mardi, 24 janvier 2017
L'aventure Lumière
Un petit chef d'oeuvre, un vrai plaisir pour l'esprit
06:37 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lumière, cinema |
mardi, 24 décembre 2013
I just want to be alone
Cette romanesque Mme Grusinskaya, dégoulinant d’ennui, de langueur et de plaintes en sa vaste suite, comme si le luxe lui était à jamais indifférent, où qu’elle n’en possédait pas la clé. Et puis, ce comportement affecté, ces trémolos dans la voix. Tout parait surjoué, comme pour combler le vide et pallier les humaines insuffisances. Mais c’est méconnaître le parfum à la fois si profond et si désuet de ces années 1930.
« Qu’est-il advenu depuis ce moment-là au cinéma ? ». Beaucoup de choses, relevant de la prouesse technique ou managériale, assurément. Mais de l’art véritablement, des personnages, un lieu, des répliques, des scènes comme ce Grand Hôtel de Goulding aux relents shakespeariens, nenni. Dans les polars d’aujourd’hui, on ne montre plus que des équipes à l’œuvre, comme si le héros solitaire ne peut être que vaincu. Ce que signifie ce « I just want to be alone » si calmement, si douloureusement soufflé par Garbo, finirons-nous jamais d’en comprendre toute la décisive portée ?
11:03 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : greta garbo, goulding, grand hôtel, cinéma, grusinskaya |
mardi, 23 avril 2013
Désintégration, pourriture
Après Guy Debord, victime d’une exposition à la BnF, c’est au tour d’Hannah Arendt de devenir le martyr post mortem de la société du spectacle, enrôlée dans la machine à broyer la pensée contemporaine, en devenant l’héroïne du « biopic » (film biographique) de Margarethe Von Trotta.
Le personnage de la « philosophe juive allemande» (comme la publicité faite autour du film la présente), s’étale depuis quelques jours sur tous les murs de France et de Navarre, au dessus du nom écrit en capitales blanches d'Hannah Arendt. Sur fond de croix gammée, une Barbara Sukowa mise-en-plitée, qui ressemble autant à Hannah Arendt que Hollande à un grand président, et a davantage l’air de s’ennuyer à cent sous de l’heure devant sa page blanche, enroulée sur son olivetti d’époque, que de penser à quelque chose. Je n’irai pas voir ce navet probablement consternant, qui ne peut que réduire la philosophe des Origines du Totalitarisme et de la Crise de la Culture en fabricante de controverses à l’anglo-saxonne, mais je ne résiste pas à l’envie de la citer :
« La culture de masse apparaît quand la société de masse se saisit des objets culturels, et son danger est que le processus vital de la société (qui comme tout processus biologique, attire insatiablement tout ce qui est accessible dans le cycle de son métabolisme) consommera littéralement les objets culturels, les engloutira et les détruira. Je ne fais pas allusion, bien sûr, à la diffusion de masse. Quand livres ou reproductions sont jetés sur le marché à bas prix, et sont vendus en nombre considérable, cela n'atteint pas la nature des objets en question. Mais leur nature est atteinte quand ces objets eux-mêmes sont modifiés — réécrits, condensés,digères, réduits à l'état de pacotille pour la reproduction ou la mise en images. Cela ne veut pas dire que la culture se répande dans les masses, mais que la culture se trouve détruite pour engendrer le loisir. Le résultat n’est pas une désintégration, mais une pourriture, et ses actifs promoteurs sont une sorte particulière d'intellectuels, souvent bien lus et bien informés, dont la fonction exclusive est d'organiser, diffuser, et modifier des objets culturels en vue de persuader les masses qu'Hamlet peut être aussi divertissant que My Fair Lady, et, pourquoi pas, tout aussi éducatif. Bien des grands auteurs du passé ont survécu à des siècles d'oubli et d’abandon, mais c'est encore une question pendante de savoir s’ils seront capables de survivre à une version divertissante de ce qu'ils ont à dire. » (1)
Pendant ce temps, l’Assemblée Nationale ridiculise le pays en votant le mariage gay au nom des valeurs révolutionnaires, et sur la base d’un argumentaire en réalité très anglo-saxon (à la Salut les Copains ou plutôt à la Têtu) alors que, sans gouvernance déterminée, il s’enfonce dans la récession. Le maçon Peillon qui songe à refonder l’école tente d’y introduire une nouvelle matière, « la morale laïque » Faire une morale simpliste aux têtes blondes et marier les homos, telle est leur politique. Je ne veux voir aucune tête qui dépasse et personne qui sorte du rang... L'ordre consumériste dans toute son originalité. La mélasse de l'égalitarisme républicain.
