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vendredi, 10 décembre 2010

A me regarder, ils s'habitueront

La campagne médiatique pour l'élection présidentielle a donc commencé. Tandis que DSK joue le dieu absent, Sarkozy le dieu occupé ailleurs, Ségolène Royal et Martine Aubry ont enfourché leur vélo de campagne pour sillonner la banlieue. Marine le Pen a les yeux déjà posés sur les aiguilles du chrono et accuse Michel Drucker, le (vieux) gendre des familles, de faire de l'ostracisme à son encontre. Le palpitant feuilleton pour la désignation du prochain sous-préfet de l’Elysée a commencé.

« A me regarder, ils s'habitueront », a lancé Ségolène durant son pas de danse à Cergy, reprenant à son compte le troisième aphorisme de Rougeur des Matinaux de René Char :

« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront ».

Le « ils » se trouve en italiques dans la version du poète.

Je ne sais ce que le poète aurait pensé de cette métamorphose en slogan de son aphorisme. 

La resucée qu’en fait Ségolène est assez équivoque. S’agit-il d’assimiler sa promotion personnelle à un combat politique comparable à celui du maquis en pleine Résistance ?  S’agit-il d’une auto-exhortation ironique ? S’agit-il d’un jeu de salon, du genre Précieuses Ridicules (Oyez gens de banlieue comme je suis cultivée...) ?

Cette intrusion du discours poétique assujetti à un discours auto-promotionnel (on ne peut même pas dire un discours politique au stade où nous en sommes de non-programme) met mal à l’aise. Elle avoue sans complexe à quel niveau de narcissisme se pose le débat, et à quel point l'électeur, simple sujet de ce ils, n'est désormais plus qu'un spectateur qu'on méprise.

Arrête ton Char, Ségolène, c'est affligeant.

 

 

Commentaires

J'ignorais. Quelle déception supplémentaire !
Il est comme une forme d'indécence dans l'appropriation de cet aphorisme par le passage du «te» en «me».

Écrit par : ArD | vendredi, 10 décembre 2010

Pardonnez-lui, Solko, elle ne sait pas ce qu'elle fait.;; Zut, je viens de détourner LUC, XXIII, 34. Sans doute un souvenir de sa campagne de 2007, avec son air de madone visitée par un désir d'avenir...

Écrit par : nauher | vendredi, 10 décembre 2010

Ça ne m'étonne pas d'elle. Elle a tellement envie d'avoir l'air "inspirée"...
:0)

Écrit par : Sophie K. | vendredi, 10 décembre 2010

Quand je l'ai entendu dire cette phrase j'ai tout de suite remplacé par ... ils se lasseront! Ce qui est déjà fait pour ma part.

Écrit par : Ambre | vendredi, 10 décembre 2010

Oh Solko, hélas cette phrase est depuis très longtemps un tic oratoire des DRH -directeurs des ressources... humaines- dans les entreprises; je ne sais pas combien de fois j'ai entendu cela. C'est comme le coup des maçons et des cathédrales, vous savez bien. Atroce.

Écrit par : Sophie | samedi, 11 décembre 2010

@ Ard : Et c'est bien dans cette substitution que le bât blesse.
@ Nauher : Le désir d'avenir parait hélas reconductible de campagne en campagne
@ Sophie K : Inspirée, expirée... Inspirée, expirée...
@ Ambre : Bonnes nouvelles de Bretagne ?
@ Sophie : Un tic oratoire des DRH ? J'ignorais ça. J'en connais peu, faut dire.

Écrit par : solko | samedi, 11 décembre 2010

Oui Solko, la Bretagne est merveilleuse, il y faittoujours beau. Non mais!;-)

Écrit par : Ambre | samedi, 11 décembre 2010

@Solko et Ambre : la Bretagne est TOUJOURS merveilleuse !!!

Écrit par : nauher | samedi, 11 décembre 2010

J'ai été, au temps de ma jeunesse folle, rédacteur de discours pour un ministre. Votre billet me touche - quel malaise en le lisant - car je me souviens d'avoir insisté un jour pour que le ministre pour lequel je travaillais, apprenne par cœur un poème qu'il voulait citer lors d'un hommage rendu à un poète d'ici. Par cœur lui avais-je dit, sinon oubliez cela... Sinon n'osez même pas.

Puis-me permettre de citer ce poème à mon tour ?

