samedi, 21 mars 2009
Au café
10:55 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : fumer, mater, brasserie, cafés, société, peinture |
dimanche, 22 février 2009
Chez tante Zize
On remettait hier, à l'Institut Lumière à Lyon, le 5ème prix Jacques Deray. Jacques Deray (1929-2003), c'est Le Gigolo (1960), La Piscine (1969), Borsalino (1970), Flic Story (1975), Trois hommes à abattre (1980), c'est à dire du bon polar populaire. Le prix qui porte son nom récompense donc le meilleur polar de l'année. Après 36 quai des orfèvres d'Olivier Marchal (2004), De battre mon cœur s'est arrêté de Jacques Audiard (2005), Ne le dis à personne de Guillaume Canet (2006) et Le deuxième souffle d'Alain Corneau (2007), Pascal Thomas fut hier soir le lauréat de la cinquième édition. Pour ma part, je ne vais presque jamais au cinéma. Un ami m'avait traîné l'an dernier à l'UGC Odéon à l'occasion d'un passage à Paris, j'avais vu un navet sur Amin Dada dont je me suiis remémoré quelques images, quelques effets faciles, dans le métro en allant à l'Institut Lumière hier soir. Auparavant, je crois que je n'avais pas mis les pieds dans une salle obscure depuis 1998. Et donc, "Le Crime est notre affaire" fut le second film que j'aurais vu en salle du siècle présent. Je tiens là peut-être un record.
C'est vrai que l'Institut Lumière, rue du Premier Film à Monplaisir, est un lieu émouvant. Pour beaucoup de raisons. Cette place toujours vide et assez triste, où trône l'horrible monument élevé à la mémoire des frères Lumière, signe l'arrivée dans les lieux. La villa familiale d'un cossu assez dix-neuvième et très mastoc, villa d'industriels - je n'aime pas trop -. C'est à partir de la rue du Premier Film qu'on peut rêver un peu; je revois la sortie des Usines, l'homme en vélo, le chien qui aboie - et je ne peux qu'avoir la page de Béraud en tête, cet atelier - l'une de mes grandes tantes, enterrée à présent dans le cimetière de Francheville-le-Haut, a passé sa vie dans cette usine - Lorsqu'elle venait deux ou trois fois par an nous rendre visite, avec toujours les mêmes sortes de gateaux, je lui trouvais un air moustachu, sous une toque beigeâtre. Je me suis souvenu aussi d'une voix nasale assez désagréable, et j'ai imaginé sa vie dans cette rue d'un faubourg à l'époque, cette tante qu'on surnommait "la tante Zize", ouvrière conditionneuse de plaques photographiques, une vie assez triste, avec un fils handicapé à cause d'une tuberculose d'enfance mal soignée, mort lui aussi. Trace d'une famille qui a toujours été assez lointaine, et à présent disparue. Pour moi, l'Institut Lumière, c'est chez Tante Zize.