Et pour arranger le tout, le président du socialisme exsangue, guère plus capable de provoquer des chocs que des changements malgré sa rhétorique d’étudiant en communication des années 90, songe (paraît-il) à faire rentrer quelques momies républicaines de plus au Panthéon… Beaucoup, de part et d’autres de l’échiquier, craignent, à juste titre, que quatre ans de cette soupe recuite en Hollande, ça soit bien long….
(1) La Crise de la Culture.
09:56 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : hannah arendt, von trotta, sukowa, cinéma, mariage gay, peillon, morale républicaine |
mardi, 22 janvier 2013
Lucchini est plus intelligent que l'Education Nationale
Et sans doute que la Comédie Française, contre laquelle il prend la plus subtile des revanches. Alceste à bicyclette ou Quand l'effroyable vient à bout de l'indicible. A voir sans la moindre hésitation.
14:48 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : molière, théâtre, le misanthrope, fabrice lucchini, lambert wilson, cinéma, alceste à bicyclette |
lundi, 25 juin 2012
Mourir d'aimer
A première vue, l’affiche dégage quelque chose de vraiment manichéen. Tout comme le titre lui-même. Cette rose rouge aux pétales dispersés sur cette fiche de prisonnier, ces photos (face et profil) d’Annie Girardot dans le rôle de Danièle Guénot : la fiche et la rose, telles deux univers inconciliables. Tout en réactualisant les grands mythes amoureux, le film dénonçait la violence sociale faite à l’amour et les aspirations de la société à de nouvelles formes d’individualisme. L’affaire Gabrielle Russier venait de défrayer la chronique, Pompidou s’étant lui-même même fendu de citer les femmes tondues de l’épuration à travers quelques vers d’Eluard.
Si simple paraisse l’intrigue, le film de Cayatte brassait du politique, du collectif : on y parlait dans un langage accessible à tout le monde des formes traditionnelles d’autorité, modernes de résistance ; de cette double contrainte qui régit tous les rapports sociaux : l’ordre et le désordre, le pouvoir de l’amour et celui de la Loi, la jeunesse et le vieillissement, la lutte et la résignation, l'idéal et la nécessité. On dirait, à le revoir aujourd’hui, que ce film a un pied dans l’ancien monde et un pied dans le nouveau. Ce n’est pas vrai seulement de l’interprétation des deux acteurs, morts aujourd’hui (Bruno Pradal en 1992 et Annie Girardot en 2011), des utopies et des double-discours fraichement engendrés par mai 68 et ses contre coups dans la société (l’une des réussites du film de Cayatte étant de faire du père un communiste, justement, allié aux pères fouettards de droite les plus conventionnels, juges, proviseurs, policiers)… Cela l’est aussi des bagnoles (2cv, 4L, tubes Citroen pour les fourgons de police), des juke-boxes et de la typo des cafés, des chignons des femmes de notables, de l’intérieur de la librairie comme de celui de l’appartement : un monde d’après la guerre et d’avant la crise se lit dans ce film que la chanson d’Aznavour magnifia en l’une de ces mythologies transversales de l’après 68 et de l’avant 81.
Sur la vidéo qui suit, des photos du film accompagnent la chanson d’Aznavour, Désormais.
22:55 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : mourir d'aimer, gabrielle russier, cayatte, girardot, mai68, cinéma, bruno pradal |
lundi, 28 mai 2012
Du cinéma plus-que-parfait
Vu (revu) M le Maudit hier soir (ou ce matin) sur la 3 (France 3). Film plus que parfait au sens grammatical du terme, tant le passé durant lequel il me paraissait parfait est à présent accompli. Parfaits, ces noirs et blancs d’une autre époque, ces perspectives et ces plans insistants sur une autre mode, d’autres meubles, (clubs notamment), d’autres briques et d’autres façades, une typo datée et des chapeaux vissés sur le crâne. Cigarettes aussi, coupes de cheveux, cols de chemises ouverts sous nœuds de cravates défaits, téléphones noirs et télégraphistes échappés du muet : une époque, ce qu’il en reste et sa mythologie d’être un classique du septième art, c’est quoi ça ?