« Et je situerai l'homme où naît mon harmonie

Ma langue est d'Amérique
Je suis né de ce paysage
J'ai pris souffle dans le limon du fleuve
Je suis la terre et je suis la parole
Le soleil se lève à la plante de mes pieds
Le soleil s'endort sous ma tête
Mes bras sont deux océans le long de mon corps
Le monde entier vient frapper à mes flancs

J'entends le monde battre dans mon sang

Je creuse de images dans la terre
Je cherche une ressemblance première
Mon enfance est celle d'un arbre
Neiges et pluies pénètrent mes épaules
Humus et germes montent dans mes veines
Je suis mémoire et je suis avenir
J'ai arraché au ciel la clarté de mes yeux
J'ai ouvert mes paumes aux quatre vents
Je prends règne sur les saisons
Mes sens sont des lampes perçant la nuit.

Je surprendrai debout le jour naissant

Une hirondelle s'agrippe à ma tempe gauche
Je pressai dans ma main le clair présage

[...]

J'ai allumé un feu sur la haute clairière
Je suis descendu dans l'aine des sources
Le parfum du sol me frappe au visage
La femme aux hanches brillantes d'aurore
L'homme à genoux inventant Dieu
Je suivrai la marche du fleuve
Je connais ensemble hier et demain
Et c'est ainsi qu'il me faut construire

Je découvre ma première blessure
Je plante dans le sol ma première espérance

Espace et temps ô très charnelle phrase

Le Nord et le Sud dans une même figure
L'instant et toute l'année en un pas

Je regarde au plus profond de la terre

C'est de l'homme désormais qu'il s'agit
C'est dans ce pays que j'habiterai. »

C'est un extrait de « Ode au Saint-Laurent » de Gatien Lapointe.

Je me sens très loin de la réalité politique en France ces jours-ci. Il y a eu des périodes plus intéressantes n'est-ce pas ? Mais je pense que les hommes et les femmes politiques qui se servent de la parole des poètes, doivent le faire avec humilité.

Écrit par : Marc | samedi, 11 décembre 2010

@ Ambre :
Toujours beau, c'est vrai, comme à Paris...
@ Nauher :
Renan, je crois, disait que la Bretagne était le pays des merveilles...
@ Marc :
Il y eut des périodes plus intéressantes, en effet... Je n'avais jamais lu un poème entier de Gatien Lapointe, mais il me semble vous avoir entendu parler de lui un jour chez Frasby.
Et j'imagine mal, en effet, un homme politique prendre la peine d'apprendre par coeur et de lire un tel poème... La France, à la remorque de tant d'autres, est devenue le pays des formules creuses et des slogans. Et je me demande ce qu'ils feraient de sa splendide "charnelle phrase".

Écrit par : solko | samedi, 11 décembre 2010

Il y eut... Bien sûr.

Écrit par : Marc | lundi, 13 décembre 2010

Je croyais que vous aviez promis de ne pas parler de la fête des lumières, mais là, c'est florilège. A part ça j'aime beaucoup la métaphore du pas de danse. Il faut rester au poste d'observation, il va y avoir des pépites ce n'est qu'un début, hélas. Il me semble avoir remarqué qu'il est très "tendance" aujourd'hui chez les politiques de faire son "intelligent(e)" voire son "intellectuel(le), (après avoir chanté Cloclo, et je ne sais quelles niaiseries yéyés), aujourd'hui ça fait "genre" que les politiques relèvent leur sauce en râclant les fonds de gamelles des dicos de citations de poésie, (je ne dis pas que René Char est un fond de gamelle, attention ! :) je précise ! mais certains dicos de poésie collent aisément et si près, Philippe Bouvard ("grosses têtes") à Charles Baudelaire ("Les fleurs du mal") qu'il est à présent facile pour n'importe qui de faire son petit effet par la (dis)grâce d'un copier-coller isolé de son contexte, et peut-être que le coach (de vie ? de com ?) a décidé ça, ça met très mal à l'aise, mais bon, tant que la Ségolène ne claironne pas du Barbara "si la photo est bonne" (hors contexte)... N'ayez crainte, je plaisante (mais pas les DRH, ni la Ségolène).

Écrit par : Frasby | dimanche, 12 décembre 2010

@ Fraby :
La Ségolène, comme la Bruni d'ailleurs, a claironné du Barbara ("Ma plus belle histoire d'amour", en l'occurence).
Depuis ce jour, moi qui avais déjà une dent contre elle, j'en ai eu deux....

