mercredi, 08 octobre 2008
Common Indecency
En couverture de la feuille de chou local (Le Progrès) aujourd'hui, le clocher de la Charité. Forcément, ça m'interpelle, à cause de mes fantômes. Assis (malgré la pluie) sous l'auvent d'une terrasse de café, je découvre : « LYON peine à s'imposer parmi les villes d'Europe. »
Il existait donc sans que je n'en sache rien un top 20 des villes européennes ? La belle info... Question qualité de vie, Lyon serait (le journal, qui ne s'emmerde pas avec la modalisation, dit est ) la septième ville d'Europe (Devant Madrid et Londres !!!!).
Ah ?
Au classement général, toutes catégories confondues, Hambourg vient de doubler Lyon. Vous aviez remarqué ? Par rapport à l'an dernier (le hit est donc annuel ?) Lyon a perdu une place. Les stars du classement sont Paris, Londres et Francfort.
C'est le cabinet Cushman et Wakefield qui a réalisé l'étude. Un cabinet aux States, of course. On ne précise pas qui l'a payée, cette étude... Le journaliste ignore les vertus du conditionnel : tout est à l'indicatif, comme dans le récit d'un match ou d'une étape du Tour de France. Sous le règne de la statistique et du bureau d'étude, tout est réel (ou n'est pas), gobable à merci. Comme je lape le fond de mon verre, je bois sans m'en rendre compte ces conneries que je lis. Mais tant pis.
Je connaissais les hit parades, les meilleurs ventes, les top ceci, cela, classements des clubs de foot, des plages, des crèches, des établissements scolaires, des personnalités préférées des Français... Tout ce qui a une particularité est ainsi fictivement placé en compétitivité avec tout ce qui en a une autre, dans la novlangue du marché par ses dévoués sbires. J'ignorais que les "villes européennes", comme les entreprises, l'étaient aussi. Les Lyonnais distanciés par les Hambourgeois, quelle horreur. Il faut faire quelque chose et vite ! Gérard ! Un nouveau parc de vélov, une autre tour à la Part-Dieu, un second musée aux Confluents, un nouveau Benzema !
N'importe quoi, Gérard, mais vite... Lyon peine à s'imposer, tu te rends compte ? Je ne sais toujours pas par qui nous sommes ainsi placés en compétition les uns avec les autres : Autrement dit, qui paie le cabinet Cushman et Wakefield ? Bravo et merci le Progrès pour la une. Une étude de marché bidon, un journal qui a besoin de titrer sur du local, un passage indu du conditionnel à l'indicatif : Il va falloir les doubler l'an prochain, ces putains de Hamburgers, pardon, de Hambourgeois, parce que sinon...
Noyés, sommes nous, dans ce discours : common indecency - L'indécence désormais commune, du marché, si omniprésente qu'elle passe, partout - non, pas inaperçue, mais c'est pire - pour normale.
En couverture de la feuille de chou local (Le Progrès) aujourd'hui, le clocher de la Charité. Forcément, ça m'interpelle, à cause de mes fantômes. Assis (malgré la pluie) sous l'auvent d'une terrasse de café, je découvre : "LYON peine à s'imposer parmi les villes d'Europe." Il existait donc sans que je n'en sache rien un top 20 des villes européennes ? La belle info... Question qualité de vie, Lyon serait (le journal, qui ne s'emmerde pas avec la modalisation, dit est ) la septième ville d'Europe (Devant Madrid et Londres !!!!). Ah ? Au classement général, toutes catégories confondues, Hambourg vient de doubler Lyon. Vous aviez remarqué ? Par rapport à l'an dernier (le "hit" est donc annuel ?) Lyon a perdu une place. Les "stars" du classement sont Paris, Londres et Francfort. C'est le cabinet Cushman et Wakefield qui a réalisé l'étude. Un cabinet aux States, of course. On ne précise pas qui l'a payée, cette étude... Le journaliste ignore les vertus du conditionnel : tout est à l'indicatif, comme dans le récit d'un match ou d'une étape du Tour de France. Sous le règne de la statistique et du bureau d'étude, tout est réel (ou n'est pas), gobable à merci. Comme je lape le fond de mon verre, je bois sans m'en rendre compte ces conneries que je lis. Mais tant pis.
