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vendredi, 01 octobre 2010

L'obèse défunte

A un collectionneur, rencontré par hasard : « cela fait longtemps que je ne vous ai pas croisé en salle des ventes...

Lui : -Que voulez-vous, chez moi, les planchers craquent... »

Cela n'a rien à voir (quoique ...) , mais j'ai trouvé ça très drôle : lu sur le net qu'une girondine de 63 ans et  de 130 kilos s'était vu refuser l'incinération dans les différents crématoriums de la région bordelaise sur le motif d'une trop forte corpulence. Sa fille a dû pousser jusqu'à Toulouse (!) pour trouver un crématorium assez large pour laisser passer l'obèse défunte. Elle songe, évidemment, à porter plainte pour discrimination (les cabinets d'avocats ont de beaux jours devant eux) ...

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21:16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crématorium, abondance, obésité, culture, consommation, france, société | | |

mardi, 28 septembre 2010

Lazare, par Le Caravage

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Quel ordre !  Quel désordre, aussi. Quelle diagonale, que celle formée dans les ténèbres par le corps lumineux de Lazare. Entre la mort et la vie, telle l'expérience de chaque jour, notre lot. Lazare de Béthanie : Ce bras du Christ, rouge et tendu, cette injonction faite, vivre encore,  faite, et cette main qui paraît dire attends, attends encore, et puis ce flanc décharné, - mais attends quoi ? ces visages... : la toile, où l'orangé est fébrile et le noir intense, flambe . Marthe de Béthanie, séparée des hommes par le corps de son frère, si proche qu'on dirait de sa joue qu'elle s'apprête à le ranimer. Observez les deux soeurs, Marthe et Marie, la seconde au chef dénudé, occupant dans le tableau, cette même part, qu'en face le Christ...

00:05 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lazare, le caravage, peinture, culture, religion | | |

vendredi, 24 septembre 2010

Bonjour Sagan

francoise-sagan-st-tropez-1956.jpgUne histoire de Côte d'azur, d'accident de voiture, de soleil. La mise en scène tragique et dérisoire d’une France des années cinquante, à la fois défaite et victorieuse.  Dans la société de consommation émergente, la seule éducation sentimentale encore possible, c'est d'accepter qu'on ne sera heureux que dans et par le plaisir, celui qu’on consomme à toute allure, au risque oui, de l'égoïsme, de la défaite et de la destruction de tout ce qui n'est pas lui. Ce narcissisme effroyable, que l'américain Cristopher Lasch nomme aussi survivalisme (1), Françoise Sagan en a fixé les contours naissants dans cette histoire simple et presque banale qu'elle raconte à toute berzingue, à toute allure, en une écriture minimaliste - tant et si bien qu'on la croirait déjà couchée sur papier pour le livre de poche, le supermarché ou la ligne de métro.

La société de consommation vend et consomme tout, certes. Sagan, cette fille de Flaubert au cynisme sensuel (ou à la sensualité cynique – on ne sait comment le dire), rappelle qu'au moins quelque chose passe entre les mailles, que ni le supermarché ni la voiture de sport ne peut vendre ou produire. Et ce sentiment, avec l'élégance d'un Musset, elle le sait parfaitement littéraire. C'est pourquoi elle le salue en cette phrase digne d'anthologie qui fit sa gloire :   « Sur ce sentiment inconnu dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. C'est un sentiment si complet, si égoïste, que j'en ai presque honte alors que la tristesse m'a toujours paru honorable. Je ne la connaissais pas, elle, mais l'ennui, le regret, plus rarement le remords. Aujourd'hui, quelque chose se replie sur moi comme une soie, énervante et douce, et me sépare des autres. (...) Je répète ce nom très bas et très longtemps dans le noir. Quelque chose monte alors en moi que j'accueille par son nom, les yeux fermés : Bonjour Tristesse. »

