lundi, 02 juin 2008
Jules Sylvestre
La bibliothèque municipale de la Part Dieu a mis en ligne quelques-unes de ses collections patrimoniales et régionales : soit 30 000 images « prêtes à voir », issues de plusieurs fonds anciens et régionaux d'estampes, d'affiches, de photographies, ou d'enluminures de toutes sortes...). Parmi elles se trouve le fond Jules Sylvestre, qui se compose d’environ 4500 vues concernant Lyon et Villeurbanne, durant une période qui s'étend de 1850 à 1950.
Photographe lyonnais né en octobre 1859, Jules Sylvestre avait ouvert en 1892 un atelier photographique au 23 cours de la Liberté, qui émigra six ans plus tard non loin de là, au 2 rue de Bonnel.
Dès le tournant du siècle, il fut, contacté par la Commission municipale du Vieux-Lyon, composée d'une vingtaine de bibliophiles et d’érudits lyonnais, afin de les aider à conserver « par l’image et la description » le souvenir des maisons, monuments et quartiers artistiques appelés à disparaître en raison du remaniement industriel subi par la cité. En parcourant du regard les vues ainsi mises en ligne, on peut ainsi aisément se rendre compte du bouleversement considérable que représentèrent les grands travaux d’urbanisme effectués à partir du Second Empire et réalisés à la mode hoffmannienne, sous l’impulsion du tout-puissant et impérial préfet d'alors, Claude Marius Vaïsse : d'un côté surgissent à nouveau les anciens édifices promis à la démolition, d'un autre on voit s’élever les nouveaux, en construction.
Et d’un siècle à l’autre, Lyon tourne ses pages.
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dimanche, 01 juin 2008
La loge du change
Lorsqu’il prononça son mémoire pour l’Académie Royale d’Architecture, le 28 juillet 1778 , Soufflot rappela à son auditoire les quelques règles dont le respect assure le succès à tout architecte de bon sens : règle d’utilité, qui détermine le rapport du bâtiment à l’usage qui lui est imparti, règle de solidité, seule garante de la sécurité des gens appelés à le fréquenter, règle de convenance, qui insère l’ouvrage dans le paysage, règle de symétrie qui confère à l’édifice son unité et sa beauté. Il est un monument qui m’a toujours plu et qui correspond bien, me semble-t-il, à cet équilibre recherché par l’architecte des Lumières, c’est la Loge du Change, sur la place du même nom, dans le cinquième arrondissement à Lyon.
Depuis le début du XVIème siècle, marchands toscans et milanais avaient établi à Lyon le commerce de l’argent ; comme partout en France, ces opérations financières se traitaient en plein air, d’abord sur la place de la Draperie, puis sur celle « des Changes » ; le roi Henri II ordonna en 1551 qu’une maison commune fut bâtie « en laquelle se pourrait aisément faire belle court, trois galeries découvertes, une grande salle de vingt cinq toises de long sur huit et demi de large, 36 magasins, des boutiques et des logements…». Projet ambitieux. Projet d’autant plus ambitieux que cette ordonnance n’était accompagnée d’aucun plan de financement. Elle, n’eut donc le bonheur d’aucune suite immédiate ; mais l’idée d’une place publique et d’une loge pour le commerce d’argent fit son chemin. Henri III, en 1584, fit élargir la place du Change en abattant quelques maisons. De cette époque datent les premières galeries couvertes pour le change. Le même Henri III commanda, un peu plus tard, le projet d’une loge pour les marchands, inspiré des plans de l’architecte Serlio. La loge du Change, telle qu’elle se présente à nous aujourd’hui fut finalement construite par Soufflot, de 1748 à 1750, avant de devenir en 1803 un temple protestant. « Ce si joli monument bâti par Soufflot et dont on admire la belle façade si pure en lignes », écrit à son sujet Antoine Rivoire. « Edifié sur un perron à plusieurs marches, le bâtiment est d’un style simple, renchérit le baron Raverat, pur, élégant, à un seul étage percé de cinq fenêtres séparées par de jolies colonnes engagées.» C’est peu dire. Léon Boitel n’en touche mot dans Lyon vu de Fourvières de 1833, pas davantage Monsieur Josse durant ses promenades de 1887, ni Emile Baumann, dans Lyon et le Lyonnais de 1934. Les proportions de ce discret bâtiment sont pourtant très belles, qui allient à la fois les règles de sécurité, d’utilité, de symétrie, de convenance et de goût, selon l’idéal dont Soufflot se prévalut. Je conclurais pour ma part en disant que, de tous les monuments lyonnais, c’est peut-être le plus agréable à dessiner...