Je connaissais les hit parades, les meilleurs ventes, les top ceci, cela, classements des clubs de foot, des plages, des crèches, des établissements scolaires, des personnalités préférées des Français... Tout ce qui a une particularité est ainsi fictivement placé en compétitivité avec tout ce qui en a une autre, dans la novlangue du marché par ses dévoués sbires. J'ignorais que les "villes européennes", comme les entreprises, l'étaient aussi. Les Lyonnais distanciés par les Hambourgeois, quelle horreur. Il faut faire quelque chose et vite ! Gérard ! Un nouveau parc de vélov, une autre tour à la Part-Dieu, un second musée aux Confluents, un nouveau Benzema ! N'importe quoi, Gérard, mais vite... Lyon "peine" à s'imposer, tu te rends compte ? Je ne sais toujours pas par qui nous sommes ainsi placés en compétition les uns avec les autres : Autrement dit, qui paie le cabinet Cushman et Wakefield ? Bravo et merci le Progrès pour la une. Une étude de marché bidon, un journal qui a besoin de titrer sur du local, un passage indû du conditionnel à l'indicatif : Il va falloir les doubler l'an prochain, ces putains de Hamburgers, pardon, de Hambourgeois, parce que sinon... Noyés, sommes nous, dans ce discours : common indecency - L'indécence désormais commune, du marché, si omniprésente qu'elle passe, partout - non, pas inaperçue, mais c'est pire - pour normale.
21:06 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : common decency, lyon, gérard collomb |
samedi, 04 octobre 2008
La comparaison qui tue
Et puis :
Et puis :
Et puis :
Et pour finir
00:03 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : barbara, musique |
vendredi, 03 octobre 2008
Syllogismes du commerce
Plus il y a d'êtres humains dans un lieu, plus il y a d'angoisse.
Paris est une ville davantage peuplée d'êtres humains que ne l'est Lyon
Il est donc plus angoissant d'habiter Paris que Lyon.
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Plus il y a d'angoisse dans un être humain, plus le bonheur lui est précieux
Paris est une ville plus peuplée d'angoissés que ne l'est Lyon
Le bonheur est donc précieux à un plus grand nombre de Parisiens que de Lyonnais
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Plus une chose est précieuse, plus elle est rare
Le bonheur est recherché par un plus grand nombre de Parisiens que de Lyonnais
Un grand nombre de Parisiens est donc plus rare qu'un grand nombre de Lyonnais.
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Mon buraliste, chez qui on entend ces "syllogismes du commerce", m'a avoué que les bouquins de philosophie qui étaient vendus avec le journal Le Monde se sont bien écoulés. Bien plus facilement que les exemplaires de La Comédie Humaine du pauvre Balzac, enterré au Père Lachaise face à Gérard de Nerval, qui ont beaucoup de mal à partir.
Vous y comprenez quelque chose, vous ?
21:16 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : syllogismes, café du commerce, lyon, paris |
lundi, 29 septembre 2008
Mobilier urbain
Abribus : Refuge où s'abriter en cas de faillites répétées de grandes banques américaines
Bancs publics : Sièges collectifs pour se reposer ensemble afin d'échapper au Grand Stress universel.
Bornes anti-stationnement : Voir bancs publics
Corbeille de propreté : Cavités en plastique où balancer ses idées noires et celles de ses voisins. Les conteneurs sont des corbeilles pour grands dépressifs solitaires.
Grilles d'arbres : De l'avis d'Alceste, ça devrait être interdit. Si les hommes ont, après tout, le droit de mettre en cage leurs prochains, il s'arrogent inconsidérement celui d'emprisonner les arbres.
Jardinières urbaines : Au contraire des maraîchères, plat non comestible. Lieu où s'ennuient des fleurs.
Miroirs de surveillance : Où Edvige se refait une beauté.
