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mardi, 26 novembre 2013

Charlie et les rappeurs

C’est à la mode de s’insurger contre les mots. Faute de mieux, sans doute Alors, le mini débat du jour, dans ce pays exténué, vient de Charlie Hebdo qui se proclame « effaré » des appels à l’autodafé dirigés contre lui par un groupe de rappeurs, en marge du biopic de la prétendument historique marche des Beurs. Le septième couplet en question, celui incriminé, le voici :

« D't'façon y'a pas plus ringard que le raciste

Ces théoristes veulent faire taire l'islam

Quel est le vrai danger: le terrorisme ou le taylorisme?

Les miens se lèvent tôt, j'ai vu mes potos taffer

Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo »

Moi, je trouve ça drôle de voir Charlie Hebdo faire à son tour sa Taubira. Comme cette dernière avait oublié qu’elle était Garde des Sceaux, Charlie Hebdo oublie-t-il qu’il est un journal satirique ?  Ça ne manque franchement ni de sel, ni de comique. Si on ne peut plus se traiter de singe, de chiens, ou se vouer au bûcher « dans ce pays » de curetons laïcs, pour ma part, je ne le reconnais plus.

Par principe, parce que je crois encore me souvenir que le signe est arbitraire et que la polémique est un genre littéraire parmi les autres, je suis pour (ce que c’est vain et  idiot cette façon de séparer les gens entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre) la liberté de dire ce qu’on veut. Mais dans la société du spectacle, le dire parait valoir le faire. Je dis parait, parce que dans la réalité, nous savons tous que c’est faux. Ce qui est marrant, c’est que les gauchos ont l’air de découvrir la violence verbale du rap. Que ne se sont-ils dits « effarés » des paroles de ces mêmes rappeurs qui, depuis des années, « niquent la France », « baisent les Français » et autres salamalecs aussi insanes que simplistes, récités dans le RER et les cours de récrés, comme des mantras par tous les incultes de banlieue ?

Ces mots ne me font rien, ni ceux-là, ni les autres. Parce qu’ils sont mal écrits, c’est du slogan à trois sous et ça ne veut rien dire. Comment ne pas voir là-dedans de bons coups de pub de gens qui ont besoin de s'en faire, la Marche, les rappeurs, Taubira, Minute, la Halde, SOS Racisme et Charlie-Hebdo ? Rien de plus que de la vanité. Du marché. Mais derrière ces clowns il y a l’occasion – et cela ça craint - d’en appeler pour tous à une police de la parole qui ne fera que déplacer le problème, une fois de plus. Tout ce que ces gouvernants savent faire.  Jusqu'à l’écœurement.

S’en prendre aux mots est puéril et ridicule. Il faut se souvenir de tous ces idiots parlementaires et de toute la clique des indignés décérébrés, si persuadés de faire leur BA en gommant le mot race de la constitution ! Réduire la pensée à quelques valeurs, malsain. D'autant plus que la réalité est là et que, plus on efface de mots pour la dire, plus elle se venge. Les bons lecteurs de Rabelais le savent bien. Mais il semble vraiment qu’en guise de renaissance, nous soyons en pleine décadence. Les rappeurs et les députés, les journalistes de Minute et de Charlie lisent-ils encore Rabelais ? 

Moi, ce qui me fait gerber, c’est le père Lang qui, alors ministre de la Culture, déclara que le rap, en soi, était une culture. Le même cultureux entretenu au frais du contribuable place des Vosges, qui ramasse aujourd’hui 10 000 euros par mois de rétribution en tant que président de l’IMA… En voilà un fait. Parmi d’autres.

La gauche culturelle, de Charlie à Taubira, n’est audible que dans l’opposition. Ils sont à se tordre de rire. Ou à  pleurer de consternation.   