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mercredi, 28 mai 2008
La Vierge de Fabisch (2)
Image insolite d'une Vierge dorée haute comme trois hommes, flottant, libre, dans les airs à une dizaine de mètres du toit de la chapelle... La scénographie de la dépose de la Vierge de Fabisch, hier, à Lyon, a réservé à ceux qui avaient escaladé à temps "la colline qui prie", deux beaux moments, empruntés l'un et l'autre à l'iconographie mariale populaire la plus naïve et la plus radieuse. Ce fut d'abord, comme le précisa plus tard le cardinal Barbarin, non pas une ascension mais une assomption : de fait, pour qui sait voir, il y eut vraiment durant un bref instant quelque chose de l'histoire de cette ville et de la foi de nos ancêtres, quelque chose du génie du christianisme au sens le plus romantique du terme qui plana sur l'assemblée, lorsque les trois tonnes cinq de bronze doré à la feuille d'or, soudainement lestes comme un rayon de soleil, s'élevèrent par-dessus nous tous et demeurèrent suspendus là-haut, face à au plus beau panorama que la capitale des Gaules, tournée vers le Levant, peut offrir. J'oubliai les engins de levage et la mécanique, si performante fut-elle. Je songeai un instant à la capacité d'étonnement, d'admiration et de foi de Mélanie, la modeste bergère de la Salette : « La belle dame se lève. Eux n'ont pas bougé. Elle leur dit en français: Avancez, mes enfants, n'ayez pas peur, je suis ici pour vous conter une grande nouvelle... »
L'autre moment de grâce fut la découverte du visage, couronné et étincelant, de la statue, visage que nul n'avait pu contempler de si près depuis 1852. Ce fut, cette fois-ci, comme une apparition : visage à la fois gracieux et gigantesque, mobile et figé, éloquent et silencieux du masque d'or dérangé de son exil par les grutiers, à la façon d'un pharaon surpris en son éternité et banni de son rêve par quelques indélicats archéologues : devant la silhouette drapée et gigantesque de la Divinité, on a pu un instant se croire Renan, jadis troublé par l'effigie géante d'Athéna : « Quand je vis l'Acropole, j'eus la révélation du divin, comme je l'avais eue la première fois que je sentis vivre l'évangile, en apercevant la vallée du Jourdain des hauteurs de Casyoun. Le monde entier alors me parut barbare » Instants de grâce, instants de rêves, instants de contact avec le sacré, l'histoire et la foi, instants de charme, véritablement, que ne parvient pas à rompre le cérémonial des inévitables discours officiels tenus peu après sur l'estrade. Quelques gouttes d'un orage, d'un qui se retenait, tombent alors. C'est la fin. Chacun se disperse. La Vierge de Fabisch retrouvera son socle restauré au mois de décembre. On a donc tout l'été pour aller la méditer de près.