La fin de Sagan est triste. Son implication dans l’affaire Elf, ainsi que tout ce qui s’en suivit, sordide Il y a tout juste six ans aujourd’hui, la mort du « charmant petit monstre »,  comme l’avait baptisée François Mauriac, avait réveillé la bienveillance des éditeurs à l’égard de son œuvre. Denis Westhoff, son fils unique, héritier de ses dettes (deux millions d’euros), déposait Julliard de ses droits, arguant du fait que la maison n’avait rien fait pour soutenir cette œuvre jugée « désuète » et dorénavant non rentable. Il proposa à Stock d’accueillir l’œuvre complète, avec correspondance et inédits.  La réédition semble un succès, avec une programmation jusqu’en 2011.

Sagan peut-elle  vraiment gagner une postérité ? De son propre aveu, elle « se fichait pas mal de ce que deviendraient ses livres ». Il y avait dans son phrasé quelque chose de cinématographique et d’éphémère, fondement de ce qu'on appela  sa « modernité ».  Sagan comprit-elle dès la fin des années cinquante que la véritable « nouvelle vague » ne pourrait être seulement littéraire, mais au final purement cinématographique ? En 1963, c’est elle qui écrivait le scénario de Landru, un film de Claude Chabrol, qui vient de mourir. Et en 70, elle adaptait pour Marc Allégret Le bal du comte d’Orgel. Hormis ces quelques incursions, le cinéma parut pourtant la laisser de glace, tout comme d’ailleurs la politique: en allant chercher son pseudonyme chez Proust, Françoise Qoirez n’avait qu’à moitié coupé les ponts avec une certaine tradition française qui ne devait pas passer le siècle, tout comme l’élégance désabusée qu’elle nous lègue in fine.

 

(1) C .Lasch, Le moi assiégé, Climats 2008

12:16 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, sagan, bonjour tristesse, culture, actualité | | |

mercredi, 22 septembre 2010

Le p'tit bal perdu

Bourvil est mort le 23 septembre 1970. Je rentrai en seconde, au lycée du Parc - là, les choses allaient devenir sérieuses, du moins est-ce ce que je m'imaginais, venant d'un collège de Bron où la situation s'est depuis paraît-il inexorablement dégradée. Dans ce lycée du Parc, près des serres chaudes et des pelouses vertes, je crus quelques mois humer des parfums de siècles passés, avant d'apprendre, désolé, qu'il ne datait - quelle tristesse, que du début du vingtième. J'ai retrouvé il y a peu mon professeur de littérature et de latin. Si ses traits ont changé, son rire et son érudition sont demeurés intacts. Bourvil est mort le 23 septembre 1970. J'avais quinze ans. Je me souviens de cette mort comme l'éparpillement sans appel des derniers relents de mon enfance.

Car on chantait parfois Bourvil, naguère, à la maison.

 La ballade irlandaise, le petit bal perdu, Ma p’tite chanson.

Du coup, par un effet double de mémoire et de coïncidence, cet homme recela toujours à mes yeux  quelque chose de l'enfant que je fus. Quand on me parle de son talent comique, cela ne me fait aucun effet. Pour tout dire, je ne l'ai jamais trouvé si désopilant que ça. C'est une certaine humanité que je dirais à présent très datée, très historique, qui m'a touché au bon moment. Un côté monsieur tout le monde,  un mélange de naïveté culturelle et de lucidité de classes qu’on retrouvait dans le monde en noir et blanc de l’époque, aussi bien chez le marchand de journaux du coin que chez le garagiste. Avec cette gueule-là, Bourvil s'invitait facilement dans les fêtes de famille, quand manquait un luron pour taper le carton. Mais ceux qui  le chantaient quand j’étais gosse sont partis aussi. Ce qui fait au final beaucoup de vide.

Il parait que ses dernières paroles furent des paroles de révolte et de regret devant son existence qui s’arrêtait si brusquement, le cancer, 53 ans, déjà... alors qu’il ne goûtait au fond que depuis peu de temps d’une véritable reconnaissance. C'est trop injuste, aurait-il dit. Il faut se méfier des propos rapportés.  Ces propos me sont quand même restés à l'esprit.