13:33 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : rabelais, charlie hebdo, la marche, beurs, rappeurs, lang, culture, politique, france | | |

jeudi, 31 octobre 2013

L'illustre français

J’ai relu aujourd’hui une trentaine de pages des Illustres Françaises de Robert Challe, dans l’édition nouvelle publiée en 1991 chez Droz par Deloffre et Cormier ; j’avais lu et annoté cette œuvre il y a longtemps, puis je l’avais totalement oubliée. Et au bout de quelques pages, sans doute à cause de l’enchantement que procure le rythme de ces phrases  dont la syntaxe cherche à coller à chaque instant soit au sentiment, soit à l’action, il m’a semblé n’en avoir quitté que d’hier la lecture.  

En revenant à moi après une petite heure passée dans ces pages, je me suis interrogé en silence sur la magie de cette langue française qui venait de m’unir aussi intimement à cet auteur dont rien d’autre ne reste sur Terre, que ses mots. Considérant l’état actuel du pays, la vacuité de la vie politique et éditoriale, la précarité de la pensée, la nullité des arts et des modes, la grossièreté et l’irréligiosité des hommes et des femmes,  la fatuité de tout un chacun, je me suis demandé ce qu’un homme du XVIIème siècle comme lui trouverait à revenir parmi nous aujourd’hui : et je me suis dit qu’il ne trouverait sans doute rien, ni honneur ni prestige ni beauté.

 Mais qu’au contraire ce que quelqu’un du XXIe siècle comme moi trouvait à revenir en sa langue demeure d’une saveur irremplaçable, inégalée. C’est le français à la fois populaire et savant, dont la syntaxe à peine détachée du tronc latin ramasse à pleine propositions les mots de la rue. Pas un seul terme technique ni administratif.  Pas la moindre abstraction, du moins grossière et vaniteuse comme celles dont nous nous gargarisons à présent.  Ce sentiment de légèreté n’est sensible qu’au fil de la lecture, grâce à l’oubli progressif de l’immondice linguistique dans lequel la contemporanéité plonge notre esprit.

Et en même temps qu’elle est oxygène par sa  pureté, je me disais que cette langue perdue est aussi squelette par son maintien : le maintien, c'est-à-dire l’appui ferme et constant sur la consonne et la voyelle fermée, c’est évidemment ce qui manque le plus au français d’aujourd’hui, imprécis, pauvre et confus à force de s’être disloqué au contact de la presse, de l'audiovisuel et de la traduction. Les gens de cette époque, dont la raison était frottée dès leur plus jeune âge à la langue du droit comme à celle des Écritures, allaient sans grand mal d’un autre train, tout cela est certain. 

 

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00:02 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : illustres françaises, robert challe, littérature, france, culture, romans | | |

vendredi, 05 juillet 2013

Résultats du bac

Surpris ce matin sur la place de la Croix-Rousse un dialogue entre deux lycéens :

- Alors ?

- C'est bon !

- Cooool...

Je vous laisse imaginer de quoi ils parlaient.

Aujourd'hui que le bac n'est qu'une formalité, je me demande pourquoi les gouvernements successifs s'ingénient à le maintenir sous une forme nationale. Pour des raisons électoralistes, sans aucun doute. Dès lors que l'examen n'est plus sélectif, et il ne l'est plus depuis longtemps, cela ne sert à rien de mobiliser toute cette énergie, tout ce temps et tout ce pognon pour le conserver sur le plan national et en gros recaler deux individus sur 10. On pourrait tout aussi bien le faire passer dans les lycées, un peu comme le permis dans les auto-écoles.

Mais je crois que le bac est un des ingrédients de ce qu'on pourrait appeler la fatuité française, ce grand mal bourgeois déjà dénoncé par le bon La Fontaine en son temps. Or la fatuité est un des élements constitutifs du vote en démocratie. C'est peut-être la raison pour laquelle  l'état, qui est un grand rusé, aura préféré renoncer à sa monnaie et à ses frontières; plutôt qu'à ce rite de passage archaïque, dont il ne fait plus, à grands frais, qu'organiser chaque année la pantomime. Il sait bien que quand tout le monde est bourgeois, au moins en apparence, il n'y a plus de prolétariat ni de défavorisés.. Du moins, en apparence.

Je ré'edite pour l'occasion un texte de 2009  (comme quoi, rien ne change) qui, en substance mais de manière plus humoristique, disait déjà ça :


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11:39 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bac, éducation, france, culture, société, résultats | | |

mercredi, 03 juillet 2013

Aux plages, citoyens !

