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mercredi, 20 août 2014

Je hais les touristes (3)

 Le touriste est d’abord voyeur (et non voyageur) et dans un second temps raconteur (et non baroudeur) : c'est-à-dire à dire porteur d’images et faiseur d’opinion. C’est pour cette raison qu’il convient à la fois de le bichonner (on se souvient du souci tout particulier de la préfecture de Paris pour les touristes chinois de la capitale, cible privilégiée de vols à la tire), et de surveiller ses déplacements. Cela peut s’effectuer de manière soft, comme dans les pays démocratiques, au nom d’alibis culturels ou d’intérêts esthétiques, qui guident les masses davantage vers un lieu de mémoire,  d’exposition ou de  divertissement. Mais on a aussi tous à l'esprit les parcours imposés par les pays soviétiques aux visiteurs occidentaux (souvent militants) au temps de la guerre froide, des modèles du genre. Nul doute également que dans cette forme effroyable de tourisme dont il est question ICI, les pas de chacun ne soient bien pensés et les itinéraires pour le moins balisés.

L’obscénité, comme son nom l’indique, c’est le fait de chercher à voir ce qui est hors de la scène  -. Dès lors, rien d’étonnant à ce que le tourisme, cet écart effectué par rapport à la scène quotidienne - ne connaisse des dérives aussi effroyables que le tourisme sexuel ou – variante morbide – le tourisme guerrier : le tourisme n’est qu’une des activités du consommateur, qui engage peut-être plus qu’une autre le regard, mais dont le but reste de satisfaire une curiosité, un goût, une émotion, un paraître (à la façon d’un spectacle), et, finalement, ce que les moralistes du grand siècle appelaient un vice.

Une question se pose alors : En 2014, sur les plages, dans les musées, dans les centres villes comme dans les sites naturels, alors que le tourisme modèle (et morcelle) aussi bien le territoire que le calendrier, ce mal nauséeux est-il évitable ? Je veux dire, est-il possible d’y échapper, de voyager sans se sentir – à un moment ou un autre, pris au piège du tourisme, comme on l’est à celui de la consommation durant le reste de l’année ? Car touristes, au fond, nous le sommes tous plus ou moins à un moment ou à un autre, dès lors que nous vivons dans un monde qui nous place en situation de le devenir dès qu'on pose les pieds dehors. A quel point nous nous laissons piéger, c’est affaire d’hygiène de vie intellectuelle. De regard autocritique, de limites posées. 

 

Affirmer que je hais les touristes revient à signifier que je me hais en touriste. Peut-être alors que la meilleure façon d’échapper à ce qui n’est même plus un mal du siècle, mais une véritable pandémie, serait de revenir aux fondamentaux, aux raisons même que nous aurions de nous déplacer sans cesse : et de renoncer aux voyages qui n’auraient pour but que de voir ou de se faire, comme c’est joliment expliquer ICI, pour retrouver des raisons plus évidentes et plus traditionnelles : aller rendre visite à des amis ou effectuer un travail, ou encore, mais cela devient de plus en plus difficile dans un univers sous haute surveillance, partir à l’aventure…

Martha Rosler, Bringing war home

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samedi, 31 mai 2014

Une élection du temps de Merlin

Jusqu’à quel point peut se détériorer une image politique ? Rues barrées par les CRS, agriculteurs et métallurgistes en colère, conseiller du président pris en otage… Et pendant ce temps-là, cet idiot rondouillard à l’air bonhomme fait des petites blagues avec cet autre imposteur qu’est Pierre Soulages au musée de Rodez - Où se perd l’argent public ?… (Salut, au passage, à Monsieur Toublanc, dont j’ai d’abord cru qu’il me faisait un blague, qui laissa hier un joli commentaire en bas de ce billet)

Il est assez savoureux, pendant ce temps-là, de se plonger dans le Merlin. Et notamment dans le chapitre titré « Une succession difficile », qui narre l’accession au pouvoir et l’élection du roi Arthur. En ces temps pré-Googolien (Pré-Googolesque ?),  « on échangea  à cette occasion, dit le conte,  bien des paroles qui ne méritaient pas d’être conservées et retenues ». Rien n’a trop changé, direz-vous, sinon qu’à présent, le web veille.

