lundi, 28 mars 2011
La politique du rire.
Les cantonales, c’est les dernières élections à papa, vraiment, celles de la France profonde, des cafés de la poste, des pissotières et des notables. On y fait durant quelques heures comme si rien n’existait au monde, à part l’hexagone et le département. Hier soir, c’est donc la « gauche » qui a emporté le pompon de ces élections d’opérette, à cause du Jura qui « a basculé » de son côté. Historique, disent-ils. Et tout le monde de gloser sur 2012. « Ce soir, tout commence », affirme l'Aubry… Un espoir qui nous viendrait de Hollande Corrèze ?
Sauf que le canton, c’est pas le monde.
La sortie du nucléaire, la répartition des richesses, la réforme des retraites, l’euro de monsieur Trichet, les immigrés de Lampedusa et d'ailleurs, les minarets et les burqas, la baignoire remplie d’eau chaude du patron du FMI n’ont pas fini de diviser ces braves gens et de rappeler que les mêmes clivages sont tout prêts de séparer la gauche comme la droite ; d’autant plus que le centre voudra lui aussi jouer sa partition, tous les Morin, les Borloo, les Villepin, les Bayrou risquent de s’entredéchirer pour s’asseoir sur le même siège. Ne pas oublier non plus que juste après la présidentielle, suivront les législatives : Marine Le Pen n’a pas fini de récolter des voix.
Au fond, ce qui est médiocre, ce n’est ni la gauche ni la droite ni le centre, mais bien les hommes et les femmes de cette génération politique en âge de « régner », enfants du mitterrandisme et du chiraquisme, des cohabitations, de la communication, de la Bourse, du nucléaire, des attentats made in Eurodif. Dans un monde où l’on paiera l’électricité et l’essence de plus en plus cher, il faudra face à eux continuer à apprendre pour survivre à trouver d’autres énergies, à commencer par celle du rire.
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mercredi, 23 mars 2011
Le printemps contaminé
« Ça grimpe de plus en plus », grésille niaisement une souris météorologique à la jupe rose et au col orangé sur une chaîne infos. Elle a l’air bien satisfaite. C’est le printemps ! « Que caches-tu sous ta jupe, Margot ma voisine ?», aurait rajouté jadis la romance populaire. Mais cette image numérique n'est pas ma voisine, l'illusion grimpe de plus en plus. Voici qu'à présent un rat à lunettes sentencieuses nous explique que l’horloge interne de l’être humain a besoin de trois semaines pour se réhabituer à la douce chaleur qui vient. Boudiou. La lumière, la rétine, le cervelet, bref… Exposez-vous progressivement pour vous préparer à l’été. Exposer ? Où ça ?
Sortir une chaise-longue et prendre un bain de soleil dans son jardin (quand on a encore les moyens d’en avoir un), sur sa terrasse (quand on a encore les moyens d’en avoir une), – eh oui, les souris et les rats miévreux de la télé ont toujours cette tendance à oublier que le seule question qui tourneboule l’esprit des gens sensés reste quand même, printemps, été, automne comme hiver, la question économique – S'exposer, c'est être libre, car la peau, c'est l'organe de la liberté, voilà l’idéologie qu’on propose aux citoyens des florissantes démocraties. Mais ce besoin de tout scientifiser, techniciser, chez des êtres qui se prétendent par ailleurs si joliment éclairés, glissons... La niaiserie a fait tant d’émules que c’est, murmuraient nos grand-pères avant d'aller se pieuter, peine perdue.
Pendant ce temps-là, Dominique de Villepin, qui se croit toujours Premier Ministre, explique que confier la gouvernance de l’opération Aube tralala à l’OTAN serait une erreur. M’énerve, ce mec. Pas pour ce qu’il dit spécialement (si peu d’intérêt…). Mais cette prétention d’ex à la mèche grise. Boulimique et intoxiqué, le grand dadais passé aux rayons, l'ex parfaitement ravalé, ce Villepin. S’y verrait bien à nouveau, sans doute. Addicted. Comme tant d’autres, me direz-vous, à tant de trucs dont on a tué la valeur, le politique, par exemple. Bon moyen de passer le lundi, et tous les autres jours de la semaine, au soleil... Nous autres, pendant ce temps.
