lundi, 17 mai 2010
Au Nabirosina, joli nom des terres de Jolinon
Dans le second tome de son autobiographie, Gabriel Chevallier (de Lyon) évoque sa rencontre avec Joseph Jolinon (de La Clayette), vers 1920, et la relation qui s’en suivit. Gabriel Chevallier et Joseph Jolinon étant en quelque sorte deux auteurs maison, je me fais simple copiste. Cela se trouve dans Carrefour des Hasards, (Le quadrige d’Apollon, 1956.), et comme le disent ces fins cons de footeux, c'est ben rien que du bonheur :
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dimanche, 16 mai 2010
Emma Goldmann (1869-1940)
« Le développement, ce n'est en soi ni l'invention ni la technique. Rouler à 150 Km à l'heure n'est pas un signe de civilisation. C'est à l'individu, véritable étalon social, que se mesure notre degré de civilisation ; à ses facultés individuelles, à ses possibilités d'être librement ce qu'il est ; de se développer et de progresser sans intervention de l'autorité coercitive et omniprésente. » (Emma Goldmann, « L’Individu, la société, l’Etat »)
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mardi, 04 mai 2010
Pour exaspérer les imbéciles
Pour exaspérer les imbéciles est un texte que Léon Bloy dédia à son ami André Roullet. Cinq jours auparavant, le 4 mai 1897, l’incendie qui avait ravagé le Bazar de la Charité en un quart d’heure à peine avait causé la mort de plus de 120 personnes, essentiellement des femmes de l’aristocratie européenne (dont la sœur de l’impératrice d’Autriche et la duchesse d’Alençon), venues assister à la vente annuelle qui se tenait dans un hangar en bois de 80 mètres de long sur 13 mètres de large, où avait été reconstituée une rue du Moyen-âge. Pour faire contrepoids aux discours de la presse, de quelque bord qu’elle fût, Bloy déploya tout son talent de pamphlétaire dans ce texte qu’il intégra à son Journal à la date du 9 mai 1897 et qui fut, pour le pire comme pour le meilleur, tant commenté, que je me contenterai ici de le transcrire, tel qu’en lui-même:
L'incendie du Bazar de la Charité. Paris VIIIème arr., 15-17, rue Jean-Goujon, 4 mai 1897.
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vendredi, 30 avril 2010
Un conte d'Anatole
A partir de 1887, Anatole France a tenu chaque samedi dans Le Temps une chronique littéraire pour le bourgeois lettré de la Troisième République. Un véritable continent enfoui, cette Troisième République, avec son mal-être fin de siècle porté à bout de bras par de jeunes comédiennes du boulevard du Crime et des poètes mi-maudits mi-sorbonnards, avec sa naïve admiration pour les Lison asthmatiques du maitre de Médan, ses éclairages au gaz, ses expositions coloniales et son style Art-Déco triomphant. « Lecteur infini », c’est par cette formule équivoque que Paul Valéry qualifia le sieur Anatole dans le traditionnel éloge qu’il dut prononcer lorsqu’il lui succéda à l’Académie Française. « Lecteur infini », parce qu’il « se perdait dans ses lectures » : Paul Valéry à le croc acéré. Il n’aurait pas pardonné à Anatole France d’avoir refusé à Mallarmé la publication de son «Après-midi d’un faune » en 1874, dans Le Parnasse contemporain. La République des Lettres a toujours eu ses rancunes tenaces : ce discours est demeuré dans les annales parce que l’orateur avait réussi le tour de force de ne pas prononcer une seule fois ni le mot Anatole ni le mot France.
Il n’empêche. Trouvant excessif l’opprobre que la modernité avait jeté sur France en raison de l’agitation d’une poignée de jeunes surréalistes boutonneux et jaloux, j’ai décidé récemment de faire lire à des lycéens les premières pages des Dieux ont soif. C’est alors que j’ai découvert que non seulement aucun d’entre eux ne connaissait Anatole France, mais de surcroit, qu'un sur quatre croyait qu’Anatole était un prénom féminin.
J’ai donc pensé qu’il y avait urgence…
Les articles publiés dans le Temps ont été regroupés dans les six séries (dont deux largement posthumes) de La Vie Littéraire (1888- 1890- 1891- 1892 -1949, 1970) La Vie Littéraire est un beau document d’époque. Comme le disent les commissaires priseurs, il est resté dans son jus. Remarques, commentaires, citations d’une époque et d’une France qu’on croirait à présent antédiluviennes, quand elles ne se trouvent qu’à quelques générations de nous. A portée de mains. Voici le conte…
09:36 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : la vie littéraire, littérature, troisième république |
jeudi, 29 avril 2010
La Mort aux trousses
29 avril 1980 : ce jour-là, le verre est resté vide. Hitchcock avait quatre-vingts ans.
