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vendredi, 08 février 2013

Everest

Nino d’Introna nous a habitués à la finesse d’exécution de ses mises en scène. Avec Everest, sa toute dernière création au TNG, il ne déçoit pas son public.

A l’origine, la commande d’un texte traitant du thème du père, que Nino d’Introna proposa à Stéphane Jaubertie (1). Ce dernier inventa un huis-clos à trois, un père, une mère, un fils. Une famille pauvre, chez qui l’on mange des oignons et des mini-saucisses, où on ne prit jamais le temps d’écouter sa « demande intérieure » ni, « jusqu’au plus loin de nos ancêtres » celui d’ouvrir un livre.

Entre le père qui s’évade régulièrement dans la forêt (« ma cathédrale à ciel ouvert », dit-il) et la mère qui sait ce qu’elle veut (« une chaudière neuve et qui vous change la vie », dit-elle), le fils unique qui grandit est le principal récitant du spectacle (« mes parents n’étaient pas méchants. Ils me faisaient du mal, mais gentiment », dit-il). Toute la mise en scène se construit autour de son point de vue, à travers des variations très subtiles de la taille de ses parents, qui alternativement diminuent et grandissent, par la grâce du théâtre d’ombres et de marionnettes. 

L'action se déroule sur et autour d’une table de cuisine, laquelle s’encombre peu à peu de livres. Car sans dévoiler le fantastique de l’intrigue, on peut dire qu’Everest est avant tout un apologue sur la nécessité de la littérature, « des sommets de la littérature », qui seuls permettent de retrouver dans un univers miniaturisant une taille d’homme et tout ce qu’elle représente métaphoriquement. La figure du père est donc plurielle puisque derrière lui se cachent celles des auteurs de la littérature universelle.

Sur le plateau, derrière un voile qu’animent des jeux de lumière, l’arrière plan, le hors-champ : la chambre nuptiale où le fils rêve de dormir, la salle de bains où la mère va pleurer, la forêt où le père se fait piquer par le serpent, la banque qui refuse de prêter l’argent, la maison du voisin où se déroule l’adultère, l’Everest, enfin, que le fils devra un jour conquérir.

Everest est un pari audacieux qui mêle la légèreté et la cruauté du conte initiatique pour suggérer en creux les menaces qui pèsent sur notre époque. Car le texte de Stéphane Jaubertie, non sans faire courir à la scène le risque d’un pesant didactisme, formule au fil des tableaux de multiples questions : la plus singulière aventure est-elle intérieure ou extérieure ? L’homme se doit-il plus à l’amour ou à la forêt ? Aux autres ou à lui-même ? Est-ce l’homme qui fait l’enfant, ou l’enfant qui fait l’homme ? C’est le talent de Nino d’Introna de créer à partir de ces thèmes généraux des visuels poétiques, avec le souci du détail dans les enchainements et le raffinement de la mise en espace qu’on lui connaît, non sans la précieuse collaboration de Patrick Nejean pour la musique et d’Andrea Abbatangelo pour la lumière.

 

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© : Cyrille Sabatier

Everest, de Stéphane Jaubertie, mise en scène de Nino D’Introna, avec : Angélique Heller, Cédric Marchal, Gabriel Hermand-Priquet en alternance avec Alain-Serge Porta 
TNG, jusqu’au 22 février.

1     C’est la troisième fois qu’il travaille avec lui, après,  Yaël Tautavel et Jojo au bord du monde

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