Autre chose : ce n’était point alors des conseillers en communication qui assuraient l’élection des dirigeants, mais bien plutôt de véritables enchanteurs. Celle d’Arthur fut ainsi prévue de longue date par Merlin : ce dernier usa de ses sortilèges pour prêter un instant au roi Uter les traits du mari d’Ygerne pour lui permettre de coucher avec elle, à condition qu’il s’engageât à lui confier l’enfant dès sa naissance. Puis Merlin porta Arthur à Antor, à qui il demanda de l’élever comme son propre fils. On peut se demander un instant à quoi servit ce tour de passe-passe, puisqu’il semblait davantage desservir la légitimité du futur roi de Logres qu’autre chose. Mais on s’aperçoit très vite, quelques pages plus tard, que le subterfuge s’apparente en fait à une géniale opération de communication médiévale. Il permit en effet à Merlin d’octroyer une double légitimité à son candidat, lorsqu’il le présenta au peuple, seize années plus tard.

Une première fois en tant que prétendant normal (peut-on oser ce mot ?) à la fameuse épreuve de l’épée dans l’enclume que tout le monde tentait de réussir. Lorsque Antor pria l’archevêque de « faire essayer cette épée » à son fils, au même titre que n’importe quel autre sujet du royaume, ce dernier la retira avec une facilité qui déconcerta les spectateurs. « Notre Seigneur, dira l’homme d’église et lui ouvrant les bras, connaît mieux que nous l’identité de chacun !» Mais comme la plupart des barons et le peuple eurent besoin de voir le miracle pour le croire, il fallut le renouveler. De Noël à Pentecôte, (le temps que dure une campagne électorale), Arthur n’eut donc de cesse d’ôter puis de ficher à nouveau dans son socle la fameuse Excalibur, puis de la retirer à nouveau. On testa par ailleurs son programme : On lui fit apporter des joyaux et des bijoux, afin de s’assurer si le futur roi serait ou non « plein de convoitise et d’avidité ». On put juger de sa prodigalité, lorsqu’il redistribua tous ces présents.  Finalement, tous durent se rendre à l’évidence : le jeune homme avait toutes les qualités d’un chef.  Mais les barons les plus récalcitrants refusaient encore qu’un enfant de basse extraction qui n’était même pas chevalier devînt ainsi leur roi.

Il fallut alors que Merlin révèlât la supercherie et la réelle nature des parents d’Arthur. Du coup, il asseyait par un autre moyen la légitimité de son roi : Et par son propre mérite (il était le seul à avoir ôté l’épée et donc à être élu par le Ciel, là où de plus nobles avaient failli), et par la naissance (il était quand même fils de Roi). Au final, les barons les plus récalcitrants eurent beau alléguer que ce n’était qu’un coup monté, ils se retrouvèrent minoritaires, et leurs troupes bien vite décimées par  Excalibur, « dont le nom signifie en hébreu Tranche fer, et acier et bois », qui se révéla quasi miraculeuse dès les premiers combats du roi Arthur. Au vu de ces événements peuvent se comprendre la ruse initiale de Merlin, ainsi que sa grande sagesse. Mais tout le monde n'a pas, c’est vrai, le talent d'enchanteur.

En lisant le Joseph d’Arimathie, puis ce Merlin, je pensais aux grands récits fondateurs que furent L’Eneide pour Rome, l’Iliade pour la Grèce, et ces récits de chevalerie pour la Chrétienté. S’unir dans un mariage de raison et de monnaie à des fins seulement pragmatiques, comme on le propose aux peuples d’Europe aujourd’hui, cela ne suffit pas. On y entend comme un déficit de culture, de grandeur, de rêve, d’histoire même, malgré les images en boucles de commémorations. L’aura du fondateur de la Cinquième République qui maintient ses institutions, quant à elle, suffira-t-elle à compenser dans l’hexagone la médiocrité de l’actuel président français ? Tiendra-t-elle debout trois ans de plus cet ectoplasme, de petites blagues en petites blagues ? Je ne sais. Auguste en personne eut recours à Virgile pour asseoir son empire. Alors je me dis que ce n’est pas de grands hommes que nous manquons le plus, aujourd’hui, mais de grands récits. « Et je voel que tu saces que ma coustume est tel que je repaire volentiers em bois par la nature de celui de qui je fui engendrés »  (Et je désire que vous sachiez, dit Merlin, que je suis fait ainsi que je hante volontiers les forets, en raison de la nature de celui qui m’a engendré)…

