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mercredi, 09 juillet 2008

La blogonews

Sur son blog Theatrum Mundi,  Pascal Adam livre une critique édifiante (comme vous n'en lirez pas dans la presse) de l'Inferno  de Castelucci, spectacle d'anti-théâtre qui a l'honneur de la Cour des Papes cette année au in (complètement in - semble-til) d'Avignon.  A lire avant d'embarquer par TGV ou de réserver l'hôtel. Pascal, si vous passez par là, laissez-nous donc en commentaire les prix des places qui doivent aussi valoir leur pesant. Une nouvelle intéressante sur le blog de Gérard Collomb (si! si!) : "La libération d'Ingrid Betancourt est un bonheur pour tous !"  Pour tous, vous avez bien lu, et pas seulement pour les Lyonnais. D'habitude, Gérard a des réjouissances plus municipales. Après la joie du doublé historique de l'OL, le partenariat signé avec l'impayable BillGates, Gérard patauge dans un bonheur infini et le fait savoir. Grand Bien lui fasse ! Si vous avez cinq minutes à perdre, allez visionner sur son blog également la vidéo sur la pétank partie, Lyonnais, ça vaut le détour ! Pour conclure avec Betancourt, un lien intéressant, cette fois-ci, afin de décrypter une partie des enjeux de cette affaire, qui n'a pas fini de faire parler d'elle, sur ce site anti-médiacratique  Et puis, à propos de vidéos qui valent le détour, l'oreille en feu  propose un clip de Démago, groupe parisien : Ah les ravages de la vie dans les grandes métropoles, nom de Dieu c'est quelque chose... Ravages aussi d'une présidence désormais installée : il parait (dixit Sarkozy) que désormais, quand les gens font grève "personne ne s'en aperçoit" : la réponse en photo d'une lyonnaise d'adoption. Sur ce, je vous quitte et je vais bouquiner le dernier tome de la trilogie de Jolinon, une gloire littéraire, locale et fanée des années trente, que je me suis mis en tête de relancer.  Et à propos de livres, pour finir, L'Annexe de Jean Jacques Nuel rend hommage à Robert Bouvier, qui a fermé sa librairie des Nouveautés il y a un an, déjà. Comme le temps passe!

21:01 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : avignon, ingrid betancourt, castelucci, actualité, sarkozy | | |

Tadeusz Kantor

« Je dois dire ce mot : instruire. S'instruire. Je n'ai pas honte de ce mot. J'ai étudié depuis le début, dès que j'ai décidé de devenir peintre.. Ma création était toujours découverte de faits que je ne connaissais pas. C'était, en quelque sorte, des études. C'était un voyage, découvrant de nouvelles terres; le but s'éloignait toujours, je laissais derrière moi des pays conquis... Les Artistes doivent étudier, découvrir, reconnaitre et laisser derrière eux des régions conquises. »

(Tadeusz Kantor- Leçons de Milan, Actes sud papiers, 1990) 

C'est encore Tadeusz Kantor, lui-même, qui définit le mieux son théâtre : 

« Œuvre qui n'exhale rien, n'exprime rien, n'agit pas ne communique rien, n'est pas un témoignage ni une reproduction, ne se réfère pas, à la réalité, au spectateur, ni à l'auteur qui est imperméable à la pénétration extérieure, qui oppose son opacité à tout essai d'interprétation, tournée vers NULLE PART, vers INCONNU n'étant que le VIDE, un «TROU» dans la réalité, sans destination, et sans lieu, qui est comme la vie passagère, fugitive, évanescente, impossible à fixer et à retenir, qui quitte le terrain sacré qu'on lui a réservé, sans rechercher des arguments en faveur de son utilité.
Qui EST, tout simplement, qui par le seul fait de son AUTO-EXlSTENCE MET TOUTE RÉALITÉ ENVIRONNANTE DANS UNE SITUATION IRRÉELLE ! (on dirait «artistique»). Quelle fascination extraordinaire dans cette inattendue RÉVERSIBILITÉ ! »

 