Tant d’autres, hélas ! Ex du même acabit…Martine Aubry, bourgeoise hautaine et cassante, expliquant à l'écran sans la moindre conscience de son propre et profond ridicule que « Claude Guéant est jeune en politique… ». L'idiote ! Me souviendrait toujours de sa tête, simiesque et impériale, cette moue médiatique, lorsqu'elle a filé un pièce de 2 euros aux bohémiens de la rue Victor Fort ! Le socialisme … Péguy avait bien raison. Mais comment comprendre vraiment Péguy, dans la fournaise et les volutes putrides de tout ce show ?
Glissons à nouveau.
Revenons plutôt à la lumière qui frappe tout à coup la rétine, et donc le cervelet, et bla bla bla… Ce qui vient du Japon risque-t-il de contrarier l’exposition au Sun des chairs occidentales ? Grosse angoisse des Bronzés, pour leur capital santé et celle de leurs rejetons… Du côté du lait, des épinards, des salades, de la tyroïde, ah, ah, ah ! La précieuse tyroïde... Est-ce avec ce bidule que les cons pensent ? Tout ça me rappelle Argan et son poumon vous-je... La tyroïde, vous dis-je, quand ce n'est pas l'Alzeimer galopant : Voilà, à l’heure actuelle, où nous en sommes… Et ce putain de printemps qui vient. Au secours !
François Hollande, s’il obtient sa majorité dans les cantons corréziens, se verrait bien à l’Elysée. Comme Paris (disait Henri IV) vaut bien une messe, l'Elysée, après tout, vaudrait bien un régime... Tout prêt à embrayer le pas au footing de Nicolas. Une photo présidentielle devant des carottes rapées et du jus de pamplemousse bio, ça changerait des livres et des drapeaux sentencieux, surtout quand on ne sait plus bien lire La Princesse de Clèves ni parler le français de Bossuet, n'est-il pas ?Il faudrait quand même qu'on m'explique en quoi l'ancien rond François est mieux que le toujours sec Nicolas.
Hollande, Villepin, Bayrou, Aubry, et tous les autres, qui devant le risque Le Pen en sont encore à s’inquièter à voix haute et à vertu effarouchée des risques de contamination de l’électorat : le dernier carré des clowns électoraux. Leur fameux front républicain. Eux ? La République ! Se rendent-ils bien compte, naïfs ou péremptoires, de ce qu’ils affirment ? Ont-ils lu les chiffres de l'abstention ? Se rendent-ils bien compte de ce qu'ils disent, de ce qu'ils sont ?
Nucléaire, Kadhafi, irradiés, bombardés, OTAN, forces de frappe, crise, bourses, tsunami, sont les fleurs des champs que pétrissent leurs bouches. Niveau 7, 8, 9... A quand le 10 ?
A demain, si vous le voulez bien...
12:04 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : japon, politique, littérature, le pen, kadhafi, nucléaire, françois hollande, ps, ump |
vendredi, 11 mars 2011
Anne, Dominique, Gérard, Nicolas et les autres
Dans le premier chapitre (assez cocasse ) de son livre, le sénateur-maire de Lyon met en scène une opposition à Sarkozy assez inattendue. Sarkozy ne serait pas trop à droite, non, mais il serait trop jacobin, trop étatiste, et Collomb l’accuse « d’incompréhension d’un système mondialisé où le pouvoir s’organise en réseaux et qui ne dépendent évidemment pas tous de l’Etat-nation français.» Ce qui revient à dire que le PS, lui, comprendrait bien mieux la mondialisation libérale. Collomb tente ainsi de doubler Sarkozy par sa droite, essayant -même si la ficelle est grosse- de le coincer entre DSK (le système mondialisé) et lui (un parmi les barons locaux du PS, hommes et femmes de terrain - ah la jolie raffarinade !). « Nous qui connaissons un peu nos électeurs, nous savons que certains nous choisissent alors qu’ils ne votent nullement dans une élection nationale pour le PS tel qu’il est ». Au fond, son analyse est de dire que le PS archaïque et Sarkozy lui-même sont un peu pareils et font la même erreur : ils ignorent la culture de l’individu moderne, ancré dans une région et tournée vers le monde…
Je ne sais comment il pense faire avaler aux gens du Front de Gauche son apologie du travail, qui demeure exactement telle que la droite la plus libérale l’a pensée, et que défend Barroso (Conjuguer flexibilité des entreprises et sécurité des salariés) – c’est page 89.
