vendredi, 04 août 2017
Comment peut-on être Français ?
S'il y a une phrase qui ne veut plus dire grand chose, c'est bien celle-ci, "Je suis Français".
Je reviens de Moscou où j'ai beaucoup marché dans la rue, regardé les gens qui travaillent dans les chantiers (toute la ville est en chantier), les magasins, les métros... J'ai parlé à des gens très différents, des croyants, des non-croyants, des "vieux croyants", des gens de classe moyenne plutôt aisée, d'autres moins, d'autres moins encore, des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes... J'ai vu beaucoup de couples dans les rues, et pas de militaires en armes, sinon devant le Kremlin, pour la photo... J'ai l'impression d'avoir vu un peuple uni par une même langue, une même religion, une histoire commune pas forcément drôle. J'ai senti des gens capables d'avoir des désaccords sans que leur société ne se fracture pour autant.
Bien loin de ce qu'on trouve en France entre les uns et les autres, à tous les niveaux de la société.... la France... Une société fracturée par des minorités sur puissantes et sur agissantes, des élites internationalisées, un peuple défait par sa propre veulerie, perdu dans ses contradictions, qui paraît avoir sciemment trahi son histoire dans des débats oiseux, oublié sa littérature pour un langage de journaleux et qu'on aura à ce point dépolitisé qu'il va bientôt ressemblé à rien, à ce rien que symbolisent jusqu'à la caricature cette Madame Macron surgie d'une salle des profs pour devenir première dame et celui, étrange et déséquilibré, qui joue à être président à ses cotés, au frais du contribuable, pour 5 ans.
Moscou est une ville certainement plus propre et plus sécurisée que ne l'est Paris, et je me dis qu'un Russe débarquant dans la Ville des Lumières a de grandes chance de se croire dans le Tiers Monde... Si bien que la vraie question que je me pose n'est pas "comment peut-on être Russe ?", mais bien "comment peut-on être Français auourd'hui ?"
Comment le puis-je ?
ci-dessus, buste de Molière au musée Pouchkine de Moscou
00:42 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : france, russie, molière, poutine, peuple, politique |
mercredi, 21 décembre 2016
Molière et la fatuité
Le génie de Molière fut de comprendre en pleine monarchie absolue que le principe premier de la bourgeoisie était la fatuité. Et que cette fatuité allait fonder une sorte de sociabilité démocratique par nature, foncièrement comique. Il suffit d’entendre toutes les Philaminte, toutes les Bélise et tous les Trissotins commenter d’une égale humeur le déroulement d’une primaire ou celui d’un attentat, donner du même mouvement des lèvres un avis éclairé sur l’Islam, la circulation alternée ou la légitime défense – souvent ponctué du fameux voilà - pour comprendre tout ce que Les Femmes Savantes comme Le Malade Imaginaire eurent de prémonitoire et ont encore de parlant.
19:30 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : molière, littérature |
mardi, 22 janvier 2013
Lucchini est plus intelligent que l'Education Nationale
Et sans doute que la Comédie Française, contre laquelle il prend la plus subtile des revanches. Alceste à bicyclette ou Quand l'effroyable vient à bout de l'indicible. A voir sans la moindre hésitation.
14:48 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : molière, théâtre, le misanthrope, fabrice lucchini, lambert wilson, cinéma, alceste à bicyclette |
vendredi, 18 février 2011
Le billet d'Alceste
Une nouvelle édition de la Pleïade de Molière, à l'occasion de l'anniversaire de sa mort, qu'on fêtait hier. J'apprends ça ce matin, en lisant cet article de JLK. Ici, c'est l'esprit maison, les billets sur des billets qu'on republie sans fin. La billeterie (billet heri). Le Misanthrope et Le Malade imaginaire sont les deux pièces de Molière que je préfère. Texte publié en décembre 2008 :
Le premier authentique dramaturge que la finance choisit d’honorer fut un comique : lors du passage au nouveau franc, c’est le visage de Molière qui orna la coupure dont le montant était le plus élevé, soit 500 NF. Le pouvoir d’achat de cette coupure qui circula du 2 juillet 1959 au 6 janvier 1966 avoisinait alors les 600 euros.