Eté: 5.000 policiers et gendarmes déployés pour la sécurité des vacanciers

On prend presque peur en lisant le titre de 20 Minutes : Al Qayda aurait-il envoyé des hordes de terroristes islamistes ? Le vilain Bachar, las d’entendre les rodomontades fabiusiennes, aurait-il lâché ses armes chimiques sur les plages de la Douce France ? A moins que ce ne soit une armée de fachos, électeurs de Marine, homophobes et ultra-catholiques, tout prêts à répandre leur peste brune sur le sable chaud  et citoyen des vacances ?

Pas d’inquiétude. Ce contre quoi les policiers et gendarmes payés par le contribuable sont censés protéger le sacrosaint vacancier en bermuda et crème à bronzer du 1er juillet au 31 août, c’est tout simplement lui-même. Pas-même son voisin qui risquerait, au vu de l’état délabré de la sociabilité, savamment entretenu par la classe dirigeante dans ce pays, pour un oui pour un non, de l’agresser. Non. Si l’Etat bonne maman délègue pour ce triste boulot 3000 gendarmes, ainsi que 2000 agents, CRS et motards, afin de  prêter mains fortes aux équipes déjà existantes sur les plages et sur les montagnes, vous avez bien entendu, c’est pour le protéger de lui-même...

Des vacances en toute liberté, en somme. L’Etat protégeant les citoyens d’eux-mêmes. A bien les regarder vivre et penser et consommer, on admet, certes, qu’il y a du travail. Mais tout de même. Tout de même…


On voit bien sur quelle base repose cette propagande. Je prends un exemple : Vous êtes en pleine possession de vos moyens intellectuels, vous partez à la Réunion et vous ne trouvez pourtant rien de mieux à faire que d’aller vous essayer au surf, afin de  ressentir quelque chose, une sensation, dire à quel point votre vie sur Terre est fascinante ! Vous voilà donc en train d’aller et venir sur la grande bleue comme un Christ balnéaire sur un Tibériade façon Trigano, quand tout à coup un requin qui vous prend pour une otarie (se trompe-t-il tant que ça ?) vous dénoyaute une jambe. La mer est toute rouge, femme et enfants parcourent la plage en tout sens, un américain crie « My Goodness ! », et une jeune néerlandaise s’évanouit à la vue de votre cadavre rejeté par l’Océan outragé. Finalement, votre mort fait le 20 heures de l’austère Pujadas qui, aussi flegmatique que devant un Tapie déchaîné, lâche : «une nouvelle attaque de requin, que fait l’Etat ? ». Il est vrai que laisser les gens libres et responsables d’eux-mêmes et de leur propre connerie serait, pour certains cercles influents, une atteinte intolérable aux Droits de l’Homme festif et de l’Electeur abruti ; interdire tout simplement le surf serait un acte insensé d’autoritarisme qui risquerait d’être mal vécu « au niveau du ressenti ». Les cercles d’influence préfèrent gérer. 5000 policiers, gendarmes et CRS, donc. Comme le consommateur a pris l’habitude de faire la fête devant les matraques, il prendra bien aussi l’habitude de faire bronzette et toutes les conneries qui vont avec devant des unitormes. « Hélas ! prophétisait Bernanos en 1945, le monde risque de perdre la liberté, de la perdre irréparablement, faute d’avoir gardé l’habitude de s’en servir » (1)