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vendredi, 30 mai 2014

Fin de course

Tout respire la fin de course. Les éléments de langage ressassés par les politiciens véreux, la morosité d’événements sportifs qui s’enchaînent, les milliardaires cannois qui s’entre-congratulent à l'occasion d’un palmarès dont tout le monde se fout. Ce n’est pas de l’Europe que les gens sont lassés, mais de la sous culture – ou plutôt du déni de sa propre culture – que les économistes ont engendrée ; pendant ce temps, l’inexorable déclin des moyens de production se poursuit. Depuis l’arrivée du président Plan-Plan, un président d’un autre siècle, vraiment, une sorte de contre-sens, c’est l’équivalent d’une ville comme Lyon qui a été jetée au chômage. Crise, courbe, impôts, euros, impôts, violence, guerre : les infos répètent en boucle les mots d’ordre démonétisés de ce paysage dévasté.

On peut, certes, fermer les écoutilles et se plonger dans son monde à soi. Depuis quelques semaines, quand mon boulot m’en laisse le temps, je vis ainsi au rythme des aventures de Merlin et de Uter, après celles de Joseph d'Arimathie. La Table Ronde tout juste fondée, le duc de Tintagel est mort et Uter s’est empressé d’ensemencer, comme on le disait alors, la noble Ygerne . Le roi Arthur vient donc de  naître, grâce à un divin ou diabolique malentendu sur les apparences, et Merlin vient de le confier, nourrisson, à Antor. Le Graal pour tout salut : Se ressourcer à d’anciens mythes collectifs ; dans la débandade narcissique qui s’est saisie de chacun pour la plus grande joie des marchés et des actionnaires repus, cela ne peut pourtant être qu’un ressourcement individuel, loin, bien loin d’une véritable fête collective, réparatrice. Mais c’est au moins ça. Comme disait les gens d’autrefois, « ça que les Boches n’auront pas ». Ce qui est tout dire...

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Ygerne abusée par Merlin et Uter, iconographie du Merlin, BNF Paris

 

mardi, 27 mai 2014

Soral et la désinformation

C’est très troublant, ce sentiment : vous venez d’assister à une conférence, et de retour à la maison, vous lisez sur le web qu’elle n’a en fait jamais existé.

Retour sur les faits. Gilad Atzmon et Alain Soral étaient attendus hier soir à Lyon – dans un espace jusqu’au dernier moment tenu secret – pour une conférence intitulée  « Les Juifs et les autres ». Avec un titre pareil, le Crif se devait de se dresser sur ses ergots et de demander son annulation. Aussitôt, le préfet Jean-François Carenco se fend d’un communiqué dans lequel il annonce qu’ « au nom de la République », l’événement sera surveillé. Il s’indigne «de la tenue d'une telle manifestation, au titre raciste par nature puisqu'il oppose des hommes et des femmes entre eux, et dont le principal animateur Alain Soral attise régulièrement les haines qui rongent la République ». Prévue initialement dans une salle de Lyon 5eme (lire détail ICI), nous apprenons, mon épouse, deux amis et moi, qu’elle se déroulera finalement à Meyzieu.

Nous voici donc en route pour la zone péri-lyonnaise, au-delà du boulevard Laurent Bonnevay, à louvoyer entre des hangars, des réverbères, des ronds-points et des champs. Nous traversons Décines (où j’ai quelques souvenirs douloureux). Il est environ 18h30. Le ciel assombri se met à pisser, d’abord goutte à goutte. Bientôt des trombes d’eau surprennent la file de gens calmes qui attendent devant un perron. Sous les parapluies s’engagent des conversations, et je peux apprécier à la fois  la variété et la patience du public venu jusqu’ici. Il faut passer par une fouille des poches avant d’entrer dans la salle qui est très vite emplie.