« Permettre aux entreprises de muter passe nécessairement par une plus grande flexibilité de l’emploi. », écrit Collomb. Il adopte sans le dire cette fameuse « fléxicurité », exportée du Danemark, une idée inventée par la droite pour faire accepter aux salariés les fameux « emplois jetables ». Le plus drôle est que Collomb rend dans l'exemple qu'il retient pour servir son argumentation un vibrant hommage à Christophe Mérieux, mort en 1996, dont il faut rappeler tout de même qu’il fut un grand ami de Jacques Chirac (qui avait favorisé le versement de la rançon réclamé lors de son enlèvement lorsqu’il était petit garçon). Sa mère, Chantal Mérieux, la fille de Paul Berliet, s’était illustrée dans l’arène politique locale derrière Michel Noir puis Charles Million.
Le question n’est pas la flexicurité ou Christophe Mérieux; elle est de savoir en quoi ce projet se distingue de ceux du patronat et du MEDEF, que soutiennent aussi Sarkozy. Nous revoilà dans l'esprit du beau temps des cohabitations successives, dans lesquelles cette génération de politiques, les Sarko, Royal, Aubry, Collomb ou DSK ont fait leurs classes. On en voit les résultats.
A propos de Le Pen/Sarkozy, un adage court en ce temps, qu’il vaut mieux l’original que la copie. Comprenez : à force de courir sur les plates-bandes de Le Pen, Sarkozy vulgariserait ses idées.
N’est-ce pas ce qu’aura fait - et continue de faire - cette droite socialiste, imiter la droite sarkosite, courir sur ses plate-bandes et vulgariser (– faire admettre une à une) ses idées ? Jusque dans leurs entreprises de de com et de séduction (ça commence dimanche midi sur Canal +, en clair s'il vous plait, - Anne et Dominique se faisant cuire quelques délicieux morceaux de viande dans leur cuisine Monsieur Tout-le-Monde (1) à New York), la droite socialiste continue donc d’imiter la droite sarkoziste.
Il va falloir encore et encore de grandes louches d’anti-sarkozisme pour convaincre l’électeur de préférer cette copie à l’original. Ce, peut-être, à quoi servira Marine et les sondages. Ça promet.
(1) Dixit les commentateurs.
00:03 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : gérard collomb, dsk, canal+, ps, politique, sarkozy |
jeudi, 10 mars 2011
Martine chez les canuts
Une centaine de personnes, journalistes et gardes du corps compris, entourent la première secrétaire du PS en visite à la Maison des canuts, rue d’Ivry à Lyon, hier après-midi. En l’absence de Gérard Collomb retenu à Cannes, et qui dans le livre qu’il vient de publier critique « le retour d’un certain leadership, celui de Martine Aubry » -Dominique Bolliet et Nathalie Perrin-Gilbert, maires des 4ème et 1er arrondissements, accueillent la patronne en ces terres jadis ouvrières. La journée a quelque chose de printanier, qui invite à la déambulation.
Stricte et décontractée, la dame est accompagnée de Pierre Alain Muet, député socialiste. Le temps d’entrevoir un métier à tisser, quelques foulards en soie, elle ne prononcera pas de discours officiel, mais recevra des chocolats ainsi que le livre de Ludovic Frobert sur L’Echo de la Fabrique, Naissance de la presse ouvrière à Lyon.
Temps des mondanités.
Puis le petit groupe remonte à pied la rue du Mail jusqu’à la place de la Croix-Rousse. Avec les perches des micros et les caméras qui dominent les têtes, on dirait le corps d’un insecte lent, qui sillonne la rue entre les hautes façades où battaient les métiers.
Un certain climat d’irréalité plane sur la scène, au milieu de l’activité quotidienne des commerçants. Quelques passants demandent ce qui se passe. Quand on leur dit que « c’est Martine Aubry », certains font « pfff », lèvent les yeux au ciel et se détournent en haussant les épaules. D’autres tentent de la prendre en photo. Les maires d’arrondissements sont tout sourires et encadrent leur hôte prestigieux. Drôle de temps.
