vendredi, 03 octobre 2008
Syllogismes du commerce
Plus il y a d'êtres humains dans un lieu, plus il y a d'angoisse.
Paris est une ville davantage peuplée d'êtres humains que ne l'est Lyon
Il est donc plus angoissant d'habiter Paris que Lyon.
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Plus il y a d'angoisse dans un être humain, plus le bonheur lui est précieux
Paris est une ville plus peuplée d'angoissés que ne l'est Lyon
Le bonheur est donc précieux à un plus grand nombre de Parisiens que de Lyonnais
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Plus une chose est précieuse, plus elle est rare
Le bonheur est recherché par un plus grand nombre de Parisiens que de Lyonnais
Un grand nombre de Parisiens est donc plus rare qu'un grand nombre de Lyonnais.
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Mon buraliste, chez qui on entend ces "syllogismes du commerce", m'a avoué que les bouquins de philosophie qui étaient vendus avec le journal Le Monde se sont bien écoulés. Bien plus facilement que les exemplaires de La Comédie Humaine du pauvre Balzac, enterré au Père Lachaise face à Gérard de Nerval, qui ont beaucoup de mal à partir.
Vous y comprenez quelque chose, vous ?
21:16 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : syllogismes, café du commerce, lyon, paris |
jeudi, 02 octobre 2008
La Tour : non, pas Georges, Quentin ...
Retirez lui son chapeau, vous trouvez pas qu'il est très tendance avec son crâne lisse ? Et d'ailleurs même avec le chapeau, je suis certain qu'il passerait inaperçu dans beaucoup de lieux mode... Si Rousseau n'eut jamais l'honneur de figurer sur un billet - ce qui est tout de même terrible, quand on songe que Voltaire fut jugé digne d'avoir le sien, si Louis XV et Madame de Pompadour non plus, leur portraitiste, Quentin de La Tour (1704 - 1788), si ! Un petit effort, rappelez-vous, combien de fois l'avez-vous l'avez baladé, plié en quatre dans une poche ou tout recroquevillé dans un porte feuilles, le brave Quentin ?
Il fut un temps où, en échange d'un de ces Quentin, on dégustait un menu complet bien arrosé d'un quart de vin et assorti d'un café. A cette époque, Quentin était l'ami de tous les ados de France puisqu'il signifiait pour la plupart l'argent de poche hebdomadaire : La Banque de France confia à Lucien Fontanarosa la conception de ce billet qu'elle émit en 1976, en remplacement d'un magnifique Racine, qui se faisait, osons le mot, un peu vieux. Aujourd'hui, pour cinquante francs, (7,7 euros), vous repasserez pour le menu complet arrosé et assorti et tout et tout (ou alors, s'il vous plait, laissez moi l'adresse en commentaire) ! L'équivalent du billet de cinquante, en termes de pouvoir d'achat, ce serait plutôt le billet bleu de 20 euros.
Quentin de la Tour avait un don précieux : saisir en quelques secondes une physionomie et croquer sur l'instant sa victime. On ne le confondra pas, bien sûr, avec Georges de La Tour, peintre de l'ombre et de la lumière, du cachot et de la clarté vive, de la Madeleine qui veillait, du Prisonnier, d'un magnifique Jean-Baptiste,Georges de La Tour, l'un des « alliés substantiels » de prédilection de René Char. Pour tout vous dire, si l'on me laissait le choix (on peut rêver, non ?) entre une toile de l'un et un pastel de l'autre, entre Georges et Quentin, je crois que choisirai Georges. Mais enfin c'est Quentin qu'a élu la Banque de France... Alors comme un mauvais Balzac tartinant sa copie, il me faut bien, après cette digression qui vous aura occupé un § entier, revenir au portraitiste des Lumières, comme on disait à l'époque.
Ce qui est bien, quand on est peintre, de surcroît peintre de génie, c'est qu'on peut s'encadrer soi-même. Ce que Quentin fit de façon franchement magistrale (voir ci-dessus). Les dégradés de gris, blanc, bleu sont superbes : rajoutez cet art d'épouser sans en avoir l'air la diagonale, comme si on se relaxait dessus. Ondoyant, le Quentin, et très charmeur. Quelle légèreté !
