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dimanche, 25 janvier 2015

La Queue

 

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Je ne sais trop en quelles contrées je me réfugiais quand j'ai écrit ce roman... ni comment j'en revenais. Mon chat dormait le plus souvent juste à mes côtés. Toutes tentures tirées, l'appartement demeurait lourdement calme. Parfois, j'errais par les trottoirs de cet Athènes tumultueux aux murs barbouillés de tags, celui-là même qui a voté aujourd'hui ; parfois je longeais les rues tranquilles du vieux Bruxelles ou les boulevards ensommeillés du pauvre Paris... Ou bien encore les vastes avenues du Manhattan des années cinquante, en compagnie de ce bon Kerouac dont j'aurai lu pour l'occasion (presque) toute l'œuvre [et découvert le splendide Visions de Gérard ]...  Non, je ne saurai dire moi-même, au fil de cette écriture fondue au quotidien, quels sentiers perdus de mon adolescence fugueuse j'empruntai à rebours jusqu'à Decize, ni non plus en quels fossés de cet aujourd'hui absurde et déréglé dont - tout en l'aimant malgré tout -  je dressais la satire, je m'embourbais, furieux tel un un fauve trompé, trahi. Au pays des anciens Francs, je fis de Pierre Lazareff et de Madame Rachou de véritables soldats lumineux, et de la catastrophe du Mans en juin 1955 une sorte de Guerre de Troie de nos ridicules temps modernes délités en zone euro. Mais j'aurais tort de les maudire encore et encore, ces mauvais temps-là, je m'y suis bien amusé à porter leur queue, comme mon héros avait appris à le faire lors de son joyeux dépucelage non loin du petit personnage de Capiello...

 

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 Je me souviens, bien sûr, de cette visite  au Louvre d'avril 2013 (déjà ? L'écriture tient le temps, empêche qu'il ne s'éparpille trop de travers, c'est par là qu'elle demeure malgré tout salutaire...) Je désirais que ce roman sortît d'une toile de La Tour, parce que depuis toujours ce maître lorrain sur lequel tout a déjà été dit m'accompagne et m'enrobe de ses toiles à chaque moment cuisant. La Tour, c'est un monde qui ne sera plus. Au sein du pavillon Denon, la salle qui lui est dévolue resta déserte, d'ailleurs, vide ce matin-là telle la coquille d'une noix dévorée - tous les queutards en pantacourts s'étant entassés devant la Joconde pour y faire des selfies - et j'hésitai longtemps d'un tableau à l'autre avant de jeter mon dévolu sur le Saint Sébastien pleuré par Irène. J'hésitai longtemps, comme guidé par les vœux intérieures de ce roman désireux de croître, alors encore à pousser. Mais à quoi bon en rajouter davantage? Ce serait risquer l'extravagance de la posture.

 

vendredi, 23 janvier 2015

Le Gentilhomme Cabaretier

Le Gentilhomme Cabaretier,rodolphe salis,le pont au change,léon bloy,barbey d'aurevilly,catholicisme,laïciré,« C’est « au très vivant, très fier, très impavide baron du Saint-Empire de la Fantaisie, au gentilhomme cabaretier Rodolphe Salis, fondateur du Chat Noir et découvreur de celui qui signe ces pages »  que Léon Bloy, « communard converti au catholicisme », dédicaça  en 1884 ses fameux Propos d’un entrepreneur de démolitions. Ce n’était nullement, précise-il en exergue, une fumisterie ni une réclame pour le fameux cabaret, mais plutôt la reconnaissance amicale d’un homme endetté. Les éditions du Pont au Change ont tiré du recueil quatre « propos », Le Gentilhomme Cabaretier (consacrée précisément à Salis et à sa revue), Le choix suprême (dédié au jour des morts), Le père des convalescents (à Coquelin Cadet), Le dixième cercle de l’enfer (Une chronique sur un roman de Barbey d’Aurevilly – dont Bloy fut le secrétaire – , Ce qui ne meurt pas ).