05:07 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, hitchcock |
samedi, 17 avril 2010
Paul Jorion
« La socialisation des pertes : Quand on a vu les chiffres qu’il fallait dégager, on s’est aperçu que les Etats eux-mêmes étaient entrainés dans la chute du système. C’est eux qui prenaient à charge les dettes, et ils étaient incapables de le faire. Avec les événements qui affectent la Grèce, le Portugal, les conséquences de cette tentative ratée d’éponger les dettes se poursuivent. »
« Le capitalisme s’effondre tout seul sans que personne ne le pousse, sous le poids de sa complexité, sous le poids de l’invraisemblable tissu de fragilités qui s’est créé avec le remplacement d’un système économique de richesses par un système économique de crédit – c'est-à-dire de reconnaissances de dettes. »
« Les dominos, là, maintenant, ce sont les nations. On se dispute comme des chiffonniers. Les Allemands disent : « C’est pas nous qui paieront », la Grèce dit : « si on ne veut pas nous aider, on se tournera vers le FMI » Le système continue de s’effondrer : il ne s’effondre plus au niveau des entreprises ou de Wall Street, il a entraîné dans sa chute les Etats et c’est à ça qu’on est en train d’assister, et très mal engagé.
« Les idées sur ce qu’il faudrait faire pour passer à autre chose ne sont pas encore là. Il ne faut pas se contenter de phrases en l'air, il faut venir avec du solide... »
Paul Jorion - 19 mars 2010
Paul Jorion - Le temps qu'il fait le 19 mars 2010
envoyé par PaulJorion. - L'info video en direct.
Voilà qui me rappelle, à nouveau, Musset; cet extrait de la première partie de La Confession d'un enfant du siècle : "Mais si le pauvre, ayant bien compris une fois que les prêtres le trompent, que les riches le dérobent, que tous les hommes ont les mêmes droits, que tous les biens sont de ce monde, et que sa misère est impie ; si le pauvre, croyant à lui et à ses deux bras pour toute croyance, s’est dit un beau jour : Guerre au riche ! à moi aussi la jouissance ici-bas, puisque le ciel est vide ! à moi et à tous, puisque tous sont égaux ! ô raisonneurs sublimes qui l’avez mené là, que lui direz-vous s’il est vaincu ?"
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jeudi, 15 avril 2010
Gunther Anders 56
Il est des textes qui laissent songeur. Ainsi celui-ci, de Günther Anders : « Le monde comme fantôme et comme matrice – Considérations philosophiques sur la radio et la télévision » Il a été publié en 1956. J’avais un an. Et vous, combien ? Tout ceci me laisse songeur. Devant tous les fadas de la responsabilité, de la culpabilité, je me demande : quelle chance, déjà, nous laissait ce brave new world qui nous mordait au vif avant même que nous ne sussions parler…
11:04 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : gunther anders, philosophie, littérature, post-modernité, images, écrans |
vendredi, 09 avril 2010
Sur la souffrance physique
« Une chose que je ne comprends pas, c’est la souffrance physique, dit Giono. Morale je la comprends (...) Mais la souffrance physique est une souffrance insupportable : je ne comprends pas ça, c’est vraiment un scandale et une chose abominable. Et on ne sait pas à quoi ça sert. Au début, ça sert, en effet, je crois, de sonnette d'alarme, d’être prévenu par la souffrance que quelque chose fonctionne mal. Ça, ça parait normal Mais après ? Pourquoi dure-t-elle après qu'elle vous a prévenu ? C’est ça qui est grave… »
« La mort et le reste, ça n’a pas beaucoup d’importance. La mort, c’est tout à fait normal. Même, si elle n’existait pas, ça serait terrible. Imaginez que nous soyons obligés vous et moi de faire ce que nous faisons là dans l’éternité, l’éternité ! Vous vous rendez compte ! C’est terrible, épouvantable ! Nous n’oserions plus prononcer un mot, c’est plus la peine ! Tandis qu’étant donné que nous avons la mort pour nous voler ce mot aux lèvres, nous le prononçons, et c’est tout à fait normal », dit Giono, accompagnant d'un geste de la main cette formule si juste.