Panneaux électoraux : Miroirs aux alouettes
Poteaux haute visibilité : Pour ne plus avoir la vue basse
Poubelle accueillante : Suivre le lien
Toboggans : Attractions de rues, réservés aux vieillards du baby-boom qui veulent garder la forme : ne se prend qu'à rebrousse-pente
07:32 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : actualité, société, langue française, mobilier urbain |
jeudi, 18 septembre 2008
Correction de la version
Frangine d'altèque (Jolie soeur)
Je mets l'arguemine à la barbue (Je mets la main à la plume) pour te bonnir (pour t'apprendre) que ma largue aboule de momir un momignard d'altèque (que ma femme vient de mettre au monde un joli garçon ) qu'on trimbalera à la chique (qu'on ménera à l'église ) à six plombes et mèche (à six heures et demi) , pour que le ratichon maquille son truc de la morgane et de la lance (pour que le curé lui donne le baptême) ; ensuite on renquillera dans la taule à mézigue (ensuite on rentrera chez moi) pour refaiter gourdement (pour manger à satiété) et chenument pavillonner (et bien rire) et picter du pivois sans lance (et boire du vin sans eau).
Chenu sorgue roupille sans taffe, (Bonne nuit, dors sans peur)
Tout à tézigue (Tout à toi)
Pour mieux parler l'argot des voleurs...
00:00 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : argot, galtier-boissière, littérature |
mercredi, 17 septembre 2008
La version d'argot
Passé une partie de l'après-midi en compagnie de Madame de Sévigné, tous deux plongés dans le dictionnaire d'argot de Jean Galtier-Boissière et Pierre Devaux. Saine lecture; en avons ramené, pour internautes désireux de s'éprouver à cette belle et rude langue, ce petit devoir du mercredi.
Frangine d'altèque,
Je mets l'arguemine à la barbue pour te bonnir que ma largue aboule de momir un momignard d'altèque qu'on trimbalera à la chique à six plombes et mèche, pour que le ratichon maquille son truc de la morgane et de la lance ; ensuite on renquillera dans la taule à mézigue pour refaiter gourdement et chenument pavillonner et picter du pivois sans lance.
Chenu sorgue roupille sans taffe,
Tout à tézigue
Ton frangin.
20:14 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : argot, traduction, littérature, langue française |
mardi, 16 septembre 2008
Dom Mabillon et l'argot
C'est devenu une banalité, hélas, que de constater l'effacement de la langue française devant l'influence de l'anglo-américain dans le monde. C'en est presque une autre, hélas, hélas, que de dire la précarité de sa survie dans les sociétés francophones, hélas, hélas, hélas, au sein même de la production éditoriale - on n'ose dire littéraire - française. L'antidote à ce mal serait simple : lire. Car depuis Du Bellay et son manifeste, nous savons que toute littérature digne de ce beau nom-là n'est au fond que l'héroïque combat d'une langue et d'une culture destinées à périr pour survivre à cette pauvre destinée. Lire : Nous autres Français, nous avons cette chance-là de disposer d'une littérature dont plusieurs siècles font la richesse; parmi toutes nos infortunes, ne la gâchons pas. Lire, mais que lire ? Voilà ce que beaucoup disent, dressés depuis Pivot le mauvais saint-Bernard à tendre l'oreille et à soumettre leurs goûts à des conseillers littéraires entrevus à la télé, un peu comme on fait confiance à un conseiller fiscal ou comme, jadis, les pauvres gens honoraient le médecin. Ah, le règne des spécialistes n'aura-t-il pas assez duré ?
Il est vrai que les piles d'ouvrages proposés par les centres de distribution d'objets culturels indéterminés (Fnac, Virgin et autres espaces insignifiants) ont de quoi décourager les plus nobles ardeurs. Un GPS cvulturel y changera-t-il quelque chose ? Lire ? Mais quoi... devant ces amas informes de papier où tout s'aligne et se ressemble, la question devient vite : Lire, mais pourquoi ? Dans ces mauvais endroits se jouent les aventures post-mortem de la langue française, confiée à des marchands et mise en pages par des vaniteux. Je ne jette qu'un oeil sur la couverture : bien souvent y figure le nom du marchand et la photo du vaniteux. Puis je passe mon chemin.