07:53 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : fourvière, christianisme, fabisch |
lundi, 26 mai 2008
Fatras
Le milliardaire américain J.R. Simplot, pionnier de la frite surgelée et prince de la pomme de terre déshydratée aux Etats-Unis, vient de s'éteindre dimanche 25 mai à l'âge de cent-moins-un-an, annoncent les autorités de l'Idaho. Né en 1909 dans l'Iowa, John Richard Simplot était surnommé Mr SPUD (Monsieur Patate). Il avait quitté l'école à l'âge de 14 ans pour commencer une vie professionnelle riche en rebondissements dans des entrepôts agricoles et des entreprises de distribution de la Belle Amérique. A la fin des années 40, il fut le premier à commercialiser des frites surgelées à Boise, dans l'Idaho (là- bas, les pommes de terre sont cultivées en masse, comme les hommes le sont, un peu partout dans le monde). Notre presque centenaire self-made-man allait alors peu à peu devenir un héros de nos majestueux temps modernes en emportant le marché des chaînes de restauration rapide, où la jeunesse innocente va puiser force et intelligence. Fournisseur exclusif de McDonald's, Burger King et autres Wendy's, monsieur Patate était ainsi parvenu au bout de son enthousiasmante destinée. Il y a deux ans, son entreprise, dont il était devenu président honoraire, a réalisé un chiffre d'affaires de 3,3 milliards de dollars. Pas mal pour quelqu'un qui avait quitté l'école à 14 ans : un tel destin inspirera-t-il l'un de ces évidemment fort talentueux collégiens qui viennent d'être sacrés à Cannes ? Cela s'appelle Entre les murs, c'est adapté d'un roman de prof (François Bégaudeau) et c'est signé Laurent Cantet. J'entendais à la radio ce matin la mère d'un de ces collégiens dire qu'elle n'aurait pu recevoir de plus beau cadeau pour la Fête des Mères. On l'imagine volontiers. Pour ma part, je crois que l'histoire d'une classe de 4ème dans un collège du 20ème arrondissement de Paris - une classe difficile, bien sûr (difficile, mais sublime, forcément sublime dirait marguerite Duras- si elle était encore parmi nous) - ne me tente franchement guère. - Elle ressemble à la France, souligne le metteur en scène, elle est "multiple, foisonnante, complexe, avec quelques frictions"... Raison de plus ! Sarkozy, qui n'en rate pas une en cette période de contestation scolaire, s'est empressé de se féliciter de cette première palme d'or française depuis le déjà lointain massacreur de Bernanos, Maurice Pialat. J'imagine tous ces profs accablés par un quotidien en grande partie sordide, aller faire la queue, payer leur place pour finalement retrouver les gueules de leurs petits protégés... Quelle misère ! Narcissisme, quand tu nous tiens : Après la télé-réalité, le ciné-réalité aurait-il un avenir ? Et pendant ce temps, Joakim Noah, basketteur des Chicago Bulls, a été repéré, un verre d'alcool à la main et de la marijuana en poches dans une rue de Gainesville, durant la nuit de samedi à dimanche. Croyez que les policiers américains n'ont pas hésité un instant à coffrer pour quelques heures le fils de la (parait-il) personnalité la plus aimée des Français... Non mais, dites-donc ! Quel culot, ces mangeurs de frites !
08:47 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cannes, palme d'or, mr spud |
samedi, 24 mai 2008
Florilège de C.F.Ramuz
« L'ambition me dévore. Je crois avoir conscience de ma valeur et je souffre de ce qu'autrui ne la remarque pas, cet autrui qu'on dédaigne si souvent et qui nous est si nécessaire. J'aurais besoin d'encouragements. » (7 novembre 1896)
« Je crois que le bon sens crie qu'il vaut mieux être ignorant tout à fait que de l'être à moitié et qu'il n'y a pas d'inspiratrice de plus mauvais conseil qu'une demi-instruction. » (21 juillet 1898)
« Noël ; un des jours les plus terribles de l'année; l'ennui lourd, les gens atroces, le désœuvrement noir du temps qu'on doit à sa famille, - toutes ces choses adorables pour les simples et si touchantes quand il s'agit d'eux, si absurdes pour les compliqués. » (25 décembre 1901)
« Je n'ai besoin que de ce qu'il me faut pour vivre, avec un peu de confort que j'aime et de quoi m'acheter des cigarettes et du tabac. Le succès ? Non comme on l'entend, je veux dire le bruit, mais l'estime de quelques hommes qui ont la mienne. Où mon ambition est très vive, c'est au-dedans de moi-même. J'aspire à me réaliser : voilà où je mets toute mon ardeur, toute ma force et toute ma volonté. C'est sans doute pourquoi je suis incapable du moindre effort pratique, de la moindre démarche ou même du moindre métier. On me dit : Vous n'avez point de volonté. C'est vrai. Elle est toute intérieure et se consume à des œuvres presque secrètes. » (23 janvier1905)