Nous y voilà : Aujourd’hui, Google rend  « hommage » à Kafka pour l’anniversaire des 130 ans de sa naissance (ce qui ne manque pas de sel en soi)  ; c’est pourquoi, sur sa page d’accueil, on peut voir cette espèce d’horrible Pinocchio en nœud pap’. Ce que les régimes autoritaires ne sont pas parvenus à faire par la répression, les régimes prétendus démocratiques l’ont fait par la prévention : Le monde libre est devenu une gigantesque crèche, surveillée par un Big-Brother aux allures de Big-Nounou socialisante, lequel peut se frotter les mains. Au vu de l’universelle connerie, il est au pouvoir pour longtemps encore. Où faudra-t-il aller pour ne pas être observé, imposé, cultivé, sondé, informé, distrait et – le pire – protégé par l’Etat ? La question mérite d’être soulevée.  Au fond de son lit, peut-être. Au fond d’un trou, sans doute. Et encore… Dans son infinie bienveillance, il parait que l’état démocratique prépare une loi sur le comment mourir pour tous, afin de nous y conduire aussi. par la main L’état, qui est un bon bougre, ne dit d'ailleurs pas conduire, mais accompagner. En attendant, le soleil arrive. Réjouissez-vous,  et aux plages, citoyens !

 

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(1) La France contre les Robots, Georges Bernanos

08:49 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : france, culture, sécurité, bernanos, surveillance, kafka | | |

jeudi, 30 mai 2013

Comme un poisson dans l'eau

La rivière s’asséchait. Il n’était pas un savant, mais il le ressentait. Encore, se fût-elle seulement asséchée, là n’était pas le pire. L’eau qui traversait ses branchies était non seulement de plus en plus pauvre en oxygène, mais encore de plus en plus emplie de saloperies de toutes sortes. Une espèce de chaos régnait dans la rivière. L'eau se troublait. Certaines espèces de poissons témoignaient d’une agressivité nouvelle à l’égard d’autres. D’autres paraissaient avoir renoncé à être ce qu’avaient été leurs pères, comme si on les avait drogués. Ils affectaient des comportements d’autres espèces, très maladroitement, suffisamment pour perdre toute authenticité. Le mot nature était devenu un gros mot. On ne parlait plus que d’élevage.  

Il faut dire qu’ils n’avaient jamais été aussi nombreux, dans ce pauvre bras de rivière -qui, lui, devenait de plus en plus étroit, de plus en plus sale - de plus en plus nombreux à être passés par le même élevage, à avoir accepté les mêmes putrides enchantements. Il se disait que la plupart des poissons qu’il voyait se réjouir de tous ces changements avaient dû être drogués. Paupières closes, il regrettait souvent l’espace et l’eau claire, le courant et le clapotis d’autrefois. C’était pour lui un mystère qu’on pût, par des raisonnements de plus en plus spécieux, trouver à cette évolution un charme, un bonheur, un espoir. Trop conscient de l’assèchement en cours, de la mutation du liquide vital en poison mortel, il tenait le coup, comme on dit, grâce à deux raisons ;

La première, c’est le considérable volume de joie engrangé dans la mémoire de ses fibres. La fulgurance des courses qui s’étaient tenues autrefois dans ces courants à présent disparus le traversait tout entier. Il se disait alors qu’il contenait en lui de quoi tenir, même lorsque la rivière serait à sec, et que toutes les mutations en cours auraient conduit l’espèce à sa perte. Illusion réparatrice.

La seconde, c’était de croiser ça et là des compagnons qui, comme lui, avaient l’air de survivre sans s’accommoder du marasme, ni céder à la folie que ce dernier engendrait. Ils avaient tous ce même sourire étrange, ce regard fait d’une révolte pacifiée et d’une non-participation intérieure à l’endoctrinement des troupes. Le mot résistance n’ayant plus guère de sens en ces eaux résiduels face à tout ce qui les dévastait, y brillait seulement, dans un mélange de bonheur d'être là et de tristesse de ne pouvoir agir, ce qu'ils appelaient encore entre eux la conscience.

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06:14 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, culture, décomposition, france, poésie | | |

lundi, 27 mai 2013

La gauche n'est qu'un standing

Parait que je suis un anar de droite. La première personne à me l’avoir fait remarquer était une collègue, enfin si on peut appeler comme ça quelqu’un qui a sévi dans l’Education Nationale en laissant croire à des générations que la littérature française se borne au J’accuse et au Germinal de Zola, aux Misérables de Hugo, et l'allemande au Maitre Puntila de Brecht, saupoudré avant de passer au four de quelques poèmes d’Arthur et de Pablo, évidemment. Et qui, quand tu lui dis que Bloy et Péguy sont des Grands, te répond d’un air mi-dégouté, mi-indigné : « ils sont pas un peu réacs, ceux-là, quand même ? »