Né en 1917, Bourvil eut donc tout juste vingt-deux ans, quand la crise commença à s’abattre sur l’Europe. Est-ce pour cette raison que le petit peuple le chanta beaucoup après-guerre ? Il mourut juste avant que la radicalité des années soixante-dix ne vînt transformer le pays qu’il avait connu. Sa mort me fit à l’époque un effet curieux, exagéré, je ne saurais dire lequel : j’avais quinze ans. A mes yeux, sans doute, il emportait avec lui une part de la jeunesse de mes parents et par conséquent une part de mon enfance : "La fleur d'âge se meurt et passe, écrit Montaigne, quand la vieillesse survient, et la jeunesse se termine en fleur d'âge d'homme fait, l'enfance en la jeunesse, et le premier âge meurt en l'enfance, et le jour d'hier meurt en celui du jour d'huy, et le jour d'huy mourra en celui de demain.." Mais ce qui est vrai de l'individu l'est aussi du fil des générations. Allez savoir pourquoi, allez savoir comment, Bourvil emporta du précieux 

Ce petit bal perdu dans lequel il avait dansé, je comprenais en effet que je n'aurais jamais loisir de le connaître. D'autres, bien sûr, j'en connaitrais. D'autres. J'aurais les miens. Mais celui-ci, jamais plus. Bourvil m'avait appris la leçon de Montaigne, et qu'en matière de bal comme en matière d'autres choses, "il n'y a rien qui demeure ne qui soit toujours un" (1). Se trouvait chez cet homme quelque chose d’infiniment mélancolique, et qui m’avait conquis.

Je ne comprends pas l’espèce de vénération qui l’entoure aujourd’hui. Pas certain d’ailleurs, qu’il serait en accord, s’il revenait, avec cette image qu’on lui colle dessus, l’icône d’un acteur aussi godillot que génial. En son temps, on parlait de célébrité, pas de notoriété. De vedette, pas de star. Et les bénéfices n’étaient pas les mêmes. J’ai l’impression que Bourvil est mort au moment-même où mourait son époque; "A mourir pour mourir " chantait encore en ce temps-là Barbara.  Jeune, certes. Il s’en est allé pourtant sans contre-sens, avec la fin des Trente Glorieuses (comme le disent les mordus d’histoire), avant le choc pétrolier (comme le disent les mordus d’économie) au tout début du surgissement des grandes surfaces qui vendaient des lessives pleines d’enzymes gloutons et autres conneries (comme le disent les mordus de sociologie).  

Ce mélange de naïveté culturelle et de lucidité de classes dont je parlais à son propos, et dont il fut en quelque sorte le représentant dans la société du spectacle en train de garotter la société tout court,  a cédé le pas à une sorte de prétention culturelle et d’aveuglement de classes : peut-être est-ce pourquoi on ne rit plus guère à présent, et la raison pour laquelle des personnages comme Bourvil ou de Funès ont été abusivement sanctifiés. De Gaulle est mort quelques jours après lui (novembre 70). Vialatte est mort quelques mois plus tard (mai 1971). Deux ans après, Tati tournait son dernier film (Parade, 1973), avec l’aide de la télévision suédoise ( !!!). C’est totalement impensé, cette analogie entre De Gaulle, Bourvil, Vialatte et Tati. Pourtant, ça a  quelque chose de significatif à voir avec ce autour de quoi tourne ce billet, Quelque chose de finalement très personnel, un certain nombre de fêlures à la fois collectives et individuelles, jadis ressenties et comme incarnées à jamais sur pellicule dans le visage de cet homme ni beau ni laid, et qui n'auront pu ni tout à fait s’écrire, ni tout à fait demeurer dans les limbes du non-dit.