« L'écrivain se trouve une fois, tout entier, et c'est un hasard, et c'est toujours un hasard. Mais enfin il se trouve et il est une fois lui-même. Le sentiment de force et de bonheur qu'il éprouve le porte alors à regarder sans cesse vers cet état supérieur, d'où il est bientôt retombé » (24 juin 1910)
« Les pauvres gens ne résistent plus. Il y a une vertu dans cette non-résistance, une inconsciente sagesse aussi. Céder, c'est courir la chance d'échapper encore, résister, c'est être brisé. Ils se laissent faire; un coup de vent vient, ils se laissent aller dans le sens du courant comme les feuilles mortes, comme les fumées. » (16 aoüt 1914)
« J'ai mis tout l'enjeu de ma vie sur une seule carte qui n'a pas chance de sortir. Mais si elle sort, ce sera beau. En attendant, il faut faire souffrir. » (1er novembre 1916
« Je déchire plus de deux cents pages : fragments, essais, plans,projets, - de quoi remplir ma corbeille à papier qu'on portera dans le jardin dès qu'il fera beau, et on allumera un grand feu de feuilles mortes. » (8 mars 1920)
« La guerre de nouveau (la seconde) Et dire que, jusqu'au dernier moment, il y a eu des gens qui n'y croyaient pas. Et elle est là, maintenant. Et ils n'y peuvent pas croire encore. » (2 septembre 1939)
« Les découvertes techniques de l'homme (et dont l'homme est si fier) sont à double emploi et à double fin : elles accroissent infiniment ses pouvoirs (au sens actif du mot), on veut dire ceux qui tendent à faire, mais, par une espèce de malédiction, accroissent bien plus encore ses pouvoirs négatifs, on veut dire ceux qui tendent à défaire. De sorte qu'on met deux siècles à construire une cathédrale, mais qu'ensuite on invente une espèce d'obus ou de torpille qu'on n'aura qu'à laisser tomber du haut des airs pour réduire à néant en une seconde la somme de tant d'efforts. » (8 septembre 1939)
« Beaucoup d'hommes ont perdu le sens du sacré. Ils ont perdu le respect de ce qui est, à cause de la confiance qu'ils mettent en eux-mêmes. Il y a respect et vénération dans le mot sacré : c'est que l'homme avait peur et nous n'avons plus peur; c'est que l'homme admirait et nous ne savons plus admirer. Nous ne sommes plus reliés à rien » ( juin 1940)
« Parfait nihilisme. On ne croit à rien, on ne tient à rien, on n'aime rien. Et si, par hasard, on aime au moins quelqu'un, cet amour n'est que dérision parce qu'on voit qu'il n'est fondé sur rien, il faut entendre rien de durable. Alors tout devient négligeable et tout devient indifférent. Sortir égale ne pas sortir, manger ne pas manger, faire ne pas faire. Les contraires se valent. Puisque tout doit finir, qu'importe ? » (Décembre 1942)
Tous ces fragments sont tirés du Journal de Ramuz, lequel est mort le 23 mai 1947.
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lundi, 19 mai 2008
Les lyonnais au 7ème ciel
Le slogan est facile ; le jeu de mots est idiot. Pour une manchette du Progrès, une première page de l’Equipe, passe encore. Passe encore. Titre régional, titre sportif, tous deux amis des piliers de bistrots et de ce genre d’approximations : pourtant, être citoyen, désormais, cela se décline-t-il sur le même ton qu’être supporter ? C’est bien, en effet, sur les panneaux d’affichage municipal électroniques que la phrase tourne en boucle : LES LYONNAIS AU SEPTIEME CIEL ; là où d’habitude sont annoncées les permanences de mairies et autres renseignements : monsieur Collomb, jusqu’à quel point prenez vous vos électeurs, et tous les autres pour des cons ?
Dans le vestiaire de l’OL, samedi soir, à Auxerre, Cris et ses copains répandent comme du foutre le champagne de la victoire par bouteilles entières sur le carreau. Vision inquiétante du mâle heureux, du champion qu’on est, s’il faut en croire la parole sainte de la chanson. Tout à coup, le visage rond et les yeux globuleux du président Aulas, annonçant par la porte entrouverte à tous ses joueurs : « si samedi prochain, vous gagnez la coupe de France, je vous offre une décapotable à tous »… « Je vous offre une décapotable… » Et pourquoi pas une belle petite pute en prime ? Ah, les vraies valeurs du footballeur, les voilà donc, la belle nana et la belle caisse, les bonnes valeurs citoyennes des salariés en milliers d’euros... Et tous, donc, dans ce vestiaire de milliardaires, tous ces héros qui ont propulsé chaque Lyonnaise et chaque lyonnais à parité égale – parait-il - « au septième ciel », tous de se mettre à brailler brailli-braillant et tous en chœur : Président, président…, tout en faisant encore gicler le contenu des bouteilles de champagne tout autour d’eux, et sur le col de la veste de Jean Michel.