 

« J’ai passé l’âge d’être éducable et j’arrive de diablement loin » note sarcastiquement Bloy dans cette dernière. Au moment même où le gouvernement Valls sort de ses cartons à la faveur des événements récents  un enseignement de la morale et de la laïcité pour tous les élèves de l’école publique, relire cette dernière est assez savoureux. Ces lignes, entre autres : « Catholique des plus hauts et des plus absolus dans un temps où personne ne veut plus du catholicisme, il [Barbey] pense que ce n’est pas l’affaire  d’un laïque de prêcher une morale quelconque et d’avertir de ses devoirs  le charbonnier le plus rudimentaire. Mais il faut que la Vérité soit dite et c’est son art même qui lui a donné le secret de la dire sans violer le territoire des gardiens de la Parole. »

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intérieur du Chat NOIR  ( photo d'archives) 

Le Gentilhomme Cabaretier et autres chroniques du Chat Noir, par Léon Bloy, aux éditions Le pont du changeUne plaquette de 16 pages, format 12 x 21 cm, cousue fil, sur papier ivoire 100 grammes, couverture jaune 160 g. 6 € port compris.

 

mercredi, 21 janvier 2015

Si par malheur, mon fils...

Paraît que la mairesse de Paris veut créer une carte du citoyen de Paris, à l’image de celle initiée à New York par son maire, de passage par le local de Charlie Hebdo et l’hyper kacher. Morale, laïcité, vivre ensemble, n’ont plus que ces mots à la bouche, les politiques qui gèrent la crise. Vous mettront bientôt des tampons, verrez ça. Estampillé bon membre du troupeau, au creux de l’oreille ou de la narine. Comme si le problème était purement administratif…  Façon de voir le monde, leur façon. Sinistres, les élus.

J’ai toujours pensé que Hollande aurait fait un très bon principal de collège. A l’entendre parler une fois de plus de règles et de punition,  je me suis senti confirmé dans mon jugement. Ça fait marrer de l’entendre évoquer l’école comme un sanctuaire. Impression que ces jobards peuvent dire tout et  n’importe quoi, au gré des événements, des retournements de situations.  Cette gauche qui s’accroche au pouvoir par le sécuritaire sur lequel elle n’a cessé de cracher, par le tout sécuritaire aussi incantatoire que nauséeux, c’est pathétique. Ma foi, si ça plait aux gens. Plus envie de me mêler de ce marché des contrefaçons.

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« Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir Roi… », écrivit Louis XVI dans son testament, peu avant son exécution. Le fils en question n’eut pas ce malheur, mais d’autres, et puis « Je laisse mon âme à Dieu, mon créateur, je le prie de la recevoir dans sa miséricorde…», nulle fanfaronnade, à quoi bon ? Ce simple aveu, inaudible plus encore aujourd’hui qu’il ne le fut alors au milieu des piques brandies, dernières lignes d’un roi de France. Serait-il si insensé, si scandaleux, si absurde que le testament de Louis soit lu chaque 21 janvier dans toutes les écoles républicaines de France ?  Alors que la République s'égare dans une sorte d'amnésie nationale en guise d'histoire et un bricolage de vœux pieux en guise de religion laïque, ce serait une belle façon de se réconcilier avec elle-même que de reconnaître l'autorité des siècles qui l'ont précédée et la relativité des solutions qu'elle propose. Que de s'avouer que le problème au fond, ce n'était pas le seul roi, mais plus sérieusement, chaque citoyen...

22:09 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : louisxvi, révolution, testament, charlie, france | | |

dimanche, 18 janvier 2015

Les routiers sont sympas

C’est bien connu. Et ils en font la preuve en annonçant un préavis de grève menaçant de bloquer le pays tout entier.  Moyen, diront les esprits caustiques, de l’extraire de la pompeuse léthargie dans laquelle la rouerie politique vient de le plonger suite aux attentats. En même temps que des routiers, on va donc reparler d’Emmanuel  Macron et du travail du dimanche, des soldes de janvier et des résultats de la Ligue 1. Se souviendra-t-on que la France venait tout juste d’être rétrogradée du 5e au 6e rang parmi ce qu’on appelle les puissances économiques mondiales. Pas sûr. Et puis, quelle importance ? Le personnage le plus populaire de France serait bientôt le ministre de l’Intérieur, 69 % pour le Parisien, quel bonheur !  Allez défendre la liberté de la presse après ça !