En son centre, un regard bleu, chatoyant, mélancolique et apaisé. Les plis d'une cascade de mèches, épaisses, grises et bouclées, perruque dont ce grand extravagant qui fit un jour Alceste semble comme embarrassé, épandu le long de son visage encore jeune, et tombant en boucles sur son pourpoint marron, recouvrant ses épaules de noueuses arabesques ; pour encadrer de plus haut et de plus loin cette opulente perruque, et pour cerner véritablement son fin visage, le drapé rouge du rideau de scène dont il a su, lui, si superbement enrober tous les Tartuffe, les monsieur Jourdain, les Philaminte, les Célimène et les Argan de son siècle comme des siècles suivants.
Ceux qui servirent de modèles à ses caractères, on les découvre assis côte à côte, tapissant le fond de la vignette. Sont-ils venus dans ce théâtre afin de vraiment rire d'eux-mêmes ? Côte à côte, alignés, des hommes portant chapeaux à plumes, des femmes décolletées, ceux dont pour les corriger, disait le polémiste, il fallut porter les vices, les humeurs et les passions sur la scène. L'une, chuchotant à sa voisine quelque ragot doré, l’autre, incliné pour épier le jeu des violons en train de s’accorder dans la fosse d’orchestre. Le souci apporté à la peinture de chaque ruban, de chaque dentelle, le soin visible du graveur pour chaque détail : ces figurines vertes, rouges, brunes ou bleues, disposées en rangs en cette vieille salle du Palais Royal tels les santons d’une crèche, ne sont pourtant que reproduit, d’après un tableau de Mignard, sur la vignette de ce billet, représentation de la représentation d’une représentation dans la copie d’une copie d’une copie…
Sur le verso, ce même regard, mais plus brun, le sourcil rehaussé, l’air d’attendre quelque chose. Un soupir ? Un aveu ? Une consolation ? Une recette, peut-être. Le dramaturge, on le sait, tenait le compte de ses registres avec la même soucieuse minutie que celui des syllabes de ses alexandrins.
Des lèvres fines, en tout cas, sur le point de murmurer quelque chose à notre oreille. Un mot, un simple mot nous retenant là, simplement, auprès de lui, de ses avares, de ses misanthropes, de ses faux-dévots, auxquels tant des nôtres ressemblent. Molière. Molière nous murmurant à l’oreille de ne pas quitter si vite son théâtre, si inconsidérément s'éloigner de sa rime : Quel arôme, quel bouquet imprévisible, issu de quel siècle, de quelles lointaines années me reviennent en mémoire ? Une rêverie de masques et de rires, de paroles et d’images, autant dessinées que vécues émanant de ce billet mélancolique. Quelques répliques lestes, surgies tout droit de cet Illustre Théâtre où l'on donnait ce jour-là une scène du Malade Imaginaire, répliques répercutées depuis lors de salles de patronage en préaux d’école, et dans un tablier de fortune, un fichu de servante noué sur la tête, voici que lentement le cartouche vibre, et Toinette, Toinette qui s’écrie :
-Elle ne le fera pas, vous dis-je !
- Elle le fera, où je la mettrai dans un couvent.
- Vous ?
- Moi !
- Bon !
- Comment, bon ?
- Vous ne la mettrez pas dans un couvent !
- Je ne la mettrai pas dans un couvent ?
- Non
- Non ?
- Non !
- Ouais ! Voilà qui est plaisant ! Je ne mettrai pas ma fille dans un couvent, si je veux ?
- Non, vous dis-je
- Qui m'en empêchera ?
- Vous-même !
- Moi ?
- Vous n’aurez point ce cœur-là !
- Je l’aurai !
- Vous vous moquez !
- Je ne me moque point (...)
- Bagatelles ...
- Il ne faut point dire bagatelles…
Ce n’est pourtant seulement, encore une fois, qu’une toile de comédie, un vieux papier peint lisse et plat, lui-même inspiré d’une ancienne gravure, tiré à des millions d’exemplaires. Mais de ce billet voila que les arabesques et les tons, les figures et les nombres, les alexandrins et les rires des francs, de tant de Francs, anciens et familiers, commencent à s’animer, à tournoyer ; et d’un monde englouti, voilà qu’ils voltigent : « Doucement, Monsieur, vous ne songez pas que vous êtes malade ! »
La langue, langue presque parfaite, du Misanthrope :
PHILINTE
Qu'est-ce donc ? Qu'avez-vous ?
ALCESTE
Laissez-moi, je vous prie.
PHILINTE
Mais encor dites-moi quelle bizarrerie... .
ALCESTE
Laissez-moi là, vous dis-je, et courez vous cacher.
PHILINTE
Mais on entend les gens, au moins, sans se fâcher.
