jeudi, 02 octobre 2008
La Tour : non, pas Georges, Quentin ...
Retirez lui son chapeau, vous trouvez pas qu'il est très tendance avec son crâne lisse ? Et d'ailleurs même avec le chapeau, je suis certain qu'il passerait inaperçu dans beaucoup de lieux mode... Si Rousseau n'eut jamais l'honneur de figurer sur un billet - ce qui est tout de même terrible, quand on songe que Voltaire fut jugé digne d'avoir le sien, si Louis XV et Madame de Pompadour non plus, leur portraitiste, Quentin de La Tour (1704 - 1788), si ! Un petit effort, rappelez-vous, combien de fois l'avez-vous l'avez baladé, plié en quatre dans une poche ou tout recroquevillé dans un porte feuilles, le brave Quentin ?
Il fut un temps où, en échange d'un de ces Quentin, on dégustait un menu complet bien arrosé d'un quart de vin et assorti d'un café. A cette époque, Quentin était l'ami de tous les ados de France puisqu'il signifiait pour la plupart l'argent de poche hebdomadaire : La Banque de France confia à Lucien Fontanarosa la conception de ce billet qu'elle émit en 1976, en remplacement d'un magnifique Racine, qui se faisait, osons le mot, un peu vieux. Aujourd'hui, pour cinquante francs, (7,7 euros), vous repasserez pour le menu complet arrosé et assorti et tout et tout (ou alors, s'il vous plait, laissez moi l'adresse en commentaire) ! L'équivalent du billet de cinquante, en termes de pouvoir d'achat, ce serait plutôt le billet bleu de 20 euros.
Quentin de la Tour avait un don précieux : saisir en quelques secondes une physionomie et croquer sur l'instant sa victime. On ne le confondra pas, bien sûr, avec Georges de La Tour, peintre de l'ombre et de la lumière, du cachot et de la clarté vive, de la Madeleine qui veillait, du Prisonnier, d'un magnifique Jean-Baptiste,Georges de La Tour, l'un des « alliés substantiels » de prédilection de René Char. Pour tout vous dire, si l'on me laissait le choix (on peut rêver, non ?) entre une toile de l'un et un pastel de l'autre, entre Georges et Quentin, je crois que choisirai Georges. Mais enfin c'est Quentin qu'a élu la Banque de France... Alors comme un mauvais Balzac tartinant sa copie, il me faut bien, après cette digression qui vous aura occupé un § entier, revenir au portraitiste des Lumières, comme on disait à l'époque.
Ce qui est bien, quand on est peintre, de surcroît peintre de génie, c'est qu'on peut s'encadrer soi-même. Ce que Quentin fit de façon franchement magistrale (voir ci-dessus). Les dégradés de gris, blanc, bleu sont superbes : rajoutez cet art d'épouser sans en avoir l'air la diagonale, comme si on se relaxait dessus. Ondoyant, le Quentin, et très charmeur. Quelle légèreté !
Je ne sais pas pourquoi, il me fait penser à une sorte d'Yves Saint-Laurent de l'époque. Il parait qu'en février 2009, Christie vendra la collection de la star-couturier décédée à l'encan. Il parait qu'il y aurait entre autres un Vélasquez, plusieurs Picasso, plusieurs Ingres : ça ne m'étonnerait pas s'il s'y était glissé un Quentin. Mais bon... J'ai beau en avoir gardé deux / trois en papier, ça ne suffira pas pour suivre les enchères sur un coup comme ça... Avec tous les parachutes dorés qui auront sans doute besoin de placer sur le marché de l'art leurs fraîches liquidités. On peut quand même saliver un peu ...
22:54 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : billets, quentin de la tour, anciens francs, peinture, dessin |