Je ne sais pas pourquoi, il me fait penser à une sorte d'Yves Saint-Laurent de l'époque. Il parait qu'en février 2009, Christie vendra la collection de la star-couturier décédée à l'encan. Il parait qu'il y aurait entre autres un Vélasquez, plusieurs Picasso, plusieurs Ingres : ça ne m'étonnerait pas s'il s'y était glissé un Quentin. Mais bon... J'ai beau en avoir gardé deux / trois en papier, ça ne suffira pas pour suivre les enchères sur un coup comme ça... Avec tous les parachutes dorés qui auront sans doute besoin de placer sur le marché de l'art leurs fraîches liquidités. On peut quand même saliver un peu ...
22:54 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : billets, quentin de la tour, anciens francs, peinture, dessin |
mercredi, 01 octobre 2008
Eloge du vent
Sous le règne du dieu Eole, le monde, comme saisi de vertige : l'info-spectacle, soudain en pleine effervescence. Bouillonnement confus d'infos, d'infos qui voltigent et se contredisent. Certains experts sortent du bois; d'autres s'y terrent. Loup, y es-tu ? Et chacun de se demander quelle sera la prochaine banque à prendre l'eau : la sienne ou celle du voisin ? Les billets morts se ramasseront-ils à la pelle ? L'info à deux mille à l'heure; mais l'info, comme l'argent numérique, est-ce autre chose que du vent ? Dans "Ulysse", James Joyce nous l'a bien dit, qui transforme le directeur du journal en un Eole sadique et courroucé. Démence, d'un temps qui fait mine de découvrir qu'il n'est, lui et ses valeurs, que relatif. Placé sous le seul règne, comme le disait Erasme en son temps, de la plus pure Folie :
Je n’appelle pas démence, notez-le bien, toute aberration des sens ou de l’esprit. Un qui a la berlue prend un âne pour un mulet, comme un autre s’extasie sur un mauvais poème ; on n’est pas fou pour cela. Mais si, outre les sens, le jugement s’y trompe, et surtout avec excès et continuité, on peut reconnaître la démence ; c’est le cas de l’homme qui, chaque fois que l’âne brait, jouit d’une symphonie, ou du pauvre diable, d’infime condition, qui se figure être Crésus, roi de Lydie. Assez souvent, cette espèce de folie est agréable, tant à ceux qui l’éprouvent qu’à ceux qui en sont témoins et sont fous d’une autre façon. Elle est beaucoup plus fréquente qu’on ne le croit dans le public. A tour de rôle, le fou se moque du fou, et ils s’amusent l’un de l’autre. L’on voit même assez souvent que c’est le plus fou des deux qui rit le plus fort. Mon avis, à moi, Folie, est que plus on est fou, plus on est heureux, pourvu qu’on s’en tienne au genre de folie qui est mon domaine, domaine bien vaste à la vérité, puisqu’il n’y a sans doute pas, dans l’espèce humaine, un seul individu sage à toute heure et dépourvu de toute espèce de folie. Il n’existe ici qu’une différence : l’homme qui prend une citrouille pour une femme est traité de fou, parce qu’une telle erreur est commise par peu de gens ; mais celui dont la femme a de nombreux amants et qui, plein d’orgueil, croit et déclare qu’elle surpasse la fidélité de Pénélope, celui-là personne ne l’appellera fou, parce que cet état d’esprit est commun à beaucoup de maris. Rangeons parmi ces illusionnés les chasseurs forcenés, dont l’âme n’est vraiment heureuse qu’aux sons affreux du cor et dans l’aboiement des chiens. Je gage que l’excrément des chiens pour eux sent la cannelle. Et quelle ivresse à dépecer la bête ! Dépecer taureaux et béliers, c’est affaire au manant ; au gentilhomme de tailler dans la bête fauve. Le voici, tête nue, à genoux, avec le coutelas spécial qu’aucun autre ne peut remplacer ; il fait certains gestes, dans un certain ordre, pour découper certains membres suivant le rite. Autour de lui, la foule, bouche bée, admire toujours comme un spectacle nouveau ce qu’elle a vu déjà plus de mille fois, et l’heureux mortel admis à goûter de l’animal n’en tire pas mince honneur. A force de poursuivre les bêtes fauves et de s’en nourrir, les chasseurs finissent par leur ressembler ; ils n’en croient pas moins mener la vie des rois.
