Mutuelles allaient augmenter en flèche dès janvier : la seule façon de s’en sortir à partir de l’année prochaine serait de réfléchir à deux fois à ses dépenses santé. Eh oui ! tout ça coule de source, comme le gyrophare d'une ambulance entre 27 hôpitaux,  messieurs dames. C’est pourquoi elle serait mieux à la Maison Blanche que dans un grand ministère parisien, Roselyne !  Amis, dites à la Chine : pour un euro symbolique, on vous l’envoie, avec tout le reste de l’Amérique!

Et c'est ainsi qu'Alexandre serait grand.

 

 

samedi, 06 décembre 2008

Contre les Lumières

« Ce que j'aime à voir dans une ville, ce sont les habitants », écrivait Stendhal.

Il ne serait pas déçu, s'il venait à Lyon ce week-end ! Ce week-end, sortez par les rues. Quelle que soit la prétendue  beauté du spectacle, ne regardez pas les Lumières.  Regardez ceux qui regardent les lumières. Regardez-les bien. Comme Stendhal, intéressez-vous à l'homme lui-même. Pas à ce qu'il produit. 

Observez-le : Il marche, parmi une foule compacte, dans l'obscurité des rues. Ses yeux glissent d'une façade illuminée à une autre enluminée à une autre bariolée, à une autre peinturlurée… Ses yeux... toujours blasés, jamais repus, mais que cherchent ses yeux ? … Ses yeux, comme lui, ils ne font plus que marcher. Errance, là est toute leur fête. Leur seule fête. Inquiétant silence : Ils ne font que regarder, attroupés. Et tandis que ses yeux regardent, que dit l'homme ? Que pense l'homme ? Rien. Ou pas grand chose. Il pense qu'il est sidéré. Il l'est, de fait.  Le premier reproche qu’on peut faire à cette fête, c’est de rendre le spectateur passif : la scène est la ville, le spectateur erre au milieu, fantomatique citoyen regardant flamber ses impôts locaux.

Etrangeté, partout. Où donc est passée la fête, se dit-on ! Faisceaux géométriques qui s'élancent en boucles programmées, à l'assaut des façades et des regards, tournent en rosaces, s’écrabouillent en gerbes, s'emparent un bref instant de tout l'espace, ne laissant aux familles que l'obscurité de leur morne déambulation, aussi passive qu'absurde. Car devant  la prétendue prouesse technologique (on pense à des enfants devant des lanternes magiques)  cette passivité ressemble à une défaite. Ainsi prise en main, la foule n’est plus festive. Vers quel étrange incinérateur final tous ces chemins tracés à la va-vite la conduisent-ils ?  Le deuxième reproche qu’on peut faire à cette fête, c’est d’être une sorte d’auto-sacramental de la technologie : où sont les acteurs, actrices, cracheurs de feu, saltimbanques et funambules : c’est tout sauf vivant. C’est mortifère. Mort. Lugubre et raté, dit Frasby  dans son compte-rendu de cette nuit.

Le spectacle infiniment monotone de lumières technologiques qui tourbillonnent en boucles comme les pubs à la télé et écrasent la ville  (la place des Terreaux transformée en parc à jeux – concept révélateur !!! ) n’est donc pas une fête. Tout au plus un spectacle… Un banal son et lumière, condamné d’année en année à répéter la même médiocrité, et  qui, se substituant non sans un implacable terrorisme à la fête locale dont Tancrède de Visan, Joannin et Grancher, écrivains lyonnais, ont dressé le tableau, l’a purement tuée. La suprême imposture des organisateurs étant de prétendre obéir à une tradition. Remplacer les Illuminations par les Lumières, c’était tout simplement  se soumettre sur le  plan local au gigantesque programme de divertissement continu auquel la mondialisation libérale a soumis les peuples de la planète, en s’emparant de leurs traditions.. Cela s’est passé  sous le mandat de Barre. Et Collomb, le royaliste, a repris le flambeau du commerce prétendu culturel avec ferveur. Pauvre Marie !

10:27 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : fête des lumières, lyon | | |

mercredi, 26 novembre 2008

Hésitations

 J'hésite sur le titre à donner à ce billet ...