Kantor est né en 1915 à Wielopole, bourgade polonaise,  d'un père juif converti au catholicisme. Le nom de Kantor est indissociable de celui de  sa troupe de Cracovie Cricot 2, refondée en 1955. Cette troupe et les comédiens qui la composent,  sera sa chair, son cri, son argile, ses monstres. En France la découverte de la Classe morte en 1977, inspirée de Bruno Schulz et de Witkiewicz, sera un choc fondateur. Cette cohabitation entre les poupées de cire et les humains vêtus de noir abolit notre orgueil de vivants. Chacun porte sur son dos l'enfant qu'il fut, et qu'il a laissé mourir. Ces êtres, chacun pris dans son obsession (berceau, vélo, pion amorphe, soldat coucou dérisoire,...), pointent le doigt en l'air vers un ciel vide et terrifiant. Un traité des mannequins que d'autres appellent par exagération des hommes se tisse de pièce en pièce : La pieuvre (1956), Cirque (1960), Le petit Manoir (1961), Le fou et la nonne (1963), la poule d'eau, Les mignons et les guenons (1973), La classe morte (1975), Où sont les neiges d'antan (1979), Wielopole-Wielopole (1980), Qu'ils crèvent, les artistes (1985), Je ne reviendrai jamais (1988), Ô douce nuit (1990). Beaucoup sont des mises en scène du grand Witkiewicz.

Kantor a réussi à incorporer dans la totalité de son œuvre, que ce soit  la peinture, le dessin ou le théâtre, l'histoire du combat qu'il avait mené au nom de son âme d'artiste et aussi pour gagner le ravissement des spectateurs. L'art du XXème siècle était déchiré entre deux pôles : l'utopie de la forme pure prônée par le constructivisme, une vision rationnelle bien ordonnée, et la tradition littéraire du symbolisme, nostalgie d'un art rempli de significations et d'émotions. L'un des plus grands acquis de Kantor consiste à relier ces deux tendances et à soumettre les symboles et l'émotion à la discipline rigoureuse de la forme. « Je voudrais qu'ils regardent et qu'ils pleurent »  - répétait-il - et il parvenait à hypnotiser, d'une manière mystérieuse, les spectateurs. Pendant ses spectacles des gens pleuraient sous toutes les latitudes : au Japon, en Argentine, à Paris. Sans d'ailleurs connaître notre tradition ou notre langue ; sans avoir connu la biographie ou les commentaires de l'auteur, ils se sont livrés à l'émotion jusqu'aux larmes. Ainsi, le petit village perdu quelque part en Galicie - lieu reconstruit avec des bribes de la mémoire et avec des photographies déteintes - est devenu le centre du monde, le portrait troublant du siècle passé : avec sa cruauté et son héroïsme, avec la tragédie de l'Holocauste, avec le drame de l'asservissement. Le siècle de la guerre et de la mort, celui des utopies audacieuses et des révolutions artistiques : tout cela a trouvé une expression exceptionnelle dans l'œuvre de Kantor ; son art est en fait un témoignage personnel et en même temps universel. Et ce n'est qu'aux plus grands artistes que revient ce privilège.  (Krystyna Czerni)

Kantor est mort le samedi 8 décembre 1990 à Cracovie, en préparant les répétitions de  Aujourd'hui c'est mon anniversaire. La troupe joue quand même. Une chaise vide, une écharpe, le chapeau, Marie encore plus blanche que d'habitude, les jumeaux les yeux rougis. Kantor est là, il regarde. L'économie de la mort est florissante. Dans son testament méticuleux il fait de chaque spectateur-lecteur son légataire universel : « Si la maison s'effondre, les archives doivent rester».


 

Kantor : un extrait de La Classe Morte, l'entrée en scène de la parade de l'enfance. On ne se lasse pas de la regarder, tant la musique est envoutante, la scénographie obsédante, sous l'unique lampe à suspension.... A son pupitre, le maître d'école et metteur en scène, à deux pas toujours de ses comédiens, comme une matière qu'on ne peut lâcher trop longtemps. Kantor, le visage attentif et lointain, tel celui de James Joyce, l'œil d'aigle, comme taillé dans l'airain. Voilà une belle figure de l'exigence, de la recherche, de la lenteur, de  l'Idéal également, aussi saugrenu que celui puisse paraître de prime abord. KANTOR. Voici ce que, dans les Leçons de Milan (1986) il  dit, peu de temps avant de mourir, d'abord de la consommation, puis de la communication :

« LA CONSOMMATION OMNIPOTENTE

Tout est devenu marchandise, La marchandise est devenue dieu sanguinaire. D'effrayantes quantités de nourriture qui nourriraient le monde entier; et la moitié de l'humanité meurt de faim; des montagnes de livres que nous n'arriverons jamais à lire; les hommes dévorent les hommes, leurs pensées, leurs droits, leurs coutumes, leur solitude et leur personnalité. Des marchés d'esclaves organisés à une formidable échelle. On vend des gens, on achète, on marchande, on corrompt. Création : ce mot cesse d'être un argument sans appel.

