Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 16 mai 2010

Emma Goldmann (1869-1940)

« Le développement, ce n'est en soi ni l'invention ni la technique. Rouler à 150 Km à l'heure n'est pas un signe de civilisation. C'est à l'individu, véritable étalon social, que se mesure notre degré de civilisation ; à ses facultés individuelles, à ses possibilités d'être librement ce qu'il est ; de se développer et de progresser sans intervention de l'autorité coercitive et omniprésente. » (Emma Goldmann, « L’Individu, la société, l’Etat »)

0_2e9c7_fe371438_L.jpg

Voici tout d'abord une brève biographie  publiée en préface d’un opuscule d’Emma Goldmann, L’individu, la société et l’état (1940)

Emma Goldman, par May Piqueray

 

Fille de petits commerçants juifs est née en 1869, Emma fait «ses études» à Petrograd. En 1886, elle quitte la Russie pour l'Amérique où, ouvrière en confection, elle se mêle rapidement au mouvement ouvrier, alors en pleine effervescence pour la journée de 8 heures.

Elle rencontre Alexandre Berkman, «Sasha», et en 1892, lors du lock-out des ouvriers de Carnegie à Pittsburgh, se déclare solidaire du geste de son ami lorsqu'il tire et blesse Frick, le directeur des Aciéries. Sasha est condamné pour ce geste à 22 années de prison. Il en sortira en 1906, libéré après 14 ans.

Elle connaîtra à plusieurs reprises les cachots américains car son énergie, son dynamisme pour la défense des droits humains, font d'elle une lutteuse de premier ordre. Elle collabore à divers y journaux anarchistes : Freiheit,The Anarchist et crée sa propre revue anarchiste Mother Earth.

 

Pendant la première guerre mondiale, elle lutte de toute son énergie contre le militarisme et connaît à nouveau la prison. Éclate la révolution russe qui apporte tous les espoirs aux révolutionnaires du monde entier. Sentiments généreux, mais dangereux pour le système capitaliste ; l'Amérique déporte plus de deux cents agitateurs vers leur pays d'origine : Emma Goldman et Alexandre Berkman sont du convoi.

9781605204208.jpgRapidement déçus par ce qui se passe en Russie (absence totale de liberté, réaction contre les révolutionnaires éprouvés, extermination des ouvriers et des marins de Cronstadt) Emma et Alexandre quittent le pays avec beaucoup de difficultés.

Emma entreprend des tournées de conférences à travers l'Europe et le Canada.. Nos deux amis se fixent à St Tropez — alors charmant petit village de pêcheurs — où dans le calme, Emma rédige ses mémoires : Living my life. En 1936, Emma subit une perte cruelle: son ami de toujours Alexandre Berkman se meurt à Nice. Les premiers mouvements de révolte éclatent en Espagne ; c'est de nouveau l'espoir de voir se réaliser son idéal : Emma parcourt le pays, s'adresse aux ouvriers, aux paysans, aux combattants. Mais la réaction internationale est la plus forte, la révolution est vaincue. Elle repart au Canada où elle mène la lutte pour la libération

de camarades emprisonnés.

Le 17 Février 1940, Emma est victime d'une attaque, elle mourra le 14 Mai. Le 18, son corps , sera ramené à Chicago où elle sera enterrée dans le cimetière de Waldheim, prés de ses camarades de Haymarket.

Il est difficile de résumer en quelques lignes une vie aussi riche que celle d'Emma Goldman. Elle a écrit plusieurs volumes qui seront traduits et édités incessamment. Si Emma est très populaire en Amérique, en Angleterre et en Espagne elle est malheureusement méconnue en France. Il faut combler cette lacune. Avec quelques amis nous nous y emploierons de notre mieux.