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 (1) Montaigne, Apologie de Raymond Sebon, Essais, II

18:23 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bourvil, actualité, france, société, culture, cinéma, chanson | | |

dimanche, 19 septembre 2010

La défaite du patrimoine

«…  Cette fête ridicule est donc vraiment à l’image de la politique actuelle : tandis qu’on liquide à l’industrie hôtelière de luxe le fleuron du patrimoine français, on l’ouvre par ailleurs 1 jour par an au bon peuple, pour qu’il aille  faire clic clac en file indienne avec ses putains de portables. Quand donc ce peuple de touristes (aussi stupide que bon) se décidera-t-il à boycotter ce genre de manifestations, désormais soumises à la vieille et dérisoire idéologie des « grands Hommes qui ont fait l’histoire », c'est-à-dire réduite à de la propagande ?  Ce serait un premier pas, un tout petit premier pas, vers une façon de se réapproprier l’histoire, et à nouveau,  de la faire à son compte »

LIRE le commencement de ce texte ICI, sur NondeNon  

 

 (1) Gaudin ayant vendu l'Hôtel-Dieu de Marseille, Collomb s'apprêtant à brader celui de Lyon, parmi tant d'exemples où le PS et l'UMP rivalisent d'ingénuité, d'opportunisme et d'affairisme.

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Monuments historiques,  dessin de François COINTE

 

09:26 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : fête du patrimoine, culture, actualité, france | | |

mardi, 14 septembre 2010

Itératif

Je faisais (itératif) ce rêve (je ne le fais plus) il y a fort longtemps. Une gare. Des rails. Au bout des rails, l’évidence et le silence aussi d’une même bibliothèque. Quelque chose comme un sommet, en termes d’esprit. Des reliures ouvragées laissant présager quelque chose (voyez ce que je veux dire : tant de reliures ne laissent dorénavant au solitaire plus rien présager du tout. Or présager, c’est déjà lire)

Désirer.

Une gare, des rails, des lignes, une direction, un sens, tout cela se laisse facilement expliciter.

Et moi, en crieur de journaux, hagard, déconfit, désemparé (sans charre) devant une réalité qui totalement me dépassait (itératif). Me déconcertait (itératif). A présent, désœuvré. Car il n’y a plus de crieurs de journaux dans les rues, hélas . A Lyon, j’en ai connu un, très vieux, un visage chafouin, plissé, un visage de sage sous une casquette à visière, qui quittait les rotatives de la rue Bellecordière avec une pile sous le bras et, s’il vous plait, en uniforme, enfourchait une bicyclette, tournée des bars et des halls de théâtre…

Aujourd’hui, même les chauffeurs de bus n’ont plus d’uniformes…

Et tout le monde roule en bicyclette…

Moi, dans ce rêve (car c’est ça qui compte, moi) entendant soudain, comme Jeanne d’Arc, une sorte de voix roulant ou plutôt parvenant jusqu’à mes tympans qui disait sans dire :

« Qu’écriras-tu, frémissant de tendresse devant ces grilles qu’on fermera, et ces gens qu’on emportera, devant leur peur, leur guerre… »

 

Et qu'est-ce donc, quoi donc me fit penser à ça, ce songe enfoui, aujourd'hui ?

C'est ce professeur d'italien (italien, ce n'est peut-être pas un hasard ?) d'à peine la quarantaine, le visage émacié, assez maigre (comme on dit en ces temps de surcharge pondérale partout régnante) qui me regarde tout à l'heure derrière ses lunettes rondes et me déclare, m'affirme, d'un ton assez définitif : on assistera à sa fin, pour moi, c'est désormais une affaire d'années, (il parle de l'occident) allez, dix- quinze ans, au train où vont les choses. Sous lui ce fauteuil en tissu empli d'acariens, cette moquette usée, tachée, moche, professorale, qui m'a toujours fait penser à une escale dans l'aéroport de Bucarest, une escale sans fin, en pleine nuit, qui se prolonge, ce bout de tissu sans valeur et qui pourtant demeure, une habitude, quoi...