Et voici un autre visage de la FUREUR de notre fin de siècle : LA COMMUNICATION OMNIPOTENTE.

On manque de place pour les originaux qui marchent à pied (il paraît qu'un tel moyen de locomotion aide à penser). Des vagues et des fleuves de voiture se déversent dans les appartements. On manque d'air, d'eau, de forêts et de plantes. La quantité d'êtres vivants croît de façon effarante : des hommes ....  Continuons : La COMMUNICATION qui s'accorde parfaitement avec les chemins de fer, les tramways, les autobus, a été jugée comme le concept le plus adéquat et le plus salutaire pour l'esprit humain et pour l'Art. Communication omnipotente ! son premier mot d'ordre : la  VITESSE, s'est rapidement transformé en un cri de guerre sauvage de peuplades primitives. La devise est devenue ORDRE. Le monde entier, toute l'humanité, toute la pensée de l'homme, tout l'ART doivent exécuter docilement.

Tout devient obligatoirement uniformisé, égalisé et... SANS SIGNIFICATION. »

 

Pour suivre, sur Kantor :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/04/26/kantor-et-mallarme.html

 

 

 

08:10 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, littérature, kantor, art, écriture | | |

L'Arbre sec (Joseph Jolinon)

L'Arbre sec : Deuxième volet de la trilogie consacrée à la famille Debeaudemont, qui fait suite à Dame de Lyon. L'Arbre sec, c'est d'abord le nom d'une rue du centre-ville; d'après le   dictionnaire des rues de Lyon de Brun de la Valette (qui reste la petite Bible en matière d'histoire locale des rues à Lyon), d'après lui, donc, l'appellation est attestée depuis le quatorzième siècle, ce qui fait un sacré bail. Allez savoir pourquoi cette rue, comme celle du Bât d'Argent, (dernier titre de la trilogie de Jolinon dont on parlera bientôt ici-même), a résisté à cette mode stupide inventée par le stupide dix-neuvième siècle, et qui consista à rebaptiser les rues avec des noms d'hommes célèbres, avec l'idée bien bourgeoise d'édifier et d'instruire le peuple de cette manière-là. C'est comme ça qu'ont disparu de nos plans des noms comme « la Truie qui fyle », « les Deux-Angles », « le Mont-sauvage », « Boucherie » et autre « Enfant qui pisse »

 

Le flâneur (comme l'habitant) connait-il mieux, pour autant, le nom des maires, conseillers d'arrondissements, professeurs, docteurs, avocats  et députés de la Troisième, Quatrième (voire Cinquième) République encartés en bleu au coin d'la rue? C'est improbable...

Brun de la Valette, donc, je le cite : "Cette rue était principalement habitée jadis par des potiers, tuiliers, "tupiniers" Son nom provient d'une enseigne (alors au n° 15), évoquant probablement l'arbre toujours vert d'Ebron, qui se dessécha à la 772533361_3.jpgmort du Christ". Vous verrez que ce détail a son importance dans l'affaire qui nous occupe, or donc, retenez-le bien  L'érudit local rajoute dans son article des choses qui peuvent nous intéresser aussi, bien qu'elles ne concernent pas directement le livre de Jolinon : Comme par exemple que les Charly, dits Labé, cousins de Louise, y vécurent un temps. Ou bien qu'au dix-neuvième siècle, cette rue coupe-gorge non loin du quai Bon Rencontre  était un repaire d'ouvriers tisseurs. Bon ! Passons à Jolinon.

