lundi, 12 mai 2014
Quitter l'Europe, sortir de l'Histoire et autres éléments de langage
Manuel Valls l’a répété hier soir sur TF1, « sortir de l’Europe, ce serait sortir de l’histoire ». Outre le fait que la France ne peut ni sortir de l’Europe (la réelle Europe géographique), ni sortir de l’Histoire, et qu’on se trouve typiquement face à un élément de langage, la répétition de cette formule rhétorique a le mérite de mettre l’accent sur l’idéologie qui se trouve derrière la construction européenne en cours, et qui n’a rien à voir avec l’Histoire des peuples, qu'ils soient européens ou non, c’est le moins qu’on puisse dire ! Cette idéologie, théorisée par Francis Fukuyama est celle de la fin de l’Histoire, une fin de l’histoire heureuse qui serait rendue possible par le triomphe de l’ultralibéralisme sur les souverainetés nationales, de la culture du libre marché mondialisé et de la propagande des mass-médias qui la porte sur le débat démocratique ou la liberté d’expression individuelle.
Son avènement effectif n’est possible que si les dirigeants actuels parviennent à accoucher de cette Europe fédérale à laquelle ils cherchent à soumettre les peuples, malgré leurs histoires, leurs cultures, leurs langues, leurs religions respectives. C’est entre autre à cela que sert le traité transatlantique dont on se garde, dans les partis dominants (PS & UMP), de trop entretenir le chaland. L'Europe qu'ils veulent construire est le lieu même de la fin de l'Histoire.
Etant français, nous sommes, de fait, européens. Cela ne signifie pas que nous devrions être ipso facto pour la destruction progressive des cultures européennes au profit de celle, américaine, de la consolidation d’un marché libéral anglo-saxon ouvert avec les USA, pour la disparition de l’influence du christianisme au profit d’une idéologie du chacun pour soi on est tous égaux, pour la sanctuarisation progressive de l’idéologie du multi-cultarisme, facteur de violences identitaires et d’anesthésie culturelle ni, après la disparition des frontières et des monnaies, pour celle des nations au profit d’une coagulation fédérale, monétaire et financière qui ne pourra que ressembler – en bien pire – aux USA, dont elle ne sera que la caricature infernale. Cela ne signifie pas - autrement dit - que nous devrions militer pour la fin de l’Histoire
Les Français sentent bien que ça magouille sec derrière leur dos. Jamais le Front National n’a été si haut dans les sondages, et cela n’est pas dû au talent soudain de leurs dirigeants, mais à ce sentiment que ceux qui sont censés l’incarner remettent en question l’idée même de Nation. Un exemple parmi d’autres : le mille feuille territorial (splendide élément de langage), dont un sondage récent prétend que la majorité des gens serait pour qu'on le supprime. Cette réforme nous est vendue comme un choc de simplification censé faire faire des économies au pays, alors qu’il s’agit plutôt de le débarrasser de ces cellules administratives historiques que sont communes et départements, qui demeurent comme des poches de résistance à la gestion européenne de la nation française, afin de mettre en place plus facilement ce fameux fédéralisme entre grands pôles régionaux en compétition. Si Hollande était si sûr que les Français approuvent ce projet, pourquoi refuserait-il de faire un référendum ? Parce que, disent les communicants politiques, il le perdrait forcément en raison de son impopularité ! On nage en pleine incohérence, en pleine absurdité. En pleine langue de bois, en pleines inversions langagières également;
Comme quand on assimile le fait de quitter l’Europe à sortir de l’Histoire : si ce qui se construit avec ce fédéralisme européen gouverné par une Banque privée en accord avec les USA est bien la fin de l'Histoire, quitter cette Europe là, c'est bel et bien au contraire réintégrer l’Histoire, et non en sortir ! Les libéraux appellent cela revenir en arrière, on pourrait tout aussi bien dire bondir en avant ! Et rester avec eux dans cette zone infernale serait au contraire véritablement en sortir (de l'Histoire). Quitter l’Europe, c’est reprendre en mains son histoire. Le prix du courage politique, ce qui n’est pas rien. Certains peuples le savent - ou l'ont su - mieux que d'autres.
00:17 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manuel valls, europe, france, culture, souveraineté, nation, politique, sortir de l'histoire, fukuyama |
jeudi, 24 avril 2014
Du story-telling européen et autres fadaises électorales
Dominique Reynié est agrégé en sciences politique, politologue à Sciences Po, directeur de la fondation pour l’innovation politique, un think-tank proche de l’UMP. C‘est à ce titre qu’il intervient souvent dans les media mainstream, radio ou télé, pour chanter la bonne parole auprès de ses confères de gauche, et constater son naufrage tout en même temps. Son bouquin sur les populismes européens vient parait-il d’être réédité en poche.