Très étrange sentiment, en parcourant des yeux cette assemblée où se côtoient ceux que partout ailleurs on oppose avec une virulence qui frôle à certains moments l’hystérie. Ce pourrait être une salle de classe. Règne ici quelque chose qui pourrait s’appeler la paix des banlieues, entre l’agora et le café juste en face du supermarché. Que cette modeste réunion (500 personnes tout au plus) soit placée soudainement au cœur d’une telle effervescence médiatique et policière en France me laisse songeur. Que sommes-nous devenus ? Des amalgames, même, des sous-entendus nauséeux soulevés avec la tuerie de Bruxelles et les agressions antisémites de Créteil. Où sommes-nous ? Encore en France, dans le pays de la libre contradiction ? 

La conférence de Gilad Atzmon porte – si je devais la résumer en une phrase – sur la formation comparée des élites depuis les temps médiévaux, dans la Diaspora et dans les nations (ce qui explique le fameux et les autres ). Il appuie sa démonstration sur des courbes de Gauss, pour mieux définir ce que la formation des élites juives a eu d’exceptionnel et de radicalement original par rapport à d’autres cultures. Il en vient à expliquer les ressorts du rapport de domination de l’élite juive, à la fois sur les juifs des ghettos, et sur le reste des élites mondiales, à partir de la fin du XIXème siècle. Rien d’insultant, de discriminant, ni d’antisémite. Soral intervient alors pour parler « des autres », et le débat se déplace inévitablement sur ce prolétariat moderne, dans lequel ceux qu’on appelle français de souche et ceux qu’on appelle beurs partagent et partageront encore longtemps les mêmes tours, les mêmes stades et les mêmes bancs d’école. Et sur le pouvoir des pratiques individuelles du logos, seul à même de réconcilier, au-delà des propagandes gouvernementales et des intérêts des classes dominantes, ceux dont l’intérêt bien compris serait malgré tout de s’unir.

Je songe un instant à Kabir, ce saint qui chercha en son temps, à pacifier hindous et musulmans. Pas étonnant que Soral ait tant d’ennemis, tant d’ennuis, au fond. Le syncrétisme - quelle qu'en soit la forme - n’est acceptable des Puissants que s’ils peuvent revendiquer qu’ils en sont l'origine et s'ils savent qu’ils en tirent seuls les ficelles : or décider de réunir ou de séparer les deux extrêmes, c’est faire de la politique – même si le mot n’est jamais prononcé. Soral plaide pour le territoire national conçu comme espace de réconciliation, où devra fatalement se réaliser un tel syncrétisme, et ce dans le prolongement d’une très longue histoire : on peut être ou non d'accord, dialoguer, contredire. Cela s'appelle la liberté de penser. Et c'est ce que menace en France aujourd'hui un ordre politicien qui a toutes les apparences du véritable extrémisme ...

On recherche donc en vain dans cette prise de position certes engagée et violemment antisioniste une pensée d'ordre véritablement antisémite et surtout un appel à la haine. Soral souligne de son côté à plusieurs reprises l'ineptie de s'en prendre à ceux qu'il appelle les Juifs du quotidien. Ses ennemis diront toujours qu'il adopte là une posture ou une précaution oratoire, parce que tout dans le discours politicien, au contraire du logos, se borne désormais à des postures et qu'après tout, on peut tout autant qu'un autre tenter de réduire son discours à un discours politicien. Mais c'est ignorer que si les éléments de langage sur lesquels reposent la propagande officielle peuvent se retourner au gré des circonstances, le logos lui ne peut se retourner qu'en dénonçant une vraie faille de raisonnement.

Pendant que je discute avec un jeune prêtre en soutane de la théologie de la substitution, mon épouse se fait dédicacer un exemplaire des Dialogues Désaccordés écrits avec Naulleau, et lui offre un de mes Béraud de Lyon. Je ne quitte pas la salle sans lui serrer chaleureusement la main. Ce qui ne signifie évidemment ni un accord, ni un désaccord, mais quelque chose d'un autre ordre et d'une autre nature  : une reconnaissance. 