Le premier volume s’était achevé par le renoncement à l’adultère d’Alice, le deuxième reprend la maille avec la rencontre qu’elle fait de son fils, le beau Jacques, au bras de sa meilleure amie d’enfance, dans une « maison de nuit »  des Célestins, en compagnie de celui-là même qui faillit devenir son amant : « La distance qui l’éloignait de son fils et de son ami égalait celle qui la séparait de son mari ». Pour chasser ses démons, la « dame de Lyon » songe donc à s’occuper l’esprit en occupant un emploi. Mais que choisir ? La situation économique générale n’est pas rose :

« En dix ans de paix, les capitaines d’économies avaient si bien travaillé au bonheur du genre humain qu’il en résultait une crise sans précédent et que la plupart des entreprises d’un intérêt général, pour ne pas dire national, couraient à la faillite. » Jolinon observe la société du Rotary, et enregistre les mutations de son temps : « l’homme de la soie » n’est plus le seul à pontifier : « On entourait surtout celui de l’automobile De même ne témoignait-on plus qu’une déférence modérée aux chefs de la banque et de la dorure, qui faisaient figure d’âmes en peine. En revanche, l’homme du ciment paradait. Et l’homme des produits chimiques avait le verbe haut. » Pendant ce temps, une affaire criminelle empoisonne le quartier de la Guillotière : le mutilé de guerre (époux, on s'en souvient, de la femme de ménage du couple Debeaudemont), a été retrouvé assassiné dans son logis.  C’est sa femme qu’on accuse. Comme désemparée par tout ce qui l'entoure, après tout un périple intérieur, Alice (qui ignore qu’elle est toujours filée par un détective payé par son mari) cède finalement aux avances pressantes du meilleur ami de son fils. Si, si ! Certain d’être cocu, Debeaudemont-père  s’exclame en lisant le rapporrt de l'agence qui file tout :

« Alice est victime du monde moderne! Moi-même, parfois ! On a le sentiment de s’agiter en pure perte».

Quelque chapitre plus loin, on retrouve Alice face à un vieux médecin lui annonçant qu’elle est enceinte. Naïve malgré son âge, elle s'imagine un instant pouvoir faire le bonheur conjugal de son jeune amant, à qui elle avoue à demi-mots les choses. C'est une « bovaryque », pense d'elle son confesseur (joli trait d’époque) ...  Evidemment, elle se fait rabrouer : «Il est selon moi infiniment risqué de faire des gosses à l’heure actuelle. Sans parler de la responsabilité qu’on encourt à mettre au monde un être peut-être bête, ou mal fichu, rachitique ou excité, voué en tout cas par le monde, la famille, les nourrices, les bonnes, les pions, les adjudants et autres militaires à des embêtements si exténuants que, de deux choses l’une : ou il se révoltera s’il a quelque vigueur, ou il moisira jusqu’à sa mort sans pouvoir se délivrer. » Voilà bientôt la « dame de Lyon » en train de quémander une adresse de confiance auprès de sa meilleure amie, maîtresse de son fils, dame pécheresse d'expérience.

Le roman s’achemine ainsi vers une fin toute tracée. Après un avortement réussi parce que, suggère cyniquement l’auteur, il ne fut pas «un avortement de  de pauvres », Alice erre un temps de maison de repos en confessionnal, avant d’arriver à exercer une profession, dans un hôpital pour enfants, puis dans un asile d’aliénés, où elle tente, entre deux confesseurs, de se racheter une conduite. L’Arbre sec, dans tout cela, qu’en est-il de l’arbre sec ?  Vous souvient-il de l'arbre toujours vert d'Ebron, lequel se dessecha à la mort du Christ ? Non ? C'est que vous êtes distrait.  En tout cas, ce qui demeura vivant jusqu'alors cessa de l'être, et tel est le commencement de la dernière page du second tome de Jolinon : 

« Sur le bas port, en amont du pont de la Guillotière, des mariniers se rassemblaient  Un noyé attirait leur attention. Ils formaient le cercle en le voyant bien mis, frais, décoré de la Légion d’Honneur, et se gardaient de le toucher en attendant la police.  Debeaudemont était de biais, près d’un tronc d’arbre, les jambes allongées, encore mobiles dans l’eau, le haut du corps raidi, la tête nue, l’œil droit fermé, l’œil gauche entrouvert, louchant vers son ruban. Il n’avait pas quitté son parapluie.»

Voila donc un roman (édité par Rieder, voir note précédente sur Dame de Lyon ) qui fit l'un des succès de l'été 1933 et qui est, il faut bien le reconnaitre, parfaitement oublié. Il y a là-dedans un peu d'injustice.

