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vendredi, 05 juillet 2013

Résultats du bac

Surpris ce matin sur la place de la Croix-Rousse un dialogue entre deux lycéens :

- Alors ?

- C'est bon !

- Cooool...

Je vous laisse imaginer de quoi ils parlaient.

Aujourd'hui que le bac n'est qu'une formalité, je me demande pourquoi les gouvernements successifs s'ingénient à le maintenir sous une forme nationale. Pour des raisons électoralistes, sans aucun doute. Dès lors que l'examen n'est plus sélectif, et il ne l'est plus depuis longtemps, cela ne sert à rien de mobiliser toute cette énergie, tout ce temps et tout ce pognon pour le conserver sur le plan national et en gros recaler deux individus sur 10. On pourrait tout aussi bien le faire passer dans les lycées, un peu comme le permis dans les auto-écoles.

Mais je crois que le bac est un des ingrédients de ce qu'on pourrait appeler la fatuité française, ce grand mal bourgeois déjà dénoncé par le bon La Fontaine en son temps. Or la fatuité est un des élements constitutifs du vote en démocratie. C'est peut-être la raison pour laquelle  l'état, qui est un grand rusé, aura préféré renoncer à sa monnaie et à ses frontières; plutôt qu'à ce rite de passage archaïque, dont il ne fait plus, à grands frais, qu'organiser chaque année la pantomime. Il sait bien que quand tout le monde est bourgeois, au moins en apparence, il n'y a plus de prolétariat ni de défavorisés.. Du moins, en apparence.

Je ré'edite pour l'occasion un texte de 2009  (comme quoi, rien ne change) qui, en substance mais de manière plus humoristique, disait déjà ça :



78,4 % de réussite au bac du premier coup.  Les 80 %  qu'ambitionnait le ministre Chevènement à la fin des années quatre-vingts seront bientôt atteints. Alléluia. Moi qui ne connait qu'un dixième seulement des tripatouillages administratifs et des petits arrangements pédagogiques à l’origine du phénomène  (mais un dixième, c’est suffisant pour avoir une idée approximative de l'ensemble), je garde raison et ne m’enflamme pas : l’humanité, dans sa version occidentale (et plus spécifiquement franchoullarde)  n’est pas soudainement devenue plus intelligente, plus spirituelle, plus cultivée - si tant est que l’obtention du bachot ait jamais été un symptôme d’intelligence, de spiritualité et même, osons le mot, de culture. Et tous les petits Français ne sont pas des génies, loin s'en faut. Mais le chiffre est séduisant et brille sur le papier de tous les quotidiens : 78,4%... Et on se dit : qu'en sera-t-il après le fameux rattrapage ?

Tout à l’heure, j’étais dans un bar tenu, disons, par Lisbeth. Lisbeth est aussi volumineuse que son mari est long et sec. Lisbeth est vive, autant que son mari parait éteint. J’aime bien leur bar, parce qu’ils ne servent pas de repas à midi, ne font pas chier les gens ni avec de la musique ni avec la radio, ne demandent pas à être payés dès la consommation posée sur la table et savent encore, comme les gens d’un siècle désormais enfoui dans l'ère pré-technologique, rester tranquilles en silence ou en papotant discrètement derrière leur comptoir. Bref Lisbeth et son mari sont des gens, disons, normaux.

Mais aujourd’hui, grand émoi.

La fifille à Lisbeth vient d’avoir son bachot.

Lisbeth, elle ne tient donc plus en place et le clame à la terre entière, par portable interposé.

Elle fait, semble-t-il, le tour des mères des copines et des copains de Fifille, laquelle s’est déjà barrée, entre parenthèses, pour une semaine sur les bords d’un lac suisse, en raison de cet exploit remarquable. Laquelle, à entendre sa mère s’épuiser en longs récits, s’est déjà saoulée toute la nuit avec des poteaux. On la sent, Lisbeth, en pleine communion spirituelle avec Fifille, qu’elle voit déjà, débordante de vanité filiale et d'espoirs middle-class, sur les bancs d’HEC.

Seulement voilà.

Lisbeth découvre, au fil des appels, que tous les rejetons & rejetonnes des copines à qui elle annonce la bonne nouvelle ont aussi gagné le gros lot. Les bourgeons s'embourgeoisent.

Au début, elle est vachement contente pour eux, ça se voit aux petits gloussements de dinde qu’elle émet. Et de partager leur expérience commune de mamans ravies. Quand même, on n'est pas si mauvaises que ça !

Une fois.

Deux fois

Trois fois.

Quatrième fois, une ombre se glisse dans la joie jusqu’alors limpide du visage grassouillet de Lisbeth.

Ah bon, il a eu son bac aussi ? Avec mention AB aussi ? Ah bon ? Les traits se figent.

Ah bon !

Elle se retourne vers, disons Robert, l’air dépité : T'entends ? ( non, il entendait pas, Robert. Il trainait son pas lent derrière le comptoir, un torchon sur le polo Lacoste, et pensait on sait pas trop à quoi, d'ailleurs... ) Cédric Machin l’a eu aussi, qu’elle gueule. Tout le café en profite.

Et ce n’est pas tout.

Voilà qu’elle apprend, non c’est pas possible, elle a toujours été nulle, que Charlotte Truc aussi a décroché le pompon, que l’autre idiot de Guillaume Bidule, aussi, et Magali, et Thomas, et Virginie, bref, tout le quartier a eu son bac, le bac à Fifille, "incroyable", qu'elle finit par lancer à son mari, c’est affreux …

Lisbeth, vaniteuse et décomposée se pose sur une banquette.

Bon, dit-elle à la dernière de ses interlocutrices, je fais quand même l’apéro prévu la semaine prochaine, le bac, ça reste le bac qu’elle fait, hein, euh…

78,4… De toute façon, croyez-moi, et c’est sans doute pas plus mal, ce Bac Big-Bazar vit probablement ses dernières années : un contrôle continu suffira bientôt pour faire la circulation routière dans les voies sinueuses de l’orientation scolaire.

Mais quel bon connaisseur du genre humain a dit un jour : « C’est important d’être heureux, à condition que les autres ne le soient pas ? 

11:39 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bac, éducation, france, culture, société, résultats | | |

Commentaires

Ah oui quelle belle foutaise le bac! Représentatif de rien du tout. Il aurait un sens si, comme pour le brevet des collèges, les deux tiers de la note finale étaient constitués de contrôles continus des deux années précédentes!

Écrit par : Sarah S. | vendredi, 05 juillet 2013

Les commentaires sont fermés.