Le lendemain, le journal Le Progrès retrace à sa manière le « pied de nez que Soral et ses amis ont fait lundi soir aux médias qui ont annoncé en chœur l’annulation de sa sulfureuse conférence ». Franchement, j’ai entendu plus sulfureux ! Subversif conviendrait sans doute mieux, surtout face à l’ordre moral à la fois bêtifiant, absurde et terroriste, qui tente de maintenir dans la fidélité de l'ignorance une bonne part de sa jeunesse, qu'elle soit estampillée blanc,black ou beur,comme pour en faire une forme nouvelle et matée dès le berceau de prolétariat. 

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Gilad Atzmon et Alain Soral à Meyzieu

 

lundi, 26 mai 2014

Le bruit et la durée

On a du mal à comprendre -et on comprend aussi fort bien-,  à quelle nécessité politicienne  obéit – en attendant la Coupe au Brésil – le bruit médiatique qui entoure les résultats des élections européennes en France. Un président archi-minoritaire et désavoué (au point qu’à Stains, par exemple, son électorat a chuté de 44,67% à 8,92% en deux ans ) n’a plus grand-chose à dire ni à faire à la tête de l’Etat, sinon y faire du bruit, en espérant durer ainsi jusqu’en 2017. C’est à cela que sert le petit communicant Valls : faire du bruit. Il faudrait cependant lui apprendre à moins froncer les sourcils ni hausser le menton, s’il veut être un tant soit peu entendu.

Le bruit consiste donc à transformer le score du FN en événement dramatique, en prenant des postures d’indignés, de désolés, de dégoûtés, ou de fatalistes : On a dans la République toute la gamme Pantone. Alors que chacun sait que cela ne représente en rien un danger : le centre droit est au pouvoir à la Commission européenne, les fédéralistes sont toujours majoritaires et pourront même durcir le ton pour mener leurs guerres ou signer leurs traités scélérats dans le dos des électeurs.

Chacun feint de ne pas comprendre le séisme en perpétuant des analyses bidonnées, à partir d’une grille d’analyse et de lecture vieillie parce que datant de la Seconde Guerre Mondiale et de la Shoah. C’est évidemment oublier Maastricht, la réunification de l’Allemagne sous la botte libérale américaine, et le déni par Sarkozy et Hollande du référendum sur le traité européen. Car c’est Maastricht, Merkel et le déni du référendum par des prétendus démocrates qui ont placé le FN où il se trouve. Et l’on sait depuis longtemps que l’électorat du FN se constitue à partir d’un mariage de raison, inévitable face aux fédéralistes français, entre identitaires et souverainistes. C’est pourquoi, à 88 ans, le fondateur du FN obtient à Vénissieux 27,06 % des voix quand, dans le très sélect 6ème arrondissement à Lyon, il n’arrive qu’en quatrième position avec 11,91% et en cinquième position dans Lyon/Croix-Rousse, paradis du bobo écolo, avec seulement 9, 87%. Regardez les scores de sa fille dans le Nord, le constat est le même.

Alors les dirigeants nationaux n’ont plus le choix s’ils veulent éviter l’inexorable progression de cette dernière : pour réduire le vote identitaire, réduire le chômage et réguler l'immigration; pour réduire le vote souverainiste, renégocier les traités. Mais au lieu de cela, Hollande, pingouin, de plus en plus  isolé sur sa banquise, premier notable arrogant d'un parti en déroute, ne peut que choisir de faire du bruit pour durer. Et du bruit bien médiocre,est-il capable d'en produire un autre ? Plus encore que Mitterrand  son mentor, il sera comptable devant l’histoire de tous les troubles, de tous les drames qu’une telle posture ne manquera pas d’engendrer. Cela s'appelle la responsabilité.Les dénoncer d’un air contrit la main sur la couture ne suffira pas à s’en dédouaner.

Décidément, il est bien le pire des présidents que la  Cinquième République aura produite. Un nain au volant d’un Airbus, qu’il est en train de projeter dans le décor, tout le pays et sa souveraineté dans sa suite. Une politique maladroite,conduite par un amateur,diront certains. La politique de ses maîtres, plus vraisemblablement, visant au fédéralisme européen le plus totalitaire, à l'image - en pire même - de celui, américain.