Par conséquent, si vous aimez chiner dans les vide-greniers ou les brocantes, si vous aimez les tapisseries d'alcôve à rayures et à fleurs (on n'en trouve de moins en moins - notez-le bien) ou bien les réveille-matin mécaniques en faux-marbre et leur clé qu'on remonte à la main, vous aimerez forcément l'ambiance un rien fané, un rien coquine, un rien tragique qui s'en dégage. C'est du Flaubert revisité par Colette et mis à la sauce andouillette, ce qui n'est pas rien ! C'est bien écrit et l'histoire est menée par un romancier qui connait son métier, même s'il n'est ni Proust, ni Céline.

00:44 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, nom de rues, arbre sec, lyon, jolinon, romans | | |

lundi, 07 juillet 2008

Fréhel à la radio

Document rare : un interview de la chanteuse Fréhel au studio Lausanne, à Paris, lors de son retour sur les planches non loin de la place de la Contrescarpe en 1950, juste un an avant sa mort, le 3 février 1951, au 45 de la rue Pigalle. Le mythe Piaf a un peu éclipsé celui de Fréhel, morte avant la popularisation du microsillon. Toutes les chanteuses  qui lui ont succédé savent pourtant ce qu'elles lui doivent. Ecoutez donc Fréhel vous raconter son trac, quand elle a débuté dans un modeste bal des PTT; écoutez ce rire étonnant, puis  La chanson tendre, a capella. De nombreux documents photographiques également, sur cette video-document, rare.

 

 

 

00:58 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : frehel, chansons, portrait, vidéo, musique, chanson | | |

jeudi, 03 juillet 2008

Libérez Billancourt

 

Est-il permis de dire à l'heure actuelle, dans ce pays, qu'on ne ressent aucune liesse spéciale, aucune joie indicible, aucune émotion particulière à savoir qu' Ingrid est libérée. Une nausée, plutôt, devant le lexique religieux partout répandu, une certaine inquiétude, aussi, pour la santé politique et intellectuelle de ce pays. « C'est Jeanne d'Arc », déclare un commentateur sur TF1... La société du spectacle aurait-elle trouvé en Ingrid Bétancourt et ses enfants la sainte famille qui lui manquait pour abrutir définitivement ses ouailles ?

Ce que je trouve consternant, pour ma part, au-delà du fait politique lui-même dont on ne maîtrise pas tous les tenants ni les aboutissants, vu  la qualité de l'info réelle - c'est la façon dont l'affaire Betancourt est personnalisée. Star-martyr aux côtés d'autres stars (footballeur, acteur, politique, people en tout genre) J'ai l'impression qu'il y a deux mondes, désormais : celui des gens dont on parle jusqu'à extinction des voix, celui de ceux dont on ne parlera plus jamais. Fracture médiatique après la fracture sociale.

Comme Toréador le dit en commentaire : il ne faut pas désespérer Billancourt...

 

 

13:29 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : politique, sarkozy, bétancourt, actualité, ingrid bétancourt | | |

mercredi, 02 juillet 2008

La fête de l'huma en jaguar

En ce moment-même, à la TV, j'entends Elsa Wolinski raconter à Mireille Dumas que son père l'emmenait à la fête de l'Huma en jaguar. Intéressant non ? C'était à peu près à l'époque où Fabius se rendait à Matignon en 2CV. La demoiselle, trentenaire,  raconte tout ça dans un livre people qui sort pour l'été, et dont papa a fait la couverture. Un peu plus tôt dans la soirée, Karl Lagerfeld, un qui a de l'humour, présentait son défilé de mode en parlant du narcissisime des femmes riches actuelles; le "grand couturier" vantait la légereté des cadres ovales ou rectangulaires que portaient ses modèles avec un ton et un sourire délicieusement people...

00:58 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, actualité, wolinski, défilé de mode | | |

mardi, 01 juillet 2008

Histoires de Gones

Le mot gone n’est plus guère revendiqué à présent que par quelques supporters de l’OL (bad gones). A propos des joueurs de l’équipe d’Aulas, un commentateur sportif peut se laisser aller à parler de « gones » ; Juninho ou Grosso, des gones ?  Voilà pourtant qui ferait se retourner dans leur tombe plus d’un Puitspelu ou autre Mami Duplateau. Au-delà de ces emplois, récurrents de nos jours, le mot gone a deux significations attestées : lyonnais d’une part ; garçon, voire enfant, de l’autre. Ces deux significations pouvant bien sûr se conjuguer : enfant ou garçon de Lyon, par opposition au titi parisien, Gavroche, Poulbot et autre gamin de Paris. Le mot est donc une marque identitaire forte.