Chez tante Zize, hier soir, Bertrand Tavernier a donc remis à Pascal Thomas son trophée après la projection du film. Une fantaisie policière, à vrai dire, plus qu'un polar, avec Dussolier et Catherine Frot, laquelle tient le film sur les épaules. Quand je lisais des polars, je préférais Simenon à Agatha Christie. C'est Pierre Bayard, récemment, qui m'a un peu ouvert les yeux sur le coté comique, voire même farfelu et pas du tout rigoureux - au contraire de la légende - des romans de Christie. La limite n'y est, en effet, jamais net entre délire et théorie, chez Poirot comme chez les autres enquêteurs. Dans "Qui a tué Roger Ackroyd", il s'amuse a ré-écrire Le Meurtre de Roger Ackroyd et en conduisant une autre enquête, il trouve un autre coupable. Il s'amuse. Pascal Thomas, lui aussi, s'amuse. Il met en avant le coté ludique des enquêteurs dans cette histoire qui joue sur les clichés. De magnifiques décors, au passage. Une narration pépère, reposante. Dire que je me suis amusé serait beaucoup dire. Mais je ne me suis pas ennuyé. Le public non plus. Que des grisonnants, chez tante Zize. Tavernier, que je n'avais pas vu depuis longtemps, et Pascal Thomas, c'est blancs cheveux et cheveux blancs. Tous ces vieux gamins se la jouent un peu relâché, avec une cour de trentenaires qui les appelle par leur prénom. Au moment des discours de circonstances, ils ont du mal à ne pas devenir agaçants, les deux vieux. Leur public ressemble au public des premières. Je me demande quel regard la tante Zize poserait là-dessus, elle. En recevant son prix, Pascal Thomas, qui a suspendu deux fois sa carrière de cinéaste pour celle de collectionneur, s'est arrangé pour placer le nom de Saint-Laurent, - me souviens plus comment. Neuf ans collectionneur : un parfait notable, cet amuseur. A-t-il réservé son billet pour la vente de demain au Grand Palais? Qui sait. Quelle distance, dans le vieil atelier des Lumière, de cette gent prétendument culturelle jusqu'à ma tante Zize et ses gâteaux, sa toque, son respect des convenances, ses principes (elle avait le tutoiement moins facile que nos éminences cinématographiques...) ! En sortant, j'ai pensé à son petit pas trottinant il y a des ans sur ce même trottoir, je l'ai vu passer et repasser par cette rue du Premier Film, avec toutes ses copines-ouvrières, que je n'ai jamais ni vues, ni connues. Elle portait toujours des chaussures à talons plats, marrons, assez vilaines. Sur le mur de l'Institut, même Woody Allen a sa plaque ! Pas la tante Zize. C'est dire !
Ma tante Zize n'a jamais amusé personne.
Pas même moi.
Du coup je lui dédie ce billet. A elle, comme à tous les inconnus illustres de la rue du Premier Film.
11:17 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : jacques deray, pierre bayard, cinéma, pascal thomas, polar, institut lumière, le crime est notre affaire |
vendredi, 13 février 2009
L'ancien pont Morand
La planète entière a récemment été le témoin d'une résurgence d'intérêt imprévue pour un illustre bâtiment qu'on croyait à tort oublié, le pont Morand à Lyon. Ce regain est dû à la fouineuse Frasby, dont le malin appareil photo est allé à plusieurs reprises caresser les formes de la somptueuse dame de pierre qui orne la place Liautey dans le sixième arrondissement, flanquée de ses malins génies, pour réinventer la forêt Morand. Deux lyonnais dont l'avis fait autorité sont aussitôt intervenus pour rappeler à quel point l'ingénieur Morand avait marqué de sa griffe ce quartier, et que non seulement le pont, mais également la place (Liautey) et mêmement le cours (Vitton) portèrent jadis le nom de celui à qui la ville doit sa progression vers l'Est. Je cite Mère Grand qui évoqua avec charme les balconnets du vieux pont Morand construit en 1890 et détruit lors de la construction de la ligne A du métro, et Marcel Rivière qui retraça avec érudition l'histoire de la place et celle de la Grande Allée. Une sorte de hasard (mais le hasard fait bien les choses) fit que là-dessus votre serviteur épluchant pour d'autres raisons les collections du Progrès Illustré de la Bibliothèque de la Part-Dieu tomba nez à nez, dans le numéro 10 du dimanche 22 février 1891, avec un bref article où le dessinateur Giranne rendait hommage au premier pont Morand (1772-1890) celui que même Mère Grand n'a pas connu, qui était construit en bois, et que les Lyonnais du dix-neuvième siècle avaient nommé le pont rouge, parce que Morand avait obtenu des recteurs de l'Hôtel-Dieu sa gratuité pendant la Révolution. Voici donc le lien avec la page et les illustrations de Giranne, une gravure du tout premier pont en bois, et le commentaire de Giranne reproduit en dessous :