 

 

10:23 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature, société, culture, actualité | | |

jeudi, 09 septembre 2010

Rue Mercière ...

Je me suis demandé, en la parcourant tout à l’heure, à quoi pouvait ressembler cette rue Mercière au temps serein de sa splendeur. D’un siècle à l’autre, la métamorphose de tant de prestigieux libraires-imprimeurs en restaurateurs suggère, même s’il est assez facile, un commentaire assez accablant pour notre époque. Sébastien Gryphe, Jean de Tournes, François Juste logèrent donc ici, en compagnie de tant d’autres publieurs d’almanachs et de traités, relieurs de livres et tailleurs d’images en tous genres, et voici que je touche un peu du songe leurs enseignes coloriées, là-même où ne s’étale plus que l’ardoise commune de maints plats du jour à quelques euros.

Au musée de l’imprimerie, non loin de là, dans une rue au nom médiéval jusqu’à la caricature (rue de la Poulaillerie, où vécut Pierre Valdo, vestige du vieux marché de la volaille  - n’est-ce pas François Villon qui fit dire au frère Archier de Bagnolet : « Meurtre ne fis onc qu’en poulaille… »), la production des anciens maîtres-imprimeurs attend le chaland sous des vitrines impeccablement nettoyées. Là, les colonnes des incunables aux lettrines enluminées, qu’on vient lécher du regard avec ce soupçon de convoitise, gage du beau. J’ai rêvé quelques minutes devant cette page de Der Stadt Nuremberg, qui date de 1595, page posée aux côtés de son bois gravé. Je savais que cette hôtel de la Couronne avait été jadis, la maison du Consulat avant l’édification de l’Hôtel-de-ville des Terreaux. Mais j’ignorais qu’il appartînt auparavant au Crédit Lyonnais. J’ignorais aussi qu’il avait été un bordel.

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Sur le chemin du retour m'est venue à l'esprit l'absence prolongée de Marcel Rivière,  et je me suis demandé à quel moment de ce besogneux automne à poindre elle finirait par prendre fin.

08:29 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : rue mercière, musée de l'imprimerie, lyon, culture, rues de lyon | | |

mardi, 07 septembre 2010

Un divertissement suffisant ?

La fête du huit décembre a revêtu depuis quelques années à Lyon, une telle importance touristique et médiatique qu’on se souvient peu qu’en réalité, c’est le huit septembre, jour de la Nativité de la Vierge, qui constitue réellement entre Rhône et Saône une solennité.

Rappel distancié des faits, pour les néophytes : frappée cruellement par une épouvantable épidémie de peste en 1628, puis en 1631, puis en 1638, enfin en 1643, la population de la ville est littéralement traumatisée et le Consulat tout autant débordé. Aussi ce dernier décide-t-il de s'en remettre courageusement à la Divinité. Le roi Louis XIII venant tout juste (en 1638) de placer la France sous la protection de Marie, le prévôt des marchands et les échevins lyonnais se réunissent en urgence à l’Hôtel de Ville et, le 12 mars 1643, imitent le monarque en plaçant solennellement la garde, la protection et la guérison de la ville sous les auspices de la Vierge. Ils formulent alors le vœu que - dans le cas où la ville se remettrait de cette dure épreuve-, eux et leurs successeurs iraient à chaque fête de la Nativité de la Vierge (huit septembre) à pied gravement jusque à la chapelle de Fourvière « pour y ouïr la sainte messe, y faire leurs prières et dévotions à  Notre Dame de Fourvière et lui offrir en forme d’hommages et reconnaissance la quantité de sept livres de cire blanche en cierges et flambeaux propres au divin service de la dite chapelle, et un écu d’or au soleil ». Ce vœu, dit « des échevins » (voir le détail ICI) se perpétua de 1643 à 1789. En 1848, en la chapelle rendue au culte, le cardinal de Bonald prononça la première consécration solennelle de Lyon à Marie. Cette consécration fut reconduite sans interruption depuis ce jour par tous les primats des Gaules. Quant au vœu lui-même, il a été remis à l’ordre du jour par le maire Francisque Collomb (1976-1989) qui reprenait à son compte une proposition antérieure du cardinal Gerlier.