Me revint aussi l’époque durant laquelle je regardais M le Maudit, justement, – heure du ciné club demain c’était le lycée - , pantalons pattes d’éph’, tapisseries cubistes au salon et meubles en teck, Guy Lux et les cartes perforées de son Palmarès aux chansons, la couleur partout, Girardot dans Mourir d’aimer et Piccoli dans Max et les Ferrailleurs qu’elles étaient lointaines les années 31 de monsieur Fritz Lang il y avait quarante ans de cela et qu’ils étaient intimidants ces mots d’Art et d’Essai, comme sont éloignées, dissociées, perdues à présent celles durant lesquelles je regardais M le Maudit pour la première fois, et son long monologue en plan fixe à la toute fin, le criminel agenouillé et sanglotant devant ses jurés la pègre prête à le lyncher comme dans une page de Kafka, un temps passé qui en a rejoint un autre d’avant l’abolition de la peine de mort et les voici comme juxtaposés en leur bobine chacun sur la frise oh comme on est loin de Cannes et de son palmarès, du cinéma plus-que-parfait, vraiment…
02:10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cannes, fritz lang, m le maudit, cinéma |
mardi, 29 novembre 2011
Les Lyonnais font leur promo
L’univers du grand banditisme, celui de la police, celui du cinéma et celui de la téloche flirtent ensemble avec doigté. Surtout aux heures de grande écoute dominicales.
Pour s’en convaincre, il fallait zapper sur Drucker ce dimanche. Sur les sofas rouges de son indécrottable talk show, Olivier Marchal, acteur, metteur en scène et ancien inspecteur à la brigade anti terroriste et anti criminelle présentait son film, Les Lyonnais, lequel sort sur les écrans mercredi. (Quel étrange emploi du verbe sortir, me dis-je. Mais passons.) « C’est un film qui plait beaucoup aux femmes parce qu’il présente des hommes au grand cœur. » explique Marchal. Diable : c’est ce qui s’appelle faire d’une pierre deux coups !
Près de lui, deux de ses personnages, si l’on peut dire : Edmond Vidal, dit Momon, le célèbre truand, et Charles Pellegrini, le non moins célèbre flic qui arrêta Momon, un jour de décembre 1974. Tous deux blanchis par le temps. Tous deux assis côte à côte, « comme deux anciens combattants entre qui la paix est revenu » susurre le gentil animateur à la voix mièvre. L’un et l’autre admettant, du bout des lèvres, que Les Lyonnais est « un beau polar ». (Pas encore des pros de la promo, mais ça viendra) : nous voici donc prévenus, on s’y rendra donc avec une infinie prudence.
Hasard du calendrier ? Ils avaient en réalité tous deux aussi un bouquin qui vient de sortir à vendre (encore sortir, décidément, quand ferons-nous des choses qui rentrent et nous ramènent à la maison ?) : Pour une poignée de cerises du côté de Momon, l’ancien braqueur de banques de soixante-quatre ans (dont quatorze passés en tôle), et Histoires de PJ pour Charles le flic, lequel s’illustra également dans les affaires du petit Mérieux et du juge Renaud et avoua être rentré dans la police pour avoir trop lu San-Antonio. On souhaite à tous deux (mais je n’aurai pas l’heur de vérifier) la même plume que celle du père de Béru.
Tous ces gens, flics, truands, acteurs et metteurs en scène se font applaudir tour à tour telles des stars miniaturisées par un public amorphe qui, ici comme ailleurs, consent à former tapisserie. Etrange magma que ces pixels en boites d’où jaillit la couleur sur le ciel laiteux et gris de ma fenêtre en novembre. Ces gens ne partagent qu’une seule valeur, leur notoriété et l’argent qu’ils en tirent. Tous, y compris ce pauvre Michel dont on ne sait, comme les maires ou les députés du PS ou de l’UMP, à quel âge il prendra enfin sa retraite pour libérer le terrain, tous pareillement corrompus par le spectacle. Dans tous ces mots, ces phrases, et même dans ces applaudissements, quelque chose qui s’étire vainement, se prolonge pour rien, détaché de toute action, de toute signification. Une sorte d’anéantissement de l’agir, du dire, du désir, du rêve de devenir shérif comme de celui de se faire la Société Générale, un jour, entre copains. Tous ces gens ont réussi. Des nantis. J’éteins la télévision.
Je n’ai pas vu Intouchables. Je n’irai pas voir Les Lyonnais.