Alexandre Vialatte fut un prophète en son temps, qui dans ses chroniques, de toute chose énoncée, tirait pour rigoler la grandeur – consécutive ou concomitante - d’Allah.  Songer qu’en 2015, le pays de Rabelais en serait à se demander tout en s’entre-sondageant s’il est bon ou non de publier des caricatures de Mahomet…  franchement, quelle question existentielle d’envergure !  Depuis les débats sur la nature de la grâce suffisante ou nécessaire, on peut dire que la conscience religieuse du citoyen ordinaire a grimpé en flèche et que la profondeur des questions qui le tourmentent  a atteint de vertigineux abîmes. Car au risque de creuser ma tombe avec mon stylo, je vais vous dire, caricaturer ou non Mahomet, je m’en contrefiche, tant la question me parait pour le coup importée. Le problème – et il est d’envergure – c’est qu’on réduise à d’aussi vaines controverses ce qu’on appelle, un air grave dans la pupille en se tenant à bonne distance du micro, « la liberté d’expression ».

A propos de liberté d’expression, je ne comprends pas ceux qui veulent réduire celle des tenants de  « la théorie du complot ». Cela revient à dire que seuls ceux qui possèdent la vérité garantie, authentifiée toutes preuves en mains, auraient droit à la parole. Dites donc ! On entendrait alors voler les mouches sur les plateaux télé, principalement dans les périodes de campagnes électorales. Remarquez, une mouche qui vole et fait bzzz bzzzz, ça murmure des choses à l’oreille, les soirs caniculaires de juin, et certaines lignes éditoriales et partisanes ne sont guère plus complexes ni variées que ce son curieusement répétitif qui finit par rentrer par l’oreille et envahir tout le crâne au point qu’on ne goûte plus au délice du repos jusqu’à ce que, muni d’un journal replié sur lui-même et qui enfin sert à quelque chose, on aplatisse l’insecte dans son jus ragoutant contre la paroi d’un mur ou le bord d’une commode.

 Mais le principe même de liberté d’expression consiste à laisser parler tout le monde, les sages comme les fous, les avisés comme les excentriques, les élus comme les électeurs. Après tout, un propos sage devrait se distinguer d’un propos fou de lui-même dans l’esprit des braves gens. Il semble que nos élites n’en soient plus aussi certaines. Ce qui ne manque pas d’alimenter, soit dit en passant, ladite théorie. Le serpent se mord la queue et c’est ainsi, serait-on tenté de dire en chœur avec Vialatte, qu’Allah est grand. Mais ce qui pouvait se dire dans les années soixante risque de ne plus pouvoir se dire en 2015, tant la prudence devient partout de mise.

Je souhaite bon courage à nos âmes vertueuses et gouvernantes qui veulent mettre fin aux prétendues rumeurs en partant à la pèche au citoyen responsable. Car des théories du complot, il y en a toujours eu. Dans son Journal daté du 3 janvier 1915, ça fait tout juste un siècle, Léon Bloy  (devenu à son corps défendant personnage de Houellebecq) note que l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand et de sa femme était sans doute une machination  (le mot sonne mieux que complot, ne trouvez-vous pas ?) On avait besoin, poursuit-il, d’un grief. Et puis il a cette phrase, sublime, dont tous les lecteurs de Soumission ne saisiront pas l’humble portée : « Les dessous de l’histoire ne seront connus qu’au Jugement dernier lorsque la parole sera donnée à l’empereur des démons ».

 

Mais revenons à nos routiers. Leurs camions ne sont plus équipés de sièges Louis XVI et tous ne sont plus de séditieux mélomanes comme au temps de Jean Yanne ;  ils demeurent pourtant  sympas, oui, de ramener un « peuple » ivre de vanité, et dont le président rondouillard se déclare sans rire perché au centre du monde, au quotidien le plus ordinaire, à ses records de pauvres et de chômeurs, et de gens désemparés de plus en plus incapables d’en découdre avec le Réel, et qui seraient tout juste bon, malgré les efforts depuis 40 ans, de réforme en réforme, de l’école de la République, à comploter à l’angle du comptoir devant un ballon de blanc ou un thé à la menthe en maugréant sa colère jusqu’aux prochaines élections. La France de 2015, quoi, rien que du bien normal…