L'ancien pont Morand. - L'inauguration du nouveau pont Morand est si récente (14 juillet 1890) qu'il est encore d'actualité de parler de la vieille et pittoresque passerelle qui l'a précédé en lui laissant son nom. Elle fut construite par l'ingénieur Morand, en 1774, pour relier le quartier des affaires (les Terreaux) au quartier des plaisirs (les Brotteaux), vastes plaines verdoyantes où les Lyonnais allaient se réjouir le dimanche. Les salles de danse, les cafés-concerts, les théâtres guignol, rien n'y manquait. On se rendait au Pavillon chinois, aux Bosquets de Paphos, aux Jardins d'Italie, à l'Elysée lyonnais. Le pont Morand, tel que nous le représentons, a été dessiné sur nature, en 1887, alors qu'en aval on pouvait voir encore le long bateau des Bêches, qui fut entraîné par le courant au moment de l'avant-dernière crue du Rhône. Plus près du pont du Collège, il y avait aussi un autre bateau curieux, soit par ses dimensions, soit par son architecture. Il fut détruit par un incendie en 1887. En aval du pont Morand se trouvaient d'autres bateaux, dont il reste encore quelques spécimens vermoulus et tremblants, les Moulins de Saint-Clair. Nous en avons précédemment parlé. Ils forment avec les plattes, les bachuts des marchands de poissons, les sapines et les radeaux, toute la flotille du fleuve. Llentrée du pont Morand, flanquée de ses deux pavillons, d'abord construits pour le péage et qui servirent plus tard de poste de police : C'est de là que, pendant l'Exposition de 1872, partait ce curieux chemin de fer, suspendu sur un seul rail, qui transportait les visiteurs à l'entrée du Parc de la Tête-d'Or. Le pont Morand, quoique construit en bois (16 travées), avait résisté à la fameuse débâcle des glaces de 1789 et aux inondations de 1840. Il subit le siège de Lyon et si l'on s'en rapporte aux gravures du temps, la canonnade aurait dû singulièrement l'endommager. Il portait donc vaillamment encore ses 115 ans quand il fut remplacé, l'année dernière, par le pont monumental qui existe actuellement.
11:08 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : lyon, pont morand, histoire, culture, littérature |
mardi, 27 janvier 2009
Le retour du hobo
"Sur le front de l'emploi, la journée de lundi 26 janvier 2009 restera probablement comme l'une des plus noires de la crise économique mondiale. En une petite journée, 67 000 suppressions d'emploi ont été annoncées entre les Etats-Unis et l'Europe, selon le décompte du journal britannique The Guardian ." (Le Monde)
08:05 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : hobo, crise, chômage, usa, emploi, orwell, dans la dèche à paris et à londres |
mardi, 20 janvier 2009
Chronique de Loulou, du nouveau président des Usa, et de la vie derrière des barreaux
L’éléphant Loulou naquit vers 1900, dans une forêt du district de Pnom-Penh, au Cambodge. Ses yeux pétillants de malice, sa trompe fusant par dessus les barreaux, sa démarche à l’amble ont enchanté des générations d’enfants lyonnais du début du vingtième siècle, jusqu’à le transformer en un héros de cartes postales. En voici une.
Troublante, cette carte postale ancienne, non ? On sait que l’éléphant est fait pour vivre en troupeau, et Loulou, tout spécialement, ne supportait pas la solitude. Seul de son espèce et perdu au milieu de bipèdes indiscrets, il mesura le risque de devenir soit neurasthénique, soit paranoïaque. Aussi, à force de protester contre l’exiguïté de son logis, tantôt en en tordant les barreaux, tantôt en les descellant, il eut finalement gain de cause en 1928 : Vous vous demandez comment je sais tout ça, non? Il suffit d’aller interroger le personnel du Parc de la Tête d’Or ; là-bas, l’éléphant Loulou est encore une vedette, comme James Dean ou Greta Garbo. On le sortit donc de sa cage trop étroite pour lui aménager un enclos plus décent, muni d’un bassin à sa taille pour sa baignade quotidienne, mais toujours, hélas, toujours trop solidement grillagé à son goût. Là-dessus, Hitler envahit la Pologne et la Seconde Guerre mondiale éclata : Loulou finirait sa vie dans l’indifférence des photographes, ignoré dorénavant de ses petits visiteurs, loin – c’était peut-être mieux pour lui – de tout ce peuple de curieux lilliputiens, et sans avoir compris au fond pourquoi il avait dû quitter le Cambodge.