C'est sur cette vidéo, un entretien datant de Noël 1965
Deux billets sur Giono sur ce blogue :
A propos du Grand Troupeau
Sur quelques pages d’un roi sans Divertissement :
08:18 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : giono, littérature, souffrance, mort |
mercredi, 07 avril 2010
Renan et la civilité française
« La civilité extrême de mes vieux maîtres m’avait laissé un si vif souvenir, que je n’ai jamais pu m’en détacher C’était la vraie civilité française, je veux dire celle qui s’exerce, non seulement envers les personnes que l’on connaît, mais envers tout le monde sans exception. ».
Dire pourquoi la saveur de cette phrase me touche particulièrement relève de l'exercice de style. Il y a d’abord l’antéposition de « vieux » : Je n’aime volontiers ce mot vieux qu’antéposé, parce qu’il dit alors la continuité du sentiment malgré tous les aléas, la fidélité aux êtres, il marque une certaine moquerie désinvolte à l’égard du temps, qui prétend éroder les affections diverses qu'on porte aux choses, qui me plait bien. Le v de mes « vieux maitres », sans qu’on s’en rende véritablement compte, reprend celui de « civilité », et précède dans l’essor de l’allitération ceux de vif, vraie, veux, et deux fois « envers ». Indiscutablement, cette allitération porte le propos jusqu'à l'oreille et sans doute joue-t-elle un rôle dans ce qui me charme en lui. Mais pas seulement : La suite logique par laquelle les deux phrases s’enchaînent, d’abord une consécutive (si que) puis une concessive (non seulement, mais) : je me souviens de la tête de mon vieux maître à moi, qui attachait tant d’importance à ces balancements hérités de la syntaxe latine, lorsque la bouche arrondie et le doigt levé, il nous reprenait : « non solum, sed etiam… », et que je me demandais, dans l'éclat impertinent de mes quatorze ans, s'il n'était pas un peu cinglé...
Il faut en venir, justement, enfin au thème : la civilité… La civilité extrême, la civilité française… Renan évoque l'onctuosité de ces vieux ecclésiastiques parmi lesquels, à Tréguier puis à Saint-Sulpice, il a grandi avant de perdre la foi. Extrême et française, ces deux trisyllabiques sont à prendre pour ce qu'ils sont. Comme si souvent, dans le bus ou dans la rue, j’étais en manque de civilité en effet. Je crois que c’est l’incivisme technologique qui pèse le plus sur nos esprits laminés. Cet incivisme terminal est venu du Japon (Sony). Après un détour par les USA, il a envahi l’Europe dans les années 80, et puis la France avec, qui n’est jamais de reste quand il s'agit de se placer en matière de stupidité à la hauteur des autres nations. Ne sommes nous pas devenus en quelques années davantage courtois avec nos MP3 et nos portables qu'avec nos concitoyens? Renan rappelle donc que cette civilité non seulement « envers les personnes qu’on connaît », mais envers « tout le monde sans exception » était la vraie politesse française. Sans doute force-il le trait en le rapportant à l’ensemble de la nation, mais je sais qu’aussi bien dans les presbytères des ecclésiastiques que dans les salons littéraires tenus par des femmes, cette politesse a régné et a caractérisé, en effet, ce fameux «esprit français », si cruellement absent de nos jours, je ne dis pas des rues, (1) mais des medias et autres lieux qui se donnent pour être des modèles de culture française.
Reste « le pays des chimères », disait Jean Jacques, la littérature. Les souvenirs d’enfance et de jeunesse sont, il faut bien le dire, un puits de jouvence. « La bonne règle à table, poursuit Renan, est de se servir toujours très mal, pour éviter la suprême impolitesse de paraître laisser aux convives qui viennent après vous ce qu’on a rebuté. Peut-être vaut-il mieux encore prendre la part qui est la plus rapprochée de vous, sans la regarder. Celui qui, de nos jours, porterait dans la bataille de la vie une telle délicatesse serait victime sans profit ; son attention ne serait même pas remarquée. Au premier occupant est l’affreuse règle de l’égoïsme moderne. Observer, dans un monde qui n’est plus fait pour la civilité, les bonnes règles de l’honnêteté d’autrefois, ce serait jouer le rôle d’un véritable niais, et personne ne vous en saurait gré. »
(1) la façon dont la plus ravissante jeune fille peut se mettre à aboyer sitôt qu’elle parle dans & à son portable, en s’adressant à ceux qu’elle connaît ne laisse encore de me sidérer lorsque je suis assis à ses côtés dans le bus, et ne me donne guère envie, je dois le dire, qu’elle exerce sa politesse jusqu'à étendre à ma personne son désir de « communiquer ». Il est des individus dont on se réjouit qu’ils ne soient pas vos familiers.
06:14 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, civilité, politesse, france, renan, société |