A l’angle de la rue Victor Fort, on s’arrête quelques secondes devant deux musiciens des rues assis sur des pliants. Accordéon, guitare, quelques notes : c’est la précarité sympa. Devant les caméras, Martine magnanime, puis Pierre Alain jettent la pièce dans la casquette. Les deux musiciens n’ont pas l’air surpris de la présence médiatique qui entoure les étranges promeneurs qui sont déjà passés, tandis qu’ils échangent quelques paroles dans une langue que je ne comprends pas. Dommage.
Aux fenêtres entrouvertes, quelques silhouettes, sur lesquelles les gardes du corps conservent un œil vigilant. Devant la Brasserie des Croix-Roussiens, quelques échanges rapides avec des militants. Puis la première secrétaire, qui était le matin à Saint-Etienne, s’engouffre dans sa voiture. Cela s’appelle battre la campagne. Et pour ce qui est de la Croix-Rousse, circulez : c'est déjà terminé.
02:46 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : politique, municipales, maison des canuts, martine aubry, ps |
samedi, 05 mars 2011
Marine en tête
Tous ont Marine en tête. Les journalistes, tout d’abord, pour qui vendre du papier demeure l’enjeu quotidien.
Ceux du Parisien comme les autres.
Les politiciens, ensuite : La fille Delors « pointe la responsabilité de Sarkozy », qui « fait peur aux Français ». On reconnaît là son côté fausse mère poule. Hamon parle de la « propagation d’un incendie ». Son côté étudiant hyperbolique. Mélenchon parle de « guignolisation de la politique » Ferait bien de laisser Guignol tranquille, ce guignol là. Laurent Fabius explique qu’il y a « une sorte de rejet qui se cristallise sur l’extrême-droite.» Son côté doctorant insatiable. J'en passe et des meilleures. Dis moi comment tu causes et je te dirai qui tu es.
A l’UMP comme au PS, au lieu de se poser vraiment la question du pourquoi,(1) on va commencer à entamer le grand air du vote utile. Si vous ne pensez pas à elle (vous avez sans doute d'autres chats à fouetter) , eux, ils y pensent. Pour vous.
Et que dit l’intéressée ?
Pas grand chose.
Elle compte les points et savoure l’héritage.
Je serais à sa place, je me marrerais.
Tous l’ont en tête. Et font d’elle l’incontournable de la prochaine élection.
(1) avoir laissé, à gauche comme à droite, les "élites" mondialisées (de la politique, du show-business, de l'économie, du sport) organiser en réseaux la vie publique et accumuler des fortunes gigantesques tout en se riant (le mot est faible) des petits, avoir instrumentalisé de façon éhontée la notion de racisme tout en vivant dans des beaux quartiers, avoir laissé se dégrader le service public - à gauche comme à droite -, se poser constamment en moralisateur impuissant, tout cela me semble être les erreurs les plus criantes des politiciens des partis de l'alternance.
19:27 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : politique, sondage, marine le pen, ps, ump, aubry |
Perplexité politique
Le débat politique qui s’engage aujourd’hui est pitoyable. Tout ce que les gens qui soutiennent le PS ont à reprocher à Sarkozy à présent, c’est une déclaration au Puy en Velay, dans laquelle il profère une évidence, à savoir que « la France a un héritage chrétien magnifique. » Oui. Peut-on dire plus banal. Et alors ?
Cela laisse à penser à quel point les gens du PS sont d’accord avec lui sur de nombreux autres sujets. Ce qu’ils n’aiment pas au fond chez ce président, c’est sa manière. Pour le reste, on voit bien qu’ils feraient, en gros, comme lui.
Suffit, pour comprendre cela, de mettre son nez dans le dernier livre du maire de Lyon qui, de « l’ardente obligation européenne » à « la nouvelle dynamique des territoires » égrène tous les lieux communs du « nouvel individualisme » dans une novlangue déjà éculée par moult gens de droite avant lui pour accéder au pouvoir. On a le sentiment que toute l’entreprise de ce petit livre (la dernière partie, notamment « problème de droite, réponse de gauche ») est de tenter de faire comprendre aux électeurs de l’UMP et du Modem qu’ils peuvent voter pour le candidat du PS en toute sécurité en 2012, car ce candidat seul aurait la solution à leur problème (pas aux problèmes de l’électorat de la gauche traditionnelle, encore sensible aux « mythologies ouvrières ».)