La comparaison de plusieurs récits d’enfances lyonnaises, permet d’introduire le motif :

« A mon grand regret, écrit Marcel Grancher  (Marcel Grancher -1898/1976- publie Lyon de mon cœur en 1932 aux éditions Lugdunum), on ne me permettait pas  souvent de me mêler aux ébats de mes petits camarades de quartier. De ses ascendances bourgeoises, ma mère conservait de fâcheux principes, dont l’un des plus regrettables était qu’un enfant bien élevé ne devait pas jouer dans la rue. Je m’en trouvais réduit à regarder à travers la vitre les autres gones, enviant férocement leur bonheur ». En 1932 déjà, le mot est imprimé en italiques, afin de le signaler au lectorat comme appartenant à un lexique local.

Dans ses Chemins de solitude, autobiographie écrite avant la guerre et publiée en 1946 aux éditions Cartier, Gabriel Chevallier (1895-1969) évite soigneusement de prononcer le mot gone : Il parle plutôt de « lurons débraillés et violents », de « garnements guenilleux », de « bandits ou d’Indiens du Far-West », de « tireurs de sonnettes », ou, plus généralement, de « gamins » ou « d’enfants ». « Je ne devais pas, rappelle-t-il, me mêler aux « enfants des rues ». Evoquant de loin leurs jeux, il évoque des « bousculades vraiment viriles » et place entre guillemets le terme : « enfants des rues », comme pour surdéterminer l'évidence de la non-appartenance d'un fils de bourgeois à ce clan populaire.

C’est évidemment le contraire chez Henri Béraud  : fier d’appartenir à la tribu des gones qu’il oppose à celle des gosses : «Si bien que les gosses de riches s’en allèrent jouer ailleurs, et que Bellecour appartînt, le jeudi, en toute propriété, aux enfants de la rue. Les enfants de la rue, les gones, à vrai dire, je ne fréquentais qu’eux. (…) Nous autres, les gones, étions de la rue comme les petits croquants sont de la route. » (La Gerbe d’or, ch. 5).

On peut dire, en effet,  gosses de riches, mais pas gones de riches.

Avant de signifier le lyonnais (par opposition au parisien) le gone, c’est donc l’enfant du peuple et celui des rues. Dans son roman Dame de Lyon (Rieder, Paris, 1932)  Joseph Jolinon prête à un homme de lettres cette savante explication  à propos des deux lignées qui forment la « famille » lyonnaise :

- une première « tire d’Auvergne en Suisse allemande en passant par Saint Irénée, Bellecour, les Cordeliers, Tolozan, Brotteaux, Tête d’Or, palais de la foire » et révèle « un échantillon d’homme né la tête penchée du côté du tiroir-caisse, le cou en faux col, l’œil en diaphragme, l’oreille en écouteur, les épaules en dessus d’armoire, la bouche comme une serrure, le doigt levé comme une règle »

- D’une autre lignée toute populaire, «  tirant de Dauphiné en Beaujolais, de la Guillotière à Vaise par la Platière ou la Grand’Cote, naissent les gones, à la suite de Guignol et de Panurge, Lyonnais pour qui les petits oiseaux existent. »

C’est ainsi que l’entend également Marcel E Grancher en 1940 dans Lyon de mon cœur, déjà cité : « Si tu m’as fait grâce de me suivre, tu connais maintenant Lyon aussi bien que je le connais moi-même. Non pas le Lyon, conventionnel et inexact, des marchands avaricieux, au teint couleur de cire : le Lyon du peuple, le Lyon des gones, le Lyon qui chante, qui rit, qui pleure, qui vibre. Les premiers nommés sont sept ou huit cents – encore, chaque année, en empaille-t-on quelques-unes. Nous, nous sommes huit cent mille. »  

