vendredi, 02 mai 2008
A propos des Molières
« Le théâtre participe à ce discrédit dans lequel l’une après l’autre tombent toutes les formes de l’art. Au milieu de la confusion, de l’absence, de la dénaturation de toutes les valeurs humaines, de cette angoissante incertitude dans laquelle nous sommes plongés touchant la nécessité ou la valeur de tel ou tel art, de telle ou telle forme de l’activité de l’esprit, l’idée de théâtre est probablement la plus atteinte. On chercherait en vain, dans la masse des spectacles présentés journellement, quelque chose qui réponde à l’idée que l’on peut se faire d’un théâtre absolument pur
Si le théâtre est un jeu, trop de graves problèmes nous sollicitent pour que nous puissions distraire, au profit de quelque chose d’aussi aléatoire que ce jeu, la moindre parcelle de notre attention. Si le théâtre n’est pas un jeu, s’il est une réalité véritable, par quels moyens lui rendre ce rang de réalité, faire de chaque spectacle une sorte d’événement, tel est le problème que nous avons à résoudre.
Notre impuissance à croire, à nous illusionner est immense. Le théâtre est la chose au monde la plus impossible à sauver. Un art basé tout entier sur un pouvoir d’illusion qu’il est incapable de procurer n’a plus qu’à disparaître »
(prospectus de la 1ère saison du théâtre Alfred Jarry, signé d’Antonin Artaud, 1er novembre 1926).
21:50 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : molière, littérature, théâtre, artaud |
Commentaires
C'est drôle, ce texte me semble extrêmement moderne. Serions-nous retournés en l'an 1926 ?
Ps : la présentation est nettement meilleure...
Écrit par : Porky | samedi, 03 mai 2008
Bonjour Solko,
Effectivement c'est une analyse pénétrante... D'ailleurs je me demande si la mort du théâtre n'est pas intimement liée à celle de toute foi.
De mon côté j'aimais mieux les anciens tons de votre blogue. Il est vrai que je suis un affreux réactionnaire déguisé en progressiste...
Bien cordialement.
Écrit par : Tang | samedi, 03 mai 2008
Progressiste ? Réactionnaire ? Je ne sais pas. C'est un peu selon les sujets. La soirée des Molière était particulièrement agaçante, particulièrement anti-théâtrale, mais ce n'est pas nouveau. Parler de tout cela necessiterait un plus long billet. Comme à chaque fois que le théâtre se borne a du spectaculaire ou à du divertissement, il ne répand que de la tristesse et de la mort. Ce qu'en dit Artaud me semble tout à fait contemporain. Je ne suis pas sûr qu'Artaud, quoi qu'il en ait dit ou pensé lui-même, fut d'ailleurs un progressiste.
A bientôt de vous relire sur vaste blogue ? Je m'y rends de ce pas.
Écrit par : solko | dimanche, 04 mai 2008
Mais n'est-ce pas aussi, et peut-être d'abord en réalisant médiocrement le programme d'Artaud que le théâtre meurt? Ne meurt-il pas de ce qu'aucun verbe ne s'y fait plus entendre? Quant à l'illusion, qu'elle réussisse ou échoue dans son champ propre, elle domine: elle s'est même étendue à ce qu'on appelait il y a peu encore la réalité. A bientôt.
Écrit par : Pascal Adam | dimanche, 04 mai 2008
Je plaisantais largement Solko, les étiquettes vous savez qu'on les colle sur la littérature ou sur la vie on ne fait jamais que cela: les coller dessus (autant dire qu'on n'atteint jamais l'objet étiqueté...) Au final à jouer des étiquettes on SE définit plus qu'on ne définit ce que l'on prétend étiqueter...
Vaste blogue ferme ses portes vraiment. Mais je vais et viens, virevolte encore un peu... A bientôt Solko, je fus d'ailleurs très touché de voir mes élucubrations bien légères liées chez vous. Merci et à bientôt,
Tanguy
Écrit par : Tang | lundi, 05 mai 2008
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