L’approche des européennes et les sondages donnant Marine Le Pen en tête dans plusieurs régions l’incitent à voleter de plateaux en plateaux pour dénoncer ce qu’il appelle « l’absence de récit européen » de la part des partis institutionnels, absence qui serait cause selon lui de la fameuse montée des populismes. Vilains électeurs récalcitrants à la messe officielle. Et l’expert en marketing politique d’expliquer que le storry telling traditionnel qui a poussé les peuples à voter Oui à Maastricht (vous savez, le fameux plus jamais ça, l’Europe c’est la paix et bla bla bla) est cuit, raide mort, défunté, parce qu’il ne colle plus à la réalité vécue des gens, et qu’il faut en inventer un autre urgemment avant que la baraque ne flambe entièrement. Pour que le loup sorte ainsi du bois, il doit y avoir en effet le feu bien que les pékins moyens et désinformés que nous sommes ne le pensent.
Cela dit, quel aveu que ce discours de Dominique Reynié ! Cela revient tout simplement à constater que sur la scène des grands mensonges politiques, il en manque un, pour faire voter les peuples comme il faudrait, et c’est un mensonge européen ! Il propose donc ce storry telling renversant d’imagination : « L’Europe comme entrée heureuse et fraternel dans la globalisation planétaire… » Le reste étant, bien entendu, le malheur, la guerre, le chaos….
C'est prendre les choses à l'envers : Nous savons tous que si les populismes montent, ce n’est pas en raison d’un complot de forces fascistes occultes qui gangrènerait des cervelles incultes, mais parce que ce qu’on continue (jusqu’à quand ?) d’appeler la construction européenne laisse sur le carreau des millions de gens qui n'en peuvent plus de l'arnaque... Une construction sans cohérence politique, sans frontière définitivement fixes, sans calendrier électoral commun. Devant ce machin branquignole, chacun comprend qu’il n’y a que deux solutions : soit un fédéralisme total, à l’américaine (conforme au plan Obama qui est en train de répandre en Pologne ses soldats pour faire front à Poutine), soit un retour à l’Europe des Nations. L’Europe des Nations qui n’est pas du story telling, mais une réalité vécue par les peuples sur un plan historique et culturel depuis des siècles sur le vieux continent. Une réalité qui, comme tout ce qui tient du Réel, gêne, ennuie, qu’on aimerait passer à la trappe mais qui, par bonheur, résiste. Une réalité dont on voudrait nous faire croire qu'elle n'a semé que la discorde, quand elle fut aussi le creuset de l'art, de la culture, de l'architecture, et de toute la civilisation dont nous sommes les héritiers honteusement blasés.
L’argument des fédéralistes est toujours le même : la nation serait fauteuse de guerre et de discorde, le fédéralisme de paix et de concorde. Cependant, nous savons tous que ce n’est pas à la zone euro que nous devons la paix, ni à la diffusion de théories pacifistes tout azimuts, mais plutôt à la dissuasion nucléaire, à la colonisation culturelle et à l'hégémonie économique américaines durant la Guerre Froide, à la prospérité des Trente glorieuses et peut-être aussi à la lassitude toute légitime qui a suivi les deux derniers conflits mondiaux plus que déments. Mais l’Amérique est aujourd’hui en faillite, les Trente Glorieuses sont derrière nous, nous ne sommes plus les seuls à posséder la dissuasion nucléaire, et une génération nouvelle arrive, minoritaire parmi les vieux en Europe. Enfin, à force d’être galvaudé et de se diluer dans un consumérisme aussi douillet qu’imbécile, l’idéal pacifique a perdu de son panache aux yeux de beaucoup, pour n'être plus que la garantie de passer une vieillesse heureuse dans ses pantoufles, pas de quoi faire rêver une jeunesse avide légitimement de combats spirituels d'une autre portée..
A l’heure où la Commission Européenne semble prête à signer avec les USA un traité transatlantique signant l’arrêt de mort des Etats nations, historiques, la question qui demeure pendante est celle-ci : les véritables fauteurs de guerre, de désordre et de misère sont-ils les partisans des nations, ou ceux qui cherchent à prendre le contrôle du monde en les abolissant ?
Quand on pose les choses ainsi, il n'est plus question de story-telling électoral, mais de politique réelle, chacun doit y songer. Une Europe fédérale pilotée par une banque privée soumise aux volontés militaires et aux intérêts économiques américains est un état totalitaire, quel que soit le conte de fées que les experts en marketing nous vendent. Et donc préférera-t-on la structure de la nation ou bien celle de l’Etat totalitaire ? A chacun d'y songer et à chacun de parler et d'agir en conséquence.
Dominique Reynié : L'Europe manque d'un story-telling pour captiver les peuples...
06:14 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : reynié, europe, think-tank, france, politique, nation |