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Et donc demain 8 septembre 2010, Gérard Collomb, son homonyme socialiste, l’ensemble des élus et des corps constitués, seront donc accueillis vers 16h45, sur l’esplanade de la basilique, par le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon et primat des Gaules, et par Jean Marie Jouham, recteur de la basilique de Fourvière. Le cortège se mettra en marche et pénétrera par l’allée centrale. La cérémonie débutera vers 17 heures pétantes ; après l’homélie du cardinal Barbarin, la remise de l’écu d’or par le maire au prélat aura lieu dans le chœur. Gérard Collomb prononcera alors le dialogue traditionnel, tandis que la chorale entamera un solennel « amen ». Le cierge sera ensuite remis par un tailleur de pierre, qui sera allumé et déposé sur un chandelier. Après la communion, le cardinal Barbarin lira à genoux la prière de consécration traditionnelle de la ville à Marie, avant d’aller vers 18h30/35 la bénir du haut du balcon avec le Saint Sacrement. A ce moment, trois coups de canon seront tirés dans les jardins du Rosaire.

On pourrait croire à la lecture de tout ceci le diocèse de Lyon particulièrement traditionnel et tourné vers le passé : ce serait faire peu de cas du  lancement de l’application smartphone qui accompagnera la cérémonie et qui permettra la visite en réalité augmentée de la Basilique de Fourvière et de la cathédrale Saint-Jean. Cette application, « voulue par la Fondation Fourvière, gérante du site de la colline et de la basilique de Fourvière et par le Diocèse de Lyon, est gratuite et destinée aux 2 millions de touristes qui, chaque année, franchissent les portes de la basilique mariale ou de la cathédrale de Lyon » (voir ICI le site « visiter-la-basilique-de-fourviere-et-la-cathedrale-saint-jean-de-lyon-avec-son-telephone » L’application est astucieusement appelée « Zevisit » ; elle est disponible sur smartphone (iPhone, androïd phone et windows phone). Elle permet - y apprend-t-on- un circuit audio-guidé en sept étapes intérieures ou extérieures, pour chacun des monuments où il découvre, selon le principe de la « réalité augmentée »  l’histoire, l’architecture, l’art et la spiritualité de ces édifices, grâce aux voix de plusieurs guides, mais aussi de l’archevêque de Lyon, le cardinal Philippe Barbarin, du recteur de la primatiale, le père Michel Cacaud, du recteur de la basilique, Mgr Jean-Marie Jouham, ou encore de l’architecte en chef des monuments historiques, Didier Repellin. Vinzou...

Quelle époque ! auraient certainement soupiré quelques vieux lyonnais que j’ai bien connus et qui ne le diront pas puisqu’ils sont au cimetière : voir tous les vaillants francs-maçons du conseil municipal aller processionner à la queue leu leu jusque devant la crème des huiles catholiques de la cité pour leur faire allégeance (tous en grandes pompes vous dis-je) c’était déjà un sacré spectacle, faute d'un spectacle sacré. Mais ce mélange oxymorique de la plus pure tradition catholique et de la technologie muséale la plus élaborée, mêlant odeur de cierges et interactivité vocale, possède décidément un je ne sais quoi (comme auraient dit Paul Bourget, les frères Goncourt ou Joris Karl Huysmans) de fort intriguant et de franchement indécidable. Si le catholicisme est bien ce sens de la théâtralité la plus parcimonieuse, adapté à l’état du monde et à son désoeuvrement, ou à son ennui, eh bien, nous y voilà : Comme aurait dit le Giono du Roi sans Divertissement, il n’y aura pas de crimes demain dans la ville, et les braves gens pourront y dormir tranquilles. Tout juste quelque reliquat de manifestations inoffensives, puisque l’assassin aura trouvé « un divertissement suffisant ».