Autre image, tout aussi ahurissante, celle d’un pauvre mec d’une trentaine d’années perdu sur les tribunes lensoises de cette dernière journée de championnat, qui tombe en pleurs, oui, vous lisez bien, en pleurs. Parce que, oui, figurez-vous, Lens, un club historique, le club des ch’tis, savez-vous pas, Lens, eh bien Lens est pour de bon relégué « dans l’enfer » de la Ligue 2. Et voilà que, soudain, un petit gamin -six ou sept ans pas plus- ce petit gamin prend ce qui doit être son père et dont la poitrine est tout brisé de sanglots incompréhensibles et horrifiants dans ses bras pour le consoler comme il le peut : un monde à l’envers. Et voilà qu’on comprend comment la passion du foot vient aux pauvres gosses, me direz-vous… Dernière image, pour achever d’horripiler les irréductibles, en prélude de ce qui nous attend avec l’Euro et la putain de liste de Domenech : En Chine, cette fois-ci. En Chine. On compte les morts au fur et à mesure qu’on les découvre, un à un, les morts, une à une, les dépouilles, on les aligne, on les recense, on les couvre, et puis on désinfecte. . Cela en fait de bien beaux reportages, n’est-ce pas monsieur PPDA, n’est-ce pas monsieur Pujadas… Félicitations au membres du gouvernement chinois puisque, au contraire des vilains dirigeants de Birmanie qui refusent l’accès aux occidentaux, sont pour une fois « transparents » : Ah, cette mondialisation des Droits de l’Homme par le sport, les médias et l’économie, un septième ciel, n’est-ce pas ! Et c’est au nom de ce septième ciel que nous devons tous nous réjouir, enfants, femmes et hommes de cette Terre ravagée, surpeuplée, et pourtant joyeusement indifférente, parce que, proclame un speaker dans toutes les langues, sur ces images de désolation : la flamme olympique va passer….
20:26 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : lyon, championnat, politique, foot, aulas, collomb, domenech |
dimanche, 18 mai 2008
La vierge de Fabisch
Mardi 27 mai à dix-huit heures, un événement à la fois insignifiant et extraordinaire se produira à Lyon : la fameuse Vierge dorée de Fabisch, qui trône sur le toit de la chapelle de Fourvière, sera descendue de son haut socle et placée pour sept à huit mois sur le parvis de la basilique ; une estrade est déjà en place pour l'accueillir. Hugues Joseph Fabisch (1812-1886), sculpteur aixois, professeur à l'école des Beaux-Arts de Lyon avait été lauréat d'un concours qui rassembla en son temps trente concurrents. Représentée en Immaculée Conception, couronnée, les bras ouverts et sans l'enfant Jésus, cette Vierge de 5,60 mètres est familière à l'œil de tous les habitants de la capitale des Gaules. Son inauguration, le 8 décembre 1852, fut à l'origine de la fête des Lumières (Illuminations). Sept à huit mois, ce sera donc le temps nécessaire pour les travaux de restauration. Durant ce temps-là, on ne la verra donc plus trôner là-haut, surplombant le paysage face au levant tel un santon doré, de quelque point qu'on regarde « la colline qui prie ». En revanche chacun pourra la contempler de près, en empruntant à pied le chemin du Rosaire ou en prenant le funiculaire, ce qui, depuis cent cinquante ans qu'elle domine le site, était impossible.
18:02 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fourvière, fabisch, lyon |
jeudi, 15 mai 2008
Les chagrins de Mercure
Dieu des messagers, mais également des menteurs et des commerçants Mercure est un hôte régulier de la Banque de France depuis ses premiers filigranes. Prince des éphèbes, patron des contrats, porteur de tous les messages, qu'ils soient ou non codés, Hermès est un ambigu notoire. Du chapeau rond (pétase) dont il est parfois affublé, il n'a gardé sur la reproduction très années trente ci-contre que les ailes. Fragiles, pas très développées, presque ridicules, ces ailes. Mais admirez au passage la droiture du nez. Cela voyez-vous, c'est du profil commercial, où l'on ne s'y connaît pas. Du profil poétique également. La vigueur de ce Mercure-là, que Valéry ne renierait pas, nous fait aussi penser à quelques fragments du Narcisse :
" ..... Le bruit
Du souffle que j'enseigne à tes lèvres, mon double,
Sur la limpide lame a fait courir un trouble !