05:48 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : les lyonnais, olivier marchal, le gang des lyonnais, edmond vidal, charles pelligrini, pour une poignée de cerises, cinéma, lyon, histoires de pj, actualité |
mardi, 23 août 2011
L'Eté Crémer (rediffusion)
Il y avait eu l’été Serrault, c’était, rappelez-vous, il y a trois ans. Voici que les soirées de plus en plus écourtées de l’été Cremer commencent à étendre sous nos yeux leur poignant venin. Bruno Cremer, c’était avant tout un rythme de jeu. Au siècle de la vitesse, Cremer imposait d’un geste voluptueux, d’un regard bleu, à l’interprétation, son indispensable lenteur. Un mot, juste glissé entre deux silences. L’œil du spectateur prenait alors le temps de trainer sur le pli d’une teinture, le carreau d’une nappe, le nacré d’un coquillage posé sur une commode. Son oreille, de se souvenir d’une réplique entendue une dizaine de minutes auparavant. Son esprit, de retenir un indice. De rêver un peu. La lenteur du jeu de Cremer offrait au terne de l’écran une profondeur rare, très française : celle des scènes de théâtre de l’immédiat après-guerre, où trainaient encore quelques fantômes de Jouvet, de Dullin. Les décors superbes des Maigret m’ont toujours paru faits pour cette lenteur du jeu de Cremer. Et vice versa. On ne sait lequel était le décor de l’autre.
Je ne serai pas à Paris vendredi prochain 13 août. Sinon, j’aurais volontiers fait un détour par Saint Thomas d’Aquin, puis par le cimetière du Montparnasse. Un détour, quelques pas lents, silencieux, comme à pas lents et sans faire de bruit hommes et femmes de cette génération née dans les années 30, à laquelle une sorte d’amitié nostalgique me lie, nous quittent. Que faire ou dire de plus, songeant à eux ? Un siècle se referme très nettement à chacun de ces départs ponctuels et nous laisse orphelins – ou rescapés - de son art, de sa lenteur. Même si beaucoup d'entre eux, -je veux dire de ces gens du 20ème siècle - imaginaient à grand'peine qu'il fût possible d'aller à un train plus rapide que le leur allait, déjà, j'écris bien, de son art, de sa lenteur...
Comme il est peu probable qu’un éditeur courageux sorte de son chapeau un nouveau Simenon (Simenon ou la lenteur de l’écriture), il est peu probable que des cours de théâtre qu’on distille encore ça et là émerge un nouveau Cremer. Trop lent, trop plein, bien trop personnel aussi, le bougre, le roublard, quand le rapide, le vide, la copie, le nombre et le bruit obstruent le paysage. Une dernière remarque qui n'a échappé à personne : après Bernard Giraudeau, Philippe Faure, et tant d'autres, le crabe, décidément, se régale douloureusement...
08:07 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : cinéma, bruno cremer, actualité, maigret, simenon |
vendredi, 08 juillet 2011
Le Moine de Mathew Gregory Lewis
En me promenant dans la rue tout à l'heure, me suis retrouvé nez contre nez avec Vincent Cassel. Un Vincent Cassel gigantesque sur une haute affiche au centre de laquelle trônaient les caractères du titre du roman de Lewis, Le Moine. C'est comme ça que j'appris qu'une adaptation cinématographique par Dominik Moll de ce superbe roman s'apprêtait à gicler sur nos écrans à partir du 13 juillet, avec ce comédien dans le rôle d'Ambrosio. Le thème est très casse gueule (surtout dans l'air du temps), la forme aussi - à prendre à plusieurs degrés, avec Lewis et Artaud juste derrière soi, ce n'est pas rien. Sans doute irai-je voir le film, sans attente ni préjugé.
Enfin, si c'est possible.
Je connais bien les deux versions, l'originale de Lewis ( qui demeure la meilleure) et le remake plus palot d'Artaud, pour avoir travaillé à une adaptation théâtrale qui a failli être jouée au festival de théâtre de Fourvière, a été créé en 1998 à l'Espace Tonkin de Villeurbanne par la Cie Le Paragraphe, et transportée à Avignon au Off de cette année-là. C'était l'année de leur putain de Mondial, et le soir de la finale avec Zidane et Cie, comme les autres soirs, nous avions fait salle comble au théâtre de la Luna..
Je ressors du coup la préface de cette adaptation, pour quelques patients et privilégiés lecteurs...
Ci-dessus, portrait de M.G. Lewis, par Henry William Pickersgill
1795 : Lewis n’a que vingt ans lorsqu'il conçoit son Moine. Un âge, dira-t-il, “ dont on ne peut attendre la prudence ”. En contant la chute frénétique du prieur le plus vertueux de Madrid précipité par le diable dans les cavernes et les montagnes en un rocambolesque dénouement, le jeune attaché d’ambassade s’impose immédiatement comme l’un des maîtres du roman gothique. Ce roman, qui commença par faire frissonner toute l’Angleterre, puis toute l’Europe romantique, demeura pourtant sa seule production d’importance, au point que le jeune auteur traversa le dix-neuvième siècle sous le nom de MONK LEWIS.
09:29 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : dominik moll, vincent cassel, le moine, mathew gregory lewis, antonin artaud, littérature, cinéma |