dimanche, 05 septembre 2010

Roger Kowalski

« ayez pour moi les yeux du bel octobre, parlez à moi qui suis par l’ombre dessiné ;

qu’un seul regard disperse mes oiseaux, je vous retrouve ; qu’ils reviennent, l’aube seule à mon départ s’enflamme » (1)

 

Né à Lyon le 31 août 1934, Roger Kowalski y mourut le 6 septembre 1975, des suites d’un accident cardiaque. Avec l’Occupation et la Résistance qui s’organisait, Lyon était devenue à partir des années 1942 cette « grande et sombre ville du complot » dont parle Camus dans sa préface aux Poésies Posthumes de son ami René Leynaud (1910-1944) fusillé par les Allemands.  La poésie y connut alors une vitalité et un rayonnement qu’elle n’avait pas retrouvés depuis la Renaissance, autour notamment de la revue Confluences. Cet élan ne s’éteignit pas tout à fait avec la fin de la guerre et la place retrouvée de Paris en tant que capitale intellectuelle du pays. Des revues éphémères naquirent, tel que Delta, qui ne connut qu’un numéro en 1948, ou les Cahiers syntaxe qu’animèrent Robert Droguet et Armand Henneuse. Ce dernier publia  non seulement Alain Borne, Ponge, Seghers, mais aussi des poèmes de jeunes lyonnais, tels Raymond Busquet, Bernard Dumontet, Annie Salager… Autour d’Henneuse, un groupe se forma qui publia même un recueil collectif, Départs, dans les années 50. C’est au sein de ce groupe d’amis que les premiers poèmes de Roger Kowalski et Raoul Bécousse, parmi d’autres, trouvèrent un écho favorable. Alain Bosquet, alors chargé de cours de littérature américaine à la Faculté des Lettres de Lyon, publiera la première anthologie lyonnaise de la génération 1960 dans sa luxueuse revue L’VII (n° 6, juillet 1961). On ne saurait parler à leur propos d’une véritable et nouvelle école : Dumontet les présente ainsi : « Ce sont des amis. Ils se sont rencontrés peu à peu et reconnus ; ils ont une certaine idée de la qualité nécessaire, mais ils n’ont d’autre plaisir que de se savoir différents, et de voir chacun faire fructifier son propre domaine ».

Lecteur des romantiques allemands, de Rilke et de Trakl, mais aussi de Julien Gracq et de Saint-John Perse, Kowalski avait fait des études classiques chez les Jésuites et suivi des cours au conservatoire d’art dramatique avant d’effectuer son service militaire en Algérie, avant de devenir régisseur d’immeubles. Un prix Roger Kowalski a été créé par la ville de Lyon en 1984. Il fonda la galerie K en 1974, dans laquelle il exposait graveurs et peintres et à laquelle il se consacra totalement jusque sa mort. Grâce à son épouse Colette, la galerie K survécut quinze ans après la mort du poète.

Colette Kowalski (1936-2006), exerça une importante activité de traductrice de l'allemand. Avec  François Montmaneix, poète et ami, elle publia au Cherche-Midi, avec le concours du Centre National du Livre, les Poésies complètes de Roger Kowalski :

Le Silenciaire : extraits, Chambelland  1961

La Pierre milliaire, Les Cahiers de la Licorne, 1961

Augurales, L.E.O., 1964

Le Ban, Chambelland, 1964 (Prix Artaud)

Les Hautes Erres, Seghers, 1966

Sommeils, Grasset, 1968

A l’oiseau à la miséricorde, Chambelland, posthume 1976

 

(1)   A l’oiseau, à la miséricorde, 1976

 

Voici l’article que Pierre Perrin publia à l’occasion de l'édition des O.C. au Cherche Midi (NRF n° 557 – Avril 2001)

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19:24 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roger kowalski, poésie, lyon, culture | | |