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jeudi, 09 septembre 2010

Rue Mercière ...

Je me suis demandé, en la parcourant tout à l’heure, à quoi pouvait ressembler cette rue Mercière au temps serein de sa splendeur. D’un siècle à l’autre, la métamorphose de tant de prestigieux libraires-imprimeurs en restaurateurs suggère, même s’il est assez facile, un commentaire assez accablant pour notre époque. Sébastien Gryphe, Jean de Tournes, François Juste logèrent donc ici, en compagnie de tant d’autres publieurs d’almanachs et de traités, relieurs de livres et tailleurs d’images en tous genres, et voici que je touche un peu du songe leurs enseignes coloriées, là-même où ne s’étale plus que l’ardoise commune de maints plats du jour à quelques euros.

Au musée de l’imprimerie, non loin de là, dans une rue au nom médiéval jusqu’à la caricature (rue de la Poulaillerie, où vécut Pierre Valdo, vestige du vieux marché de la volaille  - n’est-ce pas François Villon qui fit dire au frère Archier de Bagnolet : « Meurtre ne fis onc qu’en poulaille… »), la production des anciens maîtres-imprimeurs attend le chaland sous des vitrines impeccablement nettoyées. Là, les colonnes des incunables aux lettrines enluminées, qu’on vient lécher du regard avec ce soupçon de convoitise, gage du beau. J’ai rêvé quelques minutes devant cette page de Der Stadt Nuremberg, qui date de 1595, page posée aux côtés de son bois gravé. Je savais que cette hôtel de la Couronne avait été jadis, la maison du Consulat avant l’édification de l’Hôtel-de-ville des Terreaux. Mais j’ignorais qu’il appartînt auparavant au Crédit Lyonnais. J’ignorais aussi qu’il avait été un bordel.

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Sur le chemin du retour m'est venue à l'esprit l'absence prolongée de Marcel Rivière,  et je me suis demandé à quel moment de ce besogneux automne à poindre elle finirait par prendre fin.

08:29 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : rue mercière, musée de l'imprimerie, lyon, culture, rues de lyon | | |

lundi, 18 janvier 2010

Otium dominical

Toute la journée de dimanche avec des notes, prises naguère, ces paragraphes surlignés sur des pages jaunies. Lecture et relecture de centaines de descriptions d’une même ville laquelle, bien qu’encore debout, me parait soudain en grande partie disparue avec tous ceux qui n'ont ainsi cessé de la nommer jadis. Etrange féerie des phrases, toujours ce pouvoir évocateur du rythme des phrases qui fait que soudain s’entend une voix là où n’est que du silence. Et ce mélange alors, d’une joie véritable et de diffuse tristesse, tout en retrouvant dans leurs mots, réduite presque à l’état de légende romanesque, ce qui fut la réalité sensible de leurs pierres, autrefois.

Vertige réelle des signes et des secondes, vertige des lettres de leurs mots, des chiffres de leurs dates. Il y a parmi eux des auteurs dont nul ne connait plus l'année de naissance, d’autres, dont on n'a jamais su dans quelles conditions ils ont disparu. Leur livre reste pourtant là, entre mes mains ou posé sur mon bureau, avec sa date de parution, ses pages écornées, ses taches de rousseur, son parfum. Cette date seule de parution atteste du passage sur terre de cet auteur disparu. Les caractères d'imprimerie seuls demeurent, à la manière d'une tombe, et rien d’autre. C'est drôle, l'histoire m'intéresse de moins en moins, de plus en plus, la mémoire de ceux qu'elle avala.

Leur roman ...

 

Et ce n’est même pas un testament. Et peut-être que ce ne fut qu'une œuvre de circonstance, une commande, une parodie, même. Ou rien qu’un court récit, pas toujours réussi, habité par un ambition de vivant, par l’air du temps, les modes, les influences et quelque expérience de vie en cours – un simple instant de jeunesse ou de maturité – traversé par une époque (avant-guerre) ou une autre (après-guerre). Où se mesure la fracture qui brisa bel et bien en deux moments et en deux mondes le même pays et les mêmes gens. Tels, de Charles Joannin, Périssoud militant lyonnais (1932); ou bien de Georges Champeaux, Le roman d'un vieux groléen (1909)...

Pour décrire le territoire commun, il y a les solistes, bien sûr, ceux dont la plume en quelques lignes fait se soulever tel coin de rue, tel monument, tel magasin, telle saison… Et puis les imitateurs, les choristes. Mais ce qui me frappe, un peu comme quand je lorgne une vieille enseigne ou bien l’intérieur d’une cour intérieure restée en son jus, c’est cette capacité qu’eurent tous ces écrivains du début du vingtième siècle à restituer une certaine ferveur poétique à partir de leurs immeubles et de leurs rues. C’était une société de lecteurs, chez qui la foi dans la littérature vibrait encore de son passé le plus récent – Balzac, mort depuis quelques décennies seulement – ou plus ancien – les auteurs, par exemple, latins. Ils habitaient leurs livres comme on habite une ville, et leur ville comme on habite une tête, dans un espace et un langage dont on sent bien que ni l'un ni l'autre n'étaient distendus (distordus). Et tout cela n'empêchait nullement la critique et la satire, l'humour ou la rêverie. Le lieu, par lequel ils se reliaient à la plus haute Antiquité en vénérant quelques  bouts de tuile gallo-romaine, était aussi celui de leur République et celui où ils pensaient leur mort à venir. Il est devenu le lieu de leur exil, du mien également.

Car dans le loisir studieux de ce dimanche, un songe continu m'a conduit sur leurs traces et comme relié à eux (reliure) - par le labour sinueux de leurs lignes. Grâce à eux - bien précieux-  j'ai, non pas réfléchi, à peine travaillé, mais, bel et bien, rêvé.

06:15 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, rues de lyon | | |