13:07 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : fn, euro2014, hollande, europe, france, maastricht, merkel, politique, bruit médiatique | | |

samedi, 24 mai 2014

Le dernier mensonge d'un trop long règne

« La démocratie est inséparable de la souveraineté nationale»,  disait De Gaulle. Sur cet extrait du débat entre Philippe Séguin et François Mitterrand de 1992, on voit le premier expliquer au second, en charge pour quelques longs mois encore de la dissolution du pays dans une construction fédérale aujourd’hui bien en cours, pourquoi ces deux notions vont inévitablement de pair. Et c’est édifiant, à la veille d’un vote européen, de réécouter Seguin en train de prévoir l’impuissance des successeurs de ce rusé et matois vieillard (impuissance dont l’actuel locataire de l’Elysée est l’héritier caricatural, à la fois effrayant et ridicule). Lorsque, à la toute fin de l’extrait, Seguin interpelle Mitterrand en mettant en doute la possibilité qu’auront ces successeurs là de mener une politique nationale libre et souveraine, l’assurance avec laquelle Mitterrand affirme : « le traité de Maastricht le permettra» en dit long sur la duplicité de son long règne. Et de fait,  il aura fallu le mensonge et l’autorité de ce rusé et matois vieillard pour faire basculer le vote de Maastricht du sinistre côté.  


Sur son blog Off-shore Philippe Nauher nous propose de réécouter Philippe Seguin, « dernier homme politique français », lors de son discours contre le traité de Maastricht à l’Assemblée Nationale, cette même année 1992. Ce qui a été fait, disent tous les progressistes, peut être défait. Dont acte. 

jeudi, 22 mai 2014

La zone me rend triste.

C’est devenu une mode, Valls aidant, une tendance de se proclamer patriote, français. Je l’entendais brailler dans un poste tout à l’heure, le Manuel :  « Moi j’ai choisi la France, ce qui ne m’empêche pas de me sentir  fier de mes origines catalanes. » Grand bien lui fasse. D’ailleurs, il fait son meeting de campagne à Barcelone pendant que l’Allemand Martin Schultz dégoise dans l’hexagone. On nous prépare au fédéralisme, à petites doses. Moi, me dis-je en entendant le tout jeunot Prime Minister moi, je n’ai pas choisi la France. Je suis tombé dedans quand je suis né, un peu comme Obélix dans la potion magique. Et ça a fait un grand plouf. 

L’autre jour,  nous étions quatre profs attablés à une pizzeria. L’une (prof d’espagnol) commence à  expliquer que sa famille maternelle vient de Murcie, d’un ton très feutré. Une autre (prof de gestion) réplique que du côté de son père, on était catalan. La dernière (prof d’anglais) est née au Maroc. Soit. On dirait de nouveaux aristocrates se régalant de leurs frais blasons. L’ambiance est très cosy, bobo (très prof), ça fait aussi parvenu, sans réelle hauteur d’esprit. Vous me direz, à l’heure des pizzas... Me dis soudain qu’il n’y a plus que moi dans cette honorable assemblée à n’avoir pas le passeport élargi de la zone. A être par conséquent un vrai roturier. « Ma mère est née à la Croix-Rousse et mon père à Villeurbanne », je lâche, un brin excédé par cet entre soi gélatineux qui feint de se trouver des accointances. « Mais j’ignore lequel a traversé  le Rhône le premier.» Et je rigole un coup, parce que je sens qu’on se demande autour de moi si c’est du lard ou du cochon, et quelle réaction il convient d'adopter. Cosy, bobo, n'est-ce pas.... 

Oui ça me fait chier ce souci d’être français et cette fierté d'être d'ailleurs, revendiqués comme un compte en banque bien garni, parce que je ne me sens pour ma part pas fier d’être français, juste français. Et encore : La culture française s’est tellement dilapidée, dégradée ! A moitié moins français que mes parents, et pour un quart seulement quand je pense à mes grands parents. Je me souviens de ce que prophétisait cet irakien rencontré un jour, à propos des Américains : « Ils veulent qu’il y ait autant de différences entre moi et mon petit-fils qu’entre vous, Français, et vos grand-pères.» (LIre ICI) Oui, la zone me rend triste. La zone sonne faux. Elle est en toc, emplie à nouveau d'imbéciles heureux qui sont nés autre part. chanterait Brassens s'il revenait parmi nous, Parce que cette sociabilité des origines n’a pas plus lieu d’être chez les nouveaux ou récents arrivants que chez les Français de souche, comme on dit dans la presse dite progressiste, pour ne pas dire les Deschiens. Sale presse, sale époque,où l’esprit se réduit comme une peau de chagrin, et la sociabilité, livrée à la seule dimension du consumérisme normé, n’a pas plus de goût que la crème allégée qu‘on nous sert en dessert....