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Carte postale Trésors du Journal de Spirou  couverture du 57e album du journal - 1985

samedi, 17 janvier 2015

La corruption des signes

En représailles  contre la France-Charlie, des musulmans ont incendié huit églises à Niamey et cherchent à s’en prendre à la cathédrale. Ces idiots croient-ils encore que la République radicale de France est catholique ?  Ils ne connaissent guère ses actuels dirigeants ! Dans ce contexte généralisé de perversion des signes, qu’on me permette (sans passer pour autant pour un provocateur), au Coran comme à la déclaration des Droits de l’homme, de préférer la grammaire de Panini dont, dans leur infinie sagesse, les prêtres sanskrits avaient fait un veda qu’ils faisaient lire dans les temples. Elle rappelle avec doigté que le signe – qu’il soit mot ou dessin - est avant tout une forme, un signifiant diront plus tard nos éminents linguistes occidentaux, et que cette forme n’a rien d’essentiel qui vaille qu’on s’étripe en actes puisqu’elle est avant tout expression, langage. Quant au signifié, qui vient en second dans la perception que nous avons du signe, il ne possède qu’un pouvoir de désignation, pas de représentation. « Les langues ne sont nées d’elles-mêmes en façon d’herbes, racines et arbres, écrivait le doux Du Bellay dans sa Défense et illustration de la langue française ; mais toute leur vertu est née au monde du vouloir et arbitre des mortels. » Voilà pourquoi leur usage doit passer par le tamis de la raison, ce n’est pas moi qui le dit, mais Boileau, qui conseillait de « vingt fois sur le métier remettre son ouvrage »

Toute corruption de ce principe, pour quelque raison que ce soit, mène à la manipulation et au conflit. Et nous y sommes, et sans doute pour longtemps, loin de la culture européenne et de ce qui fut sa brillance, sa subtilité, sa saveur, son goût, tandis que du marché de Tulle, le piètre monsieur Hollande, en campagne, déjà, pour sa ré-élection, cause à la presse de valeurs et de punitions, ce qui va évidemment solutionner bien des choses, à Niamey comme ailleurs, ça crève les yeux. 

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 Du Bellay

 

15:18 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : niamey, panini, charlie, boileau, sémiologie, manipulation | | |

mardi, 13 janvier 2015

Je suis Saussure

Un certain Saussure expliqua jadis que le signe ne représentait pas la chose ni même l’essence de la chose, mais qu’il ne faisait que la désigner, dans un rapport avec elle par nécessité linguistique purement arbitraire.  C’est peut-être par et avec la linguistique qu’il faudrait lutter [comme il est de mise de le dire, lutter, quel drôle de mot ] contre le terrorisme.  Car le dessin, comme le mot, n’est qu’un signe et le personnage de LUZ ne représente pas Mahomet, il le désigne dans un certain code, tout comme le mot chat désigne le chat sans évidemment le représenter. Que de faux débats, de faux procès, que de manipulations langagières, religieuses et politiques on s’épargnerait en rappelant ces simples faits, au lieu d’alléguer une liberté d’expression qui n’est plus qu’un fantôme, pour de multiples causes parmi lesquelles les raisons économiques  et judiciaires ne jouent pas un mince rôle

L’arbitraire du signe. Une évidence, donc. Encore faudrait-il que l’Etat ne se comporte pas comme les terroristes qu’il condamne en faisant depuis peu mine de croire lui aussi que le mot représente bel et bien la chose, puisqu’il y aurait selon lui des mots racistes ou antisémites, que de simples mots pourraient être porteurs de haine, que le mot pourrait valoir le crime ( c'est-à-dire la chose) et tomber sous le coup de la loi : c’est hélas aussi ce que pensent les islamistes, tous ceux qui – de près ou de loin – mêlent une forme de religiosité à la loi en tentant de sanctuariser le lieu même du langage, le dit des mots qui est la vraie res publique.  Légiférer le mot comme s’il avait valeur d’acte [au nom d’une religion comme au nom de prétendues valeurs ] – légiférer plutôt que de dédramatiser, punir plutôt que rire, imposer des minutes de silence plutôt que d’expliquer, c’est ce que font de concert les islamistes et ce gouvernement que décidément, non, je ne peux suivre une fois de plus, en qui je ne reconnais pas les valeurs de mon pays. C’est pourquoi je suis et ne suis pas Charlie.