ALCESTE
Moi, je veux me fâcher, et ne veux point entendre.
Sur les registres de la troupe de Molière, le 26 février 1673, on peut lire : « On n’a point joué dimanche 19 et mardi 21 à cause de la mort de M de Molière, le 17ème, à dix heures du soir ».
Au centre du billet, ce regard bleu, chatoyant, mélancolique et apaisé ...
A propos de Molière, lire aussi :
http://solko.hautetfort.com/archive/2008/07/15/vie-de-troupe.html
Les billets de la même séries sur ce blogue (suivre les liens en cliquant sur les noms)
Victor Hugo, Richelieu, Henri IV & Bonaparte.
Le billet 500 francs Clémenceau, qui n'a jamais été publié pour des raisons politiques, ce qui explique la longévité du Molière, qui perdura dans le pli onctueux des portefeuilles jusqu'en 1968
10:43 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : molière, billets français, littérature, théâtre |
samedi, 25 octobre 2008
Le mur d'Alceste
Rue Descartes, à Pampelune, un graff en noir recouvert de rouge, sur fond gris, fort sympa :
14:39 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, molière, alceste, graff, descartes |
mardi, 15 juillet 2008
Vie de troupe
Dans le tome XX de La Revue du lyonnais (1844) je trouve une analyse de trois registres de Molière, qui décrivent « les détails sur l’administration théâtrale et la mise en scène à l’époque », « les règlements et les recettes d’alors ». La troupe de Molière ne jouait que trois fois par semaine, les mardi, vendredi et dimanche. Dans le premier registre de la Comédie Française qui renferme le détail de 99 représentations (16 avril 1663 - 6 janvier 1664), on voit 8 fois Molière composer le spectacle entier avec une de ses pièces, avec deux 55 fois. 30 fois ses œuvres, peu nombreuses encore, fournissent une des deux pièces représentées. 6 fois seulement, la scène est laissée à d’autres auteurs. C’est donc pour Molière un total de 63 soirées complètes, et de 30 soirées en partage. Tandis que tous les autres auteurs comptent un total de 6 représentations pleines et 30 demi-représentations. Ces auteurs sont Corneille (Cinna, Sertorius et le Menteur – 17 fois) ; Tristan (Marianne, 9 fois), Rotrou (Venceslas, 5 fois) et Scarron (Don Japhet, L’héritier ridicule, 5 fois).
Dans le deuxième registre, contenant le détail de 87 représentations du 12 janvier 1664 au 4 janvier 1665, Molière remplit seul 62 soirées sur 87 (8 avec une seule de ses pièces, 54 avec deux). Il partagea 15 fois les honneurs de la représentation avec un autre et laissa sa place seulement 10 fois. Sur ces 25 représentations, Racine en compta 14 pour sa Thébaïde, Corneille et Scarron 3 chacun. L’auteur anonyme de la Bradamante ridicule eut les 5 autres soirées. Du 29 avril 1672 au 26 février 1673, (troisième registre consulté, beaucoup plus tardif), Molière ne fournit rien 4 fois seulement. Et sur les 118 représentations, il occupe la scène à lui tout seul 112 fois. Par rapport aux frais quotidiens, on constate que les recettes étaient plus conséquentes qu’aujourd’hui : Voici le détail des recettes des 32 représentations de L’Ecole des Femmes et de la Critique de l’été 1663, en livres et en sols
Vendredi 1er juin | 1357 | Dimanche 8 juillet | 702 |
Dimanche 3 juin | 1131 | Mardi 10 | 532 |
Mardi 5 | 1352,10 | Vendredi 13 | 570,10 |
Vendredi 8 | 1426,10 | Dimanche 15 | 711 |
Dimanche 10 | 1600 | Mardi 17 | 482 |
Mardi 12 | 1356,10 | Vendredi 20 | 567 |
Vendredi 15 | 1731 | Dimanche 22 | 780 |
Dimanche 17 | 1265 | Mardi 24 | 422 |
Mardi 19 | 842,10 | Vendredi 27 | 790 |
Vendredi 22 | 1025,10 | Dimanche 29 | 723 |
Dimanche 24 | 937 | Mardi 31 | 737 |
Mardi 26 | 800 | Vendredi 3 août | 631,03 |
Vendredi 29 | 1300 | Dimanche 5 | 462 |
Dimanche 1er juillet | 1309 | Mardi 7 | 400 |
Mardi 3 | 930 | Vendredi 10 | 682 |
Vendredi 6 | 830 | Dimanche 12 | 392 |