C’était il y a une septaine d’années. Après une vie entière de locataire (je n’ai pas le capitalisme dans l’ADN), je venais de céder à la tyrannie de l’emprunt pour tous, les loyers ayant atteint quasiment le prix des remboursements. Cette collègue, qui avait depuis un moment fini de payer son crédit, était déjà propriétaire d’un appartement boulevard des Belges, dans le sixième arrondissement de Lyon. Jusque là, rien que de très banal. Sauf qu’elle était aussi depuis toujours membre du parti communiste, engagée comme elle le disait à tout un chacun en emplissant la salle des profs de flyers syndicaux, « dans la lutte ».  L’Education Nationale a toujours été peuplée de gens paradoxaux comme ça, dont la carte du parti était en quelque sorte le pendant bonne conscience de la carte bleue.

Il y en avait une autre, une prof de maths, qui jouait les gens aisés parce qu’elle aussi avait déjà son appart  -  bien que son crédit fût encore en cours. Elle ne supportait pas qu’on lui dise que tant qu’elle n’aurait pas remboursé son prêt, elle ne serait jamais que locataire de sa banque, bref, qu’elle était encore une pauvre. Les gens de la classe moyenne ne supportent pas qu’on leur dise ça. C’est à ça qu’on reconnait leur fatuité. Le libéralisme giscardien et le socialisme mitterrandien ont bien joué, main dans la main durant des décennies, en faisant vivre tout ce petit monde à crédit.

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La classe moyenne a pu ainsi, tout en se donnant des airs chics de propriétaires, financer les fonds de pension et autres placements des riches à coups de taxes et d’impôts, comme les esclaves les plus soumis auraient refusé de le faire, pour peu qu’on libéralise les mœurs de temps en temps par une petite loi soi-disant progressive et bien troussée. Car dans son malheur, la classe moyenne qui ne croit plus sérieusement à Dieu depuis lurette, s’est couchée devant le dieu Egalité des francs-maçons, qui la sermonnent non seulement en chaire le dimanche, mais tous les jours de la semaine en petit écran, via ses cols blancs propres et diplômés peuplant ministères et medias.

Quand je faisais mes études à Paris, je me souviens d’eux, trentenaires dans les années 80, et achetant avec un apport consubstantiel de papa/maman qui un deux pièces au Marais, qui un duplex à Nanterre, qui un rez-de-chaussée sur cour boulevard Bonne Nouvelle ou un étage rue des Plantes. A l’époque déjà – j’en sais quelque chose- vous ne pouviez, sans l’aide de vos géniteurs, acheter un logement avec un seul salaire commun, à moins de vous serrer la ceinture et tout ce qu’il y a dessous pendant des années. Je me souviens de cette étudiante m’exhortant vers 1986 à la solidarité coluchienne, tout en réalisant son rêve de petite bourgeoise bien de droite avec les sous de ses parents. Les gros malins lui filaient l’apport dont elle avait besoin, à condition qu’elle achetât dans le même arrondissement qu’eux….

Le plus drôle étant ces fils ou ces filles de propriétaires vous expliquant alors que le capitalisme est une infecte sujétion et que jamais ô grand jamais ils ne s’abaisseraient à se mêler d’acheter quoi que ce soit, quitte à passer leur vie en meublés ou en colocations, et qu’on retrouve vingt ans plus tard signant des actes chez les notaires, en consciencieux héritiers.

Oui la gauche n’est plus aujourd’hui qu’un standing, une marque. Et le socialisme une perte de temps. Parce que ça coute beaucoup de temps, d’argent, de paroles, d’énergies, et surtout d’illusions répandues pour rien et déçues inexorablement, que de mettre en place un gouvernement et un président socialistes qui font la même politique que ceux qu’ils ont remplacés. Sous Hollande, le petit prof et le petit salarié ont vu leurs heures sup de nouveau fiscalisées, mais les salaires des grands patrons ne seront pas limités. Et les chiffres du chômage explosent. Les gays vont se marier, mais seuls les plus riches d’entre eux pourront se payer un gosse à l’étranger, dans une société dont les contrats à durée indéterminée sont par ailleurs bannis sans que ça gêne grand monde. Harlem Désir s’indigne plutôt qu’un groupe d’identitaires, grimpés sur le toit de Solférino, aient le culot anti-démocratique de faire flotter une banderole demandant la démission du pingouin. Des fascistes, moi j’vous dis.