Écrit par : solko | dimanche, 12 décembre 2010

Voilà un billet qui m'avait bêtement échappé...
En fait on s'habitue à tout, c'est vrai... du coup voilà un narcissisime bien creux... et si peu décisif..

Écrit par : thomas p | dimanche, 12 décembre 2010

Pour la Bruni je savais, elle s'est même occupée de lisser et d'aplatir copieusement W.B.Yeats et les poètes anglais mais pour Ségolène je suis désolée (j'allais vous présenter mes condoléances mais comme c'est passé, bon, euh... En fait j'ignorais que le mal était fait, navrant, navrée) c'est vrai que "Ma plus belle histoire d'Amour" je l'ai vu plusieurs fois massacrée à la starac, (sur des chorégraphies rouges et noires évaporées, qui vous auraient fait trop souffrir, Solko) c'est comme la "Javanaise" c'est passé dans tellement de bouches qui nous ont resservi ça en guise d'immortel et "payant" hommage aux vaches sacrées,(non pas que Rabaraba tois nue vécha masi llee ste crésa) donc vous mettez du Barbara dans la bouche de n'importe qui et ça devient de la "qualité", disons de "la qualité d'aujourd'hui". Comme dit Thomas on s'habitue à tout, même à être humiliés par la platitude, (une platitude qui se transforme peu à peu en "platitude de qualité" :) on oserait pas se plaindre tout de même ? Si ?

Écrit par : Frasby | dimanche, 12 décembre 2010

Et pourtant aussi agacés qu'on puisse l'être, René Char ou Baudelaire ou Barbara appartiennent à tous. Je ne vois pas bien qui pourrait décider qu'untel ou untel n'en est pas digne ou pire: en est digne.Il faut croire que les drh et la star ac et même Carla Bruni sont des humains comme vous et moi: inouï non!Bref il y a quelque chose qui me met mal à l'aise dans cette appropriation. On est toujours la Ségolène ou la star ac de quelqu'un d'autre je crois. Enfin bon, je dis ça parce qu'il faut bien un peu de polémique par ici,crotte c'est au menu non?!?
Et en même temps je dis ça parce que ça me tient à coeur. Ainsi une charmante jeune femme qui faisait une thèse sur George Sand m'a écrit un jour que je n'avais pas le droit de parler d'elle à la légère sur l'éventail!et un type aussi que je n'avais pas le droit de parler de N. de Staël!

Écrit par : Sophie | lundi, 13 décembre 2010

@ Sophie : S'approprier un artiste ou un écrivain (quand on est un artiste ou un écrivain soi-même) c'est déjà périlleux, car c'est suggérer une comparaison qui n'est pas toujours à son avantage. Tel est le cas de Bruni chantant, par exemple, Gottingen... (mais tant et tant d'autres, Pagny et Brel par exemple...)
Dans le cas des politiques, c'est autre chose. C'est une question de posture.
Et puis sur le fond, je ne suis pas certain qu'on puisse à ce point tout "démocratiser" : qu'est-ce que ça veut dire, les artistes "appartiennent à tous" ? Non. Char ou Barbara ne "m'appartiennent" pas... Et si je les cite dans un discours politique, je le précise... Quant à ceux qui se prennent pour...

Écrit par : solko | lundi, 13 décembre 2010

Bien sûr Solko je suis d'accord. Mais quand je dis "appartiennent" c'est dans le sens la ciel et la terre et les arbres nous appartiennent. D'ailleurs, vous voyez très bien ce que je veux dire en fait!Quant à ceux qui se prennent "pour"...ouh la la, alors là on en aurait pas fini! Il y en a tellement qui se prennent pour Rimbaud, pour Céline, ou...pour des écrivains, ou pour des artistes même!Il y en a même qui publient et qui exposent et qui parlent de leurs "travaux"! en fait je crois qu'à mes yeux c'est pire. Au moins Carla Bruni qui chante Yeats eh bien elle chante Yeats et pas des paroles à la con. Encore que je sois capable de préférer des paroles à la con! Voilà: on peut pas discuter avec moi, c'est tout à fait ça!!!!!!!!

Écrit par : Sophie | lundi, 13 décembre 2010

Merci de nous faire connaitre Gatien la Pointe merci Marc ,je ne connaissais pas.
Sophie:Le cœur a ses raisons!!!

Écrit par : voyageuse | mardi, 14 décembre 2010

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