Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 03 juillet 2013

Aux plages, citoyens !

Eté: 5.000 policiers et gendarmes déployés pour la sécurité des vacanciers

On prend presque peur en lisant le titre de 20 Minutes : Al Qayda aurait-il envoyé des hordes de terroristes islamistes ? Le vilain Bachar, las d’entendre les rodomontades fabiusiennes, aurait-il lâché ses armes chimiques sur les plages de la Douce France ? A moins que ce ne soit une armée de fachos, électeurs de Marine, homophobes et ultra-catholiques, tout prêts à répandre leur peste brune sur le sable chaud  et citoyen des vacances ?

Pas d’inquiétude. Ce contre quoi les policiers et gendarmes payés par le contribuable sont censés protéger le sacrosaint vacancier en bermuda et crème à bronzer du 1er juillet au 31 août, c’est tout simplement lui-même. Pas-même son voisin qui risquerait, au vu de l’état délabré de la sociabilité, savamment entretenu par la classe dirigeante dans ce pays, pour un oui pour un non, de l’agresser. Non. Si l’Etat bonne maman délègue pour ce triste boulot 3000 gendarmes, ainsi que 2000 agents, CRS et motards, afin de  prêter mains fortes aux équipes déjà existantes sur les plages et sur les montagnes, vous avez bien entendu, c’est pour le protéger de lui-même...

Des vacances en toute liberté, en somme. L’Etat protégeant les citoyens d’eux-mêmes. A bien les regarder vivre et penser et consommer, on admet, certes, qu’il y a du travail. Mais tout de même. Tout de même…


On voit bien sur quelle base repose cette propagande. Je prends un exemple : Vous êtes en pleine possession de vos moyens intellectuels, vous partez à la Réunion et vous ne trouvez pourtant rien de mieux à faire que d’aller vous essayer au surf, afin de  ressentir quelque chose, une sensation, dire à quel point votre vie sur Terre est fascinante ! Vous voilà donc en train d’aller et venir sur la grande bleue comme un Christ balnéaire sur un Tibériade façon Trigano, quand tout à coup un requin qui vous prend pour une otarie (se trompe-t-il tant que ça ?) vous dénoyaute une jambe. La mer est toute rouge, femme et enfants parcourent la plage en tout sens, un américain crie « My Goodness ! », et une jeune néerlandaise s’évanouit à la vue de votre cadavre rejeté par l’Océan outragé. Finalement, votre mort fait le 20 heures de l’austère Pujadas qui, aussi flegmatique que devant un Tapie déchaîné, lâche : «une nouvelle attaque de requin, que fait l’Etat ? ». Il est vrai que laisser les gens libres et responsables d’eux-mêmes et de leur propre connerie serait, pour certains cercles influents, une atteinte intolérable aux Droits de l’Homme festif et de l’Electeur abruti ; interdire tout simplement le surf serait un acte insensé d’autoritarisme qui risquerait d’être mal vécu « au niveau du ressenti ». Les cercles d’influence préfèrent gérer. 5000 policiers, gendarmes et CRS, donc. Comme le consommateur a pris l’habitude de faire la fête devant les matraques, il prendra bien aussi l’habitude de faire bronzette et toutes les conneries qui vont avec devant des unitormes. « Hélas ! prophétisait Bernanos en 1945, le monde risque de perdre la liberté, de la perdre irréparablement, faute d’avoir gardé l’habitude de s’en servir » (1)


Nous y voilà : Aujourd’hui, Google rend  « hommage » à Kafka pour l’anniversaire des 130 ans de sa naissance (ce qui ne manque pas de sel en soi)  ; c’est pourquoi, sur sa page d’accueil, on peut voir cette espèce d’horrible Pinocchio en nœud pap’. Ce que les régimes autoritaires ne sont pas parvenus à faire par la répression, les régimes prétendus démocratiques l’ont fait par la prévention : Le monde libre est devenu une gigantesque crèche, surveillée par un Big-Brother aux allures de Big-Nounou socialisante, lequel peut se frotter les mains. Au vu de l’universelle connerie, il est au pouvoir pour longtemps encore. Où faudra-t-il aller pour ne pas être observé, imposé, cultivé, sondé, informé, distrait et – le pire – protégé par l’Etat ? La question mérite d’être soulevée.  Au fond de son lit, peut-être. Au fond d’un trou, sans doute. Et encore… Dans son infinie bienveillance, il parait que l’état démocratique prépare une loi sur le comment mourir pour tous, afin de nous y conduire aussi. par la main L’état, qui est un bon bougre, ne dit d'ailleurs pas conduire, mais accompagner. En attendant, le soleil arrive. Réjouissez-vous,  et aux plages, citoyens !

 

france,culture,sécurité,bernanos,

(1) La France contre les Robots, Georges Bernanos

08:49 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : france, culture, sécurité, bernanos, surveillance, kafka | | |

samedi, 17 janvier 2009

Empreintes pour empreintes

"J'ai vécu à une époque où la formalité du passeport semblait abolie à jamais. N'importe quel honnête homme, pour se rendre d'Europe en Amérique, n'avait que la peine d'aller payer son passage à la Compagnie transatlantique. Il pouvait faire le tour du monde avec une simple carte de visite dans son porte-feuille. Les philosophes du XVIIIème siècle protestaient avec indignation contre l'impôt sur le sel - la gabelle- qui leur paraissait immoral. Il y a vingt ans, le petit bourgeois français refusait de laisser prendre ses empreintes digitales, formalité jusqu'alors réservée aux forçats. Oh! Oui! Je sais, vous vous dites que ce sont là des bagatelles. Mais en protestant contre ces bagatelles, le petit bourgeois engageait sans le savoir un héritage immense, toute une civilisation dont l'évanouissement progressif a presque passé inaperçu, parce que l'Etat Moderne, le Moloch Technique, en posant solidement les bases de sa future tyrannie, restait fidèle à l'ancien vocabulaire libéral, couvrait ou justifiait du vocabulare libéral ses innombrables usurpations :

