dimanche, 28 septembre 2008
Joseph Kosma (1905-1969)
Certains trouveront saugrenu le fait de parler de Joseph Kosma (1905-1969) comme d'un illustre inconnu. Inconnu, le compositeur des Feuilles mortes, de Barbara, de Si tu t'imagines... ? Inconnu, celui qui écrivit pour Renoir la musique de La Bête Humaine, de La Grande Illusion, pour Marcel Carné, celle des Enfants du paradis ? Inconnu, celui qui fut l'un des papes du Saint-Germain d'après guerre, composant pour des Mouloudji, Juliette Gréco, Yves Montand, Cora Vaucaire ... ?
Certes, non.
Inconnu à Lyon, pourtant - et c'est là que le bât blesse- en tant que compositeur du seul oratorio écrit sur les Canuts et leur révolte légendaire de 1831. Bon, pour le récit circonstancié des événements, je ne vais pas refaire le coup de l'an passé : je renvoie mes lecteurs à la rubrique « le feuilleton de novembre », où ils pourront vibrer au jour le jour avec les héros de la fulgurante aventure de ces héros magnifiques et justes : simplement je rajoute cette histoire, en guise d'épilogue courroucé.
Dans l'après-guerre ont fleuri plusieurs chorales de jeunes républicains qui étaient passés par la Résistance ou par le maquis. A Paris, par exemple, la chorale Guy Moquet; à Lyon, la chorale Henri Martin. Au début des années cinquante, plusieurs membres de cette dernière contactèrent Joseph Kosma, alors au sommet de sa gloire, pour lui soumettre l'idée de composer une œuvre à la mémoire des révoltes de 1831. Immédiatement séduit, ce dernier confia à Jacques Gaucheron le soin d'écrire le livret. Les deux hommes, qui n'étaient pas lyonnais, arpentèrent les pentes, les traboules, et les ateliers, encore vibrants du bistenclaquepan, de la Croix-Rousse. Fin 1958, l'oratorio est achevé. Le 9 avril 1959, il est créé à Budapest, puis mis en scène à Berlin. Le 10 avril 1964, Les Canuts sont joués à l'Opéra de Lyon, dans une mise en scène de Louis Erlo. C'est un triomphe. Depuis, l'oubli progressif.
Or les chorales de l'Association Musicale Populaire, et leur président Daniel Defillon, se sont mis en tête de monter à nouveau cette oeuvre difficile et oubliée en 2009, à l'occasion du cinquantenaire de sa création. Hier soir, dans la salle bondée du centre Charlie Chaplin de Vaulx en Velin était donc présenté un avant-projet. Sous la direction musicale de Pierre Vallin, quatre solistes, deux récitants et une centaine de chanteurs issus de six chorales en ont donc ressuscité les accents les plus poignants : « Lyon moderne est comme une vieille, toute accroupie sur son radeau de pierre... Dormez en paix, victimes de Novembre, d'autres viendront sur le métier du temps, cueillir la flamme dans les cendres... »
A Lyon, les canuts sont bien oubliés, j'en sais quelque chose; en tant que vice-président de l'Association l'Esprit Canut, tout d'abord, qui milite depuis plusieurs années pour la création d'un véritable musée dédié à leur histoire, et ce dans la chaleureuse indifférence du maire Gérard Collomb qui se penchera peut-être sur la question lors de son soixante-dix neuvième mandat; je crains qu'alors nous soyons tous et toutes réduits en poussière... . En tant, surtout, qu'auteur et metteur en scène de La Colline aux Canuts, spectacle qui a toujours rencontré un large public à chaque fois qu'il a été représenté, mais qu'un Philippe Faure, pour ne citer que lui, directeur je le rappelle du théâtre de la Croix-Rousse et auteur de l'immortel "Moi tout seul", n'a jamais daigné aller voir, ni aider d'une quelconque manière.
Si l'on peut se réjouir du fait que la municipalité de Vaulx ait encouragé ce projet courageux, on ne s'étonnera donc pas dans ces colonnes du dédain bienveillant manifesté par celle de Lyon, qui continue de vénérer ses canuts sous forme de cervelle bien coulante pour les touristes, ou d'appartements en pierres et poutres apparentes (ah! l'apparence ! ...) fort coûteux pour ses nouveaux arrivants.
12:53 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : kosma, gaucheron, canuts, lyon, actualité, musique, chorale populaire |