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Après avoir jeté les maires de droite dans l’embarras, le manœuvrier Hollande qui, comme tous les manœuvriers de son espèce, brade la nation pour sauver le parti dont il tient tout son pouvoir, lancera bientôt le débat sur le droit de vote des étrangers pour tenir jusqu’à la fin de son mandat en préservant son standing de gauche. Ce type feint d’être de  la classe moyenne, en ce sens qu’il en incarne la normalité jusqu’en ses cheveux teints, tout en cédant aux sirènes de Bruxelles et du FMI qui ponctionnent partout la classe moyenne, tout en lui arrachant ce qui lui reste d’identité. C’est sous son mandat que le français aura cessé d’être la langue unique de l’enseignement au profit de l’anglais (On a échappé au hollandais, Dieu merci !).[1]

Avoir un standing de gauche, c’est applaudir à cette aberration, censée aider les étudiants chinois quand le fils ou la fille de monsieur Tout-le-monde déclaré bien beauf sera vite distancié, dans une Université même payée par ses parents contribuables. Avoir un standing de gauche, c’est traiter à table le maire de Vienne de vieux réac et de facho, tout ça parce qu’il a déclaré qu’il ne marierait pas d’homosexuels dans sa ville. Avoir un standing de gauche, c’est applaudir au mur des cons du syndicat de la magistrature et au suicide de Venner dans un même mouvement du menton, lueur complice dans le regard. Avoir un standing de gauche, c’est être assuré que l’euro reste malgré tout (et tout se tient dans ce malgré comme dans ce tout) la meilleure solution…

Bref.

Si tu trouves ce standing un peu court, carrément faux-cul et complètement suicidaire, pour les poseurs d'étiquettes, t’es forcément un anar, tu piges ? Un des pires : un de droite


   [1] Ce pauvre Hollande, qui fit entièrement évacuer la rue du Faubourg Saint-Honoré tout un après-midi de manif aujourd'hui, et en est à se réjouir de passer de 25 à 29% dans un sondage !. Aurait-il peur que les mères de famille cathos et les grands parents débonaires qui se tassent sur les Invalides à la même heure prennent d’assaut son palais pour l'en virer manu-militari  ?

 

 

lundi, 13 mai 2013

Le pouvoir et le courage

Je m’étais promis de ne plus vous entretenir de l’ancien conseiller général de Corrèze, mais quoi, son actualité dépassant la fiction, je ne résiste pas au plaisir de sortir du bois et, d’une certaine façon, de tomber dans le piège qu’il tend. Qu’importe.

Il est vrai que les politiques ont toujours nourri, à l’égard de la création et de la culture, une espèce de complexe, comme si le pouvoir, justement, n’était pas suffisant à apaiser leur boulimie névrotique de reconnaissance. Cela passait, naguère, par une volonté de singer l’homme de lettres. On  se souvient des velléités littéraires de François Mitterrand, dont La Paille et le Grain, qui n’ont pas, c’est le moins qu’on puisse dire, marqué plus que ça les esprits. Giscard, avant lui, a prétendu faire œuvre de romancier (et a fini à ce titre dans la Coupole qui n’a pas craint le ridicule de l’accueillir en 2003). On ne sait trop à quel nègre Chirac a confié, après lui, ses Mémoires dont les manuscrits originaux doivent croupir au musée de Sarran.

Les névroses présidentielles sont un bon marqueur des changements de civilisation.