Les frais ordinaires pour une représentation s’élèvent à 55 livres. Les frais extraordinaires varient davantage, de 4 à 379 livres (pour la première du Malade Imaginaire, et ce en raison du grand nombre de figurants). Se rajoutent à cela certains frais supplémentaires : « Les soldats » (gardes de service) reviennent à 9 livres chaque soir. Certains acteurs, non sociétaires, sont mentionnés dans cette rubrique, comme mademoiselle Marotte Beaupré (3 livres chaque soir). L’éclairage à la chandelle revient à 6 livres : il fallait payer aussi les allées et venues des moucheurs. La « tare de l’or léger », estimée à peu près 13 livres, est un déchet qui se reproduisait à chaque représentation sur le montant des recettes : la monnaie d’or étant celle utilisée à l’époque, la rognure des pièces donnaient lieu à des dépréciations assez marquées, dont les théâtres étaient les principales victimes. Sur certains registres se trouve faite mention de charité (souvent adressée aux Cordeliers) et parfois même de messe. Les frais d’imprimeurs, sans doute compris dans les frais ordinaires, apparaissent parfois lorsqu’il y a un événement exceptionnel dans les frais supplémentaires : c’est alors deux affiches qui sont mentionnées en plus, pour un frais de 8 livres (tout laisse à penser qu’on n’affichait habituellement qu’à la porte du théâtre). Les costumes des acteurs étaient renouvelés au fur et à mesure qu’ils s’usaient (ces derniers n’étaient pas liés à leur personnage, les costumes de théâtre, au sens moderne, n’existant pas encore).
Les frais d’un costume entier varient de 10 à 40 livres ; d’autres frais occasionnels, mentionnant des « maîtres de chant » ou des « maîtres à danser », occupés généralement pendant deux mois entiers, s’étendent entre 22 et 46 livres : Les parts de chacun se touchaient chaque soir. Une part s’élève environ à 3,5 livres. Deux en revenaient à l’auteur de la pièce. Molière, comme directeur et sociétaire, en touchait encore trois autres. Le prix des places allait de la somme de 15 sous (parterre) à celle de 5 livres (billet de loge). Les registres portent également trace des dons et des remboursements des frais de visites ou de séjours (sorte de répétitions générales accordées, en privé, à des Grands). Ces dons sont importants et s’élèvent souvent à plusieurs centaines, voire milliers de livres. Le 26 octobre 1663, on trouve : « Nous avons séjourné à Versailles depuis le 16 octobre jusqu’au 26 dudit mois, où nous avons reçu du Roi 3300 livres à partager, chacun 231 livres.» Le 26 février 1673, pour clore le dernier registre, on peut lire : « On n’a point joué dimanche 19 et mardi 21 à cause de la mort de M de Molière, le 17ème à dix heures du soir».
14:59 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : théâtre, littérature, molière, revue du lyonnais |
vendredi, 02 mai 2008
A propos des Molières
« Le théâtre participe à ce discrédit dans lequel l’une après l’autre tombent toutes les formes de l’art. Au milieu de la confusion, de l’absence, de la dénaturation de toutes les valeurs humaines, de cette angoissante incertitude dans laquelle nous sommes plongés touchant la nécessité ou la valeur de tel ou tel art, de telle ou telle forme de l’activité de l’esprit, l’idée de théâtre est probablement la plus atteinte. On chercherait en vain, dans la masse des spectacles présentés journellement, quelque chose qui réponde à l’idée que l’on peut se faire d’un théâtre absolument pur
Si le théâtre est un jeu, trop de graves problèmes nous sollicitent pour que nous puissions distraire, au profit de quelque chose d’aussi aléatoire que ce jeu, la moindre parcelle de notre attention. Si le théâtre n’est pas un jeu, s’il est une réalité véritable, par quels moyens lui rendre ce rang de réalité, faire de chaque spectacle une sorte d’événement, tel est le problème que nous avons à résoudre.
Notre impuissance à croire, à nous illusionner est immense. Le théâtre est la chose au monde la plus impossible à sauver. Un art basé tout entier sur un pouvoir d’illusion qu’il est incapable de procurer n’a plus qu’à disparaître »
(prospectus de la 1ère saison du théâtre Alfred Jarry, signé d’Antonin Artaud, 1er novembre 1926).
21:50 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : molière, littérature, théâtre, artaud |