(Eloge de la Folie - Erasme)
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mardi, 30 septembre 2008
Nom d'une vogue !
Avant d'être une fête de faubourg ou de quartier, la vogue était une fête de village, qui coïncidait avec la fête patronale. Le petit Robert, qui cite le mot comme étant lyonnais, le date du XVIIIème. Le Littré de la Grande Cote indique qu'il s'agit d'une dérivation du franc vogue, au sens d'abondance, d'affluence. Le terme est indéniablement plus ancien que ne le prétend le Robert, puisque le concile de Vienne, en 1554, avait défendu les divertissements des vogues : prescriptions qui demeurèrent lettres mortes car, pour supprimer les vogues, il eût fallu commencer par supprimer les garçons, les filles et les cabaretiers; je puise ces informations-là chez le bon Puitspelu et ses Vieilleries Lyonnaises, une véritable mine. C'est que ce mardi 30, dernier de septembre, la vogue redevient d'actualité puisque dans une joyeuse pagaille, ses stands vont se dresser sur le boulevard de la Croix-Rousse une fois de plus. Je dis une fois de plus, car on ne sait jamais si cela ne sera pas pour la dernière fois, tant la polémique sur les fêtes foraines (les fêtes baladoires disait-on jadis) à l'intérieur des villes se fait vive.
En 1873, Puistpelu raconte que les vogues les plus courues étaient celles de la Croix-Rousse et de Perrache - celle qu'on appelait « la vogue aux choux », en raison de la présence de nombreux jardiniers parmi les forains. Pétrus Sambardier, lui, évoque longuement dans un article qui date de septembre 1934, la vogue du Pont Lafayette. A cette occasion, il dit qu'il « serait intéressant de faire un petit inventaire de ce qui a disparu, de ce qui semble vieillir et de ce qui se présente de nouveau dans les attractions foraines. Cette étude, rajoute-t-il, enlèverait leurs illusions à ceux qui croient à la prochaine disparition des vogues ». Le plus ancien vestige des vogues de jadis, c'est dit-il « le tir aux tableaux comiques peints naïvement, dont les deux volets s'ouvrent en musique lorsque le tireur a mis sa balle sur le coqueluchon-cible, large comme un matefaim. »
Autres anciennes baraques : les loteries de vaisselles ( devenues loteries de nounours et autres peluches). Parmi les nouveautés de 1934, Sambardier relève « la multiplication de ces charmants petits manèges d'enfants : autos, carosses, motocyclettes, bicyclettes, wagons de chemins de fer » et celle des « manèges nautique ».
Autre témoin digne de confiance, Emmanuel Vingtrinier et son Lyon forain :
« C'est d'un bout à l'autre du boulevard de la Croix-Rousse une véritable cacophonie : charivari des tambours, de cymbales et de cornets à piston, musque enragée de cuivres faux, de grosses caisses et de chapeaux chinois; hurlements de fauves dans leurs cages de fer, aboiements de chiens; appels furibonds d'industriels et de barnums : venez voir les Puces savantes dans leur travail extraordinaire... Pour deux sous le remède à tous les maux... A la lutte ! A la lutte !... »
En 1898, Vingtrinier parle déjà de ligues anti-foraines et de gens délicats rebutés par l'odeur des lampions à la graisse dans les baraques en toile.
Les gens délicats d'aujourd'hui évoquent davantage les gênes de stationnement occasionnées pour leurs quat-quat' et autres que les odeurs de graillon, et se plaignent du chevauchement de la vogue et des marchés, sur ce boulevard, disent-ils, bien encombré : C'est qu'ils sont, eux, (mais s'en rendent-ils compte?) bien encombrants... Le maintien de cette vogue, dans un arrondissement de Lyon, certes, en pleine mutation, doit être considéré comme une sorte de survie heureuse de traditions populaires séculaires. Car il ne faut pas oublier que la vogue de la Croix-Rousse reste l'ultime survivante de toutes celles qui firent jaillir sur le pavé tant de cris de fête et de joie; malgré son aspect quelque peu uniforme (elle se réduit de plus en plus à la multiplication de stands plus ou moins identiques), son caractère commercial évident (eux-aussi vous diront que « tout augmente ») dans le fracas et les lueurs de ses manèges, elle a encore, je crois, quelque chose à murmurer à l'oreille de nos routines plus ou moins décolorées.