07:00 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : france, français, europe, société, culture | | |

lundi, 12 mai 2014

Quitter l'Europe, sortir de l'Histoire et autres éléments de langage

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Manuel Valls l’a répété hier soir sur TF1, « sortir de l’Europe, ce serait sortir de l’histoire ». Outre le fait que la France ne peut ni sortir de l’Europe (la réelle Europe géographique), ni sortir de l’Histoire, et qu’on se trouve typiquement face à un élément de langage, la répétition de cette formule rhétorique a le mérite de mettre l’accent sur l’idéologie qui se trouve derrière la construction européenne en cours, et qui n’a rien à voir avec l’Histoire des peuples, qu'ils soient européens ou non, c’est le moins qu’on puisse dire !  Cette idéologie, théorisée par Francis Fukuyama est celle de la fin de l’Histoire, une fin de l’histoire heureuse qui serait rendue possible par le triomphe de l’ultralibéralisme sur les souverainetés nationales, de la culture du libre marché mondialisé et de la propagande des mass-médias qui la porte sur le débat démocratique ou la liberté  d’expression individuelle.

 Son avènement effectif n’est possible que si les dirigeants actuels parviennent à accoucher de cette Europe fédérale à laquelle ils cherchent à soumettre les peuples, malgré leurs histoires, leurs cultures, leurs langues, leurs religions respectives. C’est entre autre à cela que sert le traité transatlantique dont on se garde, dans les partis dominants (PS & UMP), de trop entretenir le chaland. L'Europe qu'ils veulent construire est le lieu même de la fin de l'Histoire.

Etant français, nous sommes, de fait, européens. Cela ne signifie pas que nous devrions être ipso facto pour la destruction progressive des cultures européennes au profit de celle, américaine, de la consolidation d’un marché libéral anglo-saxon ouvert avec les USA, pour  la disparition de l’influence du christianisme au profit d’une idéologie du chacun pour soi on est tous égaux, pour la sanctuarisation progressive de l’idéologie du multi-cultarisme, facteur de violences identitaires et d’anesthésie culturelle  ni, après la disparition des frontières et des monnaies, pour celle  des nations au profit d’une coagulation fédérale, monétaire et financière qui ne pourra que ressembler – en bien pire – aux USA, dont elle ne sera que la caricature infernale. Cela ne signifie pas - autrement dit - que nous devrions militer pour la fin de l’Histoire

Les Français sentent bien que ça magouille sec derrière leur dos. Jamais le Front National n’a été si haut dans les sondages, et cela n’est pas dû au talent soudain de leurs dirigeants, mais à ce sentiment que ceux qui sont censés l’incarner remettent en question l’idée même de Nation. Un exemple parmi d’autres : le mille feuille territorial (splendide élément de langage), dont un sondage récent prétend que la majorité des gens serait pour qu'on le supprime. Cette réforme nous est vendue comme un choc de simplification censé faire faire  des économies au pays, alors qu’il s’agit  plutôt de le débarrasser de ces cellules administratives historiques que sont communes et départements, qui demeurent comme des poches de résistance à la gestion européenne de la nation française, afin de mettre en place plus facilement ce fameux fédéralisme entre grands pôles régionaux en compétition. Si Hollande était si sûr que les Français approuvent ce projet, pourquoi refuserait-il de faire un référendum ?  Parce que, disent les communicants politiques, il le perdrait forcément en raison de son impopularité ! On nage en pleine incohérence, en pleine absurdité. En pleine langue de bois, en pleines inversions langagières également;

Comme quand on assimile le fait de quitter l’Europe à sortir de l’Histoire : si ce qui se construit avec ce fédéralisme européen gouverné par une Banque privée en accord avec les USA est bien la fin de l'Histoire, quitter cette Europe là, c'est bel et bien au contraire réintégrer l’Histoire, et non en sortir ! Les libéraux appellent cela revenir en arrière, on pourrait tout aussi bien dire bondir en avant ! Et rester avec eux dans cette zone infernale serait au contraire véritablement en sortir (de l'Histoire). Quitter l’Europe, c’est reprendre en mains son histoire. Le prix du courage politique, ce qui n’est pas rien. Certains peuples le savent - ou l'ont su - mieux que d'autres.