Son histoire vous intéresse encore ? Cela change de l’investiture d’Obama dont causent toutes les radios, non ? Franchement ? Un peu d’air frais, toujours, fait du bien. Et donc, Loulou : Eh bien Loulou, à la Libération, quand les affaires du zoo reprirent, il fallut lui trouver un successeur, hé oui, puisqu’il était trépassé - ici, interdiction de pleurer, car je n'ai pas de mouchoir disponible -. Or donc il se trouve (fort vieille façon de parler, « or donc il se trouve », n’est-ce pas ?) qu’un préfet du Rhône d’avant-guerre, Emile Bollaert (devenu entre temps Gouverneur d’Indochine – prononcez bollaaarte, comme le stade de Lens - ndrl) était un excellent ami d’Edouard Herriot (Edouard Herriot, record de durée à la mairie de Lyon avec 50 ans - ndlr). En 1948, Emile fit donc don à Edouard – qui le largua aussitôt au parc zoologique de Lyon - d’un éléphanteau âgé d’une vingtaine de mois, qu’on baptisa Mako. Ce nouvel et juvénile arrivant dans l’ancien box de Loulou mena un début d’existence plus calme que l’ancêtre, et traversa sans faire de vagues les présidences de messieurs Auriol et Coty. Survint le général de Gaulle, Mako ne broncha pas. Les fameux événements de mai, Mako continua de brouter son herbe et de s'en foutre. En 1969, alors qu’il avait tout juste vingt et un ans, des circonstances dramatiques lui permirent toutefois de sortir d'une torpeur qui risquait de devenir maladive puisque même l'accession de Pompompompompidou à la Maison Blanche à l'Elysée le laissait de marbre : on menaçait alors, en effet, d’abattre trois femelles du cirque Amar, Pankov, Maosi, et Java, dont les piétinements affolés venaient de tuer une enfant durant une représentation. En acceptant de les héberger, le Parc de la Tête d’Or leur sauvait la vie. Toujours las de l’investiture présidentielle ? Pas de problème, écoutez la suite :
A l’occasion de l’arrivée des trois éléphantes de cirque, on aménagea au Parc de la Tête d’Or une véritable éléphanterie à ciel ouvert, munie de larges fosses sans barreaux. Si Pankov, Maosi, Java, habituées à obéir au doigt et la baguette, investirent les lieux sans encombre, il fallut assoiffer Mako durant 15 jours pour l’obliger à quitter son vieil enclos de célibataire et passer sur un pont, spécialement construit à l’intention des quatre pachydermes par l’armée. Pauvre, pauvre vieille bête ! Et comme elle était loin, son Indochine (désolé, toujours pas de mouchoirs sous la main) !
L’existence des quatre éléphants s’écoula dès lors dans une paix relative. L'histoire se met à partir de là à fleurer bon sa petite maison dans la prairie : Un enclos plus large, trois compagnes pour lui tout seul ; Mako n’avait pas, comme son prédécesseur Loulou, de raisons de ruer dans les brancards. Pourtant, le Parc de la Tête d’Or n’étant pas souvent balayé par les grands vents d’Asie, mais plutôt par l’air plombé lyonnais, aucun éléphanteau ne naquit en captivité. En revanche, les gardes joviaux racontent qu’un jour, une jolie visiteuse s’étant approchée trop près de la fosse, elle se trouva happée par une trompe indélicate. Ah ! Le tissu de sa robe fut emporté, et la dame, toute frissonnante de peur, de froid et de honte, se retrouva en petite tenue devant un pachyderme incrédule.