06:53 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : vogue, actualité, lyon, fête foraine, société, langue française |
lundi, 29 septembre 2008
Propos de bouche de fin gourmet
« L'inutile sera toujours plus aimable que l'utile; le beau plus délicat que le solide; ce qui n'est pas commandé, plus agréable que ce qui est imposé : D'où suit qu'on vole aucunes fois avec plus d'ardeur aux bagatelles qu'à la poursuite de son établissement; que l'épouse légitime, même parfaite, a pour les maris, souvent, un tort déjà, qui être d'être légitime. Réciproque d'ailleurs, et au-delà, pour les maris aux yeux de leurs femmes. Conclusion : que les dîners imposés par les convenances sociales, ou par les exigences de la famille, ne vaudront jamais le modeste symposium inspiré par le désir de manger bien en honnête compagnie, où la causerie tiendra autant de place que la mise en jeu de la mâchoire, et le bon mot que le bon morceau; vu d'ailleurs qu'il n'est rien qui plus aide à notre santé et à la concoction, qu'après avoir recréé et repu le corps, recréer et repaître l'esprit par ces discours plaisants, honnêtes et joyeux, se sentant du bon sang et bon sens qu'engendre le bon vin dont ils sont précédés... »
Clair TISSEUR ( Nizier du Puitspelu), Les Oisevetés du sieur Puitspelu, Librairie Masson, Lyon, 1928
21:22 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : puitspelu, lyon, gastronomie, littérature, clair tisseur, gourmandise |
Mobilier urbain
Abribus : Refuge où s'abriter en cas de faillites répétées de grandes banques américaines
Bancs publics : Sièges collectifs pour se reposer ensemble afin d'échapper au Grand Stress universel.
Bornes anti-stationnement : Voir bancs publics
Corbeille de propreté : Cavités en plastique où balancer ses idées noires et celles de ses voisins. Les conteneurs sont des corbeilles pour grands dépressifs solitaires.
Grilles d'arbres : De l'avis d'Alceste, ça devrait être interdit. Si les hommes ont, après tout, le droit de mettre en cage leurs prochains, il s'arrogent inconsidérement celui d'emprisonner les arbres.
Jardinières urbaines : Au contraire des maraîchères, plat non comestible. Lieu où s'ennuient des fleurs.
Miroirs de surveillance : Où Edvige se refait une beauté.
Panneaux électoraux : Miroirs aux alouettes
Poteaux haute visibilité : Pour ne plus avoir la vue basse
Poubelle accueillante : Suivre le lien
Toboggans : Attractions de rues, réservés aux vieillards du baby-boom qui veulent garder la forme : ne se prend qu'à rebrousse-pente
07:32 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : actualité, société, langue française, mobilier urbain |
dimanche, 28 septembre 2008
Joseph Kosma (1905-1969)
Certains trouveront saugrenu le fait de parler de Joseph Kosma (1905-1969) comme d'un illustre inconnu. Inconnu, le compositeur des Feuilles mortes, de Barbara, de Si tu t'imagines... ? Inconnu, celui qui écrivit pour Renoir la musique de La Bête Humaine, de La Grande Illusion, pour Marcel Carné, celle des Enfants du paradis ? Inconnu, celui qui fut l'un des papes du Saint-Germain d'après guerre, composant pour des Mouloudji, Juliette Gréco, Yves Montand, Cora Vaucaire ... ?
Certes, non.
Inconnu à Lyon, pourtant - et c'est là que le bât blesse- en tant que compositeur du seul oratorio écrit sur les Canuts et leur révolte légendaire de 1831. Bon, pour le récit circonstancié des événements, je ne vais pas refaire le coup de l'an passé : je renvoie mes lecteurs à la rubrique « le feuilleton de novembre », où ils pourront vibrer au jour le jour avec les héros de la fulgurante aventure de ces héros magnifiques et justes : simplement je rajoute cette histoire, en guise d'épilogue courroucé.