Au petit bourgeois français refusant de laisser prendre ses empreintes digitales, l'intellectuel de profession, le parasite intellectuel, toujours complice du pouvoir, même quand il paraît le combattre, ripostait avec dédain qe ce préjugé contre la Science risquait de mettre obstacle à une admirable réforme des méthodes d'identification, qu'on ne pouvait sacrifier le Progrès à la crainte ridicule de se salir les doigts ! Erreur profonde ! Ce n'étaient pas ses doigts que le petit bourgeois français criagnait de salir, c'était sa dignité, son âme. Oh ! Peut-être ne s'en doutait-il pas, ou ne s'en doutait-il qu'à demi, peut-être sa révolte était-elle beaucoup moins celle de la prévoyance que celle de l'instinct. N'importe ! On avait beau lui dire :"Que risquez-vous ?  Que vous importe d'être instantanément reconnu, grâce au moyen le plus simple et le plus infaillible ? Le criminel seul trouve avantage à se cacher..." Il reconnaissait bien que le raisonnement n'était pas sans valeur, mais il ne se sentait pas convaincu. En ce temps-là, le procédé de M.Bertillon n'était en effet redoutable qu'au criminel, et il en est de même encore maintenant. C'est le mot de criminel dont le sens s'est prodigieusement élargi, jusqu'à désigner tout citoyen peu favorable au Système, au Parti, ou à l'homme qui les incarne. Le petit bourgeois français n'avait certainement pas assez d'imagination pour se représenter un monde comme le nôtre, si différent du sien, un monde où à chaque carrefour, la Police d'Etat guetterait les suspects, filtrerait les passants, ferait du moindre portier d'hôtel responsable de ses fiches, son auxiliaire bénévole et public. (...)

empreinte%201_pti.jpg

Depuis vingt ans, combien de millions d'hommes, en Russie, en Italie, en Allemagne, en Espagne, ont été ainsi, grâce aux empreintes digitales, mis dans l'impossibilité non pas seulement de nuire aux tyrans, mais de s'en cacher ou de les fuir ?  Et ce système ingénieux a encore détruit quelque chose de plus précieux que des millions de vies humaines. L'idée qu'un citoyen, qui n'a jamais eu affaire à la Justice de son pays devrait rester parfaitement libre de dissimuler son identité à qui lui plaît, pour des motifs dont il est seul juge, ou simplement pour son plaisir, que toute indiscrétion d'un policier sur ce chapitre ne saurait être tolérée sans les raisons les plus graves, cette idée ne vient plus à l'esprit de personne. Le jour n'est pas loin peut-être où il nous semblera aussi naturel de laisser notre clef dans la serrure, afin que la police puisse entrer chez nous nuit et jour, que d'ouvrir notre portefeuille à toute réquisition. Et lorsque l'Etat jugera plus pratique, afin d'épargner le temps de ses innombrbles contrôleurs, de  nous imposer une marque extérieure, pourquoi hésiterions-nous à nous laisser marquer au fer,  la joue,  la fesse, comme le bétail ? L'épuration des Mal-Pensants, si chère aux régimes totalitaires, en serait grandement facilitée."

Georges Bernanos - La France contre les Robots - (chapitre II) - 1945-  livre de poche biblio n° 3303

14:40 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : littérature, actualité, sécurité, surveillance, sarkozy, société, bernanos | | |

jeudi, 13 novembre 2008

De la surveillance comme lieu commun

Faut-il n'avoir pas grand chose à faire ni de ses jours ni de sa matière grise pour consacrer du temps à la lecture des blogues de profs... Il parait pourtant que le Ministère de l'Education Nationale fait surveiller les dits blogues, quelle nouvelle ! Risible, non? Quelques 220.000 euros consacrés à ce magnifique effort civique par les deux barons de Grenelle qui, par ailleurs, ne cessent de pleurnicher sur le peu de sous qui reste dans les caisses et envisage des coupes de postes draconiennes dès septembre prochain... Il s'agirait, plaident Xavier Darcos et Valérie Pécresse, de mieux comprendre le mécontentement éventuel des troupes, afin de l'anticiper en ces temps de rudes réformes à venir. Dans le but d'"anticiper et d'évaluer les risques de contagion et de crise", les ministres souhaitent se saisir des informations « qui préfigurent un débat, un risque opinion potentiel, une crise ou tout temps fort à venir dans lesquels les ministères se trouveraient impliqués ». Avec un égard particulier pour les « vidéos, pétitions en ligne, appels à démission, [qui] doivent être suivis avec une attention particulière et signalées en temps réel ». Eh bé ! Il y aurait donc des sous au Ministère, un "budget surveillance". Tiens, tiens... Bonne nouvelle. Si les capteurs de l'Education Nationale passe par là, je leur dis que la vie est belle, et merci patron, chantaient les Charlots, on est tous contents de travailler pour vous, on est heureux comme des fous... 

(pièce jointe : le cahier des clauses particulières complet, aussi appelé CCP

 


08:16 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : george orwell, surveillance, éducation nationale | | |