C’est déjà ainsi que, dans Le roman d’un vieux groléen, publié en 1909, l’entendait également Georges Champeaux qui fait dire à une fille d’ouvrier enrichie du faubourg de Vaise, cette remarque à propos de ses enfants qu’elle place dans une institution privée : « Je ne veux pas les voir fréquenter les gones de la rue ». Un roman feuilleton paru dans Le Salut Public, en 1850, emploie le terme dans ce même sens : « Georges avait dû renoncer aux batailles avec les enfants des autres paroisses, et à la vie active qui lui avait valu le surnom de Gone par excellence » (Bigot, Le Gone de Saint-Georges, 1850, ré édition Lugd, Lyon, 1995)

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photo : Willy Ronis

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14:51 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : culture, langue française, lyon, gone, bad gones, littérature | | |

dimanche, 29 juin 2008

Monsieur Josse

Pierre Auguste BLETON naquit à Lyon, le 23 juin 1834,  et mourut sur le sol de cette même ville en 1911. Il appartient à ce clan de bourgeois érudits qui, pour un public de lecteurs restreint mais passionné, ont forgé autour de Clair Tisseur et de quelques autres "l'âme lyonnaise". L'âme lyonnaise, dite aussi « lyonnaiserie » par ses détracteurs, c’est un mouvement littéraire local teinté d’un romantisme fort décalé, d’un décadentisme certain et d’un goût pour l’érudition archéologique qui assure encore sa spécificité et demeure garant de son relatif sérieux. Car il faut aussi reconnaître à la plume de chacun de ces écrivains-notables à la double vie une bonne part de ludisme et une certaine dose d'ironie et d'auto-dérision. D’abord joailler, Auguste Bleton a débuté dans la presse en 1884 au Courrier de Lyon. Quatre années plus tard, il est devenu rédacteur au Lyon Républicain. Il se fait remarquer dans toute la France comme l’un des principaux initiateurs du mutualisme (il fut le fondateur de la Société du secours mutuel des ouvriers sur or et argent et demeura membre du Conseil supérieur de la Mutualité) Il a par ailleurs enseigné l’économie politique à La Martinière. Monsieur Josse (tel est son pseudo littéraire) fut, on le voit, très impliqué dans le tissu social et intellectuel de sa ville, qu’il connaissait, si j’ose dire, sur le bout des talons pour l’avoir en long, large et travers, d'un bout à l'autre arpenté. Auguste Bleton publia donc de nombreux travaux, soit sous son propre patronyme, soit sous ce pseudonyme de Monsieur Josse ; plusieurs livres dont une petite histoire populaire de Lyon (1885), le fameux Lyon pittoresque  illustré par Joannés Drevet et devenu depuis pièce de musée (1896), un recueil de huit nouvelles, fantaisies à la gloire du chemin de fer (Entre deux trains – 1892), un ouvrage de référence sur la fabrique, Lyon, l’Ancienne fabrique de soierie (1897). Voici comment, dans deux préfaces de sa main, il présente la nécessité et la tonalité de deux de ses ouvrages. Le livre d’histoire populaire, tout d’abord :

« L’enfant de Lyon quitte le plus souvent les bancs de l’école sans avoir une idée, même générale de l’histoire de sa ville natale. L’histoire de France est à peu près muette sur ce sujet, et les compendieux travaux des écrivains lyonnais ne s’adressent point aux écoliers. Nous avons-nous-même souffert, dans notre jeunesse, de cette absence d’un petit livre relatant en quelques pages les principaux faits qui intéressent la cité lyonnaise et répondent à ces mille questions qui se pressent sur les lèvres de l’enfant ». 

Le livre de promenades, (A travers Lyon, signé monsieur Josse en 1887) dont le Voyage autour du Cheval de Bronze de Béraud formera quelques années plus tard un brillant pastiche, ensuite :

«Je fais partie de ces promeneurs errants que parfois l’on rencontre – surtout dans nos anciens quartiers – et qui s’en vont, laissant vaguer leurs pas et trotter leur imagination, admirant la vieille cité jusque dans ses verrues et vivant, pour une heure, dans un passé qu’ils évoquent à plaisir. A ceux qui auraient le goût de ces excursions, mais qui hésitent à les accomplir seuls ; à ceux qui, les ayant faites, ne seraient pas fâchés de savoir ce que pense un autre et de relever dans ses dires quelque erreur ou quelque énormité, j’offre de cheminer ensemble à travers Lyon. » 