Fin tragique : Après cinquante ans de bons et loyaux services, Mako fut découvert par son animalier couché sur le côté de son box, le matin du 21 janvier 1998. Une paralysie spasmodique ayant gagné ses quatre membres, l’euthanasie fut décidée. Par deux fois l’année précédente, il avait fait la une des journaux en chutant dans le fossé intérieur du bâtiment. Son cadavre a été donné au Muséum d’Histoire Naturelle de Lille.
Des trois femelles, seule Java est encore en vie. Depuis le 26 mars 1999, elle a trouvé deux nouvelles compagnes : Baby et Népal. Voilà, c’est fini. Vous pouvez retourner vivre un jour historique. C’est pas le D Day, mais presque : L’Amérique a un nouveau président. Mais l'éléphant est irréfutable. Et c’est ainsi qu’Alexandre est grand.
20:59 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : loulou, obama, usa, lyon, politique, zoo, actualité |
mardi, 13 janvier 2009
Des nouvelles de Mon Journal
Bon. Un dessin, la force d'un dessin, c'est ça : le petit professeur Nimbus d'hier, l'air de rien, traine avec lui son cortège de revenants. Les personnages font la parade. Pourtant, je les ai balancés il y a si longtemps, toutes ces séries MON journal. Sans grand regret. Mais s'être laissé conté des aventures, il y a des années, dans l'ennui étincelant de ses neuf-quatorze ans, c'était s'exposer à des opportunités imprévues de retour, semble-t-il. Ces petits fascicules dont seule la couverture était colorée racontaient des aventures simples et bien menées, des histoires à rebondissements dont on comprenait facilement les ficelles sans difficulté. Brik, le pirate, puis Marco Polo, Lancelot ...
Le plus drôle, c'est que les éditions "Aventures et Voyages", qui lancèrent ces diverses collections, et leur créatrice Bernadette Ratier, étaient domiciliés à Lyon, au 37 rue de Brest : Fondée le 26 août 1946, cette maison avait été lié à la Résistance car pour créer un organe de presse, il fallait à l'époque disposer d'une "attribution de papier". Or celle-ci était réservée en priorité aux résistants qui avaient déjà créé des journaux clandestins, ou aux équipes des journaux qui s'étaient sabordés dès les premiers mois de l'Occupation. Or Bernadette Ratier avait été résistante et avait réalisé des tracts, des fascicules et même collaboré à un magazine féminin assez éphémère, à cause de la Gestapo. A la Libération, elle a fait des conférences sur les femmes et la résistance et a rédigé quelques articles dans "La Marseillaise"... J'apprends tout ceci sur ce site que je place en lien pour ceux qui veulent en savoir plus. A tout seigneur, tout honneur, la série dans laquelle les ressorts de la fiction chers à R.L Stevenson étaient le mieux tendus, Akim le seigneur de la jungle, protecteur du faible et de l'opprimé, pour clore ce coloré cortège de héros à peine réchappés de la guerre, et vivant dans le monde manichéen d'une humanité encore facile à comprendre, où ne se rencontrent que ceux qui sont clairement bons et ceux qui sont authentiquement méchants.