Le signe et son rapport arbitraire à la chose. On ne détourne pas impunément à son profit la loi commune. C’est d’après moi ce que tenta de signifier le Christ aux prêtres du Temple et de la vieille Loi de la charia qui, comme cela se fait à nouveau partout dans le monde, voulaient lapider la femme adultère, en les accusant finement d’avoir détourné la Loi à leur profit en ne lapidant pas l’homme avec elle. On connaît la formule : « que celui qui n’a jamais péché… » Alors ils s’en allèrent tous, nous dit l’Evangile, à commencer par le plus âgé…  

Les tenants de la révolution sémantique en cours, juges et ministres qui n'hésitèrent pas à ignorer l'arbitraire du signe en faisant de certains mots un délit, d'autres une pensée magique en constant décalage avec les faits, feraient bien de se souvenir d’une autre parabole du Christ, qui, si je ne m’abuse, parle de poutre et de paille. Mais ils ont la mémoire courte et un sale boulot à faire.  Ils font des hommages, ils sont Charlie…  Ils sont déjà passés à autre chose... En mémoire de notre pays - puisque tout le monde se réfère à son histoire, ce qui est entre nous des plus suspects - en mémoire des siècles de poésie et de littérature qu’il a produit, donc, je ne peux face à leur intégrisme qu'essayer d’être Saussure….

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dimanche, 11 janvier 2015

Rions

Autour de leur totem situé au centre du village, représentant une allégorie en bronze d'une divinité païenne qu’ils nomment la République, une partie des habitants de la contrée hexagonale, poussée par un mot d’ordre relayé d’écran en écran, s’est rassemblée aujourd’hui pour marcher derrière son chef et les principaux manitous qui les dirigent en leur distribuant des images. Les chefs et les manitous de tribus voisines, tous ayant nom « Hautes Personnalités » (avec, notons le au passage, un emploi fautif de la majuscule) se sont joints à la célébration, sentant sans doute le parti qu’ils pouvaient en tirer auprès de leurs propres opinions. Ils ont donc défilé auprès des « basses personnalités »  (dénuées de toutes majuscules mais affublées du sobriquet étrange de Charlie, et massées les unes contre les autres). Ces hautes personnalités constituent le clergé de cette étonnante religion sans dieu, autour de laquelle coagulent des milliers de fidèles semble-t-il désemparés. Leurs prêtres, des hommes en costumes gris ou bleus, égrènent la litanie de « valeurs », notions vagues et sacralisées, de plus en plus désincarnées parce que de plus en plus démenties par la réalité de tous les jours, ayant nom liberté, égalité, fraternité, solidarité. Ces paroles magiques forment leur credo inlassablement débité en une sorte de récitation médiatique dont les chaînes d’info sont les temples les plus fréquentés.

Ils ont leur grand prêtre, un individu banal issu de leur rang et régnant pour cela en tyran sur eux tous en s’appuyant sur des corps dits intermédiaires, au nom de la normalité. La normalité est un concept essentiel de leur religion qui vise à faire de l’autre, quel qu’il soit, une sorte de même soumis au diktat de leur justice et au contrôle de leur loi. Ce chef mythomane et délirant se réjouit parmi eux que leur petit village soit devenu, le temps de la célébration et à force de dramatisation « la capitale du monde ».

Par ce genre de marches rituelles, les fidèles pensent ainsi conjurer leurs démons, qu’ils nomment « terroristes », et qui incarnent le contraire de leurs valeurs, c'est-à-dire la « barbarie » la « haine », sans qu’on ne sache jamais quelle politique menée en sous main l’emploi de ces termes creux dissimule. Le plus étonnant, au regard des observateurs impartiaux, est que ces gens sont persuadés qu’ils constituent une société parfaitement évoluée, une sorte de nec plus ultra de l’humanité, une quintessence de la civilisation devant laquelle, au regard du concept creux d’universalisme qu’ils ont inventé entre eux, toutes les autres se trouveraient rejetées dans l’obscurantisme et les ténèbres, et seraient vraiment arriérées. Rire, d’accord, mais avant tout rire de soi, telle est la marque, disent-ils, de l’intelligence et de l’esprit. Espérons que les défenseurs de la liberté d’expression, les apôtres de la tolérance qu’ils prétendent être riront de ce billet. 

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Cette manie ancestrale, d'ériger le totem au centre du village...