00:17 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manuel valls, europe, france, culture, souveraineté, nation, politique, sortir de l'histoire, fukuyama | | |

samedi, 10 mai 2014

Le cercle vicieux du pouvoir

Ceux qui croient en une évolution de l'homme et un progrès moral possibles, ceux qui voient dans le politique et la démocratie une échappée à la misère de l'homme peuvent méditer sur ces quelques lignes de Tolstoï, couchées sur son Journal, le 10 février 1906. Il y décrit avec une belle lucidité la formation progressive de ce qu'il nomme le cercle vicieux du pouvoir. J'ai placé entre guillemets les citations exactes de Tolstoï et résumé par ailleurs les étapes intermédiaires de son raisonnement. La situation dans laquelle nous nous trouvons ressemble, de fait, à celle où se trouvaient les hommes de ce temps, les moyens de propagande par mass-médias et les avancées technologiques de ces dernières décennies en moins.

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Les hommes délèguent le pouvoir à ceux qui se chargent de les gouverner  pour « n’être pas enlevés à leurs affaires et ne pas être contraints, à l’encontre des exigences de leur vie spirituelle, à participer aux dispositions de l’autorité ». Autrement dit, ils délèguent le pouvoir à d’autres par une sorte de souci  de confort, à la fois matériel et spirituel.

« Les hommes investis du pouvoir l’utilisent non pas pour ce en vue de quoi il leur a été donné, non pas pour arranger les affaires communes, mais ils l’utilisent pour leurs propres buts, cupides, ambitieux, et cela se répète partout où il y a un pouvoir, du maire et du sergent de police aux rois et aux empereurs.»

Dès lors, les assujettis se soulèvent (révolutions), le pouvoir est alors remplacé par un autre.

Et lorsque la situation se répète trop souvent, les assujettis «s’efforcent de limiter le pouvoir à un petit nombre de gens, ce qui crée une oligarchie», mais ne change rien à la situation.

Alors les assujettis s’efforcent de limiter aussi ceux qui limitent le pouvoir suprême, « et s’instaure une Constitution qui est de plus en plus celle de tout le peuple, démocratique »

« Mais pour que les assujettis puissent réellement limiter ceux qui gouvernent par l’organisation d’élections ; de protestations, il est nécessaire que les assujettis s’occupent constamment et activement de ces moyens de limitation du pouvoir. Or s’occuper de ces moyens de limitation prive les assujettis de la liberté, du loisir de s’occuper de leurs affaires et les entraîne dans la participation au pouvoir, c’est-à dire dans cela même pour quoi les hommes ont renoncé au pouvoir et l’ont remis à d’autres. Il s’ensuit un cercle vicieux : Le seul moyen de limiter le pouvoir est la participation au pouvoir.

Mais la situation durant tout le processus historique qui vient de se dérouler s’est considérablement dégradée : les assujettis qui participent au pouvoir se trouvent en présence «non plus de simples problèmes d’organisations sociales, mais de complications les plus variées» Apparaissent des dettes insolvables contractées antérieurement, apparaissent d’énormes richesses constituées durant l’activité du pouvoir et grâce à lui, et la misère de classes entières, causée elle aussi par les actes de ce pouvoir.

La difficulté de résoudre ces problèmes, pour les hommes de la nouvelle époque qui participent au pouvoir «réside dans le fait que la conscience morale et religieuse – les idéaux des hommes de la nouvelle époque – sont entièrement autres que ceux au nom desquels se perpétraient ces actes, ces embarras dont les hommes de notre temps doivent prendre part.»

19:29 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tolstoï, pouvoir, politique, europe, russie, littérature | | |