Dans quelque vieil ouvrage du dix-septième, tenez, celui-ci par exemple : Traité des études monastiques (1691), je trouve au chapitre 14 ce conseil de Dom Mabillon, qui souligne la nécessité pour les clercs de tenir des recueils (des collections) de citations "pour y écrire les choses remarquables qui se présentent dans la lecture afin de ne les perdre pas tout à fait, et de ne pas les abandonner à l'aventure d'une mémoire infidèle ou chancelante." Alors, au point du jour, alors que les premiers bus à perches strient l'obscurité jamais parfaite dans la ville et rompent le silence relatif de derrière mes fenêtres, je cède à ce conseil âgé de plusieurs siècles et je note dans un carnet cette citation : "Le pays des lettres est un pays de liberté où tout le monde présume avoir droit de bourgeoisie". Puis, tout de go, cette autre expression, rencontrée dans un dictionnaire d'argot de Galtier-Boissière et Pierre Devaux, pour désigner le crane d'un chauve : "une perruque en peau de fesse".
"Un pays de liberté où tout le monde présume avoir droit de bourgeoisie... Une perruque en peau de fesse." Allez savoir pourquoi, ce matin, il me semble avoir retrouver, dans l'argot de Dom Mabillon, la syntaxe de Galtier-Boissière (ou le contraire, qu'importe !), un peu de cette langue autant rigoureuse qu'imagée que j'aime. Me voilà paré pour claquer doucement la porte au nez de mes chats, et affronter les vilains titres des quotidiens.
15:03 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : dom mabillon, galtier-boissière, langue française, argot, littérature, société |
mardi, 05 février 2008
La disparition
Que dire de ces livres plats, sans relief, sans profondeur, dont la société du spectacle nous inonde ? Quel intérêt y avait-il, déjà, à lire un ouvrage consacré à la pauvre existence de Rachida Dati ? A celle, non moins exaltante, de Cécilia Sarkozy ? Et quel nouvel intérêt y aurait-il à se pencher sur l'un de ceux qui racontent la vie de Carla Bruni ?
Je remarque au passage que le e muet, qui laisse de façon si douce en suspens à l'oreille une consonne, ou bien qui lui permet de s'essoufler lentement dans un bruissement vaporeux, le e muet est bizarrement (ou tragiquement) absent du nom des femmes du président. Le nom et le prénom de chacune de ces dames qui ne donnent pas dans la nuance, au contraire, ne possèdent qu'une voyelle claironnante et sonnant sec en finale. Comme, entre parenthèses, celui de leur mentor Nicolas Sarkozy qui ignore aussi abruptement qu'un claquement de porte la tendre suggestion et la fine délicatesse du e muet si caractéristique de la langue de Bossuet (qu'il écorche d'ailleurs tant qu'il le peut). De la plus fermée (A, noir) à la plus ouverte (I rouge, disait Arthur.), les voyelles des femmes du président et du président lui-même sont donc sans mystère, sans ambiguïté, sans profondeur. Starlettes, tout au plus. De là à dire que celles et celui qui les portent sont, de même ....
Cette disparition ferait en tout cas une bonne intrigue pour un Pérec post-moderne qui aurait du temps à perdre à broder sur la vie de tous ces êtres insipides dont le destin n'est que de passer de rayons en rayons, tout en empochant un maximum de blé. Signes éphémères, pauvres livres de vent... "L'Art s'intéresse à l'objet pauvre, disait Tadeusz Kantor, pour le faire passer de la poubelle à l'Eternité." Belle formule inspirée du dadaïsme et du ready-made, façon Duchamp. Et pour de vrai, ni le banc de la Classe Morte, ni la roue du char du Retour d'Ulysse, ni le pistolet de Marcel Duchamp ne sont entièrement passés à la poubelle. Qui aurait, pourtant, la folie de vouloir sauver de la consommation frénétique dont ils sont les repoussants emblèmes tous ces haïs, icones si vertigineusement et si tragiquement vides et indignes du moindre e muet ?
17:30 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : politique, littérature, société, voyelles |