Dans l'après-guerre ont fleuri plusieurs chorales de jeunes républicains qui étaient passés par la Résistance ou par le maquis. A Paris, par exemple, la chorale Guy Moquet; à Lyon, la chorale Henri Martin. Au début des années cinquante, plusieurs membres de cette dernière contactèrent Joseph Kosma, alors au sommet de sa gloire, pour lui soumettre l'idée de composer une œuvre à la mémoire des révoltes de 1831. Immédiatement séduit, ce dernier confia à Jacques Gaucheron le soin d'écrire le livret. Les deux hommes, qui n'étaient pas lyonnais, arpentèrent les pentes, les traboules, et les ateliers, encore vibrants du bistenclaquepan, de la Croix-Rousse. Fin 1958, l'oratorio est achevé. Le 9 avril 1959, il est créé à Budapest, puis mis en scène à Berlin. Le 10 avril 1964, Les Canuts sont joués à l'Opéra de Lyon, dans une mise en scène de Louis Erlo. C'est un triomphe. Depuis, l'oubli progressif.
Or les chorales de l'Association Musicale Populaire, et leur président Daniel Defillon, se sont mis en tête de monter à nouveau cette oeuvre difficile et oubliée en 2009, à l'occasion du cinquantenaire de sa création. Hier soir, dans la salle bondée du centre Charlie Chaplin de Vaulx en Velin était donc présenté un avant-projet. Sous la direction musicale de Pierre Vallin, quatre solistes, deux récitants et une centaine de chanteurs issus de six chorales en ont donc ressuscité les accents les plus poignants : « Lyon moderne est comme une vieille, toute accroupie sur son radeau de pierre... Dormez en paix, victimes de Novembre, d'autres viendront sur le métier du temps, cueillir la flamme dans les cendres... »
A Lyon, les canuts sont bien oubliés, j'en sais quelque chose; en tant que vice-président de l'Association l'Esprit Canut, tout d'abord, qui milite depuis plusieurs années pour la création d'un véritable musée dédié à leur histoire, et ce dans la chaleureuse indifférence du maire Gérard Collomb qui se penchera peut-être sur la question lors de son soixante-dix neuvième mandat; je crains qu'alors nous soyons tous et toutes réduits en poussière... . En tant, surtout, qu'auteur et metteur en scène de La Colline aux Canuts, spectacle qui a toujours rencontré un large public à chaque fois qu'il a été représenté, mais qu'un Philippe Faure, pour ne citer que lui, directeur je le rappelle du théâtre de la Croix-Rousse et auteur de l'immortel "Moi tout seul", n'a jamais daigné aller voir, ni aider d'une quelconque manière.
Si l'on peut se réjouir du fait que la municipalité de Vaulx ait encouragé ce projet courageux, on ne s'étonnera donc pas dans ces colonnes du dédain bienveillant manifesté par celle de Lyon, qui continue de vénérer ses canuts sous forme de cervelle bien coulante pour les touristes, ou d'appartements en pierres et poutres apparentes (ah! l'apparence ! ...) fort coûteux pour ses nouveaux arrivants.
12:53 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : kosma, gaucheron, canuts, lyon, actualité, musique, chorale populaire |
samedi, 27 septembre 2008
Le mystère de la scène
Personne n'en parla aussi bien qu'elle : c'est juste après la chanson "du bout des lèvres", l'interview
Une leçon d'articulation, à chaque consonne d'appui. Et puis, un autre interview où il est question de Bobino, rue de la Gaieté.
La mort. Après la mort, le mythe...
02:36 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : barbara, théâtre, scène, le mystère de la scène |
vendredi, 26 septembre 2008
Tantôt pour Guignol
Les festivités autour du bicentenaire de Guignol sont multiformes. A cette occasion, la salle Rameau se met au goût du jour en accueillant le samedi 4 octobre 2008 des marionnettistes et des marionnettes de tous les théâtres Guignol de Lyon. On jouera Le Déménagement, l'une des pièces fétiches de Mourguet, ré-actualisée par Gérard Truchet et mise en scène par Christophe Jaillet. Les représentations auront lieu à 15 h et à 20 h.30.