Le pauvre type qui occupe aujourd’hui le théâtre de l’Elysée ne fantasme donc plus bibliothèque. Il laisse ça à son ex qui sort le même jour (!!!)  un bouquin avec sa bibine hilare en couverture, sous un titre lui aussi hilarant : Cette belle idée du courage. Non, il ne rêve pas d’être Voltaire ou Hugo (pour rester dans du scolairement correct) plutôt Gabin ou Depardieu. Le voilà donc qui sera dès mercredi le héros d’un nouveau vaudeville, dans lequel Moi Président joue son propre rôle (on l’imagine mal dans Quai des Brumes ou Cyrano, faut dire) : ça s’appelle Le Pouvoir

Décidément, je crois comprendre pourquoi, dès le début cet être m’est à ce point antipathique. Il me fait penser au beauf qui, revenant de Thaïlande, ne peut s’empêcher de faire sa soirée crêpe pour montrer ses putains de photos à tout le voisinage, savez : « J’ai fait la Thaïlande ». Ou à l’ado boutonneux qui, après avoir levé sa première minette, montre la photo à tous les copains.

François Dujardin Hollande himself a donc tourné son premier film. C’est ce qu’il appelle être normal. Ah ! ah ! Franchement, je suis vraiment content de ne pas avoir glissé son bulletin dans l’urne. Me demande ce que je penserais à présent. Le Changement ! J’entendais un étudiant l’autre jour répéter niaisement à la télé, comme on décline sa leçon : « Moi j’ai voté François Hollande parce que je voulais plus de Sarkozy,  mais le changement, on l’attend encore ». Pauvre chou. Pourra toujours aller voir son président aller et venir, entrer et sortir, se lever et s’asseoir sur l’écran en lui faisant des leçons de morale sur la République et l’Egalité ; Se rendra-t-il compte qu’il a la même dose de narcissisme, de fatuité et d’ego boursouflé que Sarkozy, la même dose en plus feutré, plus notable, en mieux élevé, en plus insipide, plus médiocre, somme toute. Hollande, c’est du Sarkozy light. Pauvre de nous. Au fait, le pognon récolté servira-t-il à rembourser la dette ?

C’est vrai que, sans être un changement, un président aussi bas dans les sondages, aussi peu crédible dans sa fonction et qui au bout d’un an s’échine encore à jouer son propre rôle dans un film en salles, c’est une première ! Le jour de la sortie du navet, le héros normal ira présenter sa copie à Bruxelles. La queue basse et friendly. Sur tous les écrans, ce mercredi. La veille de la conférence de presse, censée ouvrir l’an II du pays bas.  Et vive le socialisme !

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Y'a t-il encore une vie intellectuelle en France ? 

samedi, 16 février 2013

Le langage redoutable

C’est ma grand-mère qui m’a appris à prier. Elle me faisait réciter chaque soir : « Petit Jésus, faites que je sois bien sage. Bénissez ma maman, ma mémé, et tous ceux que j’aime ». Oh, ce n’était pas d’un catéchisme très évolué, je le concède. Un catéchisme de bonne femme, ni plus, ni moins. Suffisant malgré tout pour concevoir qu’on puisse s’adresser à plus haut que soi et que quiconque, et que ce plus haut fût aussi tout petit. De la prière qu’elle m’enseigna, elle avait par ses soins exclus le mot papa. Une rouerie de bonne femme, que j’ai depuis pardonnée, malgré le tort considérable qu’elle me causa longtemps.

Un catéchisme plus officiel me fut enseigné plus tard, dans un immeuble de soyeux de la rue Alsace Lorraine, par une catéchumène âgée du premier arrondissement de Lyon. Son discours allégorique et convenu entrait si violemment en contradiction avec celui de l’instituteur communiste de l’école primaire, vindicatif et sûr de tout, que j’eus du mal à admettre la concurrence des deux.  Ici, on ne parlait que de Dieu, là, jamais de lui.

Coexistaient alors le clan des lecteurs de Tintin et celui des lecteurs de Pif le Chien ; on est, à cet âge-là si avide d’explications du monde : J’aurais pu choisir l’une contre l’autre et comme beaucoup devenir soit catho soit laïcard, rassuré par l’une ou l’autre certitude. La fatuité de ces adultes qui voulaient comprendre et expliquer toute chose me semblait pathétique, et j’éprouvai une sorte de tendresse à l’égard de leur insuffisance à y parvenir.