07:03 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : bandes dessinées, mon journal, bernadette ratier, humour, akim |
vendredi, 09 janvier 2009
Personne n'est quelque chose
Curieuse journée. Superpositions diverses d'impressions qui se conjuguent, mêlent les gens, les lieux, les époques. Hier matin, je vois un prof à la photocopieuse du lycée : trente-trente cinq ans, le capot de la machine relevé, son cartable entrouvert sur la petite table à côté. Bien en poste. Chez lui. Me rappelle soudainement une prof qui est depuis six ou sept ans partie à la retraite, à cette même place, ce même lieu, faisant la même action. Autrefois. Ce même air installé. Autrefois. Moi-même, entre ces deux-là, me revoyant alors, à présent, ensuite, me devinant plus tard, puis jamais. Moment d'épiphanie. Parole de Joyce, remontant à la surface. Grâce de la littérature :
« Toute la population d'une ville disparaît, une autre la remplace, qui passera aussi. Maisons, files de maisons, rues, kilomètres de trottoirs, piles de briques, pierres. Ca change de mains. Ce propriétaire-ci, celui-là. On dit que le mort saisit le vif. Un autre se glisse dans ses souliers, quand il reçoit sa feuille de route. Ils achètent ça à prix d'or, et après, ils ont encore tout l'or. De la filouterie, quelque part, là-dedans. Amoncelé dans les villes, miné par les siècles. Pyramides dans le sable. Bâties avec le pain et les oignons. Esclaves de la muraille de Chine. Babylone. Les grosses pierres restent. Tours rondes. Le reste, débris, banlieues envahissantes, bâclées en série, maisons poussées comme des champignons, bâties de vent. Asiles de nuit. Personne n'est quelque chose. » (Ulysse, chapitre II)
20:05 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (27) | Tags : james joyce, littérature |
mercredi, 07 janvier 2009
Le père Rival
A Lyon les bouquinistes, paradis des chineurs, refuge des épuisés, se sont installés depuis quelques décennies sur le quai de la Pêcherie, face au quai de Bondy le long duquel siège chaque dimanche matin le marché de la création. Les bouquinistes lyonnais ont en cela imité leurs confrères parisiens des bords de Seine. En rendant hommage à un citoyen de la Belle Epoque, bouquiniste de son état et, sans aucun doute, oublié de tout le monde, je voudrais leur rendre hommage à tous.. Je suis pour ce faire le témoignage d’Henri Béraud dans sa Gerbe d’Or, qui nous apprend qu'en ce temps jadis, c'étaient les quais du Rhône qui, à Lyon, étaient comparables à ceux de la Seine, c'était le long du Rhône que chineurs et bibliophiles trouvaient leur bonheur :
« Du pont de la Guillotière au nouveau quartier Grolée, le rez-de-chaussée de l’Hôtel-Dieu n’était qu’un bric-à-brac. On n’y voyait que bouquinistes, marchands d’estampes, tapissiers, empailleurs d’oiseaux. Le père Rival, qui était un peu tout cela, avait son échoppe au milieu de la façade, sous le dôme de Soufflot, à droite du grand portail. Quelle échoppe, quel éventaire ! Tout ce qu’on pouvait pendre ou accrocher était accroché ou pendu là, aux murs gris du vénérable édifice, jusqu’aux voûtes de la soupentes, où dormait le père Rival. Lui-même se présentait sous un aspect des plus fantasque, le chef couvert d’un bonnet carré, à tour de velours et fond d’indienne, la barbe fauchée à la serpe sur le rond des bajoues, l’habit défait, de gros sabots aux pieds, l’air d’un alchimiste à la Rembrandt, et le tout bien calculé pour intriguer et faire jaser.
Toute cette friperie, crocodiles et mannequins, servait de mise en scène à un commerce mal défini où dominait la bouquinerie. Pour cela encore, il avait sa manière, bien à lui, de mener les affaires. Ses livres étaient répandus sur le trottoir en tas effondrés, bords à bords : le tas de deux sous, le tas de cinq sous, le tas de dix sous, le tas de vingt sous ; tout cela sans limites bien marquées, si bien que d’astucieux naïfs prenaient leur air le plus innocent pour payer cinquante centimes des bouquins choisis adroitement sur la pente du tas à un franc, mais fort dignes en réalité du tas à deux sous dont ils provenaient.
-Merci, mon brave.
L’amateur emportait sa trouvaille, détalait. A un autre. Ce spectacle de l’indélicatesse publique constamment renouvelé laissait le vieux libraire imperturbable. Il prenait une prise, donnait du « mon brave » à ses fripons imaginaires et, d’un œil endormi, surveillait sa boutique. » [1]
Le Père Rival de Béraud a-t-il vraiment existé ? Il est certain que oui. Pour les besoins de sa fiction, l'écrivain a dû néanmoins changer son nom. Ironie du sort, ce sont ces bouquinistes qui ont sauvé l'oeuvre de Béraud, ainsi que celles de tant d'auteurs ou de collections inaccessibles désormais dans les centres de distribution d'objets culturels non déterminés qui se trouvent partout en France sous les enseignes Fnac, Virgin ou autres.