En photo, Guignol, Gnafron, Madelon (musée Gadagne) Voici le monologue d'ouverture de Guignol, celui de Mourguet, dans la fantaisie initiale :
GUIGNOL -seul. — Ah l Guignol, Guignol… Le guignon te porsuit d'une manière bien rébarbarative (1). J'ai beau me virer d'un flanc et de l'autre, tout va de traviole chez moi... J'ai ben changé quarante fois d'état, je peux riussir à rien… J'ai commencé par être canut comme mon père…. Comme il me disait souvent dans sa chanson :
« Le plus cannant des métiers,
« C'est l'état de talle, taffe,
« Le plus cannant des métiers,
« C’est l'état de taffetatier (2) »
Je boulottais tout petitement sur ma banquette. Mais voilà qu'un jour que j’allais au magasin - je demeurais en ce temps-là aux Pierres-Plantées - je descendais la Grande-Cote avec mes galoches, sur ces grandes cadettes (3) qu'ils appellent des trétoirs… voilà qu'en arrivant vers la rue Neyret, je mets le pied sur quéque chose de gras qu'un marpropre avait oublié sur le trottoir... Je glisse... patatrouf !... les quatre fers en l'air... et ma pièce dans le ruisseau… Quand je me relève, ils étaient là un tas de grands gognands qui ricanaient autour de moi... Y en avait un qui baliait la place avec son chapeau... un qui me disait : « M'sieu, vs’ avez cassé le verre de votre montre?» l'autre répondait : «Laisse donc, te vois bon qu'il veut aller ce soir au thiàtre, il prend un billet de parterre»… Je me suis retenu de ne pas leur cogner le melon... Enfin, je me ramasse; je ramasse ma pièce dans le ruissiau, une pièce d'une couleur tendre, gorge de pigeon... ça lui avait changé la nuance... Je la porte au magasin, ils n'ont pas voulu la prendre... Y avait le premier commis, un petit faraud qui fait ses embarras avec un morceau de vitre dans l'oeil... qui me dit : Une pièce tachée! J’aime mieux des trous à une pièce que des taches ! — Ah bon! que j'ai dit, je veux bien... — J'ai pris des grandes ciseaux, j'ai coupé les taches tout autour... C'est égal, il a pas voulu la garder… Puis il m'a dit : — Vous vous moquez de moi, Mossieu Guignol, ne revenez plus demander d'ouvrage à la maison... et dépêchez-vous de vous en aller, mon cher, car vous ne sentez pas bon... — J'aurais bien voulu le voir, lui, s'il était tombé dedans, s'il aurait senti l'eau de Colonne... Je suis rentré à la maison; J’étais tout sale; Madelon m'a agonisé de sottises : — Te voilà! t'es toujours le même! T’es allé boire avec tes pillandes (4), te t’es battu!... — Elle m'a appelé sac à vin, pilier de cabaret, ivrogne du Pipelu (5) Elle m'a tout dit; enfin... on n'en dit pas plus à la vogue de Bron (6)… La moutarde m'a monté au nez ; je lui ai donné une gifle, elle m'a sauté aux yeux ; nous nous sommes battus, nous avons cassé tout le ménage. C't histoire-là m'a dégoûté de l'état…Je me suis dit : Je vergetais là depuis cinq ans sans rien gagner... y faut faire un peu de commerce... Je me suis mis revendeur de gages (7)dans la rue Trois-Massacres (8) .. Mais j'ai mal débuté... J'ai acheté le mobilier d'un canut qui avait déménagé à la lune . . . Le propriétaire avait un ban de loyer… il a suivi son mobilier... Le commissaire est venu chez moi... il m'a flanqué à la cave... J'ai passé une nuit avec Gaspard (9)… Mon vieux, que je me suis dit après ça, faut changer de plan... T'as entrepris quéque chose de trop conséquent... t'as voulu cracher plus haut que ta casquette… Y faut faire le commerce plus en petit… Y avait un de mes amis qui avait une partie d'éventails à vendre... je l'ai achetée... et je les criais sur le pont… Mais j’avais mal choisi mon m'ment... C'était à la Noël... j’avais beau crier : « Jolis éventails à trois sous ! Le plus beau cadeau qu'on peut faire à un enfant pour le Jour de l’An ! » . . . Personne en achetait, et encore on me riait au nez. Après