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mardi, 26 novembre 2013

Charlie et les rappeurs

C’est à la mode de s’insurger contre les mots. Faute de mieux, sans doute Alors, le mini débat du jour, dans ce pays exténué, vient de Charlie Hebdo qui se proclame « effaré » des appels à l’autodafé dirigés contre lui par un groupe de rappeurs, en marge du biopic de la prétendument historique marche des Beurs. Le septième couplet en question, celui incriminé, le voici :

« D't'façon y'a pas plus ringard que le raciste

Ces théoristes veulent faire taire l'islam

Quel est le vrai danger: le terrorisme ou le taylorisme?

Les miens se lèvent tôt, j'ai vu mes potos taffer

Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo »

Moi, je trouve ça drôle de voir Charlie Hebdo faire à son tour sa Taubira. Comme cette dernière avait oublié qu’elle était Garde des Sceaux, Charlie Hebdo oublie-t-il qu’il est un journal satirique ?  Ça ne manque franchement ni de sel, ni de comique. Si on ne peut plus se traiter de singe, de chiens, ou se vouer au bûcher « dans ce pays » de curetons laïcs, pour ma part, je ne le reconnais plus.

Par principe, parce que je crois encore me souvenir que le signe est arbitraire et que la polémique est un genre littéraire parmi les autres, je suis pour (ce que c’est vain et  idiot cette façon de séparer les gens entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre) la liberté de dire ce qu’on veut. Mais dans la société du spectacle, le dire parait valoir le faire. Je dis parait, parce que dans la réalité, nous savons tous que c’est faux. Ce qui est marrant, c’est que les gauchos ont l’air de découvrir la violence verbale du rap. Que ne se sont-ils dits « effarés » des paroles de ces mêmes rappeurs qui, depuis des années, « niquent la France », « baisent les Français » et autres salamalecs aussi insanes que simplistes, récités dans le RER et les cours de récrés, comme des mantras par tous les incultes de banlieue ?

Ces mots ne me font rien, ni ceux-là, ni les autres. Parce qu’ils sont mal écrits, c’est du slogan à trois sous et ça ne veut rien dire. Comment ne pas voir là-dedans de bons coups de pub de gens qui ont besoin de s'en faire, la Marche, les rappeurs, Taubira, Minute, la Halde, SOS Racisme et Charlie-Hebdo ? Rien de plus que de la vanité. Du marché. Mais derrière ces clowns il y a l’occasion – et cela ça craint - d’en appeler pour tous à une police de la parole qui ne fera que déplacer le problème, une fois de plus. Tout ce que ces gouvernants savent faire.  Jusqu'à l’écœurement.

S’en prendre aux mots est puéril et ridicule. Il faut se souvenir de tous ces idiots parlementaires et de toute la clique des indignés décérébrés, si persuadés de faire leur BA en gommant le mot race de la constitution ! Réduire la pensée à quelques valeurs, malsain. D'autant plus que la réalité est là et que, plus on efface de mots pour la dire, plus elle se venge. Les bons lecteurs de Rabelais le savent bien. Mais il semble vraiment qu’en guise de renaissance, nous soyons en pleine décadence. Les rappeurs et les députés, les journalistes de Minute et de Charlie lisent-ils encore Rabelais ? 

Moi, ce qui me fait gerber, c’est le père Lang qui, alors ministre de la Culture, déclara que le rap, en soi, était une culture. Le même cultureux entretenu au frais du contribuable place des Vosges, qui ramasse aujourd’hui 10 000 euros par mois de rétribution en tant que président de l’IMA… En voilà un fait. Parmi d’autres.

La gauche culturelle, de Charlie à Taubira, n’est audible que dans l’opposition. Ils sont à se tordre de rire. Ou à  pleurer de consternation.   

13:33 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : rabelais, charlie hebdo, la marche, beurs, rappeurs, lang, culture, politique, france | | |

mercredi, 11 janvier 2012

Le moine et le footballeur

cantonapierre.gif

Un footballeur multimilliardaire, l’inénarrable « Zizou » a déjà pris la place de l’abbé Pierre dans le cœur des Français (l’expression régulièrement répétée sur les chaines de télé depuis 98 possède quelque chose d’aussi pathétique que ridicule). Un autre footballeur guigne donc le même statut et part en croisade pour le conquérir

« Le mythe de l'abbé Pierre dispose d'un atout précieux : la tête de l'abbé. C'est une belle tête, qui présente clairement tous les signes de l'apostolat : le regard bon, la coupe franciscaine, la barbe missionnaire, tout cela complété par la canadienne du prêtre-ouvrier et la canne du pèlerin. Ainsi sont réunis les chiffres de la légende et ceux de la modernité ».

Avec cette phrase,  Barthes plantait en 1957 son article sur l’abbé Pierre dans ses Mythologies.  Cinquante cinq ans plus tard, c’est Cantona qui tente de devenir à son tour l’icône des sans-abris.

A propos de  l’abbé Pierre,  Barthes analysait la manière subtile dont la charité croulait  « sous une foret de signes », évoquant  « l’identité spectaculaire entre une morphologie et une vocation ». Il y aurait aujourd’hui beaucoup de choses à dire sur la façon dont la solidarité (version bobo et people de la charité) croule sous une forêt d'autres signes.

Sur le désordre de cette barbe en papier glacée, par exemple, sur le regard à la fois sombre et glamour, sur la mèche qui, pour remplacer le beret, sent autant le gel du salon que le vent de l'action. Beaucoup de choses à dire peut-être même sur le maillot (version post-moderne de la canadienne du prêtre ouvrier) qu'on vend et qu'on mouille, qu'on respecte et qu'on échange, Le milliardaire généreux récupère ainsi l'autorité séculaire du moine pauvre, et le footballeur-acteur la légitimité sociale du clerc : nous avons beau être dans un autre siècle, nous sommes toujours dans la confusion des signes. Et l'avertissement de Rabelais reste toujours d'actualité : oh, si les signes vous trompent, combien vous tromperont les choses signifiées...

 

00:05 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : rabelais, abbé pierre, cantona, emmaus, roland barthes, football, politique, société | | |