[1]Henri Béraud, La gerbe d’Or,.
06:50 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : bouquinistes, quai de saône, lyon, livres, romans, littérature, béraud |
jeudi, 25 décembre 2008
Noël en patois lyonnais
(Vers 1640)
Musée du Louvre, Paris
Ce Noël en patois lyonnais a été imprimé dans divers recueils six fois de 1757 à 1939. De graphie différente, la dernière strophe est probablement un rajout.
Qu'ét-ay donc cela novela
Ce dit maître Jean Capon ?
Et-ay vray qu'na Vierge-pucella
Que tot le one s'appreta
Per verre lo novio venu
Nos en seran de la feta
Dussian no alla pi niud
Qu'et-ay donc celo grands homme
Que sont bio comme de ray ?
Il an tous trais de couronne
Y'en a un qu'est tot nai.
Grou Guillot, pren ta museta,
Et toi, ton aubois, Michi :
Noz en sera de la fieta
J'ai mon tambor per tochi.
Saint-Joset prit se lunnette
Per avissa qui etoit.
Y cherchi de z-allumette,
Mais la bisa que soflave
Per mas de trenta golet,
Chaque fay qu'i se bessave,
Fessave chere son bonet.
Lo diablo entendit la feta :
Il est veny per la vey :
S'en alla fora la teta
Par un trou de la parey.
Saint Joset prit sa verlopa,
Ly foity una vortollia,
Il en a yu, la charlopa,
Lo groint tout ecarmailla.
La mare s'epoventave,
Se rengrave dans un coin :
A gran coite elle engonçave
L'enfant dens un pou de foin.
L'ano a pou, le bou se confia;
Ly veni sota dessus;
En soflant comme una ronfla
Li foiti se corne u cu.
Lo guiablo, ben en colere,
Se veyant traita ainsy,
V'a ronflant per la charera
Comm'un fouet de charrety;
Et veyant bien qu'i n'avave
Grin d'endret per se logi,
Y trovit une boutasse,
Y s'y alli dandogli.
Traduction :
Qu’est-ce-donc que cette nouvelle ?
Dis, maître Jean Capon ?
Est-il vrai qu’une pucelle
Vient d’accoucher d’un poupon ?
Que tout le monde s’apprête
Pour voir le nouveau venu ?
Nous serions de la fête
Dussions-nous aller pieds nus.
Qu’est-ce donc que ces grands hommes
Qui sont beaux comme des rois ?
Ils ont tous trois des couronnes,
Il y en a un qui est tout noir.
Gros-Guillot, prends ta musette,
Et toi, ton hautbois Michel :
Nous serons de la fête :
J’ai mon tambour pour jouer.
Saint-Joseph prit ses lunettes
Pour voir qui c’était.
Il chercha des allumettes
Pour enflammer son lumignon :
Mais la bise qui soufflait
Pas plus de trente trous,
Chaque fois qu’il se baissait
Faisait tomber son bonnet.
Le diable entendit la fête
Il est venu pour la voir :
Il est allé fourrer sa fête
Dans un trou de la paroi.
Saint-Joseph prit sa varlope
Lui en donna une rossée
Il en a eu , la charogne,
Le groin tout écrabouillé.
La mère était effrayée
Elle se retirait dans un coin
En grande hâte elle enfonçait
L’enfant dans un peu de foin.
L’âne a peur, le bœuf se gonfle :
Il vient lui sauter dessus.
En soufflant comme une toupie
Il lui flanque ses cornes au cul.
Le diable, bien est en colère
Se voyant traité ainsi.
S’en va ronflant par la rue
Comme un fouet de charretier ;
En voyant bien qu’il n’avait
Aucun endroit pour s’abriter,
Il y trouva une mare
Il alla y barboter.
13:18 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : noël, patois, lyon, littérature, poème, poésie |