13:40 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : république, marche, je suis charlie, hollande, politique, etc | | |

vendredi, 09 janvier 2015

Rien ne change

Ceux qui ont voté pour le changement doivent quand même sérieusement s’en mordre les doigts. J’écoutais tout à l’heure Cazeneuve et Valls, l’un sur une chaîne, l’autre sur une autre, débiter leurs explications sur les événements (ce qu’ils nomment ainsi) un peu comme s’ils étaient les directeurs du collège ou de la crèche républicaine, des nounous de grands enfants. Pas un mot sur leur politique en Irak, en Syrie, au Mali. Pas un mot de géopolitique. Pas un. Surveillants généraux de la grande cour de récréation qu’est devenu le territoire national. Tout comme Chirac annonçant en son temps, le visage empli de tics, la mort de George Besse sans même évoquer Eurodif, la face emplie de rictus de Valls. Nos bons dirigeants nous appellent donc à venir marcher auprès d’eux dimanche avec notre bougie au cœur pour manifester notre solidarité avec je ne sais quel fantôme républicain que de litanies en litanies, ils peinent de plus en plus à incarner. Et ce au nom de la fraternité, la religion dont ils sont les prêtres aussi vides que terrifiants.

 

Je me souviens avoir pris part aux manifestations contre la guerre en Irak, il y a des années de cela. C'est pourquoi la photo de classe se fera sans moi, dimanche, parce que, de Dieudonné à Wolinski, les comiques s’en ramassent trop plein la gueule sous leur gouvernement, vraiment. Rire, disait Rabelais, bien plus qu'une valeur [ je ne peux plus entendre ce mot, je crois ] bien plus qu'une valeur, donc, le propre de l'homme. Mais en ces temps de répression langagière...

L’arbitraire du signe aussi s'en ramasse plein la gueule. Naïf, peut-être, je croyais habiter dans un pays riche de sa culture et évolué, où l’arbitraire du signe avait force de loi. Mais dans le pays des valeurs et de la démocratie , depuis Christiane Taubira, sa révolution sémantique en cours, il est des mots comme des dessins qu’il ne fait pas bon mettre en avant. Un mot, un dessin, et nous voila sous le coup de la loi. Il était inévitable que les mots et les dessins se heurtent, inévitable face à une telle régression culturelle. Légiférer les mots, judiciariser la langue, voilà deux processus dictatoriaux dont les états comme les religions qui sacralisent la loi se régalent. Que des gens songent sérieusement à aller défiler derrière Hollande, Sarkozy, Merkel, Cameron,,Renzi, Rajoy et Porochenko pour défendre des valeurs (1), eux qui balancent des bombes aux quatre coins de la planète et sont les fossoyeurs de nos souverainetés historiques me fout la gerbe, la nausée, le dégoût non pas de mon pays, la France, mais vraiment pour le coup, de la république de France qui faute de pouvoir gouverner le pays, tente de se sacraliser sur son dos. Les valeurs de César, je les lui rends avec plaisir...

La France a fait face, dit le pingouin. La France n'a fait face à rien du tout. Elle est, c'est à dire nous sommes, pour un moment, dans une belle merde, et ce entre autres grâce à lui. Bon défilé à ceux qui défileront dimanche derrière son dos.

 

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 Il n'y a pas que les charognards politiques. Les paris financiers vont aussi bon train. Sur ebay, le dernier numéro de CHARLIE se monnaie 75 350 euros  ( capture d'écran ce vendredi à 23 38, fin de la vente dans 14 heures  - cliquez dessus pour agrandir )

 

(1) Les valeurs, disaient Platon, ce sont le juste, le vrai, le bien, le beau... Nous en sommes (c'est peu de le dire) fort éloignés... 

jeudi, 08 janvier 2015

Qui est Charlie ?

Tout, aujourd’hui, j’ai tout entendu

Des profs : c’est la faute à Zemmour, à Houellebecq, à ceux qui « entretiennent la haine… »

Des musulmans : c’est l’Etat qui « vous » manipule, vous, « les Français ».

La version officielle : ce sont les djihadistes manipulés par Daesh, les « fratries de djihadistes »  (finis, les loups solitaires ?)

Partout, en fonds d’écran, en affichettes, en post-it « je suis Charlie », j’ai même reçu des mails et un texto... « Je suis Charlie », arboré comme une identité, comme d’autres arboreraient un voile ou une croix. Et en contre-feux, d’autres,  « je ne suis pas Charlie ».

On étouffe dans ces revendications sans fondements, ces affirmations sans preuves, cette religiosité républicaine diffuse qui ne dit pas son nom, cette propagande de masse. 

Moi ce que je sais, c’est que je n’ai plus aucune confiance en ceux qui dirigent l’Etat et orchestrent la terrifiante symphonie. Aucune. Par quelque bout de la lorgnette que j'observe la monstruosité…

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19:05 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : charlie, état, france, propagande | | |