Tu trembles !...."
Cette vignette est le verso du trois cent francs Clément Serveau, une valeur qui aujourd'hui se négocie très cher en salon numismatique, lorsque le billet a pu conserver sa blancheur d'ivoire et et son craquant d'origine. Fort cher... Au recto, le visage de Cérès. Entendons-nous bien, une Cérès des années trente également, une Cérès qui ressemble vaguement à Beauvoir. et dont il fut question ici. Une Cérès, vraie pendant féminin de ce Mercure-là, lequel n'a, lui, pas grand chose à voir avec Sartre, convenons-en, mais plus avec quelque Jean Marais qui poursuivrait sa lecture des Fragments du Narcisse, glissant à l'oreille d'une dame mure :
O visage ! ... Ma soif est un esclave nu ...
Jusqu'à ce temps charmant je m'étais inconnu,
Unique coupure de trois cent francs, qui ne circula que quelques mois, après la seconde guerre. A la base du cou sur la droite, se devinent les chiffres mauves, et de l'autre côté au sommet, la somme en toutes lettres. Mauve ? Eh! Pour quelle raison cette couleur ? Qui fut celle du souvenir furtif, celle de la mélancolie... Mercure, me direz-vous, comme Narcisse, Mercure ne peut, en ce vingtième siècle, qu'habiter en mélancolie, et dans l'alcove fanée de quelque appartement parisien, charmer comme Paul une femme lettrée, rieuse, en déshabillé élégant. Colette, par exemple. Colette qui mourut en 1954, tint ce billet en main. Rien que de penser à cela aiguise je ne sais quel appétit d'art émoussé, quelle réverbération intolérable du souvenir : Oui, la moue de Mercure est emprunte, oui, d'une sorte de mélancolie spirituelle et méditative, moue de chat qui me fit penser à Colette, à Valéry, parce qu'elle recèle de la bouderie. Et combien songe-t-on, combien longtemps et insolemment bouderaient un tel Mercure, une telle Cérès, devant la laideur exceptionnelle des billets européens sur lesquels plus un humain ne parait, plus la moindre véritable arabesque, plus le moindre chagrin et plus le moindre doute. George Steiner a souvent rendu de lucides hommages à la mélancolie. Je veux dire la mélancolie intelligente, celle qui donne à penser, celle sans laquelle il n'existe d'ailleurs pas de Véritable Pensée, digne de majuscules. Cette face de Mercure pourrait ainsi être l'allégorie d'une dernière réflexion, d'un dernier songe, avant l'abandon définitif du monde par les dieux.
15:29 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture, billets français, paul valéry, mercure |
vendredi, 09 mai 2008
La vérité sort toujours du cul des corneilles
« Paris. Mon premier voyage en métro. Travail gigantesque, j’y consens, et même non dénué d’une certaine beauté souterraine ; mais bruit infernal, danger certain, mort probable – et quelle mort ! – toutes les fois qu’on descend dans ces catacombes. Impression de la fin des sources, de la fin des bois frissonnants, des aubes et des crépuscules. Dans les prairies du Paradis. De la fin de l’âme humaine »
Paroles de Léon Bloy (Quatre ans de captivité, 15 mars 1904). Pour faire le lien avec la note qui précède. Autre chose vue dans ce lieu de vérité, ma foi, il y a déjà un bon moment : Tous les occupants d’une rame plongés dans la lecture du même Métro. Métro Pravda : même combat. Il y a cependant des choses vues plus jolies, plus réjouissantes. Le cul dactylographique d’une corneille fort lève-tôt, en train de déterrer des vers, sur la pelouse. Et malgré les lambeaux de l’intense pollution matinale sur la ville, je ne sais quelle ardeur à s’emparer de chaque journée, qui monte de la terre, dont l’oiseau se saisit, à chaque trémoussement.
21:44 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, littérature, bloy |