ça, je me suis fait marchand de melons... Pour le coup, c'était bien au bon m'ment... c'était au mois de jeuliet . . . Mais quand le guignon n'en veut à un homme, il le lâche pas… C'était l'année du choléra (10).. et les médecins défendaient le melon... J'ai été obligé de manger mon fonds... toute ma marchandise y a passé . . . Eh ben! ça n'a pas arrangé mes affaires... au contraire, ça les a tout à fait dérangées... J'ai déposé mon bilan..." ça a fait du bruit… la justice est venue sur les lieux avec les papiers nécessaires... et elle a dit : V’la une affaire qui ne sent pas bonne... C'est égal, les créanciers ont eu bon nez, ils n'ont point réclamé de dividende. J'ai pas eu plus de chance dans mes autres entreprises… Y a bien un quéqu'un qui m'avait conseillé de me faire avocat... parce qu'il disait que j'avais un joli organe... Mais y en a d'autres qui m'ont dit que, pour cette chose- là, je trouverais trop de concurrence. Ah ! j’ai eu, par exemple, un joli m'ment... je m'étais fait médecin margnétiseur (11), et ma femme Madelon somnambule... C'était un de mes amis, qui avait travaillé chez un Physicien, qui m'avait donné des leçons... Madelon guérissait toutes les maladies... On n'avait qu'à lui apporter quéque chose de la personne... sa veste, ses cheveux, quoi que ce soit, enfin... Elle disait sa maladie et ce qui fallait lui faire… Les écus roulaient chez nous comme les pierres au Gourguillon... et tous les jours y avait cinq ou six fiacres à notre porte... C'est que Madelon était d'une force!... Et pour le déplacement des essences.'... c'était le même ami qui m'avait appris ça... Elle y voyait par le bout du doigt, elle y voyait par l'estomac, de partout, enfin... Elle lisait le journal, rien qu'en s'asseyant dessus... Eh ben ! nous avons fini par avoir un accident... Y avait une jeunesse qui était malade de la poitrine; Madelon l'a conseillée de s'ouvrir une carpe sur l'estomac et de s'asseoir sur un poêle bien chaud, jusqu’à ce que la carpe soye cuite... Elle a prétendu que ça lui avait fait mal... ça nous a ôté la confiance... Les fiacres sont plus venus, les écus non plus. .. Nous avions fait bombance pendant le bon temps, acheté un beau mobilier… y fallait payer ça ... Tout a été fricassé. Du depuis, je n'ai fait que vivoter… je suis revenu à ma canuserie... mais l'ouvrage ne va pas… Le propriétaire m'est sur les reins pour son loyer. Je lui dois neuf termes... Il est venu hier... il va revenir aujourd'hui... Je sais plus où donner de la tête..."
[1] Corruption comique de l’adjectif « rébarbative »
[2] Ouvrier fabriquant du taffetas (étoffe de soie fine). Les taffetatiers lyonnais appartiennent à la corporation plus large des canuts.
[3] Une cadette est une large dalle qui, avant l’invention des trottoirs, était placée contre la façade des maisons afin d’en éloigner les eaux de pluie. Le développement des trottoirs à Lyon, mot écorché par Guignol, s’opère de 1830 à 1848, sous les mandats des maires Prunelle et Terme.
[4] Pillandre : vieille guenille ; Vaurien, canaille
[5] L’ancien quartier du Puits-pelu, vers l’actuelle rue du Palais Grillet, où s’entassent à l’époque les cabarets .
[6] A la vogue de Bron, on pouvait s’injurier librement.
[7] On appelait jadis à Lyon revendeur de gages, les marchands de vieux meubles, probablement parce que ces industriels avaient l'usage de prêter sur gages aux pauvres gens.
[8] Rue des trois massacres : rue Tramassac, dans le vieux Lyon.
[9] Dans les caves de l’Hôtel-de-Ville, peuplées de rats, où l’on enfermait les prisonniers gardés à vue. Le rat Gaspard finit par être une sorte de personnage populaire.
[10] 1832 ;
[11] Corruption comique pour magnétiseur.
13:11 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : théâtre, guignol, lyon, actualité, le déménagement |