Car Emma était pour moi plus qu'une camarade de lutte, une amie véritable. Je l'avais rencontrée, ainsi qu'Alexandre Berkman, en 1923, chez Rudolf Rocker, lors de mon passage à Berlin, alors que je me rendais au congrès de Moscou. J'avais pu entrer en contact, grâce à leurs indications, avec les quelques camarades anarchistes encore en liberté «provisoire» qui m'avaient fait entrevoir le «revers de la médaille». Grâce à eux aussi, j'ai pu intervenir auprès de Trotsky pour faire libérer Mollie Steimer et Flechine condamnés à la déportation perpétuelle aux îles Solovietsky.

Dans les années 30, j'ai partagé leur vie pendant de long mois dans leur petit mas de St Tropez et collaboré avec Emma à la rédaction de ses mémoires.

Pour ces raisons et beaucoup d'autres je ferai ce qui est en mon pouvoir pour faire connaître Emma Goldman et Alexandre Berkman aux camarades de la nouvelle génération.

Ce sera pour eux un enrichissement.

 

A suivre, ICI, L'individu, la Société et l'Etat, publié en 1940

12:56 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : emma goldmann, anarchisme, littérature, politique | | |

Commentaires

Femme admirable. Merci de nous faire connaître ce texte 'L'individu, la société et l'État'. Exceptionnellement, je l'imprimerai car sa lecture à l'écran est malaisée.

Écrit par : Michèle | samedi, 15 mai 2010

C'est un peu facile de dire que c'est une femme admirable et je souris que ce soit une phrase aussi naïve qui me vienne à l'esprit. Mais à écouter May Piqueray parler d'Emma Goldman, j'ai le sentiment d'être devant une légende. Comment cette femme a-t-elle pu faire tout cela, avoir ce courage, cette opiniâtreté, cette résistance. Je songe à ce qu'écrit Stéphane Beau dans 'Non de Non', ce qu'était la situation des anarchistes au début du siècle, ce que cela leur coûtait et où nous en sommes aujourd'hui. S'il est difficile de lire dans toute sa complexité l'histoire immédiate, il est aisé de voir que nous sommes loin, bien loin d'être des individus libres et civilisés.

Écrit par : Michèle | samedi, 15 mai 2010

"Libres et civilisés" : pas sûr que ça aille ensemble, dans la mesure où toute civilisation passe par l'acceptation d'une autorité étatique qui, dans tous les régimes, se trouve facile à corrompre. J'aime beaucoup cette phrase de Lewis Mumford : "la civilisation est une offense à la dignité de l'homme" : il entend par là que toute civilisation produit un homme outil et ne peut quasiment pas faire autrement.

Écrit par : solko | dimanche, 16 mai 2010

Oui Solko, Mumford a raison, et l'interprétation que vous en donnez est non seulement frappée au coin du sens mais en plus elle est juste - parfois, l'un va sans l'autre... Du coup, la civilisation, ça se termine souvent en charpie puis en charnier... Dieu merci, de temps à autre surgit une Emma Goldman (que je ne connaissais pas), par ailleurs émanation de la civilisation... Enfin bref.

Écrit par : Chr. Borhen | dimanche, 16 mai 2010

Il est, à travers une des figures emblématiques de la pensée anarchiste, intéressant de rapeller ce que vous rappelez ici.
Que la diaspora révolutionnaire, revenant de gré ou de force, en Russie après 1917, a été aussi la première à alerter le monde du fait que cette révolution russe était une fumisterie totalitaire.
Les marins de Cronstadt,("toutes les initiatives aux Soviets, pas au parti") fusillés par les bolcheviques...Makhno et ses camarades, étranglés par les mêmes bolcheviques...Comme tant d'autres !
Et moi ce qui me révolte encore c'est que ces bouchers liberticides aient pu servir de modèles aux idéologues de tout poil, et non des moindres....Disons jusqu'à la chute du mur...

Voilà des bandits qui ont fait reculer l'histoire de dix siècles !
Si aujourd'hui, l'église et le libéralisme sont si puissants en Europe centrale et de l'est, par contre coup, merci à ces communistes et à cette pseudo révolution russe, disons ce tour de passe-passe d'un état totalitaire à un autre.

Écrit par : Bertrand | lundi, 17 mai 2010

Les commentaires sont fermés.