La solution ? Sarkozy, au fond, serait juste un tout petit peu trop à droite, (un tout petit peu trop chrétien ? ) une sorte de méchant qui parle mal aux gens (Casse-toi, dégage, and Co). Eux, barons socialistes, seraient de bons gens de droite capables de contenir les récriminations de ceux de gauche, tout en caressant les musulmans dans le sens du poil. Quel programme !
Il est assez comique de noter que lorsque Collomb parle des canuts dans son livre (p.111), c’est pour affirmer à quel point ces gens furent dans le fond chrétiens, à quel point l’Eglise (le cardinal de Bonald, mais aussi Ozanam, le père Chevrier…) et le catholicisme social ont été déterminants dans la gestion politique de la ville au dix-neuvième siècle. Ce qui (sommairement résumé il est vrai) demeure l’exacte vérité ; les canuts étaient en effet des chrétiens. Comme toute la France d’alors. Quelle découverte ! Mais que doivent penser de ces rappels du maire de Lyon si proches de ceux de Sarkozy les éditorialistes à l’emporte pièce que sont Laurent Jaffrin ou Claude Askrolovitch ? Mais glissons.
Pour justifier sa fadeur idéologique et son adaptation au marché, Collomb se fait le chantre d’une « consommation de masse étendue aux dimensions du monde – au moins du monde riche – qui n’est plus la consommation homogène qui contribuait en son temps à créer une identité commune. » (il parle comme une brochure de l’OCDE – entendez par « commune » nationale). Citant Lipovetski, il continue : « La consommation s’est personnalisée, adaptée aux gouts, aux modes de vie, aux valeurs de chacun, permettant l’individu de cultiver ses propres tendances, ses propres passions, pour se distinguer des autres » (p 181). Et alors ?
Le territoire commun, la culture collective et la pensée singulière doivent-ils pour autant se plier devant ce mainstream universel de la consommation abrutissante ? Se fondre dans ce concert ?
J'ai reposé le livre que je venais de parcourir sur la pile.
Une chose est sure. Devant une telle médiocrité généralisée, la défaite de la pensée c'était encore un point de vue, l’électeur-nomade et perplexe (pour ce que compte sa voix !) n’a plus qu’une solution pour répondre à ces imbéciles : voter-plaisir, en cherchant là où il derangera le mieux tous ces beaux projets huilés dont pas un ne sert ses véritables intérêts …
00:45 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : politique, ps, ump, sarkozy, gérard collomb |
mercredi, 02 mars 2011
Et si la France s'éveillait ?
Le maire de Lyon aurait-il des ambitions présidentielles ? La dernière fois que j’ai entendu un discours de Gérard Collomb, il lâchait (sans rire), à propos de la rénovation contestée de l’Hôtel-Dieu : « J’ai besoin d’un hôtel de luxe à Lyon pour accueillir mes invités de marque » Dont acte.
Le voilà donc qui se positionne, comme on dit en marketing, le jour même où Martine Aubry dévoile la feuille de route du candidat socialiste à la présidentielle (dixit Le Monde), avec la parution de son petit livre rouge au titre peyrefittien délicieusement bling-bling : « Et si la France s’éveillait ? » (Plon, 17 euros). Rien que ça... (je parle du titre...)
Parce que vous tous l’avez remarqué, à Paris, à Marseille, dans le Nord, en Bretagne et dans le Limousin, partout en France, quoi, ça roupille, mais à Lyon, la vie intellectuelle bat son plein, si, si…
Qu'est-ce qu'on pense, qu'est-ce qu'on crée, qu'est-ce qu'on vit mieux et qu'est-ce qu'on rigole chez Gérard's land ! Le local comme programme national je vous dis pas !
Un pavé de plus dans la mare socialiste, en tout cas, puisqu’il s’agit de se démarquer des frères et sœurs afin de les déloger de leur prétentions en affichant de concert les siennes : « Si Dominique n’y va pas, affirme sérieusement Gérard, j’y vais. »
Pour soutenir les propositions du sénateur-maire-candidat, parait qu’il sera en personne à Decitre Lyon le 18 et à la Fnac Bellecour le 24 mars à 17h 30 pour défendre sa prose et dédicacer le tout. Faute d'acheter et de le lire cet ouvrage de campagne, je vous conseille d’aller écouter la video d’accueil sur le blog de promotion sur Gerardcollomb.net : tous ces Lyonnais satisfaits, avec en arrière-plan les quais du Rhône, le passage de l'Argue ou des bouteilles de pinard, ça vaut le détour !