De cette tendresse qui aspirait à demeurer vivante naquit une égale antipathie envers le discours scientifique, politique et théologique, et ceux qui masquent derrière une connaissance ou une foi trop affirmées pour être honnêtes, qui son ignorance, qui sa peur, qui son doute.

C’est à cette époque que je tombais amoureux de l’imperfection du langage. Par les sentiers de la littérature, je partais en chasse  des érudits véritables et des authentiques saints. Espèces rares.

Commencèrent à s’ouvrir alors les pages des livres. 

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11:14 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, langage, lyon, culture, tintin, pif le chien | | |

vendredi, 08 février 2013

Everest

Nino d’Introna nous a habitués à la finesse d’exécution de ses mises en scène. Avec Everest, sa toute dernière création au TNG, il ne déçoit pas son public.

A l’origine, la commande d’un texte traitant du thème du père, que Nino d’Introna proposa à Stéphane Jaubertie (1). Ce dernier inventa un huis-clos à trois, un père, une mère, un fils. Une famille pauvre, chez qui l’on mange des oignons et des mini-saucisses, où on ne prit jamais le temps d’écouter sa « demande intérieure » ni, « jusqu’au plus loin de nos ancêtres » celui d’ouvrir un livre.

Entre le père qui s’évade régulièrement dans la forêt (« ma cathédrale à ciel ouvert », dit-il) et la mère qui sait ce qu’elle veut (« une chaudière neuve et qui vous change la vie », dit-elle), le fils unique qui grandit est le principal récitant du spectacle (« mes parents n’étaient pas méchants. Ils me faisaient du mal, mais gentiment », dit-il). Toute la mise en scène se construit autour de son point de vue, à travers des variations très subtiles de la taille de ses parents, qui alternativement diminuent et grandissent, par la grâce du théâtre d’ombres et de marionnettes. 

L'action se déroule sur et autour d’une table de cuisine, laquelle s’encombre peu à peu de livres. Car sans dévoiler le fantastique de l’intrigue, on peut dire qu’Everest est avant tout un apologue sur la nécessité de la littérature, « des sommets de la littérature », qui seuls permettent de retrouver dans un univers miniaturisant une taille d’homme et tout ce qu’elle représente métaphoriquement. La figure du père est donc plurielle puisque derrière lui se cachent celles des auteurs de la littérature universelle.

Sur le plateau, derrière un voile qu’animent des jeux de lumière, l’arrière plan, le hors-champ : la chambre nuptiale où le fils rêve de dormir, la salle de bains où la mère va pleurer, la forêt où le père se fait piquer par le serpent, la banque qui refuse de prêter l’argent, la maison du voisin où se déroule l’adultère, l’Everest, enfin, que le fils devra un jour conquérir.

Everest est un pari audacieux qui mêle la légèreté et la cruauté du conte initiatique pour suggérer en creux les menaces qui pèsent sur notre époque. Car le texte de Stéphane Jaubertie, non sans faire courir à la scène le risque d’un pesant didactisme, formule au fil des tableaux de multiples questions : la plus singulière aventure est-elle intérieure ou extérieure ? L’homme se doit-il plus à l’amour ou à la forêt ? Aux autres ou à lui-même ? Est-ce l’homme qui fait l’enfant, ou l’enfant qui fait l’homme ? C’est le talent de Nino d’Introna de créer à partir de ces thèmes généraux des visuels poétiques, avec le souci du détail dans les enchainements et le raffinement de la mise en espace qu’on lui connaît, non sans la précieuse collaboration de Patrick Nejean pour la musique et d’Andrea Abbatangelo pour la lumière.

 

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© : Cyrille Sabatier

Everest, de Stéphane Jaubertie, mise en scène de Nino D’Introna, avec : Angélique Heller, Cédric Marchal, Gabriel Hermand-Priquet en alternance avec Alain-Serge Porta 
TNG, jusqu’au 22 février.

1     C’est la troisième fois qu’il travaille avec lui, après,  Yaël Tautavel et Jojo au bord du monde