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samedi, 02 mai 2015

Apostasie silencieuse

Dans Le Mépris de Jean-Luc Godard, après avoir évoqué le combat d’Ulysse contre les dieux, le réalisateur Fritz Lang qui incarne face au vulgaire producteur américain Prokosh tout ce qui reste de la culture européenne en vient à commenter un poème d’Hölderlin. Il insiste alors sur le fait « étrange, mais vrai » que « ce n’est plus la présence de Dieu, mais son absence qui rassure l’homme. »

Et c’est tristement vrai que désormais, sous le coup d’une propagande républicaine longtemps et partout menée, la foi – la foi vigoureuse, la foi stable, la foi établie comme référence de sa propre vie – est devenue pour beaucoup inquiétante, quand ne pas croire [du moins vivre dans la boite à outils de quelques concepts moraux et vérités scientifiques établis par d’autres], c’est cela qui serait rassurant, ou « normal »,  comme dirait le pitre aux abois qui entraîne notre pays vers sa dissolution finale. Un effet sociétal, un effet troupeau incontestable, là-dedans. Credo. Naître et mourir seul, nous sommes seuls pour le dire.

On prête à Jean Paul II la paternité de la périphrase une «  apostasie silencieuse », pour désigner cet œcuménisme confus et résigné qui a fini peu à peu par engourdir l’Europe et dissimuler l’impeccable brillance du Saint-Sacrement aux yeux de la multitude : «La culture européenne donne l'impression d'une apostasie silencieuse de la part de l'homme comblé qui vit comme si Dieu n'existait pas ». Le pape polonais aurait emprunté la formule à Emmanuel Mounier, qui en 1940 parlait déjà de cette « apostasie silencieuse » qui menaçait le catholicisme, faite d’une sorte « d’indifférence environnante » et de « sa propre distraction ». Mounier, mais Hölderlin, déjà. Et Jean-Marie Vianney, qui dit un jour dans son sermon, à propos de la persévérance : « Je dis donc  que le premier moyen de persévérer dans le chemin qui conduit au ciel, c'est d'être fidèle à suivre et à profiter des mouvements de la grâce que Dieu veut bien nous accorder. » Et à propos de l'endurcissement : « cet endurcissement si terrible, c'est l'abandon de Dieu qui se retire du pécheur et qui finit par le livrer entre les mains de ses passions. Une fois arrivé à ce degré d'aveuglement, hélas ! rien ne le touche et rien n'est capable de lui faire connaître l'état malheureux où le péché le conduit ; il méprise tout ce qui est capable de le rappeler à Dieu ; il rejette la grâce autant de fois qu'elle vient.» 

 Mouvements, tout le contraire de cet endurcissement confortable et vain, dans l'œcuménisme intellectuel aussi bêtifiant que médiatique que nous vendent les politiciens. A lire quelques-uns de ses sermons, il semble que ce saint curé ait passé sa vie à lutter, dans son confessionnal étroit, contre cette apostasie silencieuse, dont il sentait que perçaient les germes dans le cœur de ses paroissiens et des pèlerins visiteurs qui le sollicitaient, en leur parlant de la nécessité de la conversion et de la pénitence, termes que précisément les citoyens du monde moderne ne peuvent entendre sans se gausser. L’égalitarisme qu’on tente de nous imposer comme religion civique est le contraire absolu d’un catholicisme bien compris et d’une fraternité heureuse.

 

C’est un complet retournement qu’il faut donc effectuer – où laisser s’effectuer dans la prière. Que l’absence de Dieu redevienne atrocement inquiétante en soi, et sa présence, la seule demeure rassurante dans l’horreur des rues et des medias.

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Fritz Lang, dans Le Mépris

lundi, 28 mai 2012

Du cinéma plus-que-parfait

Vu  (revu) M le Maudit hier soir (ou ce matin) sur la 3 (France 3).  Film plus que parfait au sens grammatical du terme, tant le passé durant lequel il me paraissait parfait est à présent accompli. Parfaits, ces noirs et blancs d’une autre époque, ces perspectives et ces plans insistants sur une autre mode, d’autres meubles, (clubs notamment), d’autres briques et d’autres façades, une typo datée et des chapeaux  vissés sur le crâne. Cigarettes aussi, coupes de cheveux, cols de chemises ouverts sous nœuds de cravates défaits, téléphones noirs et télégraphistes échappés du muet : une époque, ce qu’il en reste et sa mythologie d’être un classique du septième art, c’est quoi ça ?

Me revint aussi l’époque durant laquelle je regardais M le Maudit, justement, – heure du ciné club demain c’était le lycée - , pantalons pattes d’éph’, tapisseries cubistes au salon et meubles en teck, Guy Lux et les cartes perforées de  son Palmarès aux chansons, la couleur partout, Girardot dans Mourir d’aimer et Piccoli dans Max et les Ferrailleurs qu’elles étaient lointaines les années 31 de monsieur Fritz Lang il y avait quarante ans de cela et qu’ils étaient intimidants ces mots d’Art et d’Essai, comme  sont éloignées, dissociées, perdues à présent celles durant lesquelles je regardais M le Maudit pour la première fois, et son long monologue en plan fixe à la toute fin, le criminel agenouillé et sanglotant devant ses jurés la pègre prête à le lyncher comme dans une page de Kafka, un temps passé qui en a rejoint un autre d’avant l’abolition de la peine de mort et les voici comme juxtaposés en leur bobine chacun sur la frise oh comme on est loin de Cannes et de son palmarès, du cinéma plus-que-parfait, vraiment…

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02:10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cannes, fritz lang, m le maudit, cinéma | | |