18:06 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : gérard collomb, politique, france, s'éveillait, ps, socialisme |
jeudi, 10 février 2011
Propaganda
«La personnalité est au centre de la vie politique actuelle. C'est sur la base de cet élément intangible que l'on essaie d'obtenir l'adhésion du public à un parti, un programme, une stratégie internationale. Le charme du candidat est le secret d'alchimiste capable de transmuter un programme prosaïque en l'or des suffrages. Si utile que soit cet homme qui, pour une raison ou pour une autre, enflamme l'imagination du pays, il est tout de même moins important que le parti et les objectifs définis en son sein. Un plan de campagne bien conçu devrait mettre en avant non pas la personnalité du candidat, mais sa capacité à réaliser le programme du parti, et le contenu même de ce programme. Henry Ford lui-même, la personnalité la plus haute en couleur des milieux d'affaires américains, s'est fait un nom grâce à sa production ; ce n'est pas son nom qui a d'abord aidé à vendre sa production.
Il est essentiel que le directeur de campagne sache jouer des émotions en fonction des groupes. Le corps électoral ne comprend pas uniquement des démocrates et des républicains. Puisque la grande majorité de nos contemporains ne se passionnent pas pour la politique, il faut piquer leur curiosité en reliant les questions abordées dans la campagne à leurs intérêts particuliers. Le public se compose de centaines de groupes emboîtés les uns dans les autres – des groupes économiques, sociaux, religieux, éducatifs, culturels, raciaux, corporatistes, régionaux, sportifs, et quantité d'autres.»
Edward Bernays – Propaganda –(1928)
Edward Bernays (1891-1995) fut le neveu de Freud, le fondateur des relations publiques ; il pilota la commission Creel, chargée de retourner l’opinion publique américaine en 1917, avant l’entrée en guerre des USA. En 1929, il fut à l’origine de la campagne de Lucky Strike pour inciter les « suffragettes » à fumer.
Son livre, Propaganda, est placé en ligne gratuitement sur ce site Zones
Un petit bijou, une soixantaine de pages dont la lecture demeure très éclairante, par les temps qui courent.
05:51 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, ps, ump, littérature, propagande, edward bernays, relations publiques |
vendredi, 10 décembre 2010
A me regarder, ils s'habitueront
La campagne médiatique pour l'élection présidentielle a donc commencé. Tandis que DSK joue le dieu absent, Sarkozy le dieu occupé ailleurs, Ségolène Royal et Martine Aubry ont enfourché leur vélo de campagne pour sillonner la banlieue. Marine le Pen a les yeux déjà posés sur les aiguilles du chrono et accuse Michel Drucker, le (vieux) gendre des familles, de faire de l'ostracisme à son encontre. Le palpitant feuilleton pour la désignation du prochain sous-préfet de l’Elysée a commencé.
« A me regarder, ils s'habitueront », a lancé Ségolène durant son pas de danse à Cergy, reprenant à son compte le troisième aphorisme de Rougeur des Matinaux de René Char :
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront ».
Le « ils » se trouve en italiques dans la version du poète.
Je ne sais ce que le poète aurait pensé de cette métamorphose en slogan de son aphorisme.
La resucée qu’en fait Ségolène est assez équivoque. S’agit-il d’assimiler sa promotion personnelle à un combat politique comparable à celui du maquis en pleine Résistance ? S’agit-il d’une auto-exhortation ironique ? S’agit-il d’un jeu de salon, du genre Précieuses Ridicules (Oyez gens de banlieue comme je suis cultivée...) ?
Cette intrusion du discours poétique assujetti à un discours auto-promotionnel (on ne peut même pas dire un discours politique au stade où nous en sommes de non-programme) met mal à l’aise. Elle avoue sans complexe à quel niveau de narcissisme se pose le débat, et à quel point l'électeur, simple sujet de ce ils, n'est désormais plus qu'un spectateur qu'on méprise.
Arrête ton Char, Ségolène, c'est affligeant.
12:07 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : rené char, littérature, politique, ps, ségolène royal, cergy |