1. Interdit aux moins de 18 ans

2. L'angoisse de l'écran blanc ...

3. Petit matin givré

Kasimir-MALEVITCH-Ca.jpg

4. Yasmina Reza

5. PS : Une nouvelle direction

6. Coup d'état en Alaska

7. Ceci n'est pas un cube de glace

8. L'équilibre de Saturne

9. Mozart : La tête au carré

10 : Crise économique : le monde a perdu la boule

05:54 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (28) | Tags : yasmina réza, peinture, crise, politique, ps, art | | |

vendredi, 10 octobre 2008

Sully Nobel Prudhodommisé...

20933-004-BE1DB136.jpgLe prix Nobel (200 000) francs est acquis à Sully-Prudhomme, envisagé par les académiciens de Stockholm, luthériens dessalés et moralistes perspicaces, comme l'ouvrier de "la plus belle oeuvre idéaliste". Le patriotisme en personne est forcé d'en convenir, même à Paris, on n'est pas plus bête que ça. L'heureux vainqueur à déclaré son intention d'employer cette somme à venir en aide aux poètes pauvres, sans se réserver un centime ( Blague idéaliste, dont la dérision n'a pas tardé à éclater).

D'après le Journal, Sully-Prudhomme fonde simplement un prix annuel de 1500 francs pour les jeunes poètes, à décerner par la Société des gens de lettres. C'est à cela que vient d'aboutir l'immense réclame d'immolation pour les pauvres. 1 500 francs, c'est à dire le quart du revenu de 200.000 à 3 pour 100 francs de bénef et le capital dans la profonde, sans préjudice  d'une réputation d'holocauste. L'idéalisme est plutôt une bonne affaire.

( Léon Bloy, 18 décembre 1901 /5 mars 1902  - "Quatre ans de captivité à Cochons-sur-marne"  (Journal, Bouquins, 1999)

PS. :  Ci-dessus, on reconnait Sully, pas Léon.  "La profonde", c'est la poche  (ah! les ressources inépuisables de l'argot ... )

jeudi, 09 octobre 2008

Oublier Le Clezio

La dernière fois que j'ai lu un Le Clezio, je l'ai même pas acheté. C'était il y a quelques années, à la Fnac. Son autobiographie. C'était si mal écrit, ou si pas écrit, ou écrit de façon si plate, que je me suis assis sur une chaise, j'ai commandé un petit café dans le coin buvette du centre de distribution d'objets culturels indéterminés et je l'ai -comme on dit d'une vitre quand on voit le jour à travers -, traversé. C'est la France qui va être contente : elle a pas eu les prochains Jeux Olympiques, on s'en souvient, c'est Londres qui a tiré le gros lot, ben elle a le Nobel de littérature. Remarquez, quand on pense que Pierre Perret est Chevalier des Arts et des Lettres, Le Clezio peut bien être labellisé, pardon javellisé, merde, je vais y arriver, nobélisé. Javellisé, il l'est déjà, depuis longtemps, bien propre sur soi et tout et tout, c'est pourquoi il a empôché le pâctole, le foutu cléziô. Il faudra que je retrouve ce soir en rentrant chez moi ce que Léon Bloy a écrit le jour où il a su que l'immortel Sully Prudhomme l'avait empoché, le premier Nobel de littérature. Je le retrouverai, promis.

En attendant, le français Yves Bonnefoy, qui a écrit une véritable œuvre littéraire, pour ne citer que lui, ne sera pas nobélisé. Une question : ce jury de Stockholm, il a appris à lire dans un cabinet d'expertise du genre de ceux qui font les classements des villes européennes, ou quoi ? Mais bon, on va pas s'indigner outre mesure, on va pas s'énerver pour autant. Louis Guilloux, qui a lui tout seul vaut quinze Le Clezio, n'a jamais eu le Nobel. Henri Béraud non plus. Je parle de ces deux-là, parce qu'ils sont tous les deux morts un mois d'octobre. L'un (Guilloux) fut président des écrivains anti-fascistes. L'autre (Béraud) fut le premier sur les listes des procès de l'épuration: La Gerbe d'Or, Le Sang Noir, Ciel de suie, Le Pain des Rêves, des livres de l'un, des livres de l'autre... Durant ce mois qui s'avance, de saines lectures, pour oublier Le Clezio...