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lundi, 17 mai 2010

Au Nabirosina, joli nom des terres de Jolinon

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Dans le second tome de son autobiographie, Gabriel Chevallier (de Lyon) évoque  sa rencontre avec Joseph Jolinon (de La Clayette), vers 1920, et la relation qui s’en suivit. Gabriel Chevallier et Joseph Jolinon étant en quelque sorte deux auteurs maison, je me fais simple copiste. Cela se trouve dans Carrefour des Hasards, (Le quadrige d’Apollon, 1956.), et comme le disent ces fins cons de footeux, c'est ben rien que du bonheur :


« Pellerin me conduisit dans un petit restaurant de la rue de l’Ancienne Préfecture, l’Omnibus. On y mangeait au cachet pour 3 fr. 25, à une table fort bruyante. Il me mit en présence d’une Charollais râblé, aux cheveux drus, aux yeux bleus candides, qui se dilataient tour à tour dans l’étonnement et l’enthousiasme. C’était Joseph Jolinon, l’écrivain.

Il se préparait seulement à le devenir. Deux passions violentes se partageaient sa vie : l’amour du football et l’amour des Lettres. Mais ses moyens de footballeur déclinaient, alors que ses moyens d’auteur allaient vers leur épanouissement. En attendant que son talent fût reconnu, Jolinon exerçait la profession de clerc d’avoué, où il se faisait bizarrement remarquer par sa haine de la procédure. Sa famille aurait voulu qu’il exploitât son diplôme de docteur en droit en épousant une riche héritière de Saône-et-Loire,  dont la dot lui aurait permis d’acheter une étude, ce qui aurait remboursé les sacrifices consentis pour son éducation. Mais Jolinon ne voulait entendre parler ni d’étude ni de fiancée, bien qu’il craignît fort sa mère, commerçante à La Clayette. Je vis une ou deux fois la terrible femme derrière sa banquette à aulner le drap : elle avait l’air de considérer les amis de son fils comme des débauchés, des garnements sans feu ni lieu.

Jolinon sortait d’ailleurs une jeune femme un peu diaphane, aux yeux trop brillants, au sourire un peu las, que je connus sous le nom familier et caressant de Ti-Zizi. Notre ami lui parlait du ton un peu plaintif qu’on prend pour s’adresser aux enfants malades. Cette grande fille étrange et douce, qui semblait perdue dans une rêverie triste, n’avait que quelques années à vivre.

Sportif, bon mangeur, grand lecteur, grand discuteur, fumeur de pipe, et le meilleur fils du monde, tel était Jolinon. Dans le compartiment littéraire de sa serviette, qu’il serrait sur son cœur, il portait le manuscrit de son premier roman, Le jeune athlète, dont il nous entretenait sans cesse. Ce manuscrit fut distingué par Félix Fénéon et publiée par la Sirène.

Je fis amitié avec Jolinon, et comme nous avions tous deux nos pénates vers la Croix-Rousse, comme nous fréquentions les mêmes petits restaurants, souvent, nous faisions route ensemble. Mais Jolinon ne se laissait pas saisir facilement. Il savait très bien nous lâcher pour aller s’enfermer avec ses papiers. Il prit plus tard un appartement donnant sur un jardin. Quand je l’y allais voir l’hiver, je le trouvais le dos à un feu de boulets, couvert d’une veste ouatinée, en pleine euphorie de création douillette. C’est à former des phrases  qu’il s’amuse le plus, là qu’il est le plus heureux.

Le dimanche, quand il n’allait pas au stade voir des matches, il nous accompagnait volontiers au paysage. Car il éprouvait à peindre une intense joie physique. Devant la nature, palette en main, il donnait la même impression d’appétit que devant une omelette au lard ou un chapelet de boudins. Il aimait le soleil et les fortes suées. Ça lui rappelait sa terre natale, aux horizons bas, qui s’engourdit sous la chaleur du plein été, tandis que les grands bœufs blancs du Charollais, accroupis dans les pâturages, ruminaient inlassablement »

 

En photo, le casse croûte est servi par messieurs Blanc & Demilly, aux alentours de 1930.

 

07:06 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : gabriel chevallier, joseph jolinon, nabirosina, littérature | | |

Commentaires

C'est Frasby qui va être contente qu'on parle de son Nabirosina !

Ce casse-croûte 'servi' par messieurs Blanc & Demilly, me fait bien envie, d'autant que c'est l'heure (10h) après un petit-déjeuner très matinal.

Pas encore acheté "La Peur" ni "Carrefour des hasards" de Gabriel Chevallier. Cet été...

Écrit par : Michèle | lundi, 17 mai 2010

@Michèle : Ouh ben ça oui! c'est sûr, Frasby, elle est contente ! Mais rendons à César, Chimèle, l'inventeur,(l'envintreu drapon),le vrai, l'unique du terme "Nabirosina" est bien le Drang Kloso 1er ! et c'était tellement beau (et bon) que je lui ai piqué.

@Solko: Vous me comblez d'aise, j'exulte en vous silant. J'ai tant de billets à rattraper chez vous... Mais celui là, il me prend par les sentiments. Toutes mes félicitations.
Tandis que je cherche la tombe du Joseph pour vous en ramener des gravillons (glivrolans, drapon) comme ça se fait par chez nous dans un bocal à confiture promis donc, (encore faudra t-il retrouver cette satanée tombe), gros pensuss, à suivre donc...
D'ailleurs ej vosu icerira (pérondria) benitô à popors de monsieur Jolinon, iva amil (vripé beni rûs), endretra ej vosu el gnilase cii masi ecla n'sirenetse sap la naplète cra c'tse nu csoop pot creset uqe j'ia marené de Al Alycette).
Nobne nujorée à vuso et à tronee douce imae Chimèle.

Écrit par : frasby | mardi, 25 mai 2010

Avec pimaciente, j'attends donc votre lima.

Écrit par : solko | mercredi, 26 mai 2010

La ruhe qu'li ste m'épachpe ctse odibliaque, masi ej vosu permost uqe ej ne triarenias sap torp, en êmme pemts cts'e un tuto tepi spooc de reni ud tuto mocme no ne tiaf sout les ramdis au charmé d'Al Alycette. Cremi ed trove catipene.

Écrit par : Frasby | jeudi, 27 mai 2010

Les commentaires sont fermés.