Si ce joli petit livre est plus documenté, mieux écrit que celui, à peu près contemporain, du baron Raverat, c’est que Bleton s’adresse à la bourgeoisie lyonnaise bien plus qu’au voyageur de passage, à l’autochtone complice bien plus qu’au touriste ; par exemple, dans le chapitre consacré à la rive gauche du Rhône, on y discute de l’incongruité du doublement du t et du pluriel de Brotteaux en rappelant la chanson (allons au broteau), on y passe le Pont de Bois (Pont Morand) en retraçant l’historique de son droit de péage en liard (division perdue du sou)… Enfin, Auguste Bleton, qui fut l’un des rares membres de la première Académie du Gourguillon (le sixième ou le septième, je crois) fondée par Puitspelu, rédigea non sans rire et sous le pseudo de Mami Duplateau, guimpier, la véridique histoire de la dite Académie, en 1898 :

Vous n'êtes pas sans avoir entendu parler de l'illustre, alme et inclyte compagnie. Pour peu qu'il vous plaise d'en connaître les statues, je puis vous donner satisfaction, pour les parties principales du moins, bien qu'il n'existe que sept exemplaires des lettres patentes de fondation, et que ce soit braconner en chasse gardée que de mettre le nez dans ce très précieux document. Donc l'Académie se propose la préservation des traditions lyonnaises, et les statuts déclarent  "idoine à faire partie d'icelle quiconque a contribué à la dicte préservation, par la plume, le pinceau, le ciseau, le burin, le composteur ou la navette."  Stipulé que les dicts travaux auront expressément le caractère populaire et seront propres à chatouiller la rate, "pour autant que le rire est ce qui faict le plus de plaisir et ce qui couste le moins". Dont suit que les travaux exclusivement graves ne constituent pas titre. Illustrant cette règle par un exemple, une nouvelle dissertation sur l'emplacement du temple d'Auguste serait insuffisante.

Monsieur Josse est mort en 1911. Il incarne jusqu'à la perfection, jusqu'à la caricature, le citoyen de ce que Stefan Zweig appela en 1945 "Le Monde d'hier". Humaniste confiant dans la modernité, travaillant avec d'autres au progressisme, d'une part; suffisamment fin, lettré et intelligent pour ne pas remettre en cause la nécessité des traditions et les vertus de l'autorité d'autre part. Un homme du dix-neuvième siècle, autrement dit. Trois années après la disparition de monsieur Josse et de ses doctes plaisanteries, l'univers dans lequel il aimait à se promener volait en éclat. Et il n'a pas fini, semble-t-il, de voler. Pour le meilleur. Comme pour le pire.

 

vendredi, 27 juin 2008

J'honore l'argent

"Etre sans le sou, c'est le dernier degré du malheur dans notre ordre social. actuel. Je suis de mon temps. J'honore l'argent!" Balzac plaçait cettte réplique dans la bouche de son personnage, le bien nommé Crevel de La cousine Bette. A la même époque, Guizot lançait son slogan déjà sarkoziste à la figure de toute une génération: Enrichissez-vous. Autre citation de Balzac, même roman : "Au-dessus de la charte, il y a la sainte, la vénérée, la solide, l'aimable, la gracieuse, la belle, la noble, la jeune, la toute-puissante pièce de cent sous." Voilà. Dans sa longue liste d'adjectifs, Balzac englobait tous les ordres, de la noblesse au clergé, tous les sexes, tous les âges; réplique du Veau d'or façon Monarchie de Juillet. Qu'en est-il aujourd'hui ? La pièce d'un euro a su tout garder de sa sainteté ; rajoutons qu'elle est aussi sportive, musicale, cinématographique, journalistique, industrielle, européenne et mondialiste, humanitaire, technologique, créative, sexy, parfois grave mais jamais trop. En tout cas, pas dans une poche. Terrible Balzac, cloitré chaque nuit dans sa maison rue Raynouard, griffonant à l'aube, le coeur ivre de café et de dettes : "Une voix lui cria bien : l'intelligence est le levier avec lequel on remue le monde. Mais une autre voix lui cria que le point d'appui de l'intelligence était l'argent."

12:50 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